Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur l'aide de l'Union européenne à l'Autorité palestinienne, à Bruxelles le 25 mars 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Rencontre avec le groupe interparlementaire du Parlement européen sur le Moyen-Orient, à Bruxelles le 25 mars 2008

Texte intégral

Monsieur le Président, merci de votre invitation. Nous étions très en faveur d'une participation du Parlement européen à la Conférence internationale des donateurs pour l'Etat palestinien organisée à Paris le 17 décembre car vous jouez un rôle fondamental.
Vous êtes la représentation de l'ensemble des citoyens européens, vous représentez en ce sens la volonté générale européenne. Vos prises de positions ont beaucoup de poids et ce poids ira grandissant. Les nouvelles dispositions prévues par le Traité de Lisbonne reconnaissent ce rôle croissant.
Vous êtes en outre, aux côtés du Conseil, l'autorité budgétaire. Sans vos efforts lors des discussions pour le budget 2008 et le formidable travail de la Commission européenne, le soutien à la population palestinienne, à l'Autorité palestinienne et au processus de paix, n'aurait absolument pas la même ampleur. Vous avez su accepter un effort budgétaire supplémentaire pour faire face aux difficultés financières de l'Autorité palestinienne. Il importera de maintenir cet engagement cette année.
Je sais que Shimon Pérès et Mahmoud Abbas viendront s'exprimer devant votre assemblée. Une preuve de plus de la considération que les principaux acteurs du dossier ont de votre rôle.
J'aimerais vous demander votre soutien aujourd'hui et encore lors de la Présidence française de l'Union européenne.
Vous connaissez l'investissement concret de la France au Proche-Orient. Celui-ci s'est renforcé depuis la Conférence internationale des donateurs pour l'Etat palestinien organisée à Paris en décembre 2007. Notre objectif est clair, il est contenu dans l'intitulé même de la conférence. Nous voulons contribuer, par le suivi de la Conférence de Paris, à poser les bases d'un Etat palestinien viable, démocratique et indépendant. Exactement cet Etat que vous décriviez dans votre résolution du 12 juillet 2007.
Nous avons choisi d'exercer avec les co-présidents un suivi étroit de la conférence. C'est inédit. Nous aurions pu nous contenter d'annoncer un chiffre puis nous disperser. Nous n'avons pas fait ce choix.
J'en profite ici pour remercier la commission, et plus particulièrement Mme Benita Ferrero-Waldner, M. Jonas Gahr Stoere et M. Tony Blair pour leurs efforts incessants et leur mobilisation.
A nos yeux, le suivi de la Conférence de Paris est un levier concret par lequel nous pouvons mettre en conformité nos actes avec nos paroles et contribuer concrètement à l'édification de l'Etat palestinien.
Rappelons quand même que 7,7 milliards de dollars ont été recueillis (pour une demande de 5,6 milliards), que la communauté internationale était réunie pour soutenir cette idée d'un Etat palestinien, qu'Israël a soutenu la démarche d'ensemble et que l'Autorité palestinienne nous a présenté un plan de réforme et de développement convaincant et endossé par les institutions de Bretton Woods, le FMI et la Banque mondiale.
Où en sommes-nous fin mars 2008 ? Plus de 500 millions de dollars d'aide budgétaire ont été effectivement versés à l'Autorité palestinienne, même si, sur la base de promesses, le déficit 2008 n'est pas totalement couvert. Je salue la mise en place rapide de PEGASE qui permet de venir en aide à la population via de multiples canaux et passer de passer d'une logique d'assistance d'urgence à la population à des actions plus structurantes au service des Palestiniens. J'imagine que le mode de fonctionnement de PEGASE se modifiera à mesure que se construiront les capacités de l'Autorité palestinienne.
On observe une forte mobilisation des Palestiniens autour d'un projet et d'une stratégie, une professionnalisation de l'administration, une réelle volonté d'assainir les finances publiques, des décisions courageuses de politique économique et des efforts considérables pour réformer les services de sécurité. La participation israélienne, je suis au regret de le dire, est insuffisante. Les conditions de circulation n'ont pas été améliorées et les obstacles demeurent. Nous devons trouver le chemin pour montrer à Israël que tout ce que nous faisons est dans son intérêt.
Nous insistons sur le fait qu'Israël doit maintenant faire des gestes concrets et visibles sur le terrain, sans quoi nous courrons un grand risque de voir Mahmoud Abbas et Salam Fayyad définitivement affaiblis et les radicaux renforcés.
Nous rappelons et le président de la République l'a fait très directement lors de la visite d'Etat de Shimon Pérès, notre condamnation de la poursuite de la colonisation. Y compris les extensions de colonies existantes qui sont contraires aux engagements pris au titre de la Feuille de route et qui mettent en cause la viabilité du futur Etat palestinien.
Nous soulignons les réels efforts mis en oeuvre par l'Autorité palestinienne pour améliorer la situation sécuritaire, notamment à Naplouse. Tony Blair a souligné ces importants progrès. L'Autorité palestinienne doit faire plus et Israël doit maintenant coopérer pour que ces efforts soient pérennes.
Nous souhaitons faire avancer des projets concrets. Nous appelons à la levée du blocus de Gaza. Comme vous l'avez souligné dans votre résolution de février dernier ainsi que lors de l'ouverture de la session plénière de mars, cette situation n'est pas tolérable moralement et humainement. Nous devons adresser des messages très directs à Israël pour lui dire que cette approche est contre-productive. Elle punit la population, sans porter atteinte aux activistes, elle renforce politiquement le Hamas, affaiblit l'Autorité palestinienne et détruit les infrastructures économiques de Gaza. Chaque jour qui passe aggrave la situation.
S'agissant du Hamas, nous devons faire face à nos contradictions. Nous avons encouragé les élections démocratiques. Nous avons eu raison de le faire. Nous avons boycotté le résultat. Nous avons eu tort. Apprenons de nos erreurs et avançons. Sans rien concéder sur le fond : le Hamas doit être encouragé dans la voie politique et du processus de paix. Il doit reconnaître les principes qui guident ce dernier : renonciation à la violence, reconnaissance de la solution à deux Etats, reconnaissance des accords passés.
Je pose la question clairement : peut-on faire la paix à moitié, avec la moitié d'une population ? La réponse est clairement non. Gaza doit être réinsérée dans le processus de paix. Cela passe d'abord par un rapprochement inter-palestinien. Les pays arabes peuvent y contribuer. L'Union européenne peut l'encourager, sans faiblir dans son soutien à M. Mahmoud Abbas.
Nous nous sommes engagés à redémarrer la mission EUBAM Rafah. Il faut nous préparer à répondre très rapidement à toute demande en ce sens.
L'initiative allemande d'une conférence à Berlin de soutien au renforcement des institutions palestiniennes, à l'Etat de droit et à la mission EUPOL COPPS est très bienvenue. Elle porte sur un secteur et une question clés.
La conférence de Bethléem sur l'investissement privé est une bonne initiative que nous soutenons. Bernard Kouchner compte s'y rendre. Elle permettra de montrer qu'il existe un secteur privé palestinien et de favoriser des coopérations israélo-palestiniennes.
Nous devons inviter nos partenaires à changer d'approche : l'Union européenne ne peut se contenter d'être un bailleur. Nous devons jouer un rôle politique c'est-à-dire poser dès maintenant les bases d'un Etat palestinien indépendant et viable.
Nous pouvons faire plus et nous sommes à l'écoute de vos idées pour que notre présidence de l'Union européenne soit fructueuse. Pouvez-vous nous aider par exemple à envisager une présence plus importante et organisée de l'Union dans les Territoires palestiniens ? C'est encore ce que j'ai discuté avant-hier avec le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, et hier avec la ministre des Affaires étrangères d'Israël, Tzipi Livni.
J'aimerais en conclusion évoquer avec vous trois idées :
La reconnaissance d'un Etat palestinien. On me dit : quel Etat ? Un Etat morcelé et fragmenté ? Sans contrôle effectif de ses dirigeants sur leur propre territoire ? Je réponds qu'il est urgent de poser des bases et des limites conceptuelles sans lesquelles au rythme où va la colonisation et l'encerclement de Jérusalem, le concept même d'Etat sera obsolète.
Le déploiement d'une force internationale. Le président de la République a proposé cette idée dans le cadre même de la conférence pour le soutien à l'Etat palestinien. Nous sommes en effet face à une contradiction qu'il faudra bien s'efforcer de résoudre : nous construisons des structures étatiques mais il faudra bien aussi qu'un jour cesse l'occupation pour que l'Etat palestinien existe effectivement. Il faudra dans le même temps fournir à Israël des garanties de sécurité. Cette force internationale permettra dans le cadre d'un accord de paix d'accompagner le retrait de l'armée israélienne des territoires occupés et d'aider à la formation des forces de sécurité palestiniennes.
Jérusalem: capitale de deux Etats. L'Union européenne a été visionnaire : à Venise en 1980, en affirmant le droit des Palestiniens, représentés par l'OLP, à l'autodétermination ; à Berlin en 1999, en posant le concept d'un Etat viable. Ne peut-elle prendre les devants et réfléchir à ce concept magnifique d'une cité, ville trois fois sainte et capitale de deux Etats ?
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2008