Texte intégral
N. Demorand.- On va en venir aux questions de doctrine que soulevait B. Guetta, à savoir s'il y a ou non rupture diplomatique et stratégique, de votre point de vue. D'abord les faits : combien de militaires seront envoyés en Afghanistan dans les renforts promis par le président de la République ?
R.- Ce qu'a dit le président de la République à Londres, c'est ce que le président de la République a écrit il y a un mois à l'ensemble de ses partenaires au sein, notamment, de l'Alliance atlantique. En leur disant quoi ? En leur disant : il faut qu'on fasse en sorte qu'un jour nous puissions sortir, et faire en sorte que l'Afghanistan puisse trouver par elle-même les voies du progrès et de la modernité. Pour cela, nous avons un effort commun à effectuer. Cet effort passe notamment par éventuellement un effort militaire supplémentaire, mais aussi par toute une série de préalables. Et ce sont ces préalables-là que le président de la République a aussi rappelés et qu'on oublie. Ces préalables, c'est quoi ? C'est l'amélioration de la gouvernance en Afghanistan, c'est un vrai modèle de développement, c'est la coordination de l'ensemble des moyens qui sont mis en oeuvre par l'ensemble des institutions internationales ; c'est de faire en sorte qu'on ait un vrai plan de lutte contre le narcotrafic, puisque vous savez que l'Afghanistan c'est 91 % des exportations de drogue à travers le monde ; "l'afghanisation" des institutions, c'est-à-dire de faire en sorte que progressivement, les Afghans prennent en main leurs institutions. Voilà ce qu'on a dit. Et nous avons dit par ailleurs, et le président de la République a dit par ailleurs : si la France venait à faire un effort supplémentaire, il faut que l'ensemble de nos partenaires s'engagent, un, à rester, et s'engagement éventuellement à faire un effort supplémentaire. Et ce sont ces conditions-là, ces préalables-là qui sont posés. Et dans ces préalables-là, nous avons éventuellement indiqué que nous ferions un effort supplémentaire.
Q.- De combien de militaires ?
R.- Tout dépendra de l'état des discussions qui seront à Bucarest la semaine prochaine.
Q.- Donc le chiffre n'est pas fixé aujourd'hui ?
R.- Le chiffre n'est pas fixé par le président de la République ; nous lui avons fait toute une série de propositions. Et à partir de cela et à partir des discussions, avec les préalables que je rappelle, faire en sorte qu'il y ait un nouveau modèle, qu'on réfléchisse à la coordination des moyens, qu'on "afghanise" les institutions pour que progressivement les Afghans prennent en main leur destin. Bref, tout cela, nous l'avons mis sur la table. Et c'est après ces conversations-là que nous déciderons du niveau d'engagement des Français.
Q.- Très vaste programme... Pour combien de temps les troupes sont-elles sur place en Afghanistan ?
R.- Mais vous comprenez bien que si la communauté internationale ne fait pas un effort considérable pour l'Afghanistan, nous ne pourrons jamais en sortir. Et que la condition...
Q.- On est enlisés en Afghanistan aujourd'hui ?
R.- Non, nous ne sommes pas enlisés, nous avons besoin de faire en sorte que les efforts considérables qui ont été effectués par la communauté internationale finissent par être payants. On oublie toujours les éléments positifs dans tout cela : moins de 10 % des Afghans avaient accès à la santé, aujourd'hui près de 80 %. On oublie ce qu'était le régime des taliban : le régime des taliban, c'était le ministère de la répression du vice et la promotion de la vertu, la condition des femmes, c'était l'interdiction du théâtre, du cinéma...
Q.- Même des cerfs-volants...
R.- Oui, même des cerfs-volants. Bref, la France...
Q.- ..."On ne peut pas se permettre, dit le président de la République, de perdre en Afghanistan". La situation a l'air tout de même extrêmement critique sur place, c'est-à-dire qu'après cette intervention militaire, les taliban sont encore dans le paysage et très actifs, Al-Qaïda a cité également le président de la République. Donc je vous repose la question de l'efficacité.
R.- La victoire ne peut pas être uniquement une victoire militaire, c'est très clair. Mais il faut à la fois éradiquer les taliban, l'extrémisme et en même temps mener une politique de développement, c'est l'un et l'autre. Et c'est ce que nous disons : il faut à la fois faire en sorte qu'on éradique l'extrémisme et en même temps qu'on mette en place les conditions du développement. C'est l'un qui va avec l'autre, et c'est ce que nous disons, et c'est ce que nous voulons dans le cadre des discussions que nous aurons à Bucarest la semaine prochaine.
Q.- Un mot de doctrine précisément : "atlantisme", disait B. Guetta. Vous acceptez le terme pour décrire la réinflexion, on va dire, de la politique étrangère française ?
R.- Non, je conteste l'analyse qu'a faite B. Guetta. Le président de la République a fait de l'Europe de la défense une priorité. Cette Europe de la défense, que vous le vouliez ou non, nous ne la construirons que si elle est vécue par l'ensemble de nos partenaires, non pas américains uniquement, mais par l'ensemble de nos partenaires européens, comme quelque chose qui n'est pas en contradiction avec l'Alliance atlantique. Que l'Europe de la défense ne se fait pas contre l'Alliance atlantique, parce que l'ensemble de nos partenaires européens considère que l'Alliance atlantique c'est le système de sécurité qui assure leur paix depuis plus de cinquante ans. Et donc, la démarche du président de la République qui est de dire que l'un n'est pas contre l'autre, mais nous devons à la fois rénover l'Alliance atlantique, et en même temps faire en sorte que nous construisions l'Europe de la défense, cette démarche-là est maintenant comprise. Et contrairement à ce que disait B. Guetta, l'Europe de la défense va faire des progrès considérables sous la présidence française, parce que cette nouvelle démarche fait qu'il n'y a plus d'hostilité de nos partenaires sur la construction de l'Europe de la défense.
Q.- La France va revenir au sein de l'OTAN ?
R.- Ce n'est pas la question du moment. La question du moment c'est la construction de l'Europe...
Q.- Et elle sera (inaud.) quand cette question, la semaine prochaine ou elle est déjà tranchée ?
R.- Cette question-là se posera après le travail que nous sommes en train de mener dans le cadre de l'Europe de la défense. Et vous verrez que grâce à cette démarche, grâce à l'entente avec les Britanniques, grâce à nos nouvelles relations avec les Américains, l'Europe de la défense va évoluer et progresser comme elle n'a pas progressé depuis des années.
Q.- Mais la possibilité que la France revienne au sein de l'OTAN, c'est une possibilité, c'est une option ?
R.- Il y a des travaux qui sont en cours. Nous avons un livre blanc, tout cela va être discuté, mais ce n'est pas le... Ce que je voudrais essayer de vous faire comprendre, c'est que si vous voulez faire naître et émerger un pilier européen de sécurité, ce pilier européen de sécurité, vous ne pouvez pas le faire émerger si, pour l'ensemble de nos partenaires, c'est vécu comme une façon de porter atteinte à l'Alliance atlantique. L'un doit aller avec l'autre parce que nos partenaires européens n'abandonneront jamais ce système de sécurité qui assure leur paix depuis cinquante ans.
Q.- Donc, continuité ou rupture sur tous ces dossiers avec la présidence de N. Sarkozy ?
R.- Il y a une continuité dans la volonté française de faire en sorte que l'Europe de la défense trouve un nouvel essor. Et il y a aussi de la rupture dans, j'allais dire, l'approche que nous pouvons avoir de ce sujet, qui est de ne pas opposer Alliance atlantique et Europe de la défense.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 mars 2008
R.- Ce qu'a dit le président de la République à Londres, c'est ce que le président de la République a écrit il y a un mois à l'ensemble de ses partenaires au sein, notamment, de l'Alliance atlantique. En leur disant quoi ? En leur disant : il faut qu'on fasse en sorte qu'un jour nous puissions sortir, et faire en sorte que l'Afghanistan puisse trouver par elle-même les voies du progrès et de la modernité. Pour cela, nous avons un effort commun à effectuer. Cet effort passe notamment par éventuellement un effort militaire supplémentaire, mais aussi par toute une série de préalables. Et ce sont ces préalables-là que le président de la République a aussi rappelés et qu'on oublie. Ces préalables, c'est quoi ? C'est l'amélioration de la gouvernance en Afghanistan, c'est un vrai modèle de développement, c'est la coordination de l'ensemble des moyens qui sont mis en oeuvre par l'ensemble des institutions internationales ; c'est de faire en sorte qu'on ait un vrai plan de lutte contre le narcotrafic, puisque vous savez que l'Afghanistan c'est 91 % des exportations de drogue à travers le monde ; "l'afghanisation" des institutions, c'est-à-dire de faire en sorte que progressivement, les Afghans prennent en main leurs institutions. Voilà ce qu'on a dit. Et nous avons dit par ailleurs, et le président de la République a dit par ailleurs : si la France venait à faire un effort supplémentaire, il faut que l'ensemble de nos partenaires s'engagent, un, à rester, et s'engagement éventuellement à faire un effort supplémentaire. Et ce sont ces conditions-là, ces préalables-là qui sont posés. Et dans ces préalables-là, nous avons éventuellement indiqué que nous ferions un effort supplémentaire.
Q.- De combien de militaires ?
R.- Tout dépendra de l'état des discussions qui seront à Bucarest la semaine prochaine.
Q.- Donc le chiffre n'est pas fixé aujourd'hui ?
R.- Le chiffre n'est pas fixé par le président de la République ; nous lui avons fait toute une série de propositions. Et à partir de cela et à partir des discussions, avec les préalables que je rappelle, faire en sorte qu'il y ait un nouveau modèle, qu'on réfléchisse à la coordination des moyens, qu'on "afghanise" les institutions pour que progressivement les Afghans prennent en main leur destin. Bref, tout cela, nous l'avons mis sur la table. Et c'est après ces conversations-là que nous déciderons du niveau d'engagement des Français.
Q.- Très vaste programme... Pour combien de temps les troupes sont-elles sur place en Afghanistan ?
R.- Mais vous comprenez bien que si la communauté internationale ne fait pas un effort considérable pour l'Afghanistan, nous ne pourrons jamais en sortir. Et que la condition...
Q.- On est enlisés en Afghanistan aujourd'hui ?
R.- Non, nous ne sommes pas enlisés, nous avons besoin de faire en sorte que les efforts considérables qui ont été effectués par la communauté internationale finissent par être payants. On oublie toujours les éléments positifs dans tout cela : moins de 10 % des Afghans avaient accès à la santé, aujourd'hui près de 80 %. On oublie ce qu'était le régime des taliban : le régime des taliban, c'était le ministère de la répression du vice et la promotion de la vertu, la condition des femmes, c'était l'interdiction du théâtre, du cinéma...
Q.- Même des cerfs-volants...
R.- Oui, même des cerfs-volants. Bref, la France...
Q.- ..."On ne peut pas se permettre, dit le président de la République, de perdre en Afghanistan". La situation a l'air tout de même extrêmement critique sur place, c'est-à-dire qu'après cette intervention militaire, les taliban sont encore dans le paysage et très actifs, Al-Qaïda a cité également le président de la République. Donc je vous repose la question de l'efficacité.
R.- La victoire ne peut pas être uniquement une victoire militaire, c'est très clair. Mais il faut à la fois éradiquer les taliban, l'extrémisme et en même temps mener une politique de développement, c'est l'un et l'autre. Et c'est ce que nous disons : il faut à la fois faire en sorte qu'on éradique l'extrémisme et en même temps qu'on mette en place les conditions du développement. C'est l'un qui va avec l'autre, et c'est ce que nous disons, et c'est ce que nous voulons dans le cadre des discussions que nous aurons à Bucarest la semaine prochaine.
Q.- Un mot de doctrine précisément : "atlantisme", disait B. Guetta. Vous acceptez le terme pour décrire la réinflexion, on va dire, de la politique étrangère française ?
R.- Non, je conteste l'analyse qu'a faite B. Guetta. Le président de la République a fait de l'Europe de la défense une priorité. Cette Europe de la défense, que vous le vouliez ou non, nous ne la construirons que si elle est vécue par l'ensemble de nos partenaires, non pas américains uniquement, mais par l'ensemble de nos partenaires européens, comme quelque chose qui n'est pas en contradiction avec l'Alliance atlantique. Que l'Europe de la défense ne se fait pas contre l'Alliance atlantique, parce que l'ensemble de nos partenaires européens considère que l'Alliance atlantique c'est le système de sécurité qui assure leur paix depuis plus de cinquante ans. Et donc, la démarche du président de la République qui est de dire que l'un n'est pas contre l'autre, mais nous devons à la fois rénover l'Alliance atlantique, et en même temps faire en sorte que nous construisions l'Europe de la défense, cette démarche-là est maintenant comprise. Et contrairement à ce que disait B. Guetta, l'Europe de la défense va faire des progrès considérables sous la présidence française, parce que cette nouvelle démarche fait qu'il n'y a plus d'hostilité de nos partenaires sur la construction de l'Europe de la défense.
Q.- La France va revenir au sein de l'OTAN ?
R.- Ce n'est pas la question du moment. La question du moment c'est la construction de l'Europe...
Q.- Et elle sera (inaud.) quand cette question, la semaine prochaine ou elle est déjà tranchée ?
R.- Cette question-là se posera après le travail que nous sommes en train de mener dans le cadre de l'Europe de la défense. Et vous verrez que grâce à cette démarche, grâce à l'entente avec les Britanniques, grâce à nos nouvelles relations avec les Américains, l'Europe de la défense va évoluer et progresser comme elle n'a pas progressé depuis des années.
Q.- Mais la possibilité que la France revienne au sein de l'OTAN, c'est une possibilité, c'est une option ?
R.- Il y a des travaux qui sont en cours. Nous avons un livre blanc, tout cela va être discuté, mais ce n'est pas le... Ce que je voudrais essayer de vous faire comprendre, c'est que si vous voulez faire naître et émerger un pilier européen de sécurité, ce pilier européen de sécurité, vous ne pouvez pas le faire émerger si, pour l'ensemble de nos partenaires, c'est vécu comme une façon de porter atteinte à l'Alliance atlantique. L'un doit aller avec l'autre parce que nos partenaires européens n'abandonneront jamais ce système de sécurité qui assure leur paix depuis cinquante ans.
Q.- Donc, continuité ou rupture sur tous ces dossiers avec la présidence de N. Sarkozy ?
R.- Il y a une continuité dans la volonté française de faire en sorte que l'Europe de la défense trouve un nouvel essor. Et il y a aussi de la rupture dans, j'allais dire, l'approche que nous pouvons avoir de ce sujet, qui est de ne pas opposer Alliance atlantique et Europe de la défense.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 mars 2008