Texte intégral
C. Barbier.- Le déficit public français pour 2007 est donc de 2,7 %, supérieur aux 2,4 % promis par N. Sarkozy. Faut-il tirer le signal d'alarme ?
R.- Non, pas de signal d'alarme. Il y a des circonstances un peu particulières, je ne dirais pas "exceptionnelles" à ce jour au sens du pacte de stabilité, mais on est dans une situation de conjoncture internationale qui explique probablement cette situation.
Q.- Sur ces 0,3 % de dérapage, on nous dit que les deux tiers sont dus aux collectivités locales. Est-ce que ce n'est pas un peu facile d'accuser justement l'échelon territorial où la gauche est dominante ?
R.- E. Woerth l'a dit ce matin, ce à quoi vous faites allusion ; si j'ai bien compris, il dit en même temps qu'il n'accuse pas les collectivités locales mais qu'il constate qu'elles ont un problème d'autofinancement et de financement. Il publiera lui-même les chiffres dans les heures ou dans les jours qui viennent, expliquant ce dérapage de 0,2.
Q.- Demandez-vous aux instances européennes d'être un petit peu plus coulantes sur les perspectives données à toutes les économies européennes, dont la française ?
R.- On aimerait - mais ça, c'est l'éternel débat, vous savez que le président de la République y a fait allusion hier soir à Londres -, on aimerait probablement que l'euro soit moins fort, à un niveau moins élevé et deuxièmement, que les monnaies asiatiques soient moins liées au dollar et à la baisse du dollar actuellement, qu'elles ne le sont. Donc il y a une conjoncture de change qui, clairement, n'est pas favorable, ni à la zone européenne ni à la France, c'est une évidence. Mais en même temps, vous connaissez nos partenaires européens et la BCE, qui est très sensible sur la question de son indépendance, très franchement, ce n'est pas moins qui vais réclamer quelque chose que tous les économistes réclament depuis plusieurs mois maintenant.
Q.- Mais N. Sarkozy doit-il et peut-il profiter de la présidence française de l'Union européenne, de juillet à décembre, pour reprendre le dialogue un peu musclé avec J.-C. Trichet ?
R.- Ce n'est pas un dialogue musclé, c'est une... Vous savez, les Anglais, par exemple, ont un objectif d'inflation et la Banque d'Angleterre a pour mission d'essayer de tenir cet objectif d'inflation. La Réserve fédérale américaine, elle, a la croissance, l'emploi et l'inflation parmi ses objectifs. Et le traité de Maastricht - il ne faut pas le reprocher à la BCE, elle met en oeuvre un traité qui a été négocié par les partenaires européens - ne lui donne que l'inflation comme objectif. Mais à sa décharge, soyons justes, les tensions inflationnistes sont quand même, du fait du renchérissement du prix des matières premières et des prix des produits alimentaires, plus fortes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a quelques mois.
Q.- Le Premier ministre, cette semaine, a révisé aussi à la baisse la perspective de croissance pour 2008, plutôt entre 1,7 et 2 contre 2 et 2,5. Est-ce que le budget 2008 tient encore dans ces conditions ?
R.- Oui, il pourra éventuellement être révisé le moment venu par un collectif budgétaire, par ce qu'on appelle des réserves. Mais ce qui est important...
Q.- Il y a eu 7 milliards de crédits un peu gelés, il faut les supprimer, les annuler ?
R.- C'est au Premier ministre de le dire. Très franchement, on ne serait pas très surpris que le gel soit renforcé, si je peux me permettre. Mais ce qui est important, c'est à la fois de donner les bases d'une croissance soutenue en France, et il y a des éléments favorables pour ça : la création d'emplois est forte, le moral des chefs d'entreprise est fort, les éléments constitutifs de la consommation des ménages -et vous savez qu'on a une économie en France largement portée par la consommation - sont bons. Donc il ne faut pas nier la réalité de la crise internationale et ne pas suggérer qu'elle ne nous concernera pas, elle nous touchera, c'est une évidence. Et en même temps, elle n'empêche pas l'économie française, elle ne doit pas empêcher l'économie française de poursuivre sur des fondamentaux qui ne sont pas mauvais et qui ont des atouts qu'il s'agit de valoriser. Et par ailleurs, il faut maintenir le cap des réformes, non pas par obstination, non pas parce que simplement la France aurait dit depuis dix mois que le président de la République réformera, mais parce que c'est une nécessité absolue pour une croissance durable et puis pour sauvegarder un certain nombre de nos acquis sociaux.
Q.- Cap des réformes, donc 41 ans de cotisations pour les retraites, vous êtes pour, il faut le faire ?
R.- D'abord, les 41 ans, je dirais, ils sont presque inscrits dans la loi de 2003. Maintenant, c'est à X. Bertrand de faire ses propositions. J'ai compris qu'il dirait mi-avril aux partenaires sociaux ce que serait la proposition qu'il leur ferait sur la tendance. (inaud.) Qu'on aille vers l'allongement de la durée de cotisation, ça paraît inéluctable et ça paraît inscrit dans la loi de 2003.
Q.- Mais il faut que les seniors travaillent plus, c'est la condition posée des syndicats.
R.- Absolument. On a un problème en France que vous connaissez : l'entrée des jeunes sur le marché du travail et l'insuffisant emploi des plus de 50 ans. La France s'y attelle et X. Bertrand travaille sur cette question avec C. Lagarde.
Q.- Autre réforme : un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n'est pas remplacé, il faut se tenir absolument, voire durcir encore ce...
R.- Il ne s'agit pas de durcir, il s'agit de constater simplement que la dépense publique est proportionnellement aujourd'hui la plus élevée en Europe, avec une efficacité qui est aléatoire. Je dirais, elle peut être grande dans un certain nombre de domaines et dans un certain nombre d'autres, on ne peut pas dire que la France dépensant plus a nécessairement des services publics beaucoup plus performants que d'autres pays européens. Donc oui, il faut adapter la dépense publique à la nécessité d'une compétitivité et d'une solidarité.
Q.- N. Sarkozy a critiqué hier le capitalisme de la frivolité ; l'inverse de la frivolité c'est la rigueur, est-ce qu'on ne doit pas basculer vers la rigueur, un vrai plan de rigueur pour donner l'exemple au capitalisme ?
R.- Non, ce n'est pas ce qu'il a dit hier soir. J'y étais et je suis heureux d'avoir entendu ce discours, parce que d'abord, il a été porté au coeur du temple de la finance, la City. C'était extraordinaire d'écouter ces 500 financiers anglais écouter le président de la République, et accessoirement l'applaudir très chaleureusement à la fin, sur un thème qui était celui de la régulation. Ce que N. Sarkozy a dit de plus fort, c'est de dire : "je crois à la liberté, je crois à la concurrence, à l'esprit d'entreprise, mais je suis régulationiste (sic) parce que je crois que le capitalisme, l'économie de marché ont besoin de règles". Ce qui était en cause, c'est non pas la finance en tant que telle, la finance est une industrie, mais les excès de la financiarisation, la sophistication de plus en plus grande des outils financiers qu'on voit à l'oeuvre dans la crise financière. Et ce que N. Sarkozy a dit, ce n'était pas la première fois qu'il le disait, mais avec une force particulière compte tenu de l'endroit où il était, c'est : "je suis pour un capitalisme d'entrepreneurs et pas pour un capitalisme de spéculateurs". Et cela engendre un certain nombre de nécessités, de règles.
Q.- Pourquoi ne pas supprimer le paquet fiscal et récupérer les 15 milliards ? C'est ce que suggère la gauche...
R.- Mais ça veut dire quoi "supprimer le paquet fiscal" ? Cela voudrait dire qu'on supprimerait les avantages pour ceux qui font des heures supplémentaires, ça veut dire qu'on supprimerait les avantages qui ont été donnés aux classes moyennes qui accèdent à l'immobilier. Donc cette formule politique qui peut être de bonne guerre, mais ça n'a aucun sens concrètement. Ce serait aggraver la situation à un moment où, au contraire, nous avons besoin que la consommation reste forte et où la demande de pouvoir d'achat est extrêmement élevée. Le recours aux heures supplémentaires est très important, cela veut donc dire qu'il y avait des potentialités.
Q.- Alors continuons dans les recherches d'économie : le Revenu social d'activité, 2 ou 3 milliards nécessaires, faut-il y renoncer ?
R.- Je ne crois pas. Là, je ne veux pas me prononcer parce que vous savez ce qu'a été le choix qui a été fait, expérimenté. M. Hirsch expérimente le RSA dans une trentaine de départements. Et ensuite, il y a appréciation, et de son efficacité et de son coût, avant une décision fin d'année, début d'année prochaine.
Q.- Pourquoi ne pas privatiser ?
R.- Privatiser quoi, pardon ?
Q.- L'Etat a plein de participations dans des entreprises, à hauteur de 190 milliards, cela fait de l'argent à récupérer.
R.- Il faut qu'il y ait une stratégie industrielle. Privatiser en soi pour, si vous me permettez, "vendre les bijoux de famille" comme on dit, cela n'a aucun sens. Il faut qu'il y ait une stratégie industrielle derrière, je crois que le président de la République et le Premier ministre ont montré qu'en la matière, il n'y avait pas de tabou.
Q.- C. Lagarde évoque des ventes de biens de l'Etat ; il y a des choses à faire de ce côté-là ?
R.- Elle est mieux informée que moi et c'est son domaine de compétence.
Q.- C'est une petite économie mais quand on voit qu'il y a 30 % de dépassement pour les frais de représentation au ministère de la Justice, cela ne donne pas un bon exemple.
R.- Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas ce qu'est le chiffre exact, mais l'ensemble de...
Q.- 100.000 euros, visiblement, de dépassement en frais de bouche, en frais de réception...
R.- Je crois que c'est un mauvais procès qu'on fait à R. Dati, puisque c'est clairement elle qui est visée quand on dit ce type de chose, elle y répondra. Je ne crois pas une seule seconde qu'il y ait des excès de sa part en la matière.
Q.- Vous êtes chargé de développer l'économie numérique, vous allez avoir une lettre de mission sur ce sujet. Taxer Internet, taxer les opérateurs de téléphonie pour financer l'audiovisuel public, est-ce que c'est une bonne idée ?
R.- C'était l'une des pistes qui avait été citée. Je vais vous dire la vérité : j'en parle avec J.-F. Copé la semaine prochaine, puisque le président de la République l'a chargé d'une mission sur le sujet. Je ne vous mentirai pas en disant que les acteurs d'Internet n'en veulent pas. Cette étude n'est...
Q.- Et vous plaiderez contre vous aussi ?
R.- Je plaiderai contre tout en sachant que le président de la République l'avait dit comme une des pistes de travail. Donc il y aura des arbitrages sur le sujet ; on en parle la semaine prochaine.
Q.- Vous êtes chargé également d'un rapport sur la compétitivité du foot français. Est-ce que vous allez prôner un changement de la fiscalité pour les joueurs, qu'ils paient moins d'impôts dans notre pays pour y rester ?
R.- Je ne suis pas sûr que ce soit le premier sujet. Le premier sujet, c'est sûrement l'insuffisance des fonds propres des grands clubs français. Hier, vous l'avez vu, on a été reçu - c'était assez surprenant -, à Arsenal, dans le stade d'Arsenal pour la rencontre bilatérale entre le gouvernement britannique et le Gouvernement français. Arsenal est propriétaire de son stade, il est en plein coeur de Londres, les produits dérivés sont extrêmement nombreux. Ça veut dire quoi ? Que le club a tout de suite des bases de fonds propres qui sont sans commune mesure avec le plus gros club français, qui est le club de Lyon. Donc il y a toute une réflexion sur l'économie du sport. Je ne suis pas sûr que la question fiscale et la question sociale - je suis à l'entrée de cette mission donc je ne peux pas préjuger des conclusions -, mais mon a priori, c'est que ce n'est pas la question fiscale et sociale qui est la plus déterminante aujourd'hui.
Q.- L'UMP se réorganise, en tant que chef des progressistes, êtes-vous satisfait de voir X. Bertrand prendre du galon auprès de P. Devedjian ?
R.- Je n'ai pas de commentaire à faire sur l'organisation de l'UMP, même si X. Bertrand est de toute évidence quelqu'un de grand talent et d'avenir. Mais ce qui est plus important, c'est l'organisation de la majorité présidentielle, que le président de la République et le Premier ministre appellent de leurs voeux et veulent organiser.
Q.- Jusqu'où êtes-vous prêt à aller ?
R.- Vers une confédération de la majorité présidentielle que le président de la République et le Premier ministre veulent mettre en oeuvre. Moi, je suis clairement dans la majorité présidentielle, je ne biaise pas avec cela, il faut nous organiser pour que les différentes sensibilités, celles du centre, celles du centre-gauche puissent s'exprimer à l'intérieur de la majorité. Nous allons le faire.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 mars 2008
R.- Non, pas de signal d'alarme. Il y a des circonstances un peu particulières, je ne dirais pas "exceptionnelles" à ce jour au sens du pacte de stabilité, mais on est dans une situation de conjoncture internationale qui explique probablement cette situation.
Q.- Sur ces 0,3 % de dérapage, on nous dit que les deux tiers sont dus aux collectivités locales. Est-ce que ce n'est pas un peu facile d'accuser justement l'échelon territorial où la gauche est dominante ?
R.- E. Woerth l'a dit ce matin, ce à quoi vous faites allusion ; si j'ai bien compris, il dit en même temps qu'il n'accuse pas les collectivités locales mais qu'il constate qu'elles ont un problème d'autofinancement et de financement. Il publiera lui-même les chiffres dans les heures ou dans les jours qui viennent, expliquant ce dérapage de 0,2.
Q.- Demandez-vous aux instances européennes d'être un petit peu plus coulantes sur les perspectives données à toutes les économies européennes, dont la française ?
R.- On aimerait - mais ça, c'est l'éternel débat, vous savez que le président de la République y a fait allusion hier soir à Londres -, on aimerait probablement que l'euro soit moins fort, à un niveau moins élevé et deuxièmement, que les monnaies asiatiques soient moins liées au dollar et à la baisse du dollar actuellement, qu'elles ne le sont. Donc il y a une conjoncture de change qui, clairement, n'est pas favorable, ni à la zone européenne ni à la France, c'est une évidence. Mais en même temps, vous connaissez nos partenaires européens et la BCE, qui est très sensible sur la question de son indépendance, très franchement, ce n'est pas moins qui vais réclamer quelque chose que tous les économistes réclament depuis plusieurs mois maintenant.
Q.- Mais N. Sarkozy doit-il et peut-il profiter de la présidence française de l'Union européenne, de juillet à décembre, pour reprendre le dialogue un peu musclé avec J.-C. Trichet ?
R.- Ce n'est pas un dialogue musclé, c'est une... Vous savez, les Anglais, par exemple, ont un objectif d'inflation et la Banque d'Angleterre a pour mission d'essayer de tenir cet objectif d'inflation. La Réserve fédérale américaine, elle, a la croissance, l'emploi et l'inflation parmi ses objectifs. Et le traité de Maastricht - il ne faut pas le reprocher à la BCE, elle met en oeuvre un traité qui a été négocié par les partenaires européens - ne lui donne que l'inflation comme objectif. Mais à sa décharge, soyons justes, les tensions inflationnistes sont quand même, du fait du renchérissement du prix des matières premières et des prix des produits alimentaires, plus fortes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a quelques mois.
Q.- Le Premier ministre, cette semaine, a révisé aussi à la baisse la perspective de croissance pour 2008, plutôt entre 1,7 et 2 contre 2 et 2,5. Est-ce que le budget 2008 tient encore dans ces conditions ?
R.- Oui, il pourra éventuellement être révisé le moment venu par un collectif budgétaire, par ce qu'on appelle des réserves. Mais ce qui est important...
Q.- Il y a eu 7 milliards de crédits un peu gelés, il faut les supprimer, les annuler ?
R.- C'est au Premier ministre de le dire. Très franchement, on ne serait pas très surpris que le gel soit renforcé, si je peux me permettre. Mais ce qui est important, c'est à la fois de donner les bases d'une croissance soutenue en France, et il y a des éléments favorables pour ça : la création d'emplois est forte, le moral des chefs d'entreprise est fort, les éléments constitutifs de la consommation des ménages -et vous savez qu'on a une économie en France largement portée par la consommation - sont bons. Donc il ne faut pas nier la réalité de la crise internationale et ne pas suggérer qu'elle ne nous concernera pas, elle nous touchera, c'est une évidence. Et en même temps, elle n'empêche pas l'économie française, elle ne doit pas empêcher l'économie française de poursuivre sur des fondamentaux qui ne sont pas mauvais et qui ont des atouts qu'il s'agit de valoriser. Et par ailleurs, il faut maintenir le cap des réformes, non pas par obstination, non pas parce que simplement la France aurait dit depuis dix mois que le président de la République réformera, mais parce que c'est une nécessité absolue pour une croissance durable et puis pour sauvegarder un certain nombre de nos acquis sociaux.
Q.- Cap des réformes, donc 41 ans de cotisations pour les retraites, vous êtes pour, il faut le faire ?
R.- D'abord, les 41 ans, je dirais, ils sont presque inscrits dans la loi de 2003. Maintenant, c'est à X. Bertrand de faire ses propositions. J'ai compris qu'il dirait mi-avril aux partenaires sociaux ce que serait la proposition qu'il leur ferait sur la tendance. (inaud.) Qu'on aille vers l'allongement de la durée de cotisation, ça paraît inéluctable et ça paraît inscrit dans la loi de 2003.
Q.- Mais il faut que les seniors travaillent plus, c'est la condition posée des syndicats.
R.- Absolument. On a un problème en France que vous connaissez : l'entrée des jeunes sur le marché du travail et l'insuffisant emploi des plus de 50 ans. La France s'y attelle et X. Bertrand travaille sur cette question avec C. Lagarde.
Q.- Autre réforme : un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n'est pas remplacé, il faut se tenir absolument, voire durcir encore ce...
R.- Il ne s'agit pas de durcir, il s'agit de constater simplement que la dépense publique est proportionnellement aujourd'hui la plus élevée en Europe, avec une efficacité qui est aléatoire. Je dirais, elle peut être grande dans un certain nombre de domaines et dans un certain nombre d'autres, on ne peut pas dire que la France dépensant plus a nécessairement des services publics beaucoup plus performants que d'autres pays européens. Donc oui, il faut adapter la dépense publique à la nécessité d'une compétitivité et d'une solidarité.
Q.- N. Sarkozy a critiqué hier le capitalisme de la frivolité ; l'inverse de la frivolité c'est la rigueur, est-ce qu'on ne doit pas basculer vers la rigueur, un vrai plan de rigueur pour donner l'exemple au capitalisme ?
R.- Non, ce n'est pas ce qu'il a dit hier soir. J'y étais et je suis heureux d'avoir entendu ce discours, parce que d'abord, il a été porté au coeur du temple de la finance, la City. C'était extraordinaire d'écouter ces 500 financiers anglais écouter le président de la République, et accessoirement l'applaudir très chaleureusement à la fin, sur un thème qui était celui de la régulation. Ce que N. Sarkozy a dit de plus fort, c'est de dire : "je crois à la liberté, je crois à la concurrence, à l'esprit d'entreprise, mais je suis régulationiste (sic) parce que je crois que le capitalisme, l'économie de marché ont besoin de règles". Ce qui était en cause, c'est non pas la finance en tant que telle, la finance est une industrie, mais les excès de la financiarisation, la sophistication de plus en plus grande des outils financiers qu'on voit à l'oeuvre dans la crise financière. Et ce que N. Sarkozy a dit, ce n'était pas la première fois qu'il le disait, mais avec une force particulière compte tenu de l'endroit où il était, c'est : "je suis pour un capitalisme d'entrepreneurs et pas pour un capitalisme de spéculateurs". Et cela engendre un certain nombre de nécessités, de règles.
Q.- Pourquoi ne pas supprimer le paquet fiscal et récupérer les 15 milliards ? C'est ce que suggère la gauche...
R.- Mais ça veut dire quoi "supprimer le paquet fiscal" ? Cela voudrait dire qu'on supprimerait les avantages pour ceux qui font des heures supplémentaires, ça veut dire qu'on supprimerait les avantages qui ont été donnés aux classes moyennes qui accèdent à l'immobilier. Donc cette formule politique qui peut être de bonne guerre, mais ça n'a aucun sens concrètement. Ce serait aggraver la situation à un moment où, au contraire, nous avons besoin que la consommation reste forte et où la demande de pouvoir d'achat est extrêmement élevée. Le recours aux heures supplémentaires est très important, cela veut donc dire qu'il y avait des potentialités.
Q.- Alors continuons dans les recherches d'économie : le Revenu social d'activité, 2 ou 3 milliards nécessaires, faut-il y renoncer ?
R.- Je ne crois pas. Là, je ne veux pas me prononcer parce que vous savez ce qu'a été le choix qui a été fait, expérimenté. M. Hirsch expérimente le RSA dans une trentaine de départements. Et ensuite, il y a appréciation, et de son efficacité et de son coût, avant une décision fin d'année, début d'année prochaine.
Q.- Pourquoi ne pas privatiser ?
R.- Privatiser quoi, pardon ?
Q.- L'Etat a plein de participations dans des entreprises, à hauteur de 190 milliards, cela fait de l'argent à récupérer.
R.- Il faut qu'il y ait une stratégie industrielle. Privatiser en soi pour, si vous me permettez, "vendre les bijoux de famille" comme on dit, cela n'a aucun sens. Il faut qu'il y ait une stratégie industrielle derrière, je crois que le président de la République et le Premier ministre ont montré qu'en la matière, il n'y avait pas de tabou.
Q.- C. Lagarde évoque des ventes de biens de l'Etat ; il y a des choses à faire de ce côté-là ?
R.- Elle est mieux informée que moi et c'est son domaine de compétence.
Q.- C'est une petite économie mais quand on voit qu'il y a 30 % de dépassement pour les frais de représentation au ministère de la Justice, cela ne donne pas un bon exemple.
R.- Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas ce qu'est le chiffre exact, mais l'ensemble de...
Q.- 100.000 euros, visiblement, de dépassement en frais de bouche, en frais de réception...
R.- Je crois que c'est un mauvais procès qu'on fait à R. Dati, puisque c'est clairement elle qui est visée quand on dit ce type de chose, elle y répondra. Je ne crois pas une seule seconde qu'il y ait des excès de sa part en la matière.
Q.- Vous êtes chargé de développer l'économie numérique, vous allez avoir une lettre de mission sur ce sujet. Taxer Internet, taxer les opérateurs de téléphonie pour financer l'audiovisuel public, est-ce que c'est une bonne idée ?
R.- C'était l'une des pistes qui avait été citée. Je vais vous dire la vérité : j'en parle avec J.-F. Copé la semaine prochaine, puisque le président de la République l'a chargé d'une mission sur le sujet. Je ne vous mentirai pas en disant que les acteurs d'Internet n'en veulent pas. Cette étude n'est...
Q.- Et vous plaiderez contre vous aussi ?
R.- Je plaiderai contre tout en sachant que le président de la République l'avait dit comme une des pistes de travail. Donc il y aura des arbitrages sur le sujet ; on en parle la semaine prochaine.
Q.- Vous êtes chargé également d'un rapport sur la compétitivité du foot français. Est-ce que vous allez prôner un changement de la fiscalité pour les joueurs, qu'ils paient moins d'impôts dans notre pays pour y rester ?
R.- Je ne suis pas sûr que ce soit le premier sujet. Le premier sujet, c'est sûrement l'insuffisance des fonds propres des grands clubs français. Hier, vous l'avez vu, on a été reçu - c'était assez surprenant -, à Arsenal, dans le stade d'Arsenal pour la rencontre bilatérale entre le gouvernement britannique et le Gouvernement français. Arsenal est propriétaire de son stade, il est en plein coeur de Londres, les produits dérivés sont extrêmement nombreux. Ça veut dire quoi ? Que le club a tout de suite des bases de fonds propres qui sont sans commune mesure avec le plus gros club français, qui est le club de Lyon. Donc il y a toute une réflexion sur l'économie du sport. Je ne suis pas sûr que la question fiscale et la question sociale - je suis à l'entrée de cette mission donc je ne peux pas préjuger des conclusions -, mais mon a priori, c'est que ce n'est pas la question fiscale et sociale qui est la plus déterminante aujourd'hui.
Q.- L'UMP se réorganise, en tant que chef des progressistes, êtes-vous satisfait de voir X. Bertrand prendre du galon auprès de P. Devedjian ?
R.- Je n'ai pas de commentaire à faire sur l'organisation de l'UMP, même si X. Bertrand est de toute évidence quelqu'un de grand talent et d'avenir. Mais ce qui est plus important, c'est l'organisation de la majorité présidentielle, que le président de la République et le Premier ministre appellent de leurs voeux et veulent organiser.
Q.- Jusqu'où êtes-vous prêt à aller ?
R.- Vers une confédération de la majorité présidentielle que le président de la République et le Premier ministre veulent mettre en oeuvre. Moi, je suis clairement dans la majorité présidentielle, je ne biaise pas avec cela, il faut nous organiser pour que les différentes sensibilités, celles du centre, celles du centre-gauche puissent s'exprimer à l'intérieur de la majorité. Nous allons le faire.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 mars 2008