Texte intégral
R. Sicard.- Avec les autres syndicats, vous appelez aujourd'hui les retraités à se mobiliser pour le pouvoir d'achat. N. Sarkozy a promis 25 % de hausse du minimum vieillesse en cinq ans, 200 euros dès ce mois-ci. Cela vous paraît-il insuffisant ?
R.- 25 % pour les personnes qui sont dans la solidarité, c'est quelque chose d'important. Mais cela représente et c'est bien pour eux 500.000 personnes. Actuellement, on manifeste pour tous les retraités. Le pouvoir d'achat de tous les retraités baisse. On a chez les retraités plus de 50 % des retraités qui gagnent moins que le Smic. Donc, les retraites en France sont plutôt moyennes. Et au moment où l'inflation en 2006 était de 2,6 %, le Gouvernement a augmenté les retraites que de 1,1 %. Donc, les retraités perdent du pouvoir d'achat comme tous les Français, même plus que d'autres, parce ils n'ont même pas la façon.
Q.- Donc, que demandez-vous ? Une hausse immédiate des retraites ?
R.- On demande au minimum la loi. La loi prévoit que les retraites doivent augmenter au minimum en fonction de l'évolution du pouvoir d'achat, donc au minimum 2,6 % pour l'évolution des retraites et ne pas attendre 2009 pour remettre les choses à niveau.
Q.- Donc, augmentation générale de toutes les retraites ? Quel que soit le niveau !
R.- Oui, augmentation générale. Mais c'est la loi. La loi de 2003, elle prévoit cela. Sauf qu'on a pris la décision en décembre - le Gouvernement a pris la décision en décembre - parce qu'il n'y avait pas les chiffres de fin d'année. C'est quand même un petit peu gonflé - excusez-moi l'expression - et attend 2009 pour prendre la décision. Donc, il faut qu'il la prenne tout de suite pour les retraites d'aujourd'hui.
Q.- Augmenter les retraites c'est une chose, mais il faut savoir qui va payer. Il y a une négociation, là aussi, qui va reprendre. Est-ce que sur l'idée d'augmenter la durée de cotisation - 41 ans peut-être 42 ans - vous êtes d'accord ?
R.- La loi prévoit l'augmentation de la durée de cotisation, c'est la loi de 2003. Sauf que la loi prévoit de ne pouvoir ne pas le décider en fonction de l'évolution de l'emploi des seniors. C'est-à-dire, en France on a une difficulté : les salariés de plus de 45 ans sont souvent en dehors du travail au moment de la retraite ; deux tiers des salariés ne sont plus au travail quand ils ont l'âge de la retraite. Donc, pour nous prendre cette décision d'augmenter la durée de cotisation à 41 ans ou à 42 ans fera supporter que sur un tiers des salariés l'augmentation. C'est injuste et inefficace. Donc, nous l'objectif, c'est d'augmenter le taux d'emploi des salariés de plus de 55 ans et revoir ensuite l'allongement de la durée de cotisation.
Q.- Autrement dit, vous dites "non" aux 41 ans tout de suite.
R.- On dit non tout de suite, voilà. On dit non à cette évolution maintenant. Travaillons d'abord sur l'augmentation de l'emploi des seniors. Parce que à quoi cela sert d'augmenter la durée de cotisation si les gens ne sont plus au travail à l'âge de la retraite ? Et après on verra l'évolution, qui de toute façon devra être prise un jour ou l'autre. Parce qu'il n'y a que trois paramètres : l'augmentation de la durée de cotisation, le niveau des pensions - on voit bien qu'on ne peut pas les baisser - et les cotisations. C'est un sujet sur lequel il faudra travailler aussi.
Q.- Sur l'âge de la retraite, Restez-vous attacher au départ à la retraite à 60 ans ?
R.- Pour la CFDT, c'est la durée de cotisation qui importe. Je prends simplement deux exemples. Si on dit c'est 62 ans, comme le propose Madame Parisot, un cadre qui a commencé à travailler à 22 ou 23 ans, il aura 40 ans de cotisation. Mais un ouvrier qui a commencé à travailler à 16 ans, il aura 46 ans de cotisation. Donc, c'est totalement injuste de décider de reporter l'âge de départ ! Puisque qu'autrement c'est ceux qui ont fait le moins d'études, qui ont les emplois les plus pénibles, qui vont travailler plus longtemps qui font financer la retraite de ceux qui gagnent plus. C'est injuste.
Q.- Mais pour celui qui a commencé à travailler à 25 ans, vous dites qu'il peut partir à 65 ans.
R.- Il peut partir à 60 ans avec un système de décote ; il peut racheter les années d'études ou partir au bout de ses 40 ans de cotisation. Mais la pénibilité et l'espérance de vie sont plus élevées pour le cadre que pour l'ouvrier. Donc, il n'est pas aberrant que le cadre parte à la retraite un peu plus tard, d'autant plus qu'il a travaillé plus tard, d'autant plus qu'il a eu un meilleur salaire, d'autant plus qu'il a une espérance de vie plus longue.
Q.- Justement, à ce sujet, il y a une négociation qui est en pane, c'est cella sur la pénibilité. L'idée c'est que si on a un métier pénible, on puisse partir plus tôt. Cela n'aboutit pas. Pourquoi ?
R.- Cela n'aboutit pas, parce que le patronat - et vous comprendrez - ne veut pas payer la possibilité pour ceux qui ont une espérance de vie plus courte, donc les emplois les plus pénibles, ne veut pas payer des départs légèrement anticipés. Pour nous, c'est très clair. Ce sujet là va être abordé dans la réforme des retraites. Donc, la durée de cotisation ne pourra pas être décidée sans qu'on n'aura réglé l'emploi des seniors - c'est ce que je viens de dire - et sans qu'on aura régler le problème de la pénibilité au travail.
Q.- Sur la question du chômage, on connaîtra aujourd'hui les chiffres pour le dernier trimestre de 2007. N. Sarkozy annonce une baisse très importante. Cela correspond-t-il à ce que vous, vous constatez sur le terrain ?
R.- Oui, il y a une baisse du chômage, c'est une bonne chose, en 2007. On a vu qu'elle ré augmentait un petit peu au début de l'année. Il y a une baisse du chômage, c'est une bonne chose. Ceci dit, on a un développement de l'emploi précaire - 70 % des embauches se font en CDD ; on a un développement du temps partiel imposé, on le voit bien dans certains secteurs professionnels. Mais surtout, alors qu'on augmente l'emploi dans les services à la personne, les aides à domicile en particulier, les services aux entreprises, l'informatique en particulier, on a toujours une baise de l'emploi industriel. On a vu des grands plans sociaux : Smoby, les jouets dans le Jura, Gandrange, Arcelor la sidérurgie, Alcatel. On voit bien qu'on a toujours une destruction de l'emploi industriel. Tout ! Pour une raison simple : la France a toujours un retard dans l'investissement dans les entreprises, la modernisation, dans la recherche pour trouver de nouveaux produits, dans la formation supérieure. Ce qui fait que d'un côté une augmentation des emplois de service et de l'autre côté, une baisse des emplois industriels. Ce n'est pas bon pour l'économie française.
Q.- Sur le Smic N. Sarkozy dit qu'il n'y aura pas de coup de pouce supplémentaire. C'est une décision pour vous ?
R.- De toute façon, il faut qu'on règle ce problème du Smic. On a 17 % des salariés au Smic. Le président de la République dit : "on a que 17 %". Mais on est le pays en Europe où on a le plus de salariés au Smic. Donc, il faut faire en sorte que les salariés ne restent pas au Smic toute leur vie. Donc, le débat aujourd'hui il est : quelles sont les aides aux entreprises que l'on donne et quelles sont les contreparties, et faire en sorte qu'on aide les entreprises qui ne maintiennent pas leur salarié au Smic toute leur vie et qui leur permettent un déroulement de carrière. C'est cela faire en sorte que les gens ne restent pas au Smic, c'est quand même un objectif important pour nous.
Q.- L'autre actualité de la journée, c'est la reprise de la négociation entre syndicats et patronat sur la représentativité des syndicats, sur le financement des syndicats. L'affaire de l'UIMM change-t-elle la donne ?
R.- D'une part, je crois que l'affaire de l'UIMM nous oblige de réussir. On ne peut pas rester dans cette suspicion, cette mauvaise image que donne le patronat vis-à-vis des entreprises, vis-à-vis du financement des syndicats patronaux. Donc, la négociation sur le financement des syndicats doit âtre aussi une négociation sur le financement des syndicats de patrons, les syndicats d'employeurs. Il faut parler des deux. Et puis ensuite, faire en sorte - et cela c'est une question de crédibilité, de confiance, on ne peut pas rester dans cette suspicion, je l'ai dit - qu'on est des élections d'entreprise pour que les salariés dans les entreprises choisissent les syndicats qui négocient pour eux, faire en sorte qu'il y ait des votes dans toutes les entreprises et que les syndicats qui font plus de 10 % aient le droit de négocier pour les salariés, qu'il y est un lien plus fort et plus proche entre le syndicat et le salarié. C'est, je crois, la seule façon qui fera qu'on ait un syndicalisme plus fort dans notre pays.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 mars 2008