Texte intégral
R. Duchemin « La question du jour », ce matin, elle est pour le secrétaire général de Force ouvrière. Bonjour. Bonjour. Merci d'être avec nous en direct sur France Info. Vous avez déjeuné hier avec le chef de l'Etat ; alors, évidemment, vous n'allez pas nous raconter le repas par le menu, mais le plat de résistance, c'était quoi ? Le pouvoir d'achat ?
R.- Le pouvoir d'achat et les retraites. C'était ça les deux sujets clef et je lui ai ré-expliqué, sur le pouvoir d'achat... je lui ai dis d'ailleurs que sur les fonctionnaires c'était trop court et que sur le secteur privé, à nouveau que nous réclamions un coup de pouce au Smic et la mise en place de la prime transports dont on nous parle depuis un an et qui n'a toujours pas vu le jour.
Q.- Alors, vous parliez des fonctionnaires, justement, c'est un des dossiers qui coincent en ce moment... Oui. On parle d'une réévaluation du point d'indice, alors on était parti de 0,5, on est arrivé à 0,8. C'est a priori la dernière proposition faire par le Gouvernement. Vous, vous dites que c'est insuffisant.
R.- Ah, oui, c'est insuffisant. C'est insuffisant dans la limite où l'indice prévisionnel d'augmentation des prix est de 1,6, et le Gouvernement ne propose que 0,8.
Q.- C'est ce que vous demandiez, d'ailleurs, c'est un minimum.
R.- Oui, c'est 1,6. C'est 1,6, vous garantissez à minima le pouvoir d'achat et tout le monde sait bien en plus que ce sera plus que de 1,6, l'inflation. Donc 0,8, c'est trop court. Alors, il y a ça, mais il y a aussi la manière de négocier demain. Il voudrait négocier sur trois ans. Ecoutez, on est incapable de prévoir la croissance ou l'inflation à trois ans, je ne vois pas comment on peut négocier sur trois ans les salaires.
Q.- Vous n'êtes pas d'accord sur la réévaluation proposée pour le point d'indice, mais est-ce qu'il y a d'autres choses dans la négociation avec E. Woerth qu'il vous paraît possible d'accepter aujourd'hui ?
R.- Je pense que les fonctionnaires FO vont se réunir et vont regarder les choses. Sur certains avantages sociaux dits « avantages sociaux », il y a peut-être des choses possibles, mais sur le point clef qui est le point salarial, ça ne marche pas, c'est évident.
Q.- L'Elysée dit pourtant que la politique des réformes, de manière globale, engagée depuis le mois de mai va se poursuivre, dans un climat de dialogue social constructif. Ça vous paraît constructif en ce moment ?
R.- Dialogue social, il y en a, on ne peut pas dire qu'il n'y en a pas, mais j'ai ré-expliqué aussi ce que j'avais dit, d'ailleurs, que l'on ne peut pas mettre trop de dossiers en même temps sur la table, que les gens ne s'y retrouvent plus. Un dossier nouveau et une annonce tous les jours et que si on veut traiter correctement les dossiers, il faut se donner le temps, sinon il y a des risques d'embouteillages. Qu'il y ait un dialogue, oui, mais ce n'est pas parce qu'il y a dialogue qu'obligatoirement on est d'accord, ça se voit sur le pouvoir d'achat notamment.
Q.- Le climat social, de manière générale en ce moment, est en train de se tendre...
R.- Oui.
A la fois dans le public - on vient de parler des fonctionnaires - également dans le privé, il y a beaucoup d'affaires, on pense à Arcelor Mittal, on pense aussi aux Kléber, on pense à Michelin, de manière générale, il y a pas mal de dossiers difficiles à mener pour les organisations syndicales. On a le sentiment, aussi, parfois, que les syndicats se font aussi un peu dépasser par la base. Non, je ne pense pas que les syndicats se fassent dépasser par la base. Ecoutez, sur des questions, si on prend le secteur privé, il y a régulièrement des conflits, un peu plus en ce moment sur les questions salariales et vous ajoutez à juste titre les problèmes d'emploi qui se posent, ici ou là des restructurations ou autres. Il faut bien comprendre d'ailleurs que la France continue à perdre des emplois dans l'industrie et que les emplois qui sont créés, c'est des emplois dans les services, services à la personne, c'est souvent des emplois ultra précaires. Mais non, les syndicats ne sont pas débordés en ce sens où... L'Oréal, par exemple.
R.- Mais il arrive parfois, mais je ne pense pas que c'est du débordement, que les salariés... Ecoutez, une organisation syndicale, ce n'est pas un chef d'état-major qui donne des ordres à une armée, donc, quand les salariés montent en pression sur une question, comme chez L'Oréal, sur les salaires, eh bien les syndicats sont avec eux, et on le voit. Vous savez, ce n'est pas... ça ne marche pas au métronome ce genre de choses et fort heureusement.
Q.- A Carrefour Marseille, au Grand Littoral, par exemple, on a le sentiment que les choses ne se sont pas forcément passées comme le souhaitaient les caissières. Ça devient de plus en plus difficile de négocier, négocier vraiment avec les directions ?
R.- Dans certaines entreprises, oui. Je vous rappelle d'ailleurs que la grève du 1er février dans la grande distribution, dans beaucoup d'enseignes, les directeurs ont fait pression, ou l'encadrement, avant la grève, sur les salariés, ce qui a d'ailleurs conduit ces salariés à relever la tête et à se mettre en grève. Mais il est vrai, y compris quand on voit, alors pas toutes les entreprises, mais au moins les résultats des entreprises cotées à la Bourse, les fabuleux bénéfices qu'elles font, l'augmentation des rémunérations de leurs PDG l'année dernière, eh bien attendez, à juste titre, les salariés ils disent : « et nous, on est complètement oubliés dans cette affaire ».
Q.- Il faut qu'ils soient, justement, rétribués aussi en retour, il faut que les salariés puissent en avoir un bénéfice.
R.- Ah ben bien sûr, déjà en salaires, c'est quand même ça la moindre des choses. Vous savez, la question du pouvoir d'achat c'est une question de dignité mais c'est aussi une question d'efficacité économique et sociale. Moi, je l'ai toujours dit, dans le slogan « travailler plus pour gagner plus », les gens ont retenu la deuxième partie, « gagner plus », et là, le compte n'y est pas, c'est évident.
Q.- Qu'est-ce que vous pensez, J.-C. Mailly, de cette initiative du côté de Dax, d'une société qui veut payer 1.000 euros, qui a commencé à le faire, d'ailleurs, à des salariés, pour justement qu'ils ne commence pas à faire grève. C'est quoi, c'est une atteinte aujourd'hui au droit de grève ?
R.- Ecoutez, je n'ai pas vu ce dossier, ça m'a échappé, je l'avoue. Je voudrais voir les conditions dans lesquelles...
Q.- On en parle, ce matin, sur France Info.
R.- Alors, je n'ai pas eu l'occasion de l'écouter. Alors, est-ce que c'est la prime de 1 000 euros qui était permise par le Gouvernement ou est-ce que c'est autre chose ? Il faudrait voir le dossier dans le détail pour savoir. Si avant d'avoir une grève, l'entreprise décide de payer, ça se regarde ce genre de chose. Mais si c'est une atteinte au droit de grève, ce n'est pas acceptable.
Q.- Il y a un rapport qui est rendu aujourd'hui sur la dépénalisation du droit des affaires, le rapport Coulon, rendu à R. Dati. Vous aviez peur qu'il y ait effectivement des atteintes ? Vous pensez qu'aujourd'hui ce rapport va suffisamment loin et est plutôt une bonne chose ?
R.- Je ne vous avoue que ça ne fait pas partie de nos préoccupations premières, en tant qu'organisation syndicale.
Q.- La fameuse délinquance en col blanc.
R.- Oui, non, mais ça existe, bien entendu que ça existe. Mais ce que je dis, ça ne fait pas partie de nos priorités, on ne s'est pas plongé dans ce type de dossier, on est vraiment consacré sur les questions de retraite. J'ai rappelé au Président, par exemple, que pour nous, ce n'était pas question de passer au-delà de 40 ans, je lui ai réaffirmé ça hier. Les questions de pouvoir d'achat, les questions de conditions de travail, les priorités syndicales, sont plus là-dessus que sur d'autres dossiers.
Q.- Merci, J.-C. Mailly...
R.- Merci à vous.
Q.- ... d'avoir été en direct, avec nous, ce matin, sur France Info.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 février 2008