Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs les Députés, je vous remercie de la dignité de ce débat et des questions que vous avez posées, auxquelles je vais tenter de répondre.
Tout d'abord, je remercie M. Deflesselles d'avoir précisé les raisons de notre présence en Afghanistan. Elle est légitime et légale car elle correspond à un mandat des Nations unies, en vertu de résolutions du Conseil de sécurité, dont nous avons pris soin de vous rappeler les références. Nous n'avons pas été appelés par les Américains, même s'ils sont d'accord, mais par nos vingt-six partenaires de l'Union européenne. Sachant que nous ne sommes pas au premier rang, ils nous demandent d'accentuer notre effort, au service du développement. C'est dans ce but spécifique que, avec d'autres nations, nous renforçons les effectifs en place.
Dans le cadre de l'organisation de la conférence sur l'Afghanistan, qui se tiendra le 12 juin, nos partenaires - majoritairement européens même si l'on compte aussi parmi eux le Canada - nous ont demandé que la réflexion porte sur la stratégie militaire et civile de développement. C'est ce que vous demandez également.
Nous ne pouvions continuer comme cela, malgré de valeureux efforts de combat - et je vous sais gré du juste hommage que vous avez rendu aux forces françaises. Il faut que davantage de coordination se fasse jour : entre les Etats, entre les bataillons mais aussi entre les forces civiles de l'ONU, dans le cadre de la FIAS et de l'opération "Liberté immuable". C'est pourquoi nous avons attendu qu'un nouvel envoyé spécial du secrétaire général soit nommé. C'est chose faite : il s'agit de M. Karl Eide. C'est pourquoi nous avons également attendu la réponse de tous nos partenaires à la lettre que le président de la République, M. Sarkozy, leur a envoyée.
Malgré vos encouragements, nous ne pouvions continuer éternellement à nous battre contre le terrorisme, à la place qui est la nôtre, sans avoir une vision, non pas de l'issue, mais des voies de réussite qui permettront aux Afghans de prendre le relais de chacun des projets. Cela implique de leur donner les responsabilités qui leur reviennent à travers la formation des 50.000 à 60.000 hommes des troupes afghanes - il en faudrait plus -, des policiers - ils ne sont que 35.000 et ne sont pas parfaits. L'accent devra porter en particulier sur l'agriculture...
Un député : Sur le pavot !
M. le ministre - Parlons-en, du pavot ! Il faut certainement faire des efforts en ce domaine, mais en inventant autre chose que ce qui s'est fait jusque-là, car, aujourd'hui, le record du monde de production est atteint, ce qui n'est pas acceptable.
Un député : Bravo !
M. le ministre - Il n'y a pas à dire bravo, cela n'est ni de votre responsabilité, ni de la mienne. Et il faut que cela cesse : pour cela, il faut renforcer nos efforts et ne pas se contenter de crier.
Nous avons maintenant à préciser certaines choses.
Monsieur Ayrault, oui, il y a eu des morts, quatorze au total. Mais quand vous dites que nos troupes n'étaient pas engagées au combat, c'est une erreur. Neuf de ces personnes tuées faisaient partie des forces spéciales engagées dans le combat ?
Il faut bien se rendre compte de la différence entre l'engagement des 45.000 hommes de la FIAS et les actions menées dans le cadre de l'opération "Liberté immuable".
Vous avez cité certaines paroles du président. Eh bien, je vais vous dire ce qui a fait la différence. Lorsque nous nous sommes rendus avec le président de la République en Afghanistan, le président Karzaï nous a expressément demandé d'organiser la conférence sur l'Afghanistan : elle se tiendra 12 juin et sera précédée par quinze jours de conférence où les organisations non gouvernementales et les forces civiles en Afghanistan nous diront quels sont les progrès pratiques déjà accomplis et lesquels restent à faire. Mais il nous a également demandé de renforcer nos troupes, car notre effort, par rapport à d'autres, était modeste.
Il faut donc absolument le faire pour que la lutte contre les talibans puisse être victorieuse. Le combat contre le terrorisme n'est pas encore gagné, mais nous devons l'achever afin de laisser les Afghans prendre le relais. Personne ici, je pense, ne le contestera.
La pauvreté recule. Je veux vous donner quelques exemples qui me touchent - mais ce ne sera peut-être pas le cas de tout le monde. Il y a 60 % de centres médicaux de plus qu'en 2001 et la mortalité infantile a baissé de 25 % ; le nombre de femmes enceintes bénéficiant de soins prénataux était de 8.500 en 2003, il a atteint 123.000 en 2006. Depuis 2002, plus de 10.000 personnels de santé ont été formés, dont la moitié sont des femmes. En 2006, 64 % des enfants concernés ont bénéficié d'une vaccination contre les maladies infantiles, soit 20 % de plus que dix ans auparavant. Enfin, alors que dans beaucoup de villages, il n'y avait aucune école, il y a désormais 6 millions d'enfants scolarisés, dont un tiers sont des filles. En 2004, les femmes afghanes ont voté pour la première fois, ce que l'on peut considérer comme un succès, même s'il n'est pas total.
S'agissant des transitions démocratiques, je ne dirai pas beaucoup plus. Sachez tout de même que nous avons affaire à un président élu, M. Karzaï, un homme reconnu par toute la communauté, qui travaille du mieux qu'il peut avec un parlement lui aussi élu. Etait-ce le cas avant l'intervention internationale ? Non ! Ce sont des progrès, même s'ils sont insuffisants. Et à chaque étape franchie, nous devons non seulement travailler avec les Afghans mais leur donner leurs responsabilités. C'est la seule façon, non pas de s'en sortir, mais d'envisager le départ des troupes internationales.
Un député - C'est " globalement positif ", comme disait Khrouchtchev.
M. le ministre - Oui, c'est globalement positif, comme vous l'avez dit bien souvent.
Vous avez parlé de " stratégie européenne ". C'est justement la dimension à laquelle nous avons le plus travaillé. Des heures de discussion avec les vingt-six autres pays européens nous ont amenés à prendre la décision de ne pas faire une simple conférence de donateurs, mais une conférence stratégique et politique. Je vous invite à venir le 12 juin profiter de l'expérience des Afghans, qui nous diront les progrès accomplis et les espérances qui sont les leurs. Donc, oui au développement concerté : cela correspond exactement au contenu de la lettre du président de la République.
Vous avez également évoqué un "alignement stratégique sur l'OTAN". Mais d'où sortez-vous cela ? Je vous invite à écouter les débats et les interventions qui auront lieu demain et après-demain. Et vous aurez la démonstration qu'il n'y a pas d'alignement, s'agissant en particulier, de la demande insistante des Américains à propos de l'Ukraine et la Géorgie. Je peux vous l'assurer. Attendez seulement deux jours.
Quant à la guerre d'Irak, monsieur Ayrault, devrai-je vous renvoyer à mon article une énième fois ? Je vous en rappelle seulement le titre : "Non à la guerre, non à Saddam Hussein". Ne dites pas, après cela, que j'étais partisan de la guerre. J'étais simplement favorable à ce que le peuple irakien, à l'aide de l'ONU et des forces internationales, se débarrasse de son dictateur et bourreau, ce qui est bien autre chose.
Je ne vais pas être trop long. Qui sait ? Vous pourriez être convaincus ! Je termine avec votre souhait, Monsieur Ayrault, d'une réorientation vers la reconstruction. C'est exactement l'objectif de notre démarche. Nous devons faire un dernier effort : il prendra peut-être encore quelques années, mais il permettra de rendre aux Afghans dignité et liberté, ce qui est déjà à moitié fait, mais aussi leurs responsabilités. Et je vous assure que nous approchons de nos objectifs "d'afghanisation".
Quand une mission de paix commence, on lui fixe toujours un certain délai. Mais il ne se vérifie jamais dans les faits, car il faut du temps, M. Deflesselles l'a rappelé, pour faire en sorte que les buts soient atteints. Rappelons à ce propos quelques données : en Bosnie - à propos de laquelle il n'y a pas eu de débats suffisants ici - nos troupes sont restées dix-sept ans ; au Kosovo, neuf ans ; en République démocratique du Congo, quinze ans ; au Liban, trente ans ; sur le plateau du Golan, trente-cinq ans ; à Chypre, quarante ans.
Les choses sont ainsi : il faut au moins une génération. En Afghanistan, cela fait sept ans, ce qui n'est pas assez, Monsieur Ayrault - j'en suis désolé.
A M. Folliot, je répète qu'aucune décision n'a été prise à propos de l'OTAN. Au contraire, nous pensons qu'il faut aller extrêmement lentement, laisser les aspirations se faire jour sans se précipiter dans des décisions qui ne nous paraissent pas justifiées pour le moment. Un débat aura lieu à Bucarest. Je vous demande de le suivre et vous verrez encore une fois qu'il n'y a en aucune façon alignement.
Monsieur Sandrier, notre collaboration avec la Russie, dont vous avez rappelé le rôle en Afghanistan est bonne. Nos avions survolent la Russie et elle est prête à construire une route qui nous permettrait un accès plus facile en Afghanistan. Par ailleurs, des collaborations techniques, en particulier pour les hélicoptères, sont à l'étude.
Afficher un taux de croissance de 8 à 10 % alors que c'est l'un des pays les plus pauvres du monde, avouez que ce n'est pas mal, en tout cas c'est mieux qu'il y a quelques années. Certes, vous me répondrez que ce n'est pas assez et que cette croissance est mal répartie. Nos décisions stratégiques privilégieront l'agriculture qui, jusqu'à présent, ne recueille que 2 % de l'aide internationale.
Monsieur Sandrier, j'ai apprécié vos propos sur la "civilisation de la terre" et votre allusion à la globalisation-mondialisation.
Mais comment pouvez-vous, d'un côté, vous inquiéter de la sécurité des Français dans la lutte contre le terrorisme tout en souhaitant, de l'autre, que nous nous retirions de ce pays, base arrière du terrorisme ? Et c'est même apparemment de cet endroit, dans la zone tribale entre l'Afghanistan et le Pakistan, qu'Oussama Ben Laden continue à émettre ses messages. Il ne nous est donc pas possible de partir.
En outre, en évoquant un "fiasco de l'aide", vous oubliez, Monsieur Sandrier, les millions d'enfants qui ont découvert le chemin de l'école et qui sont en meilleure santé. En Afghanistan, 80 % de la population a désormais accès aux soins à proximité de son domicile. C'est tout à fait exceptionnel.
Il y va donc de notre sécurité et de nos valeurs, mais aussi du respect de l'exigence de solidarité envers le peuple afghan.
Monsieur Poniatowski, le circuit de distribution de l'aide est effectivement très perturbé et son harmonisation est extrêmement délicate, comme en témoignent les nombreuses études menées par les organisations non gouvernementales.
Nous allons essayer de proposer des solutions, mais ce n'est pas facile parce que l'insécurité dans le pays ne permet pas aux ONG de se déployer comme elles le souhaiteraient. Voilà pourquoi il faut accomplir des efforts en matière de sécurité sur le terrain.
Vous avez également rappelé la place qu'occupe l'Afghanistan dans l'échelle du développement humain. Or le développement et la sécurité sont intimement liés, et c'est cette approche que nous voulons étendre.
Monsieur Teissier, vous avez raison, la difficulté de la tâche ne doit pas nous faire renoncer. Ce serait pourtant tellement plus facile de partir ! Nous dirions que nous avons effectué notre devoir, et nous laisserions les autres se débrouiller. Or, il y a des appels très précis, en particulier des Hollandais, des Canadiens, de nos amis allemands.
Vous avez raison de rappeler qu'il nous est impossible de nous soustraire à nos responsabilités, au nom de la place que nous voulons occuper et que nous occupons dans le monde. Cet engagement honore la France.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 2008
Mesdames, Messieurs les Députés, je vous remercie de la dignité de ce débat et des questions que vous avez posées, auxquelles je vais tenter de répondre.
Tout d'abord, je remercie M. Deflesselles d'avoir précisé les raisons de notre présence en Afghanistan. Elle est légitime et légale car elle correspond à un mandat des Nations unies, en vertu de résolutions du Conseil de sécurité, dont nous avons pris soin de vous rappeler les références. Nous n'avons pas été appelés par les Américains, même s'ils sont d'accord, mais par nos vingt-six partenaires de l'Union européenne. Sachant que nous ne sommes pas au premier rang, ils nous demandent d'accentuer notre effort, au service du développement. C'est dans ce but spécifique que, avec d'autres nations, nous renforçons les effectifs en place.
Dans le cadre de l'organisation de la conférence sur l'Afghanistan, qui se tiendra le 12 juin, nos partenaires - majoritairement européens même si l'on compte aussi parmi eux le Canada - nous ont demandé que la réflexion porte sur la stratégie militaire et civile de développement. C'est ce que vous demandez également.
Nous ne pouvions continuer comme cela, malgré de valeureux efforts de combat - et je vous sais gré du juste hommage que vous avez rendu aux forces françaises. Il faut que davantage de coordination se fasse jour : entre les Etats, entre les bataillons mais aussi entre les forces civiles de l'ONU, dans le cadre de la FIAS et de l'opération "Liberté immuable". C'est pourquoi nous avons attendu qu'un nouvel envoyé spécial du secrétaire général soit nommé. C'est chose faite : il s'agit de M. Karl Eide. C'est pourquoi nous avons également attendu la réponse de tous nos partenaires à la lettre que le président de la République, M. Sarkozy, leur a envoyée.
Malgré vos encouragements, nous ne pouvions continuer éternellement à nous battre contre le terrorisme, à la place qui est la nôtre, sans avoir une vision, non pas de l'issue, mais des voies de réussite qui permettront aux Afghans de prendre le relais de chacun des projets. Cela implique de leur donner les responsabilités qui leur reviennent à travers la formation des 50.000 à 60.000 hommes des troupes afghanes - il en faudrait plus -, des policiers - ils ne sont que 35.000 et ne sont pas parfaits. L'accent devra porter en particulier sur l'agriculture...
Un député : Sur le pavot !
M. le ministre - Parlons-en, du pavot ! Il faut certainement faire des efforts en ce domaine, mais en inventant autre chose que ce qui s'est fait jusque-là, car, aujourd'hui, le record du monde de production est atteint, ce qui n'est pas acceptable.
Un député : Bravo !
M. le ministre - Il n'y a pas à dire bravo, cela n'est ni de votre responsabilité, ni de la mienne. Et il faut que cela cesse : pour cela, il faut renforcer nos efforts et ne pas se contenter de crier.
Nous avons maintenant à préciser certaines choses.
Monsieur Ayrault, oui, il y a eu des morts, quatorze au total. Mais quand vous dites que nos troupes n'étaient pas engagées au combat, c'est une erreur. Neuf de ces personnes tuées faisaient partie des forces spéciales engagées dans le combat ?
Il faut bien se rendre compte de la différence entre l'engagement des 45.000 hommes de la FIAS et les actions menées dans le cadre de l'opération "Liberté immuable".
Vous avez cité certaines paroles du président. Eh bien, je vais vous dire ce qui a fait la différence. Lorsque nous nous sommes rendus avec le président de la République en Afghanistan, le président Karzaï nous a expressément demandé d'organiser la conférence sur l'Afghanistan : elle se tiendra 12 juin et sera précédée par quinze jours de conférence où les organisations non gouvernementales et les forces civiles en Afghanistan nous diront quels sont les progrès pratiques déjà accomplis et lesquels restent à faire. Mais il nous a également demandé de renforcer nos troupes, car notre effort, par rapport à d'autres, était modeste.
Il faut donc absolument le faire pour que la lutte contre les talibans puisse être victorieuse. Le combat contre le terrorisme n'est pas encore gagné, mais nous devons l'achever afin de laisser les Afghans prendre le relais. Personne ici, je pense, ne le contestera.
La pauvreté recule. Je veux vous donner quelques exemples qui me touchent - mais ce ne sera peut-être pas le cas de tout le monde. Il y a 60 % de centres médicaux de plus qu'en 2001 et la mortalité infantile a baissé de 25 % ; le nombre de femmes enceintes bénéficiant de soins prénataux était de 8.500 en 2003, il a atteint 123.000 en 2006. Depuis 2002, plus de 10.000 personnels de santé ont été formés, dont la moitié sont des femmes. En 2006, 64 % des enfants concernés ont bénéficié d'une vaccination contre les maladies infantiles, soit 20 % de plus que dix ans auparavant. Enfin, alors que dans beaucoup de villages, il n'y avait aucune école, il y a désormais 6 millions d'enfants scolarisés, dont un tiers sont des filles. En 2004, les femmes afghanes ont voté pour la première fois, ce que l'on peut considérer comme un succès, même s'il n'est pas total.
S'agissant des transitions démocratiques, je ne dirai pas beaucoup plus. Sachez tout de même que nous avons affaire à un président élu, M. Karzaï, un homme reconnu par toute la communauté, qui travaille du mieux qu'il peut avec un parlement lui aussi élu. Etait-ce le cas avant l'intervention internationale ? Non ! Ce sont des progrès, même s'ils sont insuffisants. Et à chaque étape franchie, nous devons non seulement travailler avec les Afghans mais leur donner leurs responsabilités. C'est la seule façon, non pas de s'en sortir, mais d'envisager le départ des troupes internationales.
Un député - C'est " globalement positif ", comme disait Khrouchtchev.
M. le ministre - Oui, c'est globalement positif, comme vous l'avez dit bien souvent.
Vous avez parlé de " stratégie européenne ". C'est justement la dimension à laquelle nous avons le plus travaillé. Des heures de discussion avec les vingt-six autres pays européens nous ont amenés à prendre la décision de ne pas faire une simple conférence de donateurs, mais une conférence stratégique et politique. Je vous invite à venir le 12 juin profiter de l'expérience des Afghans, qui nous diront les progrès accomplis et les espérances qui sont les leurs. Donc, oui au développement concerté : cela correspond exactement au contenu de la lettre du président de la République.
Vous avez également évoqué un "alignement stratégique sur l'OTAN". Mais d'où sortez-vous cela ? Je vous invite à écouter les débats et les interventions qui auront lieu demain et après-demain. Et vous aurez la démonstration qu'il n'y a pas d'alignement, s'agissant en particulier, de la demande insistante des Américains à propos de l'Ukraine et la Géorgie. Je peux vous l'assurer. Attendez seulement deux jours.
Quant à la guerre d'Irak, monsieur Ayrault, devrai-je vous renvoyer à mon article une énième fois ? Je vous en rappelle seulement le titre : "Non à la guerre, non à Saddam Hussein". Ne dites pas, après cela, que j'étais partisan de la guerre. J'étais simplement favorable à ce que le peuple irakien, à l'aide de l'ONU et des forces internationales, se débarrasse de son dictateur et bourreau, ce qui est bien autre chose.
Je ne vais pas être trop long. Qui sait ? Vous pourriez être convaincus ! Je termine avec votre souhait, Monsieur Ayrault, d'une réorientation vers la reconstruction. C'est exactement l'objectif de notre démarche. Nous devons faire un dernier effort : il prendra peut-être encore quelques années, mais il permettra de rendre aux Afghans dignité et liberté, ce qui est déjà à moitié fait, mais aussi leurs responsabilités. Et je vous assure que nous approchons de nos objectifs "d'afghanisation".
Quand une mission de paix commence, on lui fixe toujours un certain délai. Mais il ne se vérifie jamais dans les faits, car il faut du temps, M. Deflesselles l'a rappelé, pour faire en sorte que les buts soient atteints. Rappelons à ce propos quelques données : en Bosnie - à propos de laquelle il n'y a pas eu de débats suffisants ici - nos troupes sont restées dix-sept ans ; au Kosovo, neuf ans ; en République démocratique du Congo, quinze ans ; au Liban, trente ans ; sur le plateau du Golan, trente-cinq ans ; à Chypre, quarante ans.
Les choses sont ainsi : il faut au moins une génération. En Afghanistan, cela fait sept ans, ce qui n'est pas assez, Monsieur Ayrault - j'en suis désolé.
A M. Folliot, je répète qu'aucune décision n'a été prise à propos de l'OTAN. Au contraire, nous pensons qu'il faut aller extrêmement lentement, laisser les aspirations se faire jour sans se précipiter dans des décisions qui ne nous paraissent pas justifiées pour le moment. Un débat aura lieu à Bucarest. Je vous demande de le suivre et vous verrez encore une fois qu'il n'y a en aucune façon alignement.
Monsieur Sandrier, notre collaboration avec la Russie, dont vous avez rappelé le rôle en Afghanistan est bonne. Nos avions survolent la Russie et elle est prête à construire une route qui nous permettrait un accès plus facile en Afghanistan. Par ailleurs, des collaborations techniques, en particulier pour les hélicoptères, sont à l'étude.
Afficher un taux de croissance de 8 à 10 % alors que c'est l'un des pays les plus pauvres du monde, avouez que ce n'est pas mal, en tout cas c'est mieux qu'il y a quelques années. Certes, vous me répondrez que ce n'est pas assez et que cette croissance est mal répartie. Nos décisions stratégiques privilégieront l'agriculture qui, jusqu'à présent, ne recueille que 2 % de l'aide internationale.
Monsieur Sandrier, j'ai apprécié vos propos sur la "civilisation de la terre" et votre allusion à la globalisation-mondialisation.
Mais comment pouvez-vous, d'un côté, vous inquiéter de la sécurité des Français dans la lutte contre le terrorisme tout en souhaitant, de l'autre, que nous nous retirions de ce pays, base arrière du terrorisme ? Et c'est même apparemment de cet endroit, dans la zone tribale entre l'Afghanistan et le Pakistan, qu'Oussama Ben Laden continue à émettre ses messages. Il ne nous est donc pas possible de partir.
En outre, en évoquant un "fiasco de l'aide", vous oubliez, Monsieur Sandrier, les millions d'enfants qui ont découvert le chemin de l'école et qui sont en meilleure santé. En Afghanistan, 80 % de la population a désormais accès aux soins à proximité de son domicile. C'est tout à fait exceptionnel.
Il y va donc de notre sécurité et de nos valeurs, mais aussi du respect de l'exigence de solidarité envers le peuple afghan.
Monsieur Poniatowski, le circuit de distribution de l'aide est effectivement très perturbé et son harmonisation est extrêmement délicate, comme en témoignent les nombreuses études menées par les organisations non gouvernementales.
Nous allons essayer de proposer des solutions, mais ce n'est pas facile parce que l'insécurité dans le pays ne permet pas aux ONG de se déployer comme elles le souhaiteraient. Voilà pourquoi il faut accomplir des efforts en matière de sécurité sur le terrain.
Vous avez également rappelé la place qu'occupe l'Afghanistan dans l'échelle du développement humain. Or le développement et la sécurité sont intimement liés, et c'est cette approche que nous voulons étendre.
Monsieur Teissier, vous avez raison, la difficulté de la tâche ne doit pas nous faire renoncer. Ce serait pourtant tellement plus facile de partir ! Nous dirions que nous avons effectué notre devoir, et nous laisserions les autres se débrouiller. Or, il y a des appels très précis, en particulier des Hollandais, des Canadiens, de nos amis allemands.
Vous avez raison de rappeler qu'il nous est impossible de nous soustraire à nos responsabilités, au nom de la place que nous voulons occuper et que nous occupons dans le monde. Cet engagement honore la France.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 2008