Déclaration de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme et des services, sur les objectifs fixés par le gouvernement pour moderniser et rendre plus compétitif le secteur du tourisme, Paris le 20 mars 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès du Syndicat national des agents de voyage, à Paris le 20 mars 2008

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis fort de l'occasion qui m'est donnée de vous rencontrer dès le lendemain de ma nomination comme secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Je sais que l'intitulé de mon poste fait un peu peur. J'entends déjà : « son prédécesseur était déjà très occupé avec deux portefeuilles, qu'en sera-t-il de celui-ci avec cinq ! ».
Permettez-moi de prendre quelques secondes pour tenter de vous rassurer.
Je suis pleinement conscient de l'intérêt économique majeur que représente le secteur d'activité extrêmement varié qu'est le tourisme.
Je connais les chiffres, ils sont encore plus impressionnant qu'au milieu des années 1980, lorsque j'occupais déjà un poste ministériel englobant le tourisme : nombre d'emplois du secteur, importance dans la balance des paiements, nombre de visiteurs étrangers, poids du tourisme dans les problématiques d'aménagement du territoire ou de solidarité sociale, progression rapide du tourisme à l'échelle internationale, vous connaissez toutes ces données, elles nous obligent au plus grand sérieux lorsque nous traitons de ces matières.
Les agents de voyages sont évidemment l'une des professions incontournables du secteur du tourisme. C'est pourquoi je suis heureux d'être parmi vous, de prendre connaissance de vos travaux et débats et de pouvoir vous faire connaître mes premières propositions de travail en commun.
Je sais en effet que votre profession, et le secteur de l'organisation et de la vente de voyages et séjours en général, ont connu et vont connaître des mutations fondamentales qui, si elles sont mal appréhendées, mal anticipées et mal accompagnées, pourraient s'avérer très déstabilisantes. Et c'est ce travail commun d'anticipation et d'accompagnement de ces mutations que je vous propose.
Parmi le nombre des facteurs d'évolution qui impactent votre profession, et qui donc mobilisent l'Etat et l'administration chargés de suivre votre secteur d'activité, permettez-moi de rappeler certains dont il convient de comprendre et traiter les effets :
Premier grand facteur d'évolution, le boom d'internet et des nouvelles technologies au sens large.
Le vocabulaire de la profession s'est ainsi renouvelé de façon impressionnante en l'espace de 10 ans : « GDS, marque blanche, blogs, référencement, etc. » sont maintenant d'usage courant. Quelle révolution ! Ces technologies sont désormais un élément indispensable de la formation des jeunes qui souhaitent faire carrière dans le tourisme.
La vente par internet représente aujourd'hui 24% des ventes, et le tourisme représente le premier produit vendu sur internet soit 35% des ventes totales !
Pour le tourisme, internet a des effets paradoxaux.
Grâce au rapprochement qu'il favorise entre le prestataire et son client, il permet au consommateur de confectionner de plus en plus son voyage lui-même, souvent à la recherche du meilleur coût. On sait que le « forfait dynamique », c'est à dire le forfait constitué « à la carte » par le client lui-même, représente 10 à 15% du marché total des forfaits. Internet peut donc faire perdre de l'utilité au rôle d'intermédiation joué par l'agent de voyages.
Mais dans le même temps le paysage de l'offre touristique se complexifie pour ce même consommateur car il est sollicité par une extrême abondance de sources d'information possibles. Et là l'intermédiaire, le contact humain, le temps passé avec le client retrouvent toute leur utilité !
Pour les pouvoirs publics que je représente, les questions que posent les nouvelles technologies sont centrales et doivent être analysées : le consommateur est-il bien protégé ? internet accroît-il la concurrence de façon vertueuse ou au contraire risque-t-il de rendre l'offre « France » de plus en plus illisible, notamment pour le client étranger ? les nouvelles technologies de la communication peuvent-elles être mises à profit pour améliorer l'écoute du client par ceux qui font profession de répondre à ses attentes ? Etc.
Deuxième grand facteur d'évolution, auquel internet n'est pas étranger, un mouvement de fond dans le paysage capitalistique de la vente de voyages et séjours, par de nombreux rachats, fusions, regroupements, consolidations, affiliations, mondialisation d'agents de voyages et tour opérateurs, pour une course à la taille critique.
En accompagnement de ces mouvements du marché, notre préoccupation doit être d'observer leurs effets sur l'emploi et sur la compétitivité des entreprises nationales du secteur.
On a coutume de dire que le tourisme est un vivier d'emplois par définition non délocalisables ; c'est peut être moins assuré pour l'organisation et la vente de voyages.
Dans cette optique, je serai naturellement très attentif à toute mesure qui, sans dégrader la protection due au consommateur, permettra aux entreprises opérant en France d'être en situation de concurrence saine avec leurs concurrents étrangers. Régime de responsabilité, TVA, réglementation de la profession sont des thématiques sur lesquelles vous avez interpellé l'Etat et sur lesquelles il compte vous répondre.
Troisième grand facteur d'évolution, la montée des risques, ou plutôt de la perception que le touriste a des risques.
Nous avons observé toutes ces dernières années les effets déstabilisateurs pour le tourisme des crises liées aux guerres et attentats, aux alertes sanitaires, aux catastrophes naturelles.
Un jour c'est le Tsunami, qui révèle la formidable capacité d'organisation des tours opérateurs, des hôteliers, pour recenser les victimes, rapatrier les familles.
Un autre jour, c'est l'annulation du Paris - Dakar, la fermeture du Tibet, une nouvelle destination, tel le Kenya récemment, déconseillée sur le site Conseils aux Voyageurs du ministère des affaires étrangères.
Cela n'ira qu'en s'accroissant, à mesure que le touriste ira plus loin, recherchera davantage l'aventure et sera potentiellement l'otage de conflits locaux voire internationaux.
Nous avons commencé à travailler ensemble, administrations du tourisme et des affaires étrangères, professionnels du tourisme, OMT, pour forger doctrine et réflexes communs. Beaucoup reste encore à faire. Je m'emploierai à nous rendre collectivement plus efficaces.
Quatrième grand facteur d'évolution, mais j'aurais dû le placer en premier : les évolutions constantes des attentes de la clientèle. Le touriste a davantage de choix de destinations, il recherche la nouveauté en même temps que la sécurité, il nous arrive de destinations nouvelles... Notre adaptation à ses attentes doit être constante, tant pour les réceptifs que pour les TO, tant pour l'attractivité de la France que pour la bonne santé de notre secteur de l'outgoing. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer, mais pour accompagner les professionnels dans leurs démarches de progrès ; votre profession, comme toutes les professions du tourisme, doit sans cesse aller de l'avant pour ne pas régresser voire disparaître.
Sur tous ces sujets j'appelle de mes voeux des réflexions communes.
La force de notre industrie touristique repose en effet sur trois piliers :
? la confiance du consommateur
? la lisibilité et l'attractivité de l'offre
? la compétitivité de nos entreprises
Il me semble donc que doivent être poursuivis cinq grands objectifs pour ce qui concerne l'organisation et la vente de voyages :
- Premier objectif, améliorer la compétitivité des entreprises tout en assurant la protection du consommateur
- Deuxième objectif, une réponse juridique adéquate à certaines situations mal prises en compte dans notre droit : la vente sur internet ; la question de la garantie des vols secs
- Troisième objectif, l'amélioration de la lisibilité de l'offre pour le consommateur et la couverture du territoire par une offre touristique suffisante et adaptée
- Quatrième objectif, l'amélioration des conditions de concurrence dans l'exercice de la profession avec les concurrents internationaux
- Cinquième objectif, la réduction des coûts administratifs de la réglementation de la vente de voyages et prestations touristiques, et ce en vertu de l'obligation qui incombe à l'Etat de rationaliser ses politiques publiques.
La conformité avec le droit communautaire doit bien entendu demeurer centrale dans les réflexions. Vous savez que dès à présent la transposition des directives « Reconnaissance des qualifications professionnelles » ou « Services », demain la révision, qui débute à peine, de la directive « Voyages à forfaits » nécessitent des adaptations de notre droit.
Participe bien entendu de l'atteinte de tous ces objectifs le règlement des questions lancinantes relatives à la coexistence de plusieurs régimes d'autorisation, quatre actuellement, deux sous l'empire de l'ordonnance de 2005 qui n'est toujours pas entrée en vigueur faute de décret d'application.
Je connais les débats, encore récemment réouverts, qui agitent les professionnels des voyages et séjours, agents de voyages, mais aussi professionnels habilités, associations ou organismes locaux de tourisme.
J'ai aussi la conviction que si nous nous trouvons sur les objectifs que je viens d'énoncer, nous finirons par nous trouver aussi sur les solutions adéquates pour les atteindre.
Tous ces sujets doivent être débattus très vite et au fond des choses entre nous, dans une grande transparence.
En tout état de cause le cap que je me fixe dans les réformes qu'il nous faut mettre en place est le suivant : moderniser, mais sans mettre en péril vos conditions d'exercice, et sans s'éloigner des obligations qui découlent pour nous tous de l'application des nouvelles règles de droit, notamment communautaires.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je vous donne donc rendez-vous très prochainement, avec l'administration de la direction du tourisme, pour reparler de tous ces sujets stratégiques.
Je vous remercie.
Source http://www.snav.org, le 14 avril 2008