Déclaration de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, sur la hausse des prix alimentaires dans les pays en voie de développement et les réponses de la communauté internationale, à Washington le 13 avril 2008.

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Circonstance : Comité du développement de la Banque mondiale, à Washington le 13 avril 2008

Texte intégral

Monsieur le Président, Chers Collègues,
Je voudrais revenir sur le point crucial souligné par nombre d'entre vous : la question de la hausse des prix alimentaires et des prix des produits de base.
Il s'agit d'une situation exceptionnelle qui a déjà affecté de nombreux pays sur les continents africain, latino-américain et asiatique. Plusieurs gouvernements ont dû faire face au mécontentement de leurs populations durement touchées par des augmentations de prix sur des produits liés à leur survie. En un an, le prix du kilo de riz à Dakar a augmenté de 25 % ; le prix du kilo de lait en poudre a augmenté de 70 %. Comment concrètement faire face à de telles hausses avec des revenus monétaires extrêmement réduits ? Comment faire avec moins d'un dollar par jour ?
La catastrophe humanitaire, ce que le commissaire Louis Michel, a qualifié de "tsunami alimentaire", est à nos portes. Nous devons faire face dans les prochaines semaines, dans les prochains mois. Si nous n'agissons pas, nous assisterons à la multiplication des émeutes de la faim, à un accroissement des inégalités entre les populations, à un développement des situations de malnutrition, dont les premières victimes seront les mères et les enfants. Tous nos efforts dans la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement risquent d'être réduits à néant.
Comme l'ont souligné Dominique Strauss-Kahn, Robert Zoellick et nombre d'entre nous, cette situation d'urgence appelle une véritable réponse d'urgence de la communauté internationale. Le monde de l'Aide publique au Développement ne doit pas se comporter comme il le fait habituellement dans ce genre de situation : prendre plusieurs mois pour analyser la situation et bâtir une réponse ; travailler sur des recommandations parfois contradictoires entre elles. Il nous faut au contraire travailler sur une réponse collective, rapide, efficace et coordonnée répondant aux besoins de nos pays partenaires et de leurs populations. Il nous faut construire un cadre intégré d'intervention dans lequel les actions des uns et des autres, celles des organisations humanitaires, celles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, celles des agences de développement et celles des acteurs privés, s'inscrivent harmonieusement.
Pour renforcer notre efficacité, nous gagnerions, me semble-t-il, à explorer plusieurs pistes de travail :
- la première est évidemment de répondre à l'appel d'urgence du PAM. La France vient de décider d'augmenter sa contribution au PAM ;
- la seconde serait tout d'abord d'établir, sous l'égide du Programme alimentaire mondial, une "task force" internationale associant les Institutions de Bretton-Woods, les donateurs bilatéraux et multilatéraux, les grandes ONG et fondations internationales. Cette "task force" serait chargée au jour le jour de faire face à l'évolution de la situation. Cette "task force" pourrait travailler avec les pays partenaires à la mise en place de solutions immédiates comme la baisse transitoire des droits de douane, la mise en place de filets de sécurité pour amortir les conséquences de court terme pour les populations les plus vulnérables, l'établissement de dispositifs d'accompagnement, y compris sous forme de subvention pour stimuler les productions locales ;
- la troisième piste serait naturellement de travailler sur le plus long terme à des idées plus structurelles de reconstitution de fonds de réserve, à des mesures permettant la relance des agricultures vivrières, à la mise en place de dispositifs permettant d'investir dans les infrastructures et la formation du capital humain.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 avril 2008