Texte intégral
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
C'est un très grand honneur de m'exprimer devant vous au terme d'une journée de travail particulièrement dense et riche qui m'a permis de rencontrer le président de la République, le Premier ministre, des parlementaires et l'équipe en charge des négociations d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne.
Mais cette première visite en Croatie, en tant que secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, aurait été incomplète sans une rencontre avec vous, étudiants de la Faculté de Sciences politiques, car on ne saurait faire une visite consacrée à l'Union européenne sans en discuter avec les jeunes et la société civile. Je dis bien discuter car je ferai un discours bref pour consacrer davantage de temps à vos questions.
Je suis très heureux d'avoir effectué cette visite à un moment important pour la Croatie : votre pays vient d'être invité à adhérer à l'OTAN au sommet de Bucarest. C'est une étape importante dans la construction de la Croatie d'aujourd'hui et de demain. La France a soutenu chaleureusement cette décision.
Ce résultat montre que les réformes que vous avez conduites et les efforts que vous avez accomplis sont récompensés. Reste maintenant l'objectif stratégique de votre pays : devenir le 28ème membre de l'Union européenne.
Où en sommes nous aujourd'hui ?
La négociation d'adhésion a commencé le 3 octobre 2005.
La Croatie s'est donnée comme objectif d'achever la négociation à l'été ou l'automne 2009, pour signer en 2010 et devenir membre en 2011.
L'année 2008 sera donc essentielle pour atteindre cet objectif. Quelques chapitres, en plus des 14 déjà ouverts, le seront sous Présidence slovène. Beaucoup restera donc à faire pendant la Présidence française. Nous sommes prêts à partager votre ambition. Mais chacun doit savoir où sont ses responsabilités.
Le 13 mars, le président de la Commission, M. Barroso a indiqué que "cet automne, la commission présentera un calendrier indicatif pour la conclusion technique des négociations en 2009, pour autant qu'un certain nombre de conditions soient remplies".
Plutôt que de s'interroger sur la question de savoir si cette date, 2009, est accessible, ce que je crois si tous les efforts nécessaires sont faits, je voudrais élargir mon introduction à notre discussion en essayant de décrire la portée, l'enjeu, de cette négociation d'adhésion.
Car il y a des enjeux des deux côtés : pour la Croatie, mais aussi pour l'Union européenne.
Les enjeux de l'adhésion à l'Union européenne pour la Croatie.
Vous les connaissez certainement mieux que moi. Il peut paraître un peu présomptueux de ma part d'essayer d'énumérer à votre place les raisons pour rejoindre la famille européenne.
En même temps, je crois que certaines évidences ne doivent jamais être perdues de vue. Il n'est pas inutile de les rappeler. D'ailleurs ne valent-elles pas encore pour tous les Etats membres ?
Pour la Croatie, je vois trois enjeux :
- vivre dans le passé, ou vivre avec son passé et construire son avenir ?
- être spectateur ou acteur du continent européen ?
- se réformer seul ou avec l'aide de l'Europe ?
Vivre dans le passé ? Ou vivre avec son passé et construire son avenir ?
La Croatie est indépendante depuis 1991. La guerre s'est achevée en 1995. Votre pays n'a recouvré tout son territoire qu'en 1998. Bien sûr moins d'une génération nous sépare des circonstances dramatiques, terribles, dans lesquelles la Croatie a été fondée. Mais après cette étape fondatrice douloureuse, l'Europe est probablement le meilleur projet pour se tourner vers l'avenir. Vous vous souvenez du sommet de Zagreb, organisé en 2000, pendant la précédente Présidence française de l'Union européenne, au cours duquel la perspective européenne a, pour la première fois, été offerte, par tous les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, aux pays de la région.
Chaque histoire nationale est unique. Et aucun pays ne peut s'ériger en modèle. Mais je peux rappeler l'exemple de la France : c'est par le projet de construction de l'Europe que la France s'est non seulement reconstruite après la seconde guerre mondiale, mais également qu'elle a pu, avec l'Allemagne, bâtir une relation totalement nouvelle, sans précédent dans l'histoire des deux pays, qui joue aujourd'hui un rôle central, quoique non exclusif, dans l'Union européenne.
Je ne doute donc pas de la volonté de la Croatie d'achever, à son tour, à travers sa marche vers l'Union européenne, une oeuvre de réconciliation nécessaire à la région mais aussi à toute l'Europe. C'est pour cela qu'il est important de poursuivre les efforts engagés dans des domaines aussi importants que le soutien aux réfugiés ou le jugement des crimes de guerre.
Etre européen, c'est être en paix avec ses voisins mais aussi être en paix avec soi-même et sa propre histoire, aussi douloureuse soit elle.
Etre spectateur ou acteur du continent européen ?
Les grands défis de demain ne seront pas nationaux. Pour aucun pays. Ils seront à l'échelle du continent.
Déjà aujourd'hui, la Croatie est liée à l'Union européenne dans de nombreux domaines : par son économie (plus des deux tiers de ses échanges ou des investissements étrangers), par sa monnaie, très liée à l'euro, mais aussi pour la création des conditions nécessaires à la stabilité de la région, et aux bonnes relations avec ses voisins.
Demain, cette échelle européenne des problèmes sera encore plus évidente. Nous voyons déjà les thèmes de demain se dessiner et pas un seul ne concerne pas directement la Croatie : l'énergie et la protection de l'environnement, l'approche globale des questions migratoires, le développement de l'Europe de la défense. Autant de raisons pour que la Croatie, dès qu'elle sera prête, rejoigne les 27 Etats membres. Pour décider avec eux, avec nous.
Avec l'Union européenne, la Croatie rejoint aussi un nouvel espace de solidarités et un nouveau cadre pour son rayonnement international.
Grâce à l'Union pour la Méditerranée, lancée à l'initiative de la France, la Croatie participera pour la première fois à une structure de coopération régionale au sein de laquelle elle pourra mettre en valeur sa riche identité méditerranéenne et participer à des projets concrets de protection de l'environnement, de dépollution et de développement des échanges dans tous les domaines. La Croatie participera naturellement au Sommet de lancement de l'Union pour la Méditerranée, à Paris, le 13 juillet prochain.
Se réformer seul ou avec l'aide de l'Europe ?
Trop souvent l'on explique que des réformes sont rendues nécessaires parce que c'est l'Europe qui l'exige, voire même parce que c'est l'Europe qui l'imposerait. Cette présentation est probablement faite parfois en Croatie. Elle l'est dans d'autres pays, y compris par exemple en France.
Mais cette présentation n'est pas exacte. Les réformes doivent être faites parce qu'il faut s'adapter et préparer l'avenir ; rendre l'Europe responsable de la nécessité de la réforme c'est, d'une certaine façon, ne pas oser dire cette exacte réalité. Ces réformes, c'est nous-mêmes qui les concevons, les mettons en oeuvre, les accompagnons.
Je prendrai quelques exemples.
Réformer l'Etat en France est nécessaire pour ne pas endetter les générations futures. En d'autres termes, le pacte de stabilité et de croissance est un instrument mais il n'est pas à l'origine de la nécessité de la réforme de l'Etat.
De la même façon, certaines réformes peuvent être difficiles en Croatie. Je pense à des industries qui hier avaient un marché mais qui aujourd'hui ne sont plus assez compétitives. Je pense aussi à l'agriculture qu'il faut préparer à la concurrence de demain ; ou aux régions les moins riches qu'il faut développer. Ou, plus simplement, à l'éducation, l'enseignement. Pour que vous soyez mieux préparés pour prendre vos responsabilités dans la société de demain.
Ce sont des réalités auxquelles il faut faire face. Et ce que l'Europe apporte face à ce besoin de réforme, qu'encore une fois tous les pays rencontrent, c'est un appui. La France y contribue directement à travers des programmes de formation ou des experts de haut niveau mis à la disposition du gouvernement croate.
Permettez-moi encore d'insister sur ce point. En réalité c'est bien de la façon suivante qu'il faut présenter le rôle de l'Europe dans le processus de réforme dans un pays tel que la Croatie : si la Croatie veut créer les emplois de demain dont elle a besoin, certaines réformes sont nécessaires ; et la question est : quelle aide l'Union européenne peut-elle apporter à la Croatie dans son processus de réforme ? Et les instruments européens, les outils européens sont nombreux : la politique agricole commune, mais aussi les fonds structurels, ou même dans le domaine de l'éducation (Erasmus) ou de la recherche pour ne citer que quelques politiques communes.
Dans le domaine de la consolidation de l'Etat de droit, la problématique est la même. La réforme de l'administration, une justice plus transparente et plus efficace, sont nécessaires, avec ou sans l'Europe. Ces réformes sont dans l'intérêt, d'abord, du citoyen croate. Elles sont nécessaires pour faire respecter les valeurs auxquelles les Croates sont eux-mêmes attachés. Simplement l'Europe peut apporter toute son aide, son expérience.
Des enjeux pour l'Union européenne également.
Pour l'Union européenne et ses Etats membres, la négociation d'adhésion comporte probablement deux principaux enjeux :
- progresser dans la stabilité de la région
- la crédibilité des institutions et des règles européennes.
Progresser dans la stabilité de la région.
Comme je l'ai mentionné, l'UE a offert une perspective européenne à tous les Etats de la région.
Mais chaque pays sera traité selon ses propres mérites et dans le respect des critères de conditionnalité. Cela signifie qu'il n'est absolument pas question pour nous de faire patienter la Croatie en attendant les autres pays de la région. Au contraire : nous comptons sur la valeur d'exemple du processus d'adhésion croate pour renforcer la perspective européenne des autres pays.
Derrière son exemple d'autres pays progressent en effet : la Macédoine a le statut d'Etat candidat.
Le Monténégro et l'Albanie ont signé des accords de stabilisation et d'association et avancent vers l'Union européenne. La consolidation de la Bosnie-Herzégovine passe également par l'Europe.
La Serbie connaît les difficultés intérieures que nous savons. Mais son avenir ne peut être qu'Européen, et je ne doute pas que telle est la volonté des citoyens de Serbie.
Enfin, le Kosovo vient de proclamer son indépendance et devra également trouver sa place au sein de l'Union européenne. En attendant, l'Union européenne doit contribuer à sa stabilité à travers la mission EULEX qui sera la plus grande mission jamais déployée par l'Union européenne au titre de la Politique européenne de sécurité et de défense.
Vous connaissez mieux que moi l'histoire de cette mosaïque. La question fondamentale qui est posée à l'Europe est la suivante : dans cette région du monde qui a si souvent connu la guerre, dans cette région du monde dont les turbulences ont si souvent affecté l'histoire européenne tout entière, est-il possible, ensemble, de conduire un processus ordonné, maîtrisé, de réforme et de stabilisation ?
La grande différence avec tous les épisodes passés est que, cette fois, l'Europe est unie derrière cet objectif. Nous ne l'étions pas auparavant, ni même pendant l'éclatement de la Yougoslavie où l'Europe a agi de manière dispersée - et a échoué.
Si l'Union européenne réussit avec la Croatie, alors nous offrons ensemble un exemple irréfutable à toute la région. Quel meilleur argument pour convaincre ? Pour convaincre à la fois les autres pays de la région mais aussi les citoyens de l'Union européenne que la famille européenne n'est pas encore au complet et que l'élargissement doit se poursuivre au bénéfice de tous.
La crédibilité des règles et des institutions européennes.
Ce dernier enjeu est peut être parfois oublié du côté des pays candidats. Mais il est essentiel.
Plus l'Union européenne s'élargit, plus elle doit chaque jour faire la preuve à ses citoyens qu'elle apporte une contribution positive à l'échelle du continent et au-delà.
Cela veut dire que, plus l'Union européenne s'élargit, plus il est nécessaire de rappeler ses fondements, ses valeurs communes, et plus généralement son acquis. Cet acquis ne recouvre pas seulement ses politiques (la PAC, la politique régionale, etc...). Cet acquis comprend aussi ses institutions et son fonctionnement.
Lorsque la négociation d'adhésion de la Croatie sera achevée, lorsque le traité sera signé, il devra ensuite être ratifié. Bien sûr, avec le Traité de Lisbonne, la question institutionnelle ne sera pas réouverte.
Bien sûr, également, tous les Etats européens sont favorables à l'adhésion de la Croatie. En France, l'obligation de référendum pour tout nouvel élargissement, non seulement devrait évoluer dans les prochaines semaines, mais, de plus, ne s'applique pas à la Croatie.
Mais il n'en reste pas moins que nous devrons, devant nos opinions publiques, justifier le résultat de la négociation d'adhésion de la Croatie. Pour toutes ces raisons le niveau d'exigence pour entrer dans l'Union européenne ne peut pas être abaissé. Mais je n'ai aucun doute que la Croatie saura franchir très bientôt ce seuil. Et nous agirons en totale solidarité avec vous.
En conclusion je voudrais souligner toute l'importance que la France, pendant sa présidence de l'Union européenne accordera aux négociations d'adhésion avec la Croatie.
Tous les enjeux que j'ai décrits, pour votre pays comme pour l'Union européenne, sont autant de raisons pour souhaiter ensemble, une adhésion très prochaine.
Nous travaillons d'ores et déjà ensemble à cet objectif qui est un objectif partagé.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 avril 2008
C'est un très grand honneur de m'exprimer devant vous au terme d'une journée de travail particulièrement dense et riche qui m'a permis de rencontrer le président de la République, le Premier ministre, des parlementaires et l'équipe en charge des négociations d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne.
Mais cette première visite en Croatie, en tant que secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, aurait été incomplète sans une rencontre avec vous, étudiants de la Faculté de Sciences politiques, car on ne saurait faire une visite consacrée à l'Union européenne sans en discuter avec les jeunes et la société civile. Je dis bien discuter car je ferai un discours bref pour consacrer davantage de temps à vos questions.
Je suis très heureux d'avoir effectué cette visite à un moment important pour la Croatie : votre pays vient d'être invité à adhérer à l'OTAN au sommet de Bucarest. C'est une étape importante dans la construction de la Croatie d'aujourd'hui et de demain. La France a soutenu chaleureusement cette décision.
Ce résultat montre que les réformes que vous avez conduites et les efforts que vous avez accomplis sont récompensés. Reste maintenant l'objectif stratégique de votre pays : devenir le 28ème membre de l'Union européenne.
Où en sommes nous aujourd'hui ?
La négociation d'adhésion a commencé le 3 octobre 2005.
La Croatie s'est donnée comme objectif d'achever la négociation à l'été ou l'automne 2009, pour signer en 2010 et devenir membre en 2011.
L'année 2008 sera donc essentielle pour atteindre cet objectif. Quelques chapitres, en plus des 14 déjà ouverts, le seront sous Présidence slovène. Beaucoup restera donc à faire pendant la Présidence française. Nous sommes prêts à partager votre ambition. Mais chacun doit savoir où sont ses responsabilités.
Le 13 mars, le président de la Commission, M. Barroso a indiqué que "cet automne, la commission présentera un calendrier indicatif pour la conclusion technique des négociations en 2009, pour autant qu'un certain nombre de conditions soient remplies".
Plutôt que de s'interroger sur la question de savoir si cette date, 2009, est accessible, ce que je crois si tous les efforts nécessaires sont faits, je voudrais élargir mon introduction à notre discussion en essayant de décrire la portée, l'enjeu, de cette négociation d'adhésion.
Car il y a des enjeux des deux côtés : pour la Croatie, mais aussi pour l'Union européenne.
Les enjeux de l'adhésion à l'Union européenne pour la Croatie.
Vous les connaissez certainement mieux que moi. Il peut paraître un peu présomptueux de ma part d'essayer d'énumérer à votre place les raisons pour rejoindre la famille européenne.
En même temps, je crois que certaines évidences ne doivent jamais être perdues de vue. Il n'est pas inutile de les rappeler. D'ailleurs ne valent-elles pas encore pour tous les Etats membres ?
Pour la Croatie, je vois trois enjeux :
- vivre dans le passé, ou vivre avec son passé et construire son avenir ?
- être spectateur ou acteur du continent européen ?
- se réformer seul ou avec l'aide de l'Europe ?
Vivre dans le passé ? Ou vivre avec son passé et construire son avenir ?
La Croatie est indépendante depuis 1991. La guerre s'est achevée en 1995. Votre pays n'a recouvré tout son territoire qu'en 1998. Bien sûr moins d'une génération nous sépare des circonstances dramatiques, terribles, dans lesquelles la Croatie a été fondée. Mais après cette étape fondatrice douloureuse, l'Europe est probablement le meilleur projet pour se tourner vers l'avenir. Vous vous souvenez du sommet de Zagreb, organisé en 2000, pendant la précédente Présidence française de l'Union européenne, au cours duquel la perspective européenne a, pour la première fois, été offerte, par tous les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, aux pays de la région.
Chaque histoire nationale est unique. Et aucun pays ne peut s'ériger en modèle. Mais je peux rappeler l'exemple de la France : c'est par le projet de construction de l'Europe que la France s'est non seulement reconstruite après la seconde guerre mondiale, mais également qu'elle a pu, avec l'Allemagne, bâtir une relation totalement nouvelle, sans précédent dans l'histoire des deux pays, qui joue aujourd'hui un rôle central, quoique non exclusif, dans l'Union européenne.
Je ne doute donc pas de la volonté de la Croatie d'achever, à son tour, à travers sa marche vers l'Union européenne, une oeuvre de réconciliation nécessaire à la région mais aussi à toute l'Europe. C'est pour cela qu'il est important de poursuivre les efforts engagés dans des domaines aussi importants que le soutien aux réfugiés ou le jugement des crimes de guerre.
Etre européen, c'est être en paix avec ses voisins mais aussi être en paix avec soi-même et sa propre histoire, aussi douloureuse soit elle.
Etre spectateur ou acteur du continent européen ?
Les grands défis de demain ne seront pas nationaux. Pour aucun pays. Ils seront à l'échelle du continent.
Déjà aujourd'hui, la Croatie est liée à l'Union européenne dans de nombreux domaines : par son économie (plus des deux tiers de ses échanges ou des investissements étrangers), par sa monnaie, très liée à l'euro, mais aussi pour la création des conditions nécessaires à la stabilité de la région, et aux bonnes relations avec ses voisins.
Demain, cette échelle européenne des problèmes sera encore plus évidente. Nous voyons déjà les thèmes de demain se dessiner et pas un seul ne concerne pas directement la Croatie : l'énergie et la protection de l'environnement, l'approche globale des questions migratoires, le développement de l'Europe de la défense. Autant de raisons pour que la Croatie, dès qu'elle sera prête, rejoigne les 27 Etats membres. Pour décider avec eux, avec nous.
Avec l'Union européenne, la Croatie rejoint aussi un nouvel espace de solidarités et un nouveau cadre pour son rayonnement international.
Grâce à l'Union pour la Méditerranée, lancée à l'initiative de la France, la Croatie participera pour la première fois à une structure de coopération régionale au sein de laquelle elle pourra mettre en valeur sa riche identité méditerranéenne et participer à des projets concrets de protection de l'environnement, de dépollution et de développement des échanges dans tous les domaines. La Croatie participera naturellement au Sommet de lancement de l'Union pour la Méditerranée, à Paris, le 13 juillet prochain.
Se réformer seul ou avec l'aide de l'Europe ?
Trop souvent l'on explique que des réformes sont rendues nécessaires parce que c'est l'Europe qui l'exige, voire même parce que c'est l'Europe qui l'imposerait. Cette présentation est probablement faite parfois en Croatie. Elle l'est dans d'autres pays, y compris par exemple en France.
Mais cette présentation n'est pas exacte. Les réformes doivent être faites parce qu'il faut s'adapter et préparer l'avenir ; rendre l'Europe responsable de la nécessité de la réforme c'est, d'une certaine façon, ne pas oser dire cette exacte réalité. Ces réformes, c'est nous-mêmes qui les concevons, les mettons en oeuvre, les accompagnons.
Je prendrai quelques exemples.
Réformer l'Etat en France est nécessaire pour ne pas endetter les générations futures. En d'autres termes, le pacte de stabilité et de croissance est un instrument mais il n'est pas à l'origine de la nécessité de la réforme de l'Etat.
De la même façon, certaines réformes peuvent être difficiles en Croatie. Je pense à des industries qui hier avaient un marché mais qui aujourd'hui ne sont plus assez compétitives. Je pense aussi à l'agriculture qu'il faut préparer à la concurrence de demain ; ou aux régions les moins riches qu'il faut développer. Ou, plus simplement, à l'éducation, l'enseignement. Pour que vous soyez mieux préparés pour prendre vos responsabilités dans la société de demain.
Ce sont des réalités auxquelles il faut faire face. Et ce que l'Europe apporte face à ce besoin de réforme, qu'encore une fois tous les pays rencontrent, c'est un appui. La France y contribue directement à travers des programmes de formation ou des experts de haut niveau mis à la disposition du gouvernement croate.
Permettez-moi encore d'insister sur ce point. En réalité c'est bien de la façon suivante qu'il faut présenter le rôle de l'Europe dans le processus de réforme dans un pays tel que la Croatie : si la Croatie veut créer les emplois de demain dont elle a besoin, certaines réformes sont nécessaires ; et la question est : quelle aide l'Union européenne peut-elle apporter à la Croatie dans son processus de réforme ? Et les instruments européens, les outils européens sont nombreux : la politique agricole commune, mais aussi les fonds structurels, ou même dans le domaine de l'éducation (Erasmus) ou de la recherche pour ne citer que quelques politiques communes.
Dans le domaine de la consolidation de l'Etat de droit, la problématique est la même. La réforme de l'administration, une justice plus transparente et plus efficace, sont nécessaires, avec ou sans l'Europe. Ces réformes sont dans l'intérêt, d'abord, du citoyen croate. Elles sont nécessaires pour faire respecter les valeurs auxquelles les Croates sont eux-mêmes attachés. Simplement l'Europe peut apporter toute son aide, son expérience.
Des enjeux pour l'Union européenne également.
Pour l'Union européenne et ses Etats membres, la négociation d'adhésion comporte probablement deux principaux enjeux :
- progresser dans la stabilité de la région
- la crédibilité des institutions et des règles européennes.
Progresser dans la stabilité de la région.
Comme je l'ai mentionné, l'UE a offert une perspective européenne à tous les Etats de la région.
Mais chaque pays sera traité selon ses propres mérites et dans le respect des critères de conditionnalité. Cela signifie qu'il n'est absolument pas question pour nous de faire patienter la Croatie en attendant les autres pays de la région. Au contraire : nous comptons sur la valeur d'exemple du processus d'adhésion croate pour renforcer la perspective européenne des autres pays.
Derrière son exemple d'autres pays progressent en effet : la Macédoine a le statut d'Etat candidat.
Le Monténégro et l'Albanie ont signé des accords de stabilisation et d'association et avancent vers l'Union européenne. La consolidation de la Bosnie-Herzégovine passe également par l'Europe.
La Serbie connaît les difficultés intérieures que nous savons. Mais son avenir ne peut être qu'Européen, et je ne doute pas que telle est la volonté des citoyens de Serbie.
Enfin, le Kosovo vient de proclamer son indépendance et devra également trouver sa place au sein de l'Union européenne. En attendant, l'Union européenne doit contribuer à sa stabilité à travers la mission EULEX qui sera la plus grande mission jamais déployée par l'Union européenne au titre de la Politique européenne de sécurité et de défense.
Vous connaissez mieux que moi l'histoire de cette mosaïque. La question fondamentale qui est posée à l'Europe est la suivante : dans cette région du monde qui a si souvent connu la guerre, dans cette région du monde dont les turbulences ont si souvent affecté l'histoire européenne tout entière, est-il possible, ensemble, de conduire un processus ordonné, maîtrisé, de réforme et de stabilisation ?
La grande différence avec tous les épisodes passés est que, cette fois, l'Europe est unie derrière cet objectif. Nous ne l'étions pas auparavant, ni même pendant l'éclatement de la Yougoslavie où l'Europe a agi de manière dispersée - et a échoué.
Si l'Union européenne réussit avec la Croatie, alors nous offrons ensemble un exemple irréfutable à toute la région. Quel meilleur argument pour convaincre ? Pour convaincre à la fois les autres pays de la région mais aussi les citoyens de l'Union européenne que la famille européenne n'est pas encore au complet et que l'élargissement doit se poursuivre au bénéfice de tous.
La crédibilité des règles et des institutions européennes.
Ce dernier enjeu est peut être parfois oublié du côté des pays candidats. Mais il est essentiel.
Plus l'Union européenne s'élargit, plus elle doit chaque jour faire la preuve à ses citoyens qu'elle apporte une contribution positive à l'échelle du continent et au-delà.
Cela veut dire que, plus l'Union européenne s'élargit, plus il est nécessaire de rappeler ses fondements, ses valeurs communes, et plus généralement son acquis. Cet acquis ne recouvre pas seulement ses politiques (la PAC, la politique régionale, etc...). Cet acquis comprend aussi ses institutions et son fonctionnement.
Lorsque la négociation d'adhésion de la Croatie sera achevée, lorsque le traité sera signé, il devra ensuite être ratifié. Bien sûr, avec le Traité de Lisbonne, la question institutionnelle ne sera pas réouverte.
Bien sûr, également, tous les Etats européens sont favorables à l'adhésion de la Croatie. En France, l'obligation de référendum pour tout nouvel élargissement, non seulement devrait évoluer dans les prochaines semaines, mais, de plus, ne s'applique pas à la Croatie.
Mais il n'en reste pas moins que nous devrons, devant nos opinions publiques, justifier le résultat de la négociation d'adhésion de la Croatie. Pour toutes ces raisons le niveau d'exigence pour entrer dans l'Union européenne ne peut pas être abaissé. Mais je n'ai aucun doute que la Croatie saura franchir très bientôt ce seuil. Et nous agirons en totale solidarité avec vous.
En conclusion je voudrais souligner toute l'importance que la France, pendant sa présidence de l'Union européenne accordera aux négociations d'adhésion avec la Croatie.
Tous les enjeux que j'ai décrits, pour votre pays comme pour l'Union européenne, sont autant de raisons pour souhaiter ensemble, une adhésion très prochaine.
Nous travaillons d'ores et déjà ensemble à cet objectif qui est un objectif partagé.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 avril 2008