Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à ITélé, le 8 avril 2008, sur le parcours de la flamme olympique, les dépenses de santé, le remboursement des médicaments et la carte hospitalière.

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Média : Itélé

Texte intégral


 
N. Iannetta et L. Bazin N. Iannetta : Elle a deux énormes actualités, aujourd'hui, elle est notre invitée. Ministre de la Santé et des Sports, madame R. Bachelot, bonjour.
 
R.- Bonjour.
 
N. Iannetta : On va évidemment parler de ces 5 milliards d'économies qu'il va falloir faire sur la Sécurité sociale après l'annonce d'E. Woerth hier. Mais on va évidemment revenir sur ce que Le Parisien - et on ne va prendre que ce titre-là, parce qu'ils sont tous du même acabit - sur ce qu'on a titré comme étant « le fiasco. ». Le CIO annonce qu'il va réfléchir à l'idée d'interrompre le parcours mondial de la flamme, non pas maintenant, mais pour les prochains Jeux. Est-ce qu'il ne faudrait pas qu'elle s'interrompe maintenant ?
 
R.- Oh, le CIO prendra la décision qui lui paraîtra la plus adéquate. Moi, en tant que ministre des Sports, je veux exprimer ma profonde tristesse devant ce qui s'est passé hier. Je crois qu'on pouvait tout à fait concilier le droit de manifester, la défense du peuple tibétain à conserver son identité, sa culture et en même temps respecter le passage de la flamme olympique. Je remarque d'ailleurs que la manifestation du Trocadéro s'est bien passée et, véritablement, j'étais à l'entrée du Stade Charléty et quand j'ai vu...
 
N. Iannetta : Pour l'arrivée de la flamme.
 
R.- Pour l'arrivée de la flamme, et quand j'ai vu les sportifs qui étaient là - C. Aron, par exemple, mais d'autres, ils étaient très nombreux...
 
N. Iannetta : Qui n'a pas pu allumer sa torche.
 
R.- Qui n'a pas pu allumer sa torche et qui s'est fait jeter des tomates et des oeufs par les manifestants, j'ai cherché quel était le bénéfice que pouvait en tirer d'un côté le peuple tibétain et de l'autre l'olympisme, et je crois qu'il n'y a eu que des perdants hier.
 
N. Iannetta : Mais vous parlez, là, des manifestants pro tibétains, il y avait également les organisateurs chinois, c'est eux qui ont éteint par exemple la torche que devait allumer D. Douillet...
L. Bazin : A quatre reprises, oui.
N. Iannetta : A quatre reprises, tout au long de ce parcours. Est-ce que franchement, quand on voit la manière dont se sont comportés les organisateurs chinois, vous ne redoutez pas ces Jeux Olympiques organisés comme ça à Pékin au mois d'août ?
 
R.- Alors nous, ce que nous voulons faire avec le gouvernement français, avec le président de la République, c'est bien entendu exprimer notre inquiétude devant les atteintes aux Droits de l'Homme. Inviter le gouvernement chinois à respecter cette identité culturelle, historique du peuple tibétain.
 
L. Bazin : Les mots ne suffisent plus apparemment ?
 
R.- Mais oui, mais je crois que c'est, et nous voulons le faire, nous voulons le faire...
 
L. Bazin : C'est pour ça qu'hier, visiblement, certains ont cru qu'il fallait passer les barrières ?
 
R.- Nous voulons le faire de façon très ferme. Franchement, je crois que le droit de manifester dans notre pays est un droit irréfragable, il peut se faire en respectant le parcours de la flamme olympique. Véritablement, je ne vois pas ce que les droits du peuple tibétain ont gagné.
 
L. Bazin : Il n'y a pas de faute, ce matin, les Chinois disent en particulier, qu'il y a une expression de haine, de la Chine qui s'est manifestée, et que la France a été incompétente en particulier la police française ?
 
R.- Nous sommes dans un pays démocratique, le droit de manifester est aussi un droit irréfragable dans un pays démocratique. Et les manifestants ont pu le faire, peut-être d'une façon...
 
L. Bazin : Pour vous, les policiers ont fait leur boulot ?
 
R.- Bien entendu.
 
L. Bazin : Même quand ils ont arraché des drapeaux tibétains et pas des drapeaux chinois ? Ca a été une des polémiques d'hier ?
 
R.- Je ne sais pas moi, je ne rentre pas en polémique. Moi, j'ai vu aux alentours du Stade Charléty, j'ai vu les forces de police, elles se sont bien comportées, véritablement. Je regardais les manifestants des deux bords d'ailleurs manifester, s'invectiver et véritablement la police a respecté le droit démocratique dans notre pays.
 
N. Iannetta : On va passer à la Sécurité sociale, mais un dernier mot, boycotter ou pas la cérémonie d'ouverture ? Où en est N. Sarkozy dans sa réflexion ?
 
R.- La cérémonie d'ouverture, je le rappelle, elle est le 8 août 2008, à 8 heures 08 du soir...
 
L. Bazin : Laissons du temps au temps c'est ça ?
 
R.- Il faut voir, nous, nous sommes lancés dans une opération diplomatique pour inviter les Chinois à respecter l'identité du peuple tibétain. Cette action que nous menons, n'est pas une action sur les tribunes, ni dans les manifestations, c'est une démarche de responsabilité, du gouvernement français.
 
N. Iannetta : Donc on attend ?
 
R.- Le président de la République prendra sa décision pour voir si le cheminement que nous proposons est évidemment mis en oeuvre...
 
N. Iannetta : Il y a des conditions qui sont posées ?
 
R.- ...Et nous prendrons notre décision. Le président de la République prendra sa décision au moment de la journée.
 
L. Bazin : Il y a des mots qui pèsent lourds. « Condition » c'est un mot qu'on ne prononce plus au Gouvernement, ces temps-ci. On a vu la façon dont vous l'avez retenu, à l'instant, mais par ailleurs, il y a toujours cette idée qu'un veto est utilisable, donc il y a une filiation entre N. Sarkozy et J. Chirac de ce point de vue là. On garde la possibilité de ne pas y aller, ce qui est une épée de Damoclès ?
 
R.- C'est ce qu'a dit le président de la République, il ne s'interdit rien. C'est normal, c'est dans sa responsabilité de ne rien s'interdire dans ce domaine.
 
N. Iannetta : 5 milliards d'économies pour la Sécurité sociale, R. Bachelot, les efforts vont porter sur plusieurs points et entre autres, a dit R. Woerth, sur le remboursement des médicaments. Est-ce qu'on doit s'attendre à un déremboursement important des médicaments dans les mois qui viennent ?
 
R.- Le problème n'est pas là, il faut le resituer au départ. C'est que nous sommes dans un système profondément en déficit, dans la Sécurité sociale.
 
N. Iannetta : Oui, c'est une nouvelle pour personne.
 
R.- Oui, mais enfin il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'actuellement, nous ne sommes...
 
N. Iannetta : Les plans se sont succédés déjà.
 
R.- Actuellement, nous présentons la facture de nos soins, nous la présentons à nos enfants et à nos petits-enfants. Nous venons piquer dans leur portefeuille pour payer nos soins. Donc la question qui se pose et l'objectif qui nous est, qui est devant nous, c'est de ramener les comptes de l'Assurance maladie à l'équilibre, dans un environnement qui fait que nous vieillissons de plus en plus, ça c'est une évidence et que...
 
L. Bazin : Donc les maladies chroniques s'installent dans la durée etc.
 
R.- Et que les soins ont une très haute technicité, les progrès de l'innovation médicale sont tout à fait, considérables. Donc le président...
 
N. Iannetta : Donc il faudra faire des choix ?
 
R.- Le président de la République et le Premier ministre nous ont demandé de ramener les comptes à l'équilibre, tout en respectant ce qui fait la caractéristique de la France, c'est d'avoir un très haut niveau de prise en charge et de le garder. Nous sommes dans les trois pays qui assureront le plus haut niveau de prise en charge solidaire...
 
L. Bazin : 5 milliards d'économies ! On parle de 5 milliards d'économies, on entend la philosophie du plan là ?
 
R.- Alors c'est sur l'ensemble évidemment des branches de la Sécurité sociale. Vous savez qu'il n'y a pas que la branche maladie, la branche vieillesse, etc.
 
L. Bazin : Ce n'est pas sur la branche retraite qu'on va pouvoir faire beaucoup d'économies ?
 
R.- Alors il y a effectivement, tout un certain nombre de démarches que nous avons proposé au président de la République et au Premier ministre, des économies, des recettes nouvelles, pourquoi pas ! Vous savez que je suis une militante de la taxe nutritionnelle, par exemple, nous verrons bien si cette idée que je propose au président de la République...
 
N. Iannetta : Mais sur les économies...
L. Bazin : Combien pourrait rapporter cette taxe nutritionnelle par exemple ?
 
R.- Oh, c'est variable, on peut mettre le curseur là où on veut.
 
L. Bazin : On taxerait les méchants fabricants de cholestérol par exemple ?
 
R.- Par exemple, ça peut être des aliments trop gras, trop sucrés, ça peut être une piste de recette. Alors effectivement se poser la question des économies, la maîtrise médicalisée. J'ai rappelé évidemment l'ensemble des professionnels de santé à leurs responsabilités. Nous sommes un  pays très consommateur de médicaments sans pour autant...
 
N. Iannetta : Trop ?
 
R.- Oui, sans doute trop, oui, sans pour autant en obtenir un bénéfice réel pour notre santé. Je signale également que nous avons là aussi, les médicaments pour autant les moins chers d'Europe et nous avons un effet volume, un effet de consommation des médicaments très élevé. Donc là, il y a toute une marge de progression sur la maîtrise médicalisée, sur le bon usage d'un certain nombre de...
 
N. Iannetta : Mais on sera moins bien remboursé sur certains médicaments courants, de base ? C'est que ça que vous nous expliquez ?
 
R.- Véritablement, moi ce que je veux faire, c'est raisonner non pas en stocks, mais en flux. Chaque fois que je sors des médicaments du remboursement, c'est pour faire rentrer dans le remboursement des médicaments plus efficaces et évidemment en général innovants.
 
L. Bazin : Plus chers ?
 
R.- Et souvent plus chers, voilà.
 
L. Bazin : C'est plus cher, oui, ce n'est pas facile de faire des économies avec ces éléments-là vous venez de poser l'équation, d'une telle manière que c'est devenu un casse-tête immédiatement pour...
 
R.- Oui, il y a des marges de progression dans notre système, il y a des marges d'efficience.
 
N. Iannetta : Les hôpitaux par exemple. Vous savez, certains disent "vous avez aimé la carte judiciaire, vous allez adorer la nouvelle carte hospitalière". G. Larcher va rendre son rapport à N. Sarkozy jeudi, sur l'hôpital. Est-ce que oui ou non, il faut s'attendre à un regroupement d'hôpitaux et donc à la fermeture de certaines antennes ?
 
R.- Alors il n'y aura pas, je le répète, je l'ai dit, il n'y aura pas de fermeture d'hôpitaux dans notre pays. Il y aura sur des territoires de santé, la possibilité de mutualiser, un certain nombre de services...
 
N. Iannetta : Donc c'est la fermeture de certains services, R. Bachelot ?
 
R.- Non, alors ce qu'il faut, c'est réfléchir dans notre gradation hospitalière, qu'est-ce qui doit être en proximité ? Qu'est-ce qu'on doit faire de certains plateaux techniques ? Vous savez...
 
L. Bazin : Pardon, de manière pointue, les maternités ? Les maternités, est-ce qu'il faut que chaque Français ait une maternité française en l'occurrence, à 10, 20 kilomètres de chez elle ?
 
R.- Ce qu'il faut faire, c'est assurer...
 
L. Bazin : Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
 
R.- C'est assurer à la maman et à son bébé, les soins les meilleurs. Vous savez...
 
L. Bazin : Même si c'est à 60 kilomètres, 72 kilomètres de chez elle ?
 
R.- Non, mais attendez, il faut raisonner en temps. Ca ne veut rien dire les kilomètres dans notre pays.
 
L. Bazin : D'accord, très bien.
 
R.- Il faut raisonner en temps...
 
L. Bazin : Dans une région de montagne béarnaise, par exemple, comme dirait F. Bayrou, c'est encore plus longtemps ?
 
R.- Mais bien sûr, chaque territoire doit se raisonner en fonction de sa caractéristique topologique bien entendu. Moi, ce que je veux, c'est qu'une maman et son bébé aient les meilleurs soins possibles avec des plateaux techniques extrêmement pointus. Donc il y a une place, pour chaque échelon hospitalier. Dans le centre hospitalier de proximité, avec un centre périnatal de proximité, tout ce qui permet à la maman d'être suivie au long de sa grossesse, puis la maman et le bébé, d'être pris en charge dans la continuité de l'accouchement, et puis bien entendu sur des plateaux techniques, d'avoir les soins qui garantissent le mieux cette prise en charge. D'assurer le mieux les conditions de l'accouchement. Vous savez, moi, ce qui me frappe, c'est que quand on regarde un certain nombre de centres hospitaliers et qu'on voit qu'il y a des taux de fuites de la population, de plus de 70 %. Quand on voit que dans des maternités de proximité, il y a 25 % de césariennes, alors que déjà les cas graves sont traités ailleurs, les accouchements supposés à risques sont traités ailleurs. Or que cette moyenne est de 10 % dans le reste de la France, moi, je veux une seule chose. Je veux la santé des mamans et la santé des bébés, et c'est ce que je ferai.
 
N. Iannetta : Même s'il y a une demi-heure ou trois quarts de route, de chez elle ? Une dernière question, R. Bachelot, les médicaments, dans les Centres Edouard Leclerc, c'est oui, c'est non ?
 
R.- C'est non et je trouve vraiment que la publicité qui est faite par les Centres Leclerc est une... 
 
N. Iannetta : Ils en font partout là dans tous les journaux.
 
R.- Est véritablement une publicité mensongère et je le dis, des médicaments pour traiter un rhume, il y a des médicaments remboursés ; vous allez voir votre médecin, si vous avez un rhume, une rhinite, il va vous prescrire des médicaments remboursés. Indiquer que les médicaments sont de moins en moins remboursés, alors que nous sortons des médicaments du remboursement, mais que nous en faisons rentrer encore plus au remboursement. On sort 200 millions de médicaments du remboursement, c'est pour en faire entrer pour 900 millions de nouveaux et indiquer véritablement que ce serait un bénéfice en terme de pouvoir d'achat, alors que les expériences étrangères montrent qu'on a tenté cela, après trois mois de baisse des médicaments, les médicaments re-flambent, quand ils sont dans les grandes surfaces. Véritablement c'est une publicité mensongère.
 
N. Iannetta : Merci beaucoup, R. Bachelot.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 avril 2008