Interview de M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, à la jeunesse et à la vie associative, à Radio Classique, le 15 avril 2008, sur le passage de la flamme olympique à Paris, les droits de l'homme et la publicité sportive à la télévision publique.

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Média : Radio Classique

Texte intégral


 
 
 
O. Nahum, D. Jeambar & E. Le Boucher O. Nahum : Bienvenue à vous qui nous rejoignez. Il est bien 08h16. D. Jeambar, E. Le Boucher, les sportifs de l'éditorialisme sont là, et leur ministre est là. B. Laporte, bonjour.
 
R.- Bonjour.
 
O. Nahum : Vous êtes secrétaire d'Etat chargé des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. Ça fait beaucoup d'activités pour un seul homme, donc vous avez l'habitude, vous êtes polyvalent. Et évidemment, ce matin, le hasard n'est qu'un rendez-vous, comme dirait Paul Eluard, les hasards de l'actualité font qu'on attend votre réaction sur ces propos tenus par H. Serandour, qui dirige le Comité national olympique français. Ce qu'il déclare, c'est qu'il dit : non, les athlètes ne porteront pas de badges, sur lesquels on aurait pu lire : « Un monde meilleur. » Il s'agira évidemment des JO. Pas de badges pour les athlètes. On sait que vous, vous aviez dit à Sud-Ouest que vous étiez plutôt favorable à ce port de badges. Comment vous réagissez aux propos de monsieur Serandour, ce matin ?
 
R.- D'abord, je trouvais le badge pas très agressif : il attaquait ni la Chine ni rien. Il disait... d'abord, il reprend une phrase de l'olympisme « Pour un monde meilleur », il reprenait les anneaux de l'olympisme. Donc je trouvais le badge, qui était l'expression tout simplement de nos sportifs français, et je trouve regrettable qu'on les interdise de porter ce badge. Maintenant, ça dépend du CIO aussi, c'est un organisme privé, c'est lui qui décide, peut-être qu'il aurait fallu en parler avec eux avant, et c'est peut-être ce qui les a un petit peu vexés.
 
O. Nahum : Parce que, pour être clair, ce qui veut dire que quand H. Serandour dit : les athlètes ne peuvent pas le porter. Vous, le ministre des Sports, vous êtes obligé de suivre la décision, puisqu'il y a différentes compétences qui sont réparties.
 
R.- Je pense qu'Henri Serandour porte la voix du CIO, ce n'est pas lui qui a décidé que les athlètes ne portent pas le badge. C'est le CIO qui s'est réuni et qui a dit : non, on ne souhaite pas que les athlètes français portent ce badge. Et donc encore une fois, comme je vous le disais, c'est une décision d'une entité privée, qui est le CIO.
 
D. Jeambar : Mais si les athlètes français décidaient eux-mêmes de le porter, qu'est-ce qu'ils risquent, qu'est-ce qu'ils encourent ? Estce qu'au fond, leur liberté ne doit pas triompher des règles du CIO ?
 
R.- Non, mais il faut arrêter au bout d'un moment de... je crois qu'ils ont transmis un message à travers ce badge. Maintenant, il ne faut pas en faire des tonnes et des tonnes, permettez-moi l'expression. Et je voudrais maintenant qu'ils se consacrent à la préparation de leurs Jeux olympiques, il faut arrêter de se servir d'eux. Eux, ils se sont exprimés à travers ce badge. Maintenant, le CIO, qui est l'organisme avec lequel ils ont signé une charte, celui-là dit : non, vous ne porterez pas le badge. Il faut accepter, sans quoi, il ne faut pas aller aux Jeux olympiques, pour ceux qui ne souhaitent pas... qui souhaitaient vraiment porter le badge.
 
D. Jeambar : Mais globalement, vous ne trouvez pas que le CIO, au fond, prend des décisions sans trop se préoccuper du contexte international finalement ? Il agit, et de ce point de vue, je ne sais pas s'il respecte finalement la charte olympique... O. Nahum : Les valeurs de l'olympisme... D. Jeambar : Les valeurs de l'olympisme. Il agit sans se préoccuper de la liberté des Droits de l'Homme et de valeurs fondamentales, qui touchent quand même à l'esprit du sport ?
 
R.- Oui, mais enfin, encore une fois, je fais partie de ceux qui disent que d'avoir attribué les Jeux à la Chine, c'est une bonne chose, il n'y aura que du positif derrière.
 
O. Nahum : Vous pensez que...
 
R.- C'est obligatoire, ils vont s'ouvrir...
 
O. Nahum : C'est une forme d'envahissement...
 
R.- Mais ils vont s'ouvrir au monde entier...
 
O. Nahum : D'ouverture, oui...
 
R.- Pendant trois semaines, le monde entier sera braqué sur la Chine. Si on ne l'avait pas fait, d'abord, on en parlerait moins, ça, c'est sûr, et puis, ça continuerait. Donc je crois que, sincèrement, c'était une bonne chose. Pour moi, ils ont pris une bonne décision à l'époque. Après, on peut dire : non, parce que la Chine, parce que si, on peut tout expliquer, sauf qu'il faut essayer de regarder...
 
D. Jeambar : Mais c'est vrai que la décision du CIO, elle tombe assez mal, c'est le jour même où on apprend que c'est en Chine qu'on exécute le plus de gens chaque année, même si le chiffre a été divisé par deux l'année dernière.
 
R.- Oui, mais, et alors, ça change quoi, ça ne change pas, et si on n'y avait pas été, ça continuerait, et ce serait même peut-être pire. Le fait d'y aller, encore une fois, va leur imposer de prendre leurs responsabilités, parce qu'ils seront ouverts au monde entier.
 
O. Nahum : B. Laporte, vous venez de le dire à ce micro, ceux qui veulent, parmi les sportifs et athlètes, qui veulent vraiment porter le badge, vous l'avez dit, ils n'ont qu'à pas y aller, donc vous laissez libres les athlètes de leurs convictions s'ils estiment que c'est vraiment une chose à ne pas commettre...
 
R.- On laisse libres les athlètes, comme on laisserait libres tous les citoyens, chacun fait ce qu'il veut, on n'impose pas aux gens, nous, d'aller aux Jeux olympiques. Celui qui, vraiment, ne se sent pas - et je le comprendrais - dit : non, moi, vraiment, je ne peux pas aller là-bas, parce que, pour des raisons philosophiques, pour des raisons, problèmes de convictions, je ne peux pas y aller, surtout qu'on m'interdit de porter le badge, eh bien, j'accepterais la décision. C'est dommage, parce que les Jeux olympiques dans une carrière...
 
Intervenant : C'est important...
 
R.-... On s'entraîne des années et des années, des heures et des heures pour cela. Mais encore une fois, il faudrait accepter la décision de l'un d'eux de ne pas y aller.
 
E. Le Boucher : Ainsi que vous recommandez au fond de ne pas mettre le badge aux athlètes, est-ce que vous leur recommandez aussi de se taire, maintenant, de faire du sport, et de ne plus parler des libertés en Chine ?
 
R.- Non, mais d'abord, moi, je ne recommande pas de ne pas porter le badge, c'est le CIO...
 
E. Le Boucher : Oui, mais vous avez dit, au fond, bon, il faut se ranger à cette décision.
 
R.- Attendez, un athlète, si, vous, vous avez un contrat avec votre patron et qu'il vous dit : il faut porter des lunettes bleues, si vous ne voulez pas porter des lunettes bleues...
 
E. Le Boucher : Vous n'allez pas au travail...
 
R.- Permettez-moi l'expression, vous allez faire quoi ? Vous allez porter des lunettes bleues ? Eux, c'est pareil, leur principale liaison, c'est le CIO. Donc il faut qu'ils acceptent la décision de leur, entre guillemets, "patron", permettez-moi l'expression.
 
O. Nahum : Donc sur la recommandation dont on parlait... D. Jeambar : Est-ce que vous pensez que les athlètes doivent se consacrer au sport maintenant, et on est au mois d'avril ?
 
R.- Mais moi, encore, je trouvais que ce badge, c'était leur expression, et c'était bien parce que...
 
D. Jeambar : « Pour un monde meilleur »...
 
R.- Mais bien sûr, ça n'attaque pas la Chine, c'est « Pour un monde meilleur. »
 
D. Jeambar : C'est global, oui...
 
R.- Mais bien sûr, c'est global, et vous avez été les premiers à me dire : oui, mais ce n'est pas assez, parce que vous auriez aimé qu'il soit plus provocateur. Je me rappelle quand j'ai été au CNO, il y a une quinzaine de jours, quand ils ont lancé cette initiative. Mais, moi, justement, je la trouvais pondérée, je la trouvais non agressive, et je trouvais que c'était bien, et puis c'était leur expression, les athlètes ont, eux aussi, le droit de s'exprimer. Maintenant, ils ont eux aussi le droit de faire du sport, parce que c'est la première vocation.
 
O. Nahum : Mais B. Laporte, est-ce que ça induit selon vous, peut-être sur le long terme, mais peut-être pas forcément pour ces JO-là, une réflexion, on en parlait à l'instant avec Denis, sur le rôle que peuvent jouer les athlètes, leur liberté d'expression, les liens qu'ils peuvent avoir avec ce Comité olympique, est-ce que ça induit une réflexion, parce qu'après tout, vous avez, vous-même, évoqué cette possibilité, il aurait peut-être fallu tout simplement une histoire de concertation, on ne s'est peut-être pas consulté entre les différentes parties de cette histoire ?
 
R.- Oui, parce que, effectivement, moi, quand j'ai été au lancement de ce badge, je pensais qu'ils avaient l'accord du CIO au départ. Et quand ils m'ont dit, d'abord, quand j'ai vu le badge, comme je vous le disais tout à l'heure, je ne l'ai pas trouvé très dur, permettez-moi l'expression, mais quand on m'a dit : c'est le CIO qui va décider, je pense qu'il aurait été préférable d'abord de voir avec eux si vraiment il y avait possibilité, qu'est-ce qu'ils pensaient de ce badge. Mais bon, les athlètes se sont exprimés à travers ce badge, on ne va pas en faire, permettez-moi, encore une fois des histoires. Eux, au moins, ils ont fait quelque chose. Et maintenant, ils vont se consacrer à...
 
O. Nahum : Les Français peuvent le porter à Paris, remarquez, le badge, les Français qui seront devant leur télé, au mois d'août... Bien sûr, bien sûr. E. Le Boucher : Si on revient sur la cérémonie d'ouverture, N. Sarkozy a dit qu'il fallait que les Chinois prennent contact avec le Dalaï-lama, et que, deuxièmement, sa position dépendrait de l'ensemble de la position de l'Union européenne. Ça, c'est pour le Président. Mais pour les ministres des Sports, est-ce que vous, vous assisterez à la cérémonie d'ouverture ou bien vous dépendrez de la décision du président de la République, vous ferez comme lui.
 
R.- Bien sûr, je me rangerai derrière la décision du président de la République. C'est la moindre des choses.
 
E. Le Boucher : Non, je veux dire, se ranger, mais est-ce que vous, vous assisterez à la cérémonie d'ouverture...
 
R.- Non, s'il n'y va pas, je n'y assisterai pas.
 
E. Le Boucher : S'il n'y va pas. O. Nahum : Cela dit, comme vous êtes sans langue de bois, B. Laporte, ce matin, dans La Lettre de L'Expansion, c'est bien ça, on nous explique qu'il y aurait des problèmes parce que vous seriez en concurrence, selon l'expression de mes confrères, entre R. Bachelot et vous, parce qu'il n'y a pas forcément de place pour tout le monde pour suivre les athlètes français, alors, il titre : Jeux olympiques de Pékin, Laporte et Bachelot, finish, vous nous rassurez, vous pouvez y aller tous les deux, il n'y a pas de problème...
 
R.- Nous y serons tous les deux, et je pense que Roselyne fera comme moi, si le président de la République dit : il ne faut pas aller à la cérémonie d'ouverture, nous n'irons pas à la cérémonie d'ouverture.
 
O. Nahum : Mais est-ce que vous avez une idée de la manière dont se dessinent les choses sur cette décision, être présent ou pas à la cérémonie d'ouverture...
 
R.- Non...
 
O. Nahum : Parce que par exemple, le Premier ministre anglais, lui, a décidé de ne pas être présent, il sera à la cérémonie d'ouverture, puisque de toute façon... O. Nahum : De clôture, puisque, on lui transmet la flamme pour 2012, mais...
 
R.- Oui, non, je crois que là aussi, il faut arrêter l'hypocrisie, quoi, c'est... je veux bien que... je ne vais pas assister à la cérémonie, par contre, je viendrai surtout à la fin parce qu'il faut chercher la flamme...
 
O. Nahum : Pour chercher la flamme...
 
R.- Et puis, un coup, j'y vais, un coup, je n'y vais pas. Et moi, je dis que dans cette histoire, le seul qui a pris ses responsabilités, et bien en amont de tous, c'est le président de la République, et qui a dit à Tarbes, il y a une quinzaine de jours, ma participation sera fonction de l'évolution, etc., et il a demandé, comme vous le disiez, à restaurer le dialogue entre le Dalaï-lama et le gouvernement chinois, il a agi, il n'a pas gesticulé, il a agi, et c'est le seul. Et après, j'ai entendu tout : les Allemands qui iraient, qui n'iraient plus, les Anglais qui iraient, qui n'iraient plus, je crois que celui qui a été le plus sage, et surtout, qui a essayé de faire avancer les choses, c'est le président de la République.
 
O. Nahum : Vous pensez qu'il faut qu'il y ait une position européenne sur cette question ?
 
R.- Mais il y aura certainement, bon, ça dépasse mes fonctions, permettez-moi, mais je suis convaincu qu'il y aura une décision, et il faut qu'il y ait une décision européenne.
 
O. Nahum : Mais B. Laporte, est-ce que maintenant, compte tenu de cette polémique de ce débat qui effectivement était sur les terres de la politique, vous allez jouer un rôle particulier auprès des athlètes, en ce sens que vous allez servir de protecteur, si j'ose dire, pour que les athlètes aient le temps maintenant de penser plus au sport qu'à la politique, même si la politique est liée parfois au sport, mais est-ce que là, on rentre dans une nouvelle période, parce que le mois d'août va arriver assez rapidement...
 
R.- Bien sûr...
 
O. Nahum : Est-ce que vous pensez que là, il faut qu'on retrouve un peu plus de sérénité ?
 
R.- Oui, mais je crois que les athlètes l'ont dit, j'ai entendu R. Mesnil, quand j'avais fait une émission avec lui, qui disait : bon, maintenant, on s'est exprimé, et on va se consacrer surtout maintenant à la préparation des Jeux, et il faut, parce que ça va aller très, très vite. Et quand on connaît le sport de haut niveau, je crois que ça demande beaucoup de concentration, beaucoup d'attention sur ce que l'on fait. Et surtout, ne pas disperser, mais les athlètes en sont conscients, je vous l'ai dit, j'en ai parlé avec... j'ai discuté avec beaucoup d'entre eux, et maintenant, ils ont envie effectivement de se consacrer à leur vocation.
 
O. Nahum : Et est-ce que vous regrettez que certaines associations se soient emparées de la cause, parce que, finalement, quand la flamme olympique est venue à Paris, c'est plutôt "Reporters Sans Frontières" qui a fait parler de lui, et pas forcément des associations sportives. Est-ce que vous avez eu le sentiment parfois d'être exaspéré par une certaine récupération politique, voire médiatique, B. Laporte ?
 
R.- Oui, bien sûr. Mais bon, ça, on ne va pas empêcher les gens d'agir, les gens font ce qu'ils veulent. Encore une fois, le droit d'expression, il est installé en France, on a le droit de dire ce que l'on veut, les athlètes ou qu'on ne soit pas athlète. Moi, j'ai été déçu et triste de la journée du passage de la flamme, parce que, pour moi, on n'a pas respecté justement ce que sont les Jeux olympiques et ce qu'est la flamme qui est donc le symbole de ces Jeux, c'est-à-dire, la paix, la solidarité, le partage, parce que le sport, c'est ça, c'est partager, même si on est dans une compétition, on partage, et justement, c'est 205 pays qui sont engagés dans les Jeux olympiques, et c'est le seul événement mondial qui rassemble aujourd'hui, donc l'attaquer, essayer de le tuer, permettez-moi l'expression, c'est dommage. On enlève un élément de paix.
 
O. Nahum : On a parlé de cette situation internationale en Chine, il y a aussi ce qui se passe en Italie...
 
[.... Chronique d'E. Le Boucher sur la situation politique en Italie.]
 
O. Nahum : Et dans la compétition sportive qu'est le sport, quel rôle peut jouer la télé publique ? Réponse dans un instant avec B. Laporte, juste après le rappel des nouvelles.
 
[Fin de la 1ère Partie]
 
O. Nahum : Toujours en compagnie de D. Jeambar, E. Le Boucher et de B. Laporte, secrétaire d'Etat chargé des sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. On parlait avant le rappel des nouvelles de l'affaire des J.O, des badges, il y a un autre aspect de votre travail sur lequel finalement on ne s'arrête pas toujours, c'est le sport et la télé, qui est un lieu de vecteurs d'épanouissement, et tout à l'heure D. Jeambar imitait notre ami Roger Couderc, s'il nous écoute de là-haut il a dû être très heureux, c'était hors antenne, ça c'est le privilège de la radio, hors antenne. Cela dit, B. Laporte, vous aviez fait des propositions à J-F. Copé qui préside cette commission de réflexion sur la télé publique sans pub, et c'est vrai, les voix se sont fait entendre, pas de pub à la télé publique, donc plus de sport. Est-ce que aujourd'hui, , vous savez si oui ou non Jean-François COPE a entendu vos propositions et si effectivement il se range de votre côté pour qu'il y ait encore du foot ou d'autres sports sur le service public ?
 
R.- Oui bien sûr, j'ai déjeuné avec J.-F. Copé la semaine dernière. Justement, on en a discuté, évoqué les propositions que je lui avais fournies un mois avant, il est entièrement d'accord avec moi. C'est quoi le problème ? C'est qu'on veut enlever la publicité à cette chaîne publique, mais quand vous voulez acquérir des droits sur des compétitions majeures, que ce soit le tournoi des six Nations en rugby, que peut-être l'Euro de football ou des grosses compétitions, le Tour de France, tous les évènements sportifs, il faut quand même des moyens. Or la publicité en sport, un match de rugby... elle ne gêne pas les téléspectateurs, elle ne gêne en rien, donc je crois qu'il faut faire une spécificité par rapport au sport et autoriser une publicité, comme autoriser le parrainage des évènements sportifs, par exemple Roland Garros et BNP, pour moi ça ne gêne pas. Société Générale et le rugby, pour moi ça ne gêne pas.
 
O. Nahum : Mais quand on parle de parrainage, ça va aussi dans le sens de telle météo qui est sponsorisée par telle marque de magasin, mais ça pourrait s'appliquer au sport ce genre de système ?
 
R.- Tout simplement pour donner des moyens à cette chaîne publique, de conserver, parce qu'on ne peut pas, permettez-moi l'expression, la déshabiller. Si demain elle n'a plus de moyens et qu'elle ne peut plus acheter ces évènements-là, c'est les téléspectateurs qui vont en pâtir.
 
O. Nahum : Vous pensez que Copé vous a entendu et que Bercy vous entendra aussi in fine ?
 
R.- Oui, J.-F. Copé, suite à l'entretien que j'ai eu la semaine dernière, il était d'accord avec cette proposition.
 
E. Le Boucher : Il faut surtout que le président de la République vous entende, parce qu'il a été assez radical sur la suppression de la publicité sur la télévision publique dans sa conférence de presse du début janvier.
 
R.- Oui, mais bon, comme je vous disais, on peut faire une spécificité du sport parce que ça n'altère en rien, la publicité de match de rugby, ou de match de football, ou de match de tennis, ça n'altère rien sur le reçu pour le téléspectateur.
 
E. Le Boucher : Mais est-ce que le sport peut vivre encore sans publicité aujourd'hui, globalement, vous qui en avez l'expérience et vous qui avez vécu dans le milieu sportif ?
 
R.- Non, mais ce n'est pas le sport qui peut vivre sans, c'est la télévision. On ne peut pas dire on veut une chaîne publique qui soit forte, qui ne soit pas sous l'influence de l'audimat etc., et la priver d'acheter le Tour de France, d'acheter Roland Garros, d'acheter le tournoi des six Nations, d'acheter tous les grands évènements sportifs.
 
E. Le Boucher : Mais on voit bien quand même que des industriels, des entreprises, sponsorisent désormais des sportifs - je pense à L. Manaudou, parrainée par Pinault Printemps Redoute - on voit que tous les clubs sportifs aujourd'hui sont soutenus par des entreprises, par simplement de télévision.
 
R.- C'est évident, mais le sport professionnel...
 
E. Le Boucher : Ça coûte très cher le sport professionnel.
 
R.- Ça coûte très cher, c'est sûr que s'il n'a pas de recettes aujourd'hui, on a lancé une mission à E. Besson...
 
O. Nahum : Pour évaluer la compétitivité des clubs de foot.
 
R.- Pour évaluer la compétitivité de nos clubs, mais on la connaît, on connaît le problème, c'est que Lyon, qui est le meilleur club français à 140 millions d'euros de budget, vous voyez Manchester, Arsenal, qui sont entre 250 et 300, donc ça fait 1 pour 2, permettez-moi l'expression.
 
O. Nahum : Cela dit, B. Laporte, vous avez parlé effectivement du foot, de l'évaluation, on va en parler dans un instant, qui a été confiée à E. Besson, mais vous avez dit également, B. Laporte, il faut que le téléspectateur continue de voir gratuitement les matchs de foot à la télé. Vous avez dit à la télé. Est-ce que quand Canal+ fait diffuser des matchs, gratuitement, mais sur le Net, qu'il faut s'inscrire auparavant, mais ça ne sera pas sur votre télé, ça sera sur le Net, est-ce que pour vous c'est la même chose, ou c'est vraiment la spécificité du support cathodique qui compte ? Parce que certains diront qu'ils habitent ici et là et qu'ils n'ont pas forcément accès au Net avec le débit suffisant. Est-ce que vous c'est vraiment essentiel que ce soit la télé, média populaire par excellence ?
 
R.- Bien sûr, c'est une des raisons pour laquelle je dis, il faut accompagner la chaîne publique à travers cette publicité, sans quoi elle n'aura plus rien, et comme je vous le disais, c'est le téléspectateur qui va en pâtir. Si demain, comme vous dites, au milieu de la France, on ne peut pas regarder la chaîne publique, retransmettre le Tour de France ou Roland Garros, c'est eux qui font être les plus déçus, c'est eux qui vont en pâtir, donc je suis effectivement pour qu'un maximum de gens puissent avoir accès à ces évènements. Et deuxièmement, vous parliez de Canal+, si on prend l'attribution par exemple de la Ligue 1 de football, il y a plusieurs lots, on peut imposer par exemple, si Canal+ remporte les trois premiers lots, qui sont les plus intéressants, leur imposer aussi de retransmettre des matchs en clair.
 
O. Nahum : Donc c'est un message adressé aux vecteurs d'appels d'offre, à la Ligue etc. ?
 
R.- Oui.
 
O. Nahum : Vous leurs dites : changez vos manières de faire.
 
R.- Oui, tout à fait, mais là aussi, il y a eu un petit couac, permettez-moi l'expression, c'est que sur le fameux magazine Téléfoot ou je ne sais plus...
 
E. Le Boucher : Téléfoot, oui. O. Nahum : Vous parlez de celui de France 2.
 
R.- France 2 ne s'est pas énormément engagé, on ne peut pas non plus, quand on est dans un appel d'offre, dire, sous prétexte qu'on est chaîne publique, nous on va proposer beaucoup moins. Non. Il y a aussi un intérêt derrière, de la Ligue, c'est d'avoir un maximum d'argent pour redistribuer, au monde amateur et au monde professionnel.
 
O. Nahum : Mais France 2 vous dira on n'a pas assez d'argent... vous dites il y a eu un petit couac de la part du service public, mais ils ne peuvent pas mettre sur la table...
 
R.- Quand je dis un petit couac, les gens de la Ligue ont été vraiment déçus de la proposition, mais peut-être que eux-mêmes ne souhaitaient pas garder...
 
O. Nahum : Cette visibilité sur le service public.
 
R.- Oui, peut-être parce que...
 
O. Nahum : Qui a fait de mauvaises audiences...
 
R.- Voilà, c'était peut-être un désir de ne pas le garder, donc en proposant peu, ils étaient sûrs de ne pas l'avoir.
 
D. Jeambar : Je voudrais changer de sujet, et vous interroger sur la question du dopage, dont j'imagine que c'est une de vos priorités. On découvre ce matin qu'une enquête du New York Times, qui raconte qu'un athlète de très haut niveau, l'un des plus grands, M. Greene, est lui aussi à son tour pris dans une affaire de dopage et que 24 athlètes qui ont raflé les 26 médailles d'or et 21 médailles lors d'un championnat du monde seraient pris de nouveau dans une affaire de dopage. O. Nahum : A la veille des J.O. D. Jeambar : A la veille des J.O ça fait mauvaise impression, et de J.O dans lesquels on peut imaginer que la Chine, ayant un enjeu nationaliste très fort, a peut-être préparé ses athlètes d'une certaine manière aussi. O. Nahum : Une certaine manière, tout est dans les mots.
 
R.- Pour moi c'est une aubaine que ça sorte, encore une fois ça va, je dirais, influencer les gens qui sont là pour faire des contrôles et dire ça ne peut plus durer, ça c'est une évidence. Donc moi je trouve que c'est bien que ça sorte à 4 mois des Jeux Olympiques, plutôt, qu'encore une fois, on ne dise rien, qu'on s'en aperçoive après. Donc, là, au moins tout le monde va être un petit peu responsabilisé, attention, il va y avoir de plus en plus de contrôles, parce qu'on ne peut plus tolérer, effectivement, ce genre d'initiative.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 avril 2008