Texte intégral
Modérateur : Bonjour à tous, bienvenue. Nous sommes en direct du secrétariat d'Etat aux Sports, à la Jeunesse et à la Vie associative, pour un chat vidéo avec Bernard Laporte. Monsieur le ministre, bonjour. Vous allez répondre pendant une heure aux questions des internautes, sur le thème du racisme et de la violence dans le sport. Avant de prendre les premières questions d'internautes, quelle a été votre réaction lors du match PSG/Lens samedi dernier, avec la banderole d'insultes de supporters du PSG ?
Bernard Laporte : J'ai eu beaucoup de déception, un sentiment de honte aussi, car je suis supporteur du Paris Saint-Germain. Quand j'ai vu cette banderole, j'ai été vexé. Je suis allé voir le 18 février le joueur de Valenciennes, Ouaddou, qui avait été insulté par un spectateur à Metz. Le président de la République a demandé qu'on prenne des mesures fermes et dures.
Carluccimar : Bonjour, j'ai été dégoûté de voir cette banderole. De plus, je suis dans le Nord. J'espère qu'il y aura des sanctions lourdes, et pas seulement de la parole ! ! ! Je vous en remercie.
Bernard Laporte : J'ai profité de l'occasion à l'Assemblée nationale tout à l'heure pour manifester mon soutien aux personnes du Nord-Pas-de-Calais. C'est inadmissible, dans la vie, mais encore plus dans une enceinte sportive. Nous allons appliquer les interdictions administratives de stade. Mais je demande à ce que nous les passions de trois mois à un an. Donc fermeté et allongement de la durée d'interdiction de stade. Il faut aussi sanctionner financièrement, l'Angleterre l'a fait. La ligue du Var a instauré des travaux d'utilité générale, nous allons également le faire. Il y a des films, des vidéos, et Michèle Alliot-Marie a dit qu'il y avait 19 interdictions de stade prononcées dans l'urgence. Cela montre bien qu'on a identifié certaines personnes à l'initiative de cette banderole.
Remy : Est-ce que l'interdiction de stade de certains individus ne va pas juste "déplacer" le vrai problème en dehors des stades ?
Bernard Laporte : Dès qu'on prend des résolutions, on peut s'imaginer qu'il y en ait d'autres. Ce que je ne veux plus, c'est qu'il y ait dans les stades des sentiments de haine comme on l'a vu samedi. Au moins, il faut que ça n'existe pas dans une enceinte sportive et, à l'extérieur, ils feront le même travail qu'à l'intérieur.
ch3ti8mi : Allez-vous faire rejouer la finale de la Coupe de la Ligue ?
Bernard Laporte : Je suis contre. On ne peut pas donner plus d'importance qu'il n'en faut à ces gens-là. Il y a un terrain, à l'intérieur duquel il y a des règles et un arbitre. Il n'y a pas de relation de cause à effet entre la banderole et ce qui s'est passé sur le terrain. Ayons l'esprit sportif et n'ayons pas d'attitude déplacée en disant : à cause de vous, on va rejouer le match !
Laurent : Bonjour. Vous aviez dit que l'arbitre de Metz-VA aurait dû arrêter le match. Pourquoi n'avez-vous pas arrêté Lens-PSG ? Vous en aviez le pouvoir, vous et monsieur Sarkozy.
Bernard Laporte : On n'a pas le pouvoir d'arrêter un match ! On n'a même pas le pouvoir de donner un PV à quelqu'un qui se gare mal dans la rue. Il faut que l'arbitre prenne ses responsabilités et rende compte à la ligue professionnelle. Moi, je ne l'avais pas vue, la banderole. Est-ce que les joueurs l'ont vue ? Et l'arbitre ? Ne mélangeons pas tout.
Alain Nancy : Faut-il des morts avant que l'on fasse quelque chose de réel et concret sur ce sujet ? On ne peut plus aller dans un stade de football avec son enfant de peur d'être blessé. Prenez vos responsabilités et réagissez en conséquence avec de lourdes sanctions pour ces hooligans.
Bernard Laporte : Il a raison. C'est ce que nous allons faire. On ne peut pas dire, et c'est un cercle vicieux, ce qui se passe : nos clubs ne sont pas compétitifs au niveau européen. Mais aujourd'hui, dans les stades de foot, vous ne voulez plus y aller avec votre famille car il y règne une ambiance catastrophique. Il faut qu'on puisse y aller avec envie et bonheur. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. C'est pourquoi nous prendrons des mesures fermes et définitives, que notre interlocuteur soit rassuré. Il y va ensuite de la compétitivité de nos clubs, car on doit retrouver des stades lieux de vie, où on va chercher des valeurs de partage. Et surtout qu'on retrouve la fierté d'appartenance à un club. Les préfets doivent prendre de façon ferme les résolutions qui leur sont proposées, c'est-à-dire l'interdiction de stade. Mais pour moi, ce n'est pas suffisant. Nous devons allonger le temps d'interdiction.
Hop : Pensez-vous que le modèle anglais soit parfait ?
Bernard Laporte : Rien n'est parfait. Le fait est qu'ils ont éradiqué le hooliganisme. Et c'est ça, la finalité, éradiquer la violence. Le sport de haut niveau doit être accessible par tous. Nous ne devons pas tolérer que certains supporters agissent comme cela. Les supporters eux-mêmes sont les premiers responsables. Ils ne doivent pas tolérer des insultes de la part de leurs voisins.
thedude : Bonjour Bernard, un point m'a toujours étonné : j'ai l'impression que le rugby recèle moins de violence raciste que le foot Confirmez-vous ? Pensez-vous que la présence (indispensable) d'un arbitre au rugby puisse expliquer cette différence ? Comment développer le nombre d'arbitres ?
Bernard Laporte : Dire que le rugby n'a pas ces problèmes-là, c'est un constat. Les joueurs de rugby sont un peu comme des gladiateurs, il y a un combat en bas. On se doit d'être à l'image de ces gens qui combattent. On ne peut pas être raciste dans les tribunes. Là, le monde du football a de gros efforts à faire. Il n'est pas tolérable que des joueurs viennent tête contre tête face aux arbitres.
Louis : Les supporters de rugby qui se sont battus ce week-end vont-ils être interdits de stade ?
Bernard Laporte : Bien sûr, les mesures que nous prenons ne sont pas seulement dédiées au football, mais à tous les sports en général. Je sais ce qui s'est passé à Mont-de-Marsan, ce sont des bagarres de supporters, et je suis sûr qu'ils sont allés boire une bière ensemble après. Mais s'il y a besoin, il faut appliquer les mêmes mesures.
Terre-Mère : Comment expliquez-vous la montée du racisme dans le milieu sportif en France ?
Bernard Laporte : Je ne sais pas s'il y a une montée du racisme, mais malheureusement, je le vois depuis trop longtemps. Le sport en général est plus médiatisé qu'il y a vingt ans. J'étais récemment avec Basile Boli, on discutait, il me disait : je me faisais déjà insulter à Marseille. Personnellement, ce type de banderole, je ne l'avais jamais vu, avec des phrases aussi honteuses ! Sincèrement, là, on a été loin, on a atteint des sommets de stupidité.
Alexandrenanterre : Monsieur le ministre, le PSG connaît depuis près de 20 ans des actes racistes et xénophobes, le club aurait pu saisir à plusieurs reprises l'occasion de stopper ce phénomène, mais il n'a rien fait, au contraire des club anglais qui ont sévèrement combattus un hooliganisme bien plus puissant. Vous devez donc prendre des sanctions exemplaires pour que ce club change enfin de politique. Le PSG et les supporters souffrent de cette situation, moi-même je ne vais plus au stade, dégoûté des injures et des comportements de quelques centaines d'individus.
polo_t : Il y a comportement et comportement, les dirigeants devraient montrer l'exemple avant les joueurs.
Bernard Laporte : Je leur réponds oui. Il faut prendre chacun à sa place ses responsabilités. Il n'est pas tolérable de voir des présidents s'attaquer dans la presse, ni de voir des attaques contre les arbitres. Chacun doit prendre ses responsabilités. Quand c'est le match, ce sont les joueurs qui jouent, pas les entraîneurs. Déjà, ça créera moins de polémiques, parce que parfois, elles sont venues de là. Il y a eu beaucoup de présidents qui sont passés au Paris Saint-Germain. Si on veut y arriver, il faut une mobilisation générale : les dirigeants, les associations, les ligues... Ce que je vois, je ne sais pas si les clubs ont fait leur boulot, mais ce que je vois c'est que ça existe toujours. J'habite près du Parc des Princes, ça s'est beaucoup amélioré, mais ça existe toujours. Soyons mobilisés, c'est l'affaire de tous.
Will Wallace : Une équipe nationale de football représente-t-elle son pays ? Si oui, alors comment doit-on comprendre le fait troublant que les équipes de France soient majoritairement composées de joueurs noirs ou d'Afrique du Nord ? N'est-ce pas une forme de provocation et de racisme ?
Bernard Laporte : Je crois que c'est le fait de dire ça qui est provocateur et raciste. Ce sont des joueurs qui jouent dans l'équipe de France, ils sont sélectionnables pour jouer avec l'équipe nationale. On ne se plaignait pas des origines italiennes de Platini, ni de Zidane.
gregdemarseille : Bernard, je suis allé dans pas mal de pays en Europe et je peux vous dire qu'il n y a pas trop de racisme en France allez voir en Espagne ! ! ! De plus, en France, on a le plus d'immigrés que tous les autres pays d'Europe. Qu'en pensez-vous ?
Bernard Laporte : Je ne sais pas ce qui se passe en Espagne. En Italie, c'est loin d'être réglé, il y a beaucoup de problèmes. La référence, ce n'est pas les autres. Ce n'est pas parce que les autres se comportent mal qu'on doit laisser faire. Les actes de violence ne doivent pas exister. Au niveau des instances de football, il faut certainement une coordination.
CAVENAGO : Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que le racisme et la violence dans le sport sont tout simplement le reflet de notre société ? Et qu'il faut d'abord une éducation dans nos écoles primaires secondaires et sportives ?
Bernard Laporte : Je disais tout à l'heure qu'il y a un rapport de cause à effet entre l'attitude des joueurs sur le terrain et l'éducation. Nos jeunes, là où on peut vraiment inculquer des choses, c'est à l'école primaire, de six à onze ans. C'est là qu'on doit inculquer ces valeurs. Et le sport est porteur de vertus, de partage et de respect. Si ce n'est pas placé comme des valeurs essentielles, ce ne sont pas les maths qui le porteront. Il faut que le sport retrouve une place noble dès le primaire. Le sport, c'est jouer un match de foot avec des Chinois, des Noirs, etc. Le sport, chez les jeunes, c'est d'abord jouer. Ce n'est pas sauter plus haut que les autres. Le sport est significatif de partage et de respect de l'autre, quelles que soient les origines.
gopall : Ne faudrait-il pas, comme le Toulouse Football Club essaye depuis un certain temps, d'intégrer les supporters visiteurs avec les locaux pour créer un effet de camaraderie comme au rugby ?
Bernard Laporte : C'est ce que nous souhaitons tous. Malheureusement, si on fait ça aujourd'hui, il y a des cas où on ne peut pas le faire. C'est bien la finalité que nous souhaitons, qu'on ait un public qui ressemble à celui du rugby, qu'on ait le respect de l'adversaire et de l'autre. On respecte le buteur adverse qui se concentre et va frapper. Aujourd'hui, il y a de moins en moins de sifflets. Au rugby, en Angleterre, en Ecosse, au Pays de Galles, pendant que le butteur français tire, personne ne siffle.
madani : La diversité n'est-elle pas la plus belle réussite du sport français ?
Bernard Laporte : Bien sûr. C'est pour ça que je dis que l'équipe de foot est peut-être composée de gens issus d'origines différentes, mais c'est ce qui fait sa richesse.
oddo : Pourquoi surmédiatiser la banderole survenue lors de PSG-Lens alors que chaque week-end en L1 des chants des tifosi portant des messages racistes et violents surgissent dans nos stades. Il faut éradiquer le hooliganisme en France, mais pas en médiatisant un acte sur dix.
Bernard Laporte : C'est médiatisé parce que c'est au Stade de France, c'est une finale. Ça l'aurait été moins si ça avait été joué à Gaillac. Mais ce n'est pas pour ça qu'il faudrait le tolérer. Je remercie d'ailleurs la chaîne qui diffusait le match de ne pas avoir montré la banderole en direct, c'est trop honteux. Il faut montrer à la France entière qu'on n'accepte plus ce genre de phénomène.
FURBYDULLE : Va-t-on enfin pouvoir considérer qu'éradiquer la violence dans et autour des stades est une priorité face aux intérêts des clubs, des stades ou des publicitaires ? Il s'agit d'une priorité pour l'éducation de la jeunesse et de l'image que les jeunes se forgent de notre société ! Merci.
Bernard Laporte : C'est évident. Aujourd'hui, plus personne ne veut investir dans le football. Ils disent : je ne veux pas mettre la marque de mon entreprise dont je suis fier dans un club où il y a des violences. Donc on fait mal aux clubs, et tout ça est lié. Et on fait mal aussi à la jeunesse, car l'on répercute des mauvaises images et des mauvaises idées.
Seb Landudal : Quand on regarde bien, le racisme et la discrimination sont uniquement présents dans le football. Ne serait-ce pas parce que ce sport est hyper médiatisé que les gens en profitent pour faire passer leurs messages ?
Bernard Laporte : Bien sûr que c'est lié. On en parlait tout à l'heure. Mais ce n'est pas parce que c'est médiatisé qu'il ne faut rien faire. Au contraire, profitons de cela pour montrer que ce ne sera toléré nulle part.
polo_t : Pour lutter contre la violence, êtes-vous pour ou contre le boycott des JO ?
Bernard Laporte : Ne mélangeons pas tout. Les Jeux olympiques sont le seul événement mondial qui rassemble des athlètes de 205 pays. Il y a une charte des Jeux olympiques, des valeurs, protégeons cela. Si on prend les Jeux en otage pour faire passer un message, tôt ou tard, il n'y aura plus de Jeux olympiques. Il y a des problèmes politiques dans beaucoup d'endroits sur notre planète, donc ce ne sont pas les Jeux olympiques qui régleront le problème. Servons-nous de cet élément médiatique pour faire passer des messages. Mais ne nous servons pas des sportifs pour ça. Celui qui se privera de Jeux olympiques parce qu'il est contre ce qui se passe, c'est le plus fort ! C'est très important, les Jeux olympiques. Donc celui qui veut prendre ses responsabilités jusqu'au bout le dise, qu'il ne viendra pas. Je ne les invite pas à le faire, bien sûr. Se priver, c'est se faire mal. Mais je dirai : chapeau bas ! Ceux qui veulent y aller et porter un ruban, je leur dirai : tu veux tout, le beurre, l'argent du beurre et le reste ! Quand on fait du sport, on fait du sport, qu'ils n'utilisent pas leur casquette sportive. Ils ont le droit d'envoyer des messages forts et de s'exprimer, et c'est bien qu'ils s'expriment car les sportifs sont aussi des gens qui ont des convictions.
madani : Ne pensez-vous pas comme moi que le fait de donner les JO à la Chine est une chance pour ce pays d'atteindre les droits de l'Homme ?
Bernard Laporte : C'est évident que ça ne peut qu'amener des évolutions. Si on n'y était pas allés, d'abord on n'en parlerait pas des droits de l'Homme en Chine. Là, le fait qu'il y ait des Jeux olympiques, tout le monde en parle, et les Chinois devront prendre leurs responsabilités. Bien sûr que c'est une tribune politique, et peut-être après le constat de dire : vous nous aviez promis des évolutions, il n'y en a pas.
pierug : Est-ce que les récents événements dans les stades de foot vont entraver la participation de la France pour avoir l'Euro 2016 ?
Bernard Laporte : Ça ne fait pas du bien en terme d'image. Montrons que nous sommes décidés à faire que tout cela disparaisse.
Hubert rive : Que pensez-vous de l'arbitrage vidéo dans le sport ?
Bernard Laporte : Sur l'arbitrage vidéo, il faut être vigilant. En rugby, cela a fait considérablement évoluer les choses. Aujourd'hui, on ne laisse plus rien au hasard, il y a une vidéo. Donc sur le résultat lui-même, l'arbitre n'a pas une influence qui peut malheureusement souvent être négative. C'est une aide à l'arbitre. Dans le sport, il y a aussi des arbitres qui sont là pour prendre des responsabilités. Dans le champ de jeu, on ne va pas mettre des vidéos en permanence. Au football, il serait judicieux de mettre une vidéo sur la ligne de but, pour savoir s'il y a eu but ou pas. On a vu des matchs où l'arbitre s'est malheureusement trompé deux fois. Parce que c'est difficile. Là où je suis sceptique, c'est la vidéo dans la surface de réparation. Mais le problème de la vidéo dans la surface, c'est que les joueurs risquent d'y entrer de plus en plus, et ça risque d'être haché. Ce sont les instances du foot qui vont prendre ces décisions. Monsieur Platini m'a dit qu'il était favorable à deux arbitres qui diraient s'il y a but ou pas.
Patrick : Avec ce que l'on a vu en finale de foot, ne croyez-vous pas qu'il faudrait adapter les même moyens arbitraux au foot qu'au rugby, à savoir : vidéo pour fautes graves ou doutes, exclusion du joueur pendant dix minutes ou plus pour faute ou simulation, relation par micro avec le quatrième arbitre pour confirmation ou autre.
Bernard Laporte : J'y suis favorable, surtout sur l'exclusion temporaire de dix minutes. En rugby, on voit que durant ces périodes où vous jouez à quatorze, vous redoublez d'énergie qui fait que tôt ou tard, vous le payez. Donc, quand vous êtes exclu, vous pénalisez votre équipe. Au football, ce serait la même chose. Une équipe qui perd et se fait exclure un joueur aura du mal à rattraper. Donc c'est une bonne chose.
Michel : Les contestations quasi systématiques des décisions d'arbitrage (relayées allègrement par les journalistes sportifs) dans le foot ne sont-elles pas une cause supplémentaire aux dérapages en tout genre des supporters ? L'arbitre est au centre du débat. Il doit être respecté et savoir se faire respecter.
Bernard Laporte : On a répondu à la question : tout est lié. L'image part du stade, du terrain. S'il n'y a pas de respect dans l'enceinte elle-même, c'est-à-dire le carré de jeu, il est difficile de demander le respect dans les tribunes. Ce qui me choque le plus, c'est de voir certains arbitres en critiquer d'autres. Un arbitre fait partie du jeu, il peut se tromper. Si on estime qu'ils ne sont pas performants, on se réunit, c'est pour ça qu'on a créé les états généraux de l'arbitrage, pour se demander comment ensemble on peut progresser. Je sais ce qu'est un arbitre qui subit la pression de présidents, etc. Le respect doit exister de A à Z.
Philippe : Je crois que les arbitres devraient avoir des cours de recyclages très fréquents.
Bernard Laporte : Je ne sais pas comment est constituée la formation des arbitres. Cela fait partie des compétences des fédérations. En rugby, il y a régulièrement des stages, des mises à niveau. Pourquoi n'avons-nous pas d'arbitres de football à l'Euro 2008 ? Parce qu'on a des manques de compétences. C'est pourquoi il faut qu'on en parle ensemble. C'est trop facile de dire qu'ils sont nuls, parce que je suis convaincu qu'ils ne le sont pas.
vinc44 : Comment pensez-vous possible d'augmenter les effectifs du corps arbitral lorsqu'on constate le nombre d'agressions d'arbitres tous les week-ends, tous sports confondus ?
Bernard Laporte : Bien sûr qu'il y a une crise de vocation. Dans un sport professionnel, les arbitres doivent être professionnels. Ce sont des acteurs majeurs du jeu, donc ils doivent avoir un salaire équivalent au salaire moyen des joueurs. Je sais que ce n'est pas le cas dans le football. Etre professionnel, c'est ne se consacrer qu'à ça, aller à la rencontre des entraîneurs, des dirigeants, faire des vidéos... Ce peut être avec un temps partiel dans une autre entreprise, mais faisons en sorte de professionnaliser.
ch'ti quinquin : Pourquoi ne pas suspendre les arbitres suite aux erreurs d'arbitrage ? Au même titre qu'un joueur, suspendu pour un ou deux matchs, suite à une erreur manifeste...
Bernard Laporte : Ils sont suspendus. Un arbitre qui fait trop d'erreurs, il n'arbitre pas la semaine suivante, ou des matchs moins importants. Il y a un organisme qui les note et les juge.
amram : Ne croyez-vous pas que l'on devrait mettre le micro tout le temps comme en finale de Coupe de France et de Coupe de la Ligue, afin que les téléspectateurs écoutent la conversation entre joueur et arbitre. Cela pourrait calmer les joueurs, entraîneurs et dirigeants.
Bernard Laporte : Ce qu'on m'a rapporté, car j'étais à la tribune, d'après ce qu'on m'a rapporté, je crois qu'il vaut mieux qu'on enlève les micros. Pour entendre ce qu'ils ont dit, il ne vaut mieux pas.
Yves : Vous avez la mémoire courte sur les arbitres depuis que vous êtes ministre. N'avez vous jamais été mécontent d'un arbitre ?
Bernard Laporte : Bien sûr que j'ai été mécontent d'un arbitre, comme tout le monde. Mais j'ai toujours respecté les arbitres. J'ai toujours dit : il ne faut pas taper sur l'arbitre, il faut assumer soi-même. Ensuite, quand l'arbitre fait une erreur, il faut le respecter néanmoins. L'échange peut être vif, mais je n'aurais pas écrit des choses dans la presse.
nephi.lim : Bonjour, comment expliquez-vous le manque d'arbitres français dans le rugby lors de rencontres de coupes d'Europe ou mondiales ?
Bernard Laporte : Dans le rugby, il y a eu une progression : deux arbitres ont arbitré la Coupe du monde. C'est dans le football qu'on a moins d'arbitres présents dans les grandes compétitions. Dans le rugby, du fait qu'on a professionnalisé un peu, il y a une progression.
pierre : Que comptez-vous faire concernant la Marseillaise constamment conspuée, alors qu'en France, on respecte l'hymne des autres pays ?
Bernard Laporte : Que faire ? C'est difficile. On ne peut pas faire que des matchs à huis clos. Ce sont les joueurs eux-mêmes qui doivent prendre leurs responsabilités. Quand Jacques Chirac avait quitté la tribune, j'ai trouvé l'acte fort et courageux.
El Refe : Lorsque, vous, les politiques avez vu cette banderole, n'aurait-il pas fallu quitter le stade ?
Bernard Laporte : Ce qu'a demandé le président de la République, c'est d'enlever la banderole. Si elle était restée, il serait parti. Moi, je n'avais pas vu la banderole, je regardais le match. Elle a été enlevée immédiatement.
Ludovic : Pourquoi ne pas réunir tous les responsables de clubs de supporteurs, pour signer un pacte "du bon supporteur" ? De plus, ne pourraient-ils pas s'engager à faire le ménage dans leurs rangs, pour éviter de retrouver haine, colère et violence, trop souvent présentes sur de nombreux stades ?
Bernard Laporte : Chaque association doit prendre ses responsabilités. Malheureusement, c'est une minorité qui crée ce désordre. Or, si la majorité s'occupe de cette minorité, je crois qu'ils nous aideront grandement. Si mon voisin profère des termes racistes, je lui dis : tu arrêtes ou tu sors. Ce sont donc les spectateurs qui doivent prendre leurs responsabilités.
lolo34 : Ne devrait-on pas être plus sévère avec les hooligans (dix fois plus de personnes interdites de stade en Angleterre qu'en France) ?
Bernard Laporte : Ils ont été beaucoup plus fermes que nous. C'est un constat. Pourquoi auraient-ils 3 000 interdits de stade et nous 130 ? Il y a aujourd'hui des interdictions de stades proposées aux préfets. Ce qu'a fait le préfet de Moselle : il a interdit le supporteur de stade pour trois mois. Mais ce n'est pas suffisant. En Angleterre, ils ont interdit à vie ceux qui sont allés trop loin.
olympien : Monsieur le ministre, une loi a été votée par le Parlement, pourquoi ne pas l'appliquer dans son intégralité sans détour ? Le PSG est un club récidiviste dans ce genre, qu'attendez-vous pour le condamner ? Merci Monsieur le ministre de l'attention que vous portez à ce problème.
Bernard Laporte : Ce n'est pas moi qui vais condamner le PSG. Il doit parler de la loi qui avait été votée, qui justement avait mis des mesures en place comme l'interdiction de stade de trois mois. Il faut amender cette loi et aller plus loin : être plus ferme et sévère, notamment mettre des sanctions financières aux individus pris pour actes de racisme ou de violence. La commission disciplinaire prendra des sanctions. Quand c'est toujours des associations qui répandent ces actes-là, on peut dire aux clubs qu'ils n'ont pas pris les dispositions nécessaires pour que les supporteurs se calment. Mais cela fait partie de la commission disciplinaire de la ligue, qui a une charte et un règlement.
Mazigh : Faut-il renforcer les moyens de contrôles aux entrées des stades ?
Bernard Laporte : Je ne sais pas quelle est la vérité. Je suis convaincu que samedi, ils ne sont pas rentrés avec la banderole prête, c'est évident qu'elle est rentrée par morceaux. Donc c'est évident qu'ils sont organisés.
El Refe : Pourquoi ne le fait-on pas ? Naturellement, si on le fait au PSG, les tribunes Boulogne et Auteuil seront vides et comment va-t-on payer les joueurs ?
Bernard Laporte : Pas du tout ! La Ligue prendra ses dispositions. Si elle ne les prend pas, elle se fera attaquer par les autres clubs. On a vu, Metz a perdu un point, et doit jouer un match à huis clos. Mais je ne connais pas le règlement de la Ligue, donc je ne me prononcerai pas.
Christian : Bonjour, j'habite Metz et ce n'est pas uniquement dans les stades que certains se font insulter de singe. Pensez-vous étendre ces mesures en dehors des enceintes sportives avec le concours de vos collègues ministres ?
Bernard Laporte : On est dans un pays de droit, et si quelqu'un se fait insulter, la police peut intervenir. Nous, on doit gérer ce qui se passe dans les enceintes sportives. Mais il y a des lois qui interdisent d'insulter les autres en dehors des stades.
ju rei : Moi je ne vais plus dans les stade vu la violence qui s'y déroule et le peu d'efficacité de la police, quelles mesures concrètes avez-vous à déclarer ?
Bernard Laporte : Il a raison, ces mesures vont arriver. Le président de la République a reçu hier le député-maire de Lens, le président du club de Lens et l'entraîneur du club de Lens. Il a été catégorique, en disant : faites-moi des propositions dures et fermes, ça ne peut plus durer. Les gens de Lens ont bien sûr approuvé. C'est le problème du football en général qu'il faut régler.
amram : Bernard Laporte, irez-vous un jour au Vélodrome, pour y voir comment ça se passe pour juger les accusateurs de Lens, qui ont manifesté le racisme aussi là-bas ?
Bernard Laporte : Ça tombe bien, j'y vais dimanche pour Marseille-Lyon. C'est un stade que j'aime bien, un public que j'aime bien. J'ai eu ce matin un président d'association de supporteurs du club de Marseille. Je vais rencontrer certains présidents d'associations. Je vais leur parler. La mobilisation doit être générale. C'est ensemble qu'on va éradiquer le problème.
ALEX : Pourquoi ne pas donner des cartes magnétiques aux abonnés de club avec des renseignements sur eux et des places attitrées !
Bernard Laporte : Je ne sais pas, sincèrement. Est-ce que ça ferait en sorte qu'on ne verrait plus ces actes-là ? Qu'est-ce que ça changerait ? Je ne sais pas, je n'ai pas d'expérience vécue sur la question.
Chti : Etes-vous allé voir "Bienvenue chez les Ch'tis" ?
Bernard Laporte : Non, je ne l'ai pas encore vu, mais je vais aller le voir.
ALEX : Que pensez-vous avoir apporté depuis votre nomination ?
Bernard Laporte : Ce qui me plaît, c'est que ce sont des responsabilités plaisantes parce qu'on doit régler des problèmes, la preuve ! Faire de la politique, c'est s'occuper des autres. J'ai toujours eu ce respect des hommes politiques, car c'est faire des lois pour faire en sorte que ça aille mieux pour les Français. On a une réelle envie de s'occuper de la jeunesse. On va entamer beaucoup d'actions vis-à-vis de cette jeunesse, que nous aimons. Je ne vais pas parler de ce qu'on a fait, ce sera à eux de dire.
paco4300 : Et le rugby, ça ne vous manque pas trop ?
Bernard Laporte : Oui, ça me manque un peu, mais bon ! J'avais décidé d'arrêter. La vie a fait que j'occupe cette fonction. Qu'est-ce qui me manque le plus dans le rugby ? C'est cette complicité avec les autres, qu'on ne connaît que dans le sport. Les émotions dans la joie et la défaite, ça n'existe que dans le sport.
Alexandre.herbin : Aujourd'hui, Monsieur Laporte, quelle image avez-vous de l'équipe de France de football ?
Bernard Laporte : J'y ai beaucoup d'amis. Une très bonne image. J'ai une admiration pour toutes les équipes de France, masculines ou féminines. J'apprécie particulièrement le sélectionneur. La France gagnera l'Euro 2008.
Alexandre.herbin : Monsieur Laporte, Monsieur Sarkozy est le supporteur de quel club à part l'équipe de France ? Merci.
Bernard Laporte : Nicolas Sarkozy est comme moi, il habite Paris, donc il aime bien le PSG. Mais ça ne veut pas dire qu'on n'aime pas les autres. Quand vous habitez une ville, vous aimez toujours le club de votre ville. Demain matin, je reçois le président et les actionnaires du club du PSG, il faut qu'ils prennent leurs responsabilités. Je me sens encore plus impliqué car c'est un club que j'aime beaucoup et que je défends.
amram : Une question : ne croyez-vous pas qu'il faut plus médiatiser les autres sports (handball, volley) que l'on ne voit pas assez, pour que le racisme s'impose moins et que les gens soient plus occupés avec un esprit sportif qu'un esprit malsain ?
Bernard Laporte : Oui, mais malheureusement, il y a un rapport aussi entre l'audience d'un sport et sa retransmission. Je suis pour qu'on fasse le maximum de sport à la télévision. C'est ce que dit le président de la République : si on retirait la pression de l'audience, on pourrait faire passer d'autres sports. Les sports qui ne font pas d'audience, maintenant, ne sont pas retransmis. J'en suis l'un des principaux déçus. On fera passer des sports peut-être moins médiatiques. Le fait d'enlever la pression de l'audimat permettra de faire passer des images de certains sports. Je ne crois pas que ça véhicule plus de valeurs. C'est moins médiatique, mais il ne faut pas tomber dans ce panneau-là.
calcio : J'ai entendu dire que l'on souhaitait dissoudre certains clubs de supporteurs. N'est-ce pas aussi le risque de voir les stades s'embourgeoiser ? (cf. Manchester United).
Bernard Laporte : On a déjà répondu à la question : ça va donc passer par le prix des places. Ce serait dommageable. C'est le contraire de ce que nous voulons défendre, le sport de haut niveau doit être accessible à tous.
Vanessa : Pourquoi ne pas encadrer les associations de supporteurs dans leurs relations avec les clubs ?
Bernard Laporte : Ça existe, les relations avec les clubs. Mais depuis la loi de 2006, on peut aller jusqu'à la dissolution d'une association de supporteurs. Mais on sait ce qu'il se passe, ce n'est pas le fait de dissoudre qui fait qu'on est plus performant, car elle change de nom. Donc c'est avant tout une question d'individus. Et les supporteurs sont partie intégrante de cette mobilisation. Beaucoup de supporteurs parisiens ont appelé les Lensois pour leur apporter leur soutien.
Remy : Comment expliquer ces écarts de mentalité et de condition de sécurité entre le foot et le rugby ? Le foot inspire la peur et la violence lorsqu'on est dans les tribunes, alors que le rugby a su conserver ses valeurs de bases... Comment expliquez-vous cela ?
Bernard Laporte : Il y a d'abord la médiatisation qui est importante, et aussi un état d'esprit, une culture. Dans le rugby, il y a la culture du respect. Dans le football, ça n'y est plus. C'est pourquoi il faut que les joueurs fassent des efforts : respecter l'arbitre, les adversaires. Il faut donc que ce soit sain dans le carré vert, si on veut envoyer des messages positifs vers le public.
xPcM : Que vous inspire la mort de Thierry Gilardi ?
Mazigh : Que pensiez-vous de Monsieur Gilardi ?
Bernard Laporte : J'ai beaucoup de tristesse. C'était un ami. C'était un joueur de rugby avant tout. J'ai trouvé ses obsèques très émouvantes, beaucoup de gens se sont exprimés. C'est la perte de quelqu'un que j'aimais bien. Il avait beaucoup de professionnalisme dans son métier. Il véhiculait une image positive, saine. Sa disparition nous a fait beaucoup de mal, et provoqué beaucoup de tristesse. C'était la voix du sport, la voix du football d'abord, mais du rugby aussi. Thierry faisait partie de ceux qui véhiculent des valeurs. Il était très aimé, très populaire. Il n'a jamais critiqué personne. Il n'a jamais été négatif dans ses propos. Parfois, il a dit qu'il n'était pas d'accord, mais toujours avec le respect qu'impose l'humanité. Il avait ça.
Modérateur : Un mot de conclusion ?
Bernard Laporte : Je voudrais dire aux internautes que la lutte contre la violence et le racisme dans le sport, c'est l'affaire de tous. Ce n'est pas mon affaire, ou celle du Gouvernement ou du président de la République. C'est ensemble que nous devons faire en sorte d'éradiquer ce fléau. Nous devons avoir pour objectif d'avoir envie d'aller voir un match en famille. Et y chercher les valeurs et les vertus du sport : le partage, le respect, l'envie d'être avec les autres, et aussi parfois de chercher des émotions.Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 7 avril 2008