Interview de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, à RTL, le 18 avril 2008, sur les modifications du système d'attribution des allocations familiales et l'augmentation du complément de garde pour les jeunes enfants.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour N. Morano.
 
R.- Bonjour.
 
Q.- Les critiques demeurent vives après l'annonce des modifications du système de majoration des Allocations Familiales. Elles gagnent même le groupe des députés UMP. Le Figaro en fait sa Une, ce matin : "La grogne monte chez les députés", dit le journal. Et H. de Charette, hier dans le Parisien - élu dans le Maine-et-Loire - disait même : "Jamais à aucun moment, les parlementaires n'ont reçu la moindre information, à ce sujet". C'est vrai, N. Morano ?
 
R.- Je crois d'abord qu'une politique familiale, elle se construit, elle se bâtit dans son ensemble ; et sortir à chaque fois une petite mesure telle que c'est présenté...
 
Q.- Non. Les parlementaires de l'UMP disent : "On ne savait rien". C'est vrai ? Ils ne savaient rien ? Vous ne savez rien ? Vous étiez députée, vous encore, il y a quelques semaines ?
 
R.- Ecoutez, je voudrais rappeler aux parlementaires avec beaucoup d'amitié, d'affection puisque j'en étais, il y a encore très peu de temps, que la mesure concernant cette péréquation des allocations familiales ramenée à l'âge de 14 ans, qui était l'âge pivot, c'est une étude de la Cour des Comptes qui le démontre, et de l'Insee, qui nous indiquait, nous recommandait d'ailleurs de mettre plus d'argent à ce moment de la vie de nos adolescents, parce que c'est à cette période qu'ils commencent à coûter plus cher dans le budget de leur famille. Et donc nous avons ramené cette majoration d'allocations familiales de 60 euros qui était à l'âge de 16 ans à 14 ans.
 
Q.- Mais qui "on" ? Les députés n'ont jamais été associés à cette mesure.
 
R.- Alors, non mais les députés, Monsieur Aphatie très concrètement, je vous invite à regarder les débats de l'Assemblée nationale, puisque c'est public et qu'elles sont sur le site Internet de l'Assemblée nationale, cette mesure a été présentée au cours du débat, du PLF16, du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale, au mois d'octobre dernier, le 23 octobre dernier, et donc a fait l'objet d'un débat parlementaire.
 
Q.- Ils pensaient à autre chose alors parce qu'aujourd'hui, ils sont fâchés. Certains disent : il faut revenir sur la mesure ?
 
R.- Cela a fait l'objet d'un débat. Ca a été voté. Ca a été acté. Et je dirais ...
 
Q.- Vous, vous le saviez ? Vous l'aviez vu passer ?
 
R.- Les parlementaires, lorsqu'ils sont en séance le voient. On ne voit pas tout, je vais vous le dire, en toute honnêteté. On ne voit pas tout ce qui passe à l'assemblée nationale parce que nous ne pouvons pas être sur tous les textes. Mais ça a été débattu et ça a été très clairement débattu. Par ailleurs, je voudrais rappeler ...
 
Q.- Et vous, vous le saviez, par exemple, quand vous étiez députée ?
 
R.- Je le savais d'autant plus que X. Bertrand, à l'époque, a répondu au mois de novembre dernier à une question du rapporteur socialiste du Budget de la Famille. Une question d'actualité au Gouvernement, donc en plus diffusée sur notre chaîne nationale, donc devant tous les Français, rappelant très clairement que cette mesure était une recommandation de la Cour des Comptes et répondait aussi à des études de l'Insee et qu'il nous fallait mettre le paquet sur les adolescents. Et donc c'est ce qui a été fait.
 
Q.- Donc, ils ont la tête ailleurs... "Le Gouvernement doit revoir sa copie ..."
 
R.- Non, alors, je vais vous dire une chose, je ne pense pas qu'ils aient la tête ailleurs, mais j'ai envie de faire une chose, et je vais le faire, parce que quand on parle... X. Bertrand le dit souvent, le service après vote, je l'ai dit lorsque j'étais moi-même porte-parole de l'UMP, J.-F. Copé l'appelle aussi de ses voeux, je crois que c'est une nécessité. J'ai décidé de m'entourer moi-même d'un conseil de parlementaires de la famille que j'inviterai très régulièrement et avec lesquels nous aurons à travailler sur tout ce qui consiste à évoquer ou à élaborer la politique familiale de notre pays.
 
Q.- "Le Gouvernement doit revoir sa copie", donc c'est J. L. de Roussin, président du conseil d'administration de la CNAF, qui vous le demande. Reverrez-vous votre copie sur ce sujet, N. Morano ?
 
R.- Ecoutez, j'ai vu à plusieurs reprises le président de la CNAF. J'ai vu aussi M. Fondard, le président de l'Union Nationale des Associations Familiales
 
Q.-...qui n'est pas content, lui non plus.
 
R.-... Ils m'avaient fait part de leurs désaccords mais ça n'était pas un point de blocage parce que ce qu'ils souhaitaient, en fait, c'était que cet argent puisse être redéployé au service des familles, et c'est le cas. Je vous rappelle qu'on parle d'un décret du 1er mai ; mais on oublie de dire aussi qu'au 1er mai, il y a un autre décret qui entre en vigueur, c'est que nous allons augmenter pour 62.000 familles modestes, ce qu'on appelle le complément de garde pour les familles qui utilisent les services d'une assistante maternelle. C'est 50 euros de plus par mois. C'est 600 euros de plus à l'année. C'est un budget de 40 millions d'euros ; et nous aurons à travailler aussi pour les familles modestes. Vous savez, il y a d'une part les prestations familiales, il y a d'autre part les services, et nous avons à mettre l'accent, parce que c'est un engagement fort du président de la République, sur l'accompagnement de la petite Enfance, c'est-à-dire les modes de garde et aussi sur nos adolescents, parce que c'est là aussi où il y a un engagement fort à avoir vis-à-vis des familles.
 
Q.- Cette hausse de prestations de garde d'enfants que vous venez d'évoquer, N. Morano, c'est un total de 40 millions d'euros, ditesvous ?
 
R.- Oui.
 
Q.-...L'économie sur la modification du système de majoration des allocations familiales c'est 138 millions d'euros. Qu'est-ce que vous faites des 100 autres millions d'euros ? Ils repartent dans le budget général ou il doit être utilisé...
 
R.- Non, il ne repart pas dans le budget général. Il sera évidemment utilisé pour les familles. J'ai dit, il y a quelques jours - et ce matin je vais inaugurer avec X. Bertrand une crèche d'entreprise parce que c'est indispensable aussi de bien concilier la vie professionnelle et la vie familiale, j'ai annoncé, il y a quelques jours aussi - que 50 millions d'euros avaient été débloqués pour la création d'ici à la fin de cette année de 4.000 places supplémentaires de crèche. Et vous savez, c'est une attente considérable des familles de pouvoir faire garder leurs enfants. Donc, nous sommes en train de travailler à ce qu'on appelle le droit de garde opposable pour la garde des enfants et il nous faudra débloquer un budget de plus d'un milliard d'euros. Et donc par rapport à cela, c'est vrai... ...
 
Q.- Cela ne va pas être facile, hein.
 
R.-... Non, parce que la branche Famille est excédentaire. Vous savez, nous n'avons pas à rougir ... Si, la branche Famille est excédentaire et nous n'avons pas à rougir de la politique familiale en France puisque c'est un budget de 80 milliards d'euros. C'est 5% de notre Produit Intérieur Brut. Vraiment, si aujourd'hui nous avons atteint le plus haut niveau de natalité d'Europe avec 2 enfants par femme au taux de fécondité, c'est que nous avons une politique familiale dynamique, ambitieuse, et je compte à la fois la développer, la diversifier, l'intensifier.
 
Q.- S. Royal : "Le Gouvernement n'a pas le droit de voler l'argent des familles". Voyez, l'opposition vous tire dessus, N. Morano.
 
R.- Ecoutez, je trouve que Mme Royal est quand même très mal placée pour nous donner des leçons. Quand je sais que cette responsable politique qui est par ailleurs une femme, vient d'être condamnée par la Justice parce qu'elle n'a pas payé ses salariés, excusez-moi, quand vous ne payez pas vos salariés, que vous êtes condamnée par la Justice et qu'en même temps, ces femmes sont aussi sans doute des mères de famille, je trouve ça un peu choquant. Mais enfin, le mot "casser" est un peu fort de café en ce qui la concerne, pour elle qui n'est même pas capable de construire. J'y ai bien réfléchi. S. Royal c'est une entreprise de démolition à elle toute seule. Le Parti socialiste, ses collaborateurs et je dirais que quand on l'écoute, 15 jours après, elle a même cassé son programme présidentiel. Quelle crédibilité ! Je vous le demande aujourd'hui.
 
Q.- Alors, H. de Charette, est-ce qu'il a de plus de crédibilité ? "C'est un gouvernement à hue et à couacs". Lui, il est de l'UMP.
 
R.- Je me suis posé la question avant de venir vous voir. Qu'est-ce qu'était un couac ? Ou qu'est-ce qu'était d'abord aussi un scoop médiatique ? Parce que très concrètement, je crois qu'on a tous à y gagner dans la clarté de la politique qu'on mène, le Gouvernement dans la lisibilité, c'est clair mais aussi, je crois, le rôle des médias qui se doivent d'informer. Moi je suis très attachée à la liberté de la presse, de la critique, de l'analyse. Mais en même temps, je trouve étonnant de découvrir dans les journaux des articles notamment sur la carte Famille nombreuse. J'aurais aimé qu'on puisse me téléphoner, qu'on me demande des compléments d'information pour voir si c'était juste. Et donc moi, qui connais bien D. Bussereau, je peux vous dire que...
 
Q.- La presse fait mal son travail ! C'est elle qui invente les couacs.
 
R.- Ecoutez, moi j'ai ressorti. Tenez, je l'ai devant les yeux, la fiche du président de la République concernant la prise en charge - c'est très clairement écrit, vous voyez dans le paragraphe "développement durable"- prise en charge, on lit maintenant : des tarifs sociaux de la SNCF par la politique commerciale de l'entreprise. Et tout ça a amené dans le journal, à nous dire : suppression de la carte famille nombreuse. Voyez, c'était inexact et en plus, nous l'avons étendue au service des familles plus modestes, qui sont des familles monoparentales ou des familles avec moins de trois enfants.
 
Q.- Vous en parlerez à H. de Charette.
 
R.- Avec beaucoup de plaisir.
 
Q.- Et puis, N. Sarkozy, mercredi, vous a dit aussi : Stop aux couacs !
 
R.- Mais je pense qu'il nous faut avoir plus de lisibilité, et surtout plus de solidarité. Moi je suis très attachée, vous savez, à trouver le bon curseur entre la liberté de parole, la modernisation de cette façon de s'exprimer du Gouvernement et de ce que disait J.-P. Chevènement : "Un ministre, ça parle ou ça démissionne, mais ça ferme sa gueule".
 
Q.- Voilà. Donc, stop aux couacs ?
 
R.- On dira : une bonne coordination et beaucoup de solidarité du Gouvernement. Et les médias aussi à faire un effort d'une bonne information avec nous. On est prêt.
 
Q.- N. Morano, secrétaire d'Etat chargée de la Famille, était l'invitée d'RTL ce matin. Bonne journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 avril 2008