Texte intégral
C. Barbier.- A. Césaire a donc été enterré à Fort-de-France. S. Royal souhaite qu'il entre au Panthéon, idée qui ne soulève pas l'enthousiasme sur place, mais certains à Paris, notamment au ministère de la Culture, l'ont soutenue. Qu'en pensez-vous ?
R.- Il y a eu des obsèques nationales, c'est vrai que A. Césaire a vraiment marqué, à la fois par ses qualités d'homme politique, sa longévité aussi dans l'action politique, élu député, élu maire de Fort-de-France, et en même temps, un grand poète, défendant des valeurs humanistes. Je crois qu'on peut y réfléchir. Mais c'est vrai que l'hommage qui a été rendu par le président de la République était un hommage très fort et très rare aussi.
Q.- Pendant ce temps-là en Chine, les mouvements anti-France se sont amplifiés. Faut-il riposter ? Faut-il par exemple, boycotter les produits chinois importés en France ?
R.- Je pense qu'il faut d'abord dialoguer, c'est le sens de la démarche qu'a engagée le président de la République depuis le début des événements qui se passent en Chine. Il faut rouvrir un vrai dialogue avec le Dalaï- Lama. Il faut discuter, dialoguer, et je crois que...En plus, J.-P. Raffarin qui est en déplacement en Chine va donner un message du président de la République. Le président de la République en a déjà donné un à C. Poncelet, qu'il a remis à l'athlète chinoise qui a été un peu malmenée lors du passage de la flamme en France. Voilà.
Q.- B. Delanoë souhaite faire du Dalaï-lama un citoyen d'honneur de la ville de Paris. C'est une provocation à l'égard des Chinois, c'est une bonne idée ?
R.- Je crois que de toute manière, le dialogue avec le Dalaï-lama n'a jamais été rompu puisque B. Kouchner l'a très régulièrement au téléphone. C'est un dialogue permanent avec lui. R. Yade a également proposé de le rencontrer. Je crois qu'il ne faut pas non plus tomber dans l'excès, il faut garder le rôle que doit avoir la France, c'est-à-dire, dialoguer, et notamment lorsque N. Sarkozy prendra la présidence de l'Union européenne, dialoguer aussi avec nos partenaires européens pour voir quelle position commune nous aurons à prendre au moment des Jeux Olympiques.
Q.- C'est une position commune qu'il faudra prendre ? Une position européenne ?
R.- Je pense que lorsque vous assumez la présidence de l'Union européenne, votre rôle, votre engagement, c'est d'abord aussi d'en discuter avec vos partenaires.
Q.- Demain, il y aura un an pile que N. Sarkozy arrivait en tête, largement en tête, du premier tour de l'élection présidentielle. 59 % des Français aujourd'hui, selon l'Institut LH2 pour Libération, considèrent que cette première année de présidence Sarkozy est "un échec". Comprenez-vous cette déception ?
R.- Je pense que les sondages, bon, ça va, ça vient, et que la vraie température par rapport à ce quinquennat devrait se faire en milieu de quinquennat. Je crois que nous sommes arrivés à un an, avec beaucoup de réformes qui ont été menées, mises en place. Je crois que jamais aucun gouvernement n'a mené autant de réformes. Il nous faut sans doute mieux expliquer, avoir plus de pédagogie. Mais je pense que, vraiment, quand on regarde l'autonomie des universités... Je regardais hier un peu, aussi, ce dont ont bénéficié les Français sur le droit de succession. Savez-vous que, déjà, 50.000 Français ont transmis à leurs enfants pour plus de 20.000 euros chacun de patrimoine dans le cadre de la réforme que nous avons menée pour le droit de succession. Les heures supplémentaires, c'est 50 millions d'heures supplémentaires qui ont été faites par nos concitoyens, et donc, c'est de l'argent qui rentre directement dans leur porte-monnaie. Je regardais aussi sur les peines plancher, parce que les Français étaient très attachés à ce que nous mettions en place des réformes contre les multirécidivistes, eh bien, c'est maintenant plus de 5.000 peines qui ont été faites. Bon... La réforme sur l'immigration et les reconduites à la frontière ; l'autonomie des universités. Beaucoup de réformes. Les services minimum. Et une réforme très difficile à laquelle jamais les socialistes n'ont osé s'attaquer, la réforme des régimes spéciaux de retraite. Eh bien, tout ça nous l'avons déjà fait, il faut continuer dans ce sens-là. Les réformes, ça nécessite sans doute un peu plus d'explication mais je crois que le chef de l'Etat s'exprimera jeudi, il en parlera directement avec les Français.
Q.- Pendant ce temps-là, la conjoncture économique internationale...
R.- Est difficile...
Q.-...s'est considérablement dégradée. Ne faut-il pas changer de cap, non pas à cause de ce qui n'a pas été fait, mais parce que la conjoncture mondiale a changé ?
R.- Non, je crois au contraire, que la loi que nous avons votée au mois de juillet sur le "travail, emploi, pouvoir d'achat" justement, nous a permis de mieux tenir le choc face à la conjoncture internationale. Et puis, surtout, l'objectif du président de la République, c'est d'arriver aussi à l'équilibre des Finances publiques en 2012, et donc de bien gérer l'argent des Français. Alors, vous savez, on emploie ce terme un peu barbare et de haut fonctionnaire souvent de "Révision générale des politiques publiques"...
Q.- La RGPP...
R.- "La RGPP". Eh bien, la RGPP, c'est un nom barbare que je n'aime pas trop. Je crois qu'il faudrait dire aux Français : voilà le plan que nous avons pour mieux gérer votre argent. Et je crois que mieux gérer l'argent des Français, c'est se rappeler que chacun de nos concitoyens a 14.000 euros de dette sur ses épaules, chaque enfant français a 14.000 euros de dette sur ses épaules, et l'objectif du Gouvernement et de N. Sarkozy c'est de retourner, revenir à l'équilibre de nos Finances publiques.
Q.- Vous parliez de "pédagogie". On a assisté à beaucoup de couacs la semaine dernière au sein du Gouvernement. Est-ce un problème de coordination, est-ce le Premier ministre qui doit être plus autoritaire sur l'équipe ?
R.- J'ai bien analysé aussi cette histoire de couacs. Très franchement, parce que justement je viens d'arriver, je découvre certains articles dans la presse, je suis très attachée à la liberté d'expression, de critique, d'analyse de la presse, mais nous sommes aussi vis-à-vis des Français avec une obligation de mieux informer ou de bien informer. Et je me tiens à la disposition, si des journalistes souhaitent compléter leur papier sur des sujets particuliers, de pouvoir les renseigner. Parce que, quand il s'est agi de la carte famille nombreuse, on voit bien qu'un article est sorti dans le journal, et il ne s'agissait pas de supprimer la carte "famille nombreuse", mais simplement de regarder comment allions-nous financer maintenant les produits familles et la carte famille nombreuse. Au final, ce sera la SNCF qui par ses dividendes financera la politique de famille nombreuse, et c'est bien parce que c'est un budget de 80 millions d'euros de l'Etat, c'est l'argent directement des Français.
Q.- Sur les allocations familiales en revanche, vous reconnaissez le couac ? C'est-à-dire, vous avez dit "oui", L. Chatel a dit "non, rien n'est prévu"... Finalement, il y avait un décret, ce n'était pas ce qu'on croyait, enfin jusqu'au bout on s'est demandés...
R.- Mais ce n'est pas du tout ça M. Barbier ! Je vais vous dire très clairement les choses. C'est exactement pareil sur l'histoire des allocations familiales. Au Conseil des ministres, j'ai L. Chatel à côté de moi, on parle de différents sujets et notamment de la RGPP - révision générale des politiques publiques -, de la branche "Famille", et je lui dis que, pour l'instant rien n'est tranché puisque nous avons des réunions de travail sur le sujet, et que le président de la République en parlerait au mois de juin. Et donc, quand il arrive au point presse, eh bien il n'a pas lu le journal Le Monde, donc il ne répond pas à la question vraiment qui lui est posée. Il s'agit simplement d'un quiproquo et pas d'un couac. Et là, encore une fois, si nous regardons vraiment l'information qui est donnée aux Français, toujours sur les allocations familiales, il se trouve que cette disposition de rééquilibrage à l'âge de 14 ans des allocations familiales a été présentée, débattue, à l'Assemblée nationale, devant le débat de projet de loi de Finance de la Sécurité sociale, à l'automne dernier, que ça faisait l'objet d'une présentation dans le dossier de presse à destination des journalistes, que X. Bertrand, par ailleurs, et j'en termine par là, a répondu à une Question d'actualité au Gouvernement sur ce sujet au mois de novembre, et que, d'un coup, réapparaît un décret qui doit formaliser tout cela.
Q.- Alors, on en est maintenant à un certain nombre de chiffres : 1 milliard d'euros seront nécessaires pour financer le droit opposable à la garde d'enfant. Alors, on nous dit que ça va être le redéploiement de la politique familiale. Mais d'où va venir ce milliard d'euros ?
R.- Le milliard d'euros vient de la façon dont est financée la branche famille, c'est-à-dire, les cotisations sociales, la CNAF, tous ces postes de financement permettent le redéploiement de la politique familiale. Alors, je vais vous dire, en ce qui concerne la politique familiale, le budget c'est 80 milliards d'euros, c'est deux fois et demie plus que la moyenne européenne. Bon. Ce qui est attendu par les Français, on parle des allocations familiales, mais au-delà des allocations familiales, les Français attendent des services aux familles. Et il se trouve que N. Sarkozy a pris un engagement très fort devant les Français, c'est l'accompagnement à la garde d'enfants, parce qu'il nous faut recréer 350.000 places de plus pour pouvoir garder nos enfants, et je suis très attachée à la diversité des modes de garde, et notamment aussi, un, parce qu'il y a les crèches, les collectivités, il y a les crèches d'entreprises, interentreprises, les crèches associatives. Mais un autre aussi qui est très important, c'est les femmes, ou les pères d'ailleurs, qui travaillent en ce qu'on appelle "en horaires décalés", vous savez, les horaires atypiques. Eh bien, là, c'est de mettre à disposition non pas des crèches où on lève les enfants à 5 heures du matin, on vient les mettre à la crèche dès 6 heures, mais de regarder ce qui se fait dans certains départements de façon expérimentale, c'est-à-dire, d'avoir une assistante maternelle qui vient au domicile, qui permet de ne pas réveiller l'enfant, et donc le parent peut travailler, peut aller travailler l'esprit tranquille, et en même temps, il peut aussi faire garder son enfant et le faire amener à l'école en toute sérénité.
Q.- Dans ce redéploiement, est-ce que l'Allocation de rentrée scolaire est menacée, allez-vous la réformer ?
R.- Alors, l'Allocation de rentrée scolaire, les associations familiales que j'ai reçues plusieurs fois à mon ministère et que je recevrai encore très prochainement, ont formulé une demande très précise qui est la modulation. C'est-à-dire, qu'il faut savoir, qu'aujourd'hui, dès l'entrée au CP, l'Allocation rentrée scolaire c'est 272 euros. Bien. Après, jusqu'à 18 ans, ça reste 272 euros. Or, on sait très bien dans le budget des familles, et c'est pour ça que nous avons recadré un peu la majoration des allocations familiales à l'âge de 14 ans, c'est que le coût est nettement supérieur quand vous rentrez au collège, quand vos enfants entrent au collège ou quand ils entendre au lycée.
Q.- Donc, vous ferez moins d'abord et plus ensuite ?
R.- La discussion va s'ouvrir avec les associations familiales. Il faut faire plus pour l'entrée au collège, plus pour l'entrée au lycée. Et donc, nous sommes en train de regarder comment d'une façon budgétaire nous allons formaliser cette modulation. Mais notre objectif, c'est que les familles s'y retrouvent dans leurs besoins. Et donc, il faut coller vraiment aux besoins des familles et à leurs dépenses. C'est pour ça que dis qu'il n'y aura pas de perdants, et c'est pour ça qu'une politique familiale elle ne s'appréhende pas qu'en regardant une majoration de l'allocation familiale, elle se regarde dans sa globalité. Lorsque j'ai annoncé la semaine dernière un budget aussi de 40 millions d'euros pour aider les familles modestes...Il y a 62.000 familles qui en bénéficient, d'avoir un budget supplémentaire de 50 euros par mois lorsqu'elles font appel à une assistante maternelle et dans le cadre du complément mode de garde pour enfants, c'est un budget qui ramène 600 euros à l'année pour ces familles, et c'est 40 millions sur la globalité du budget.
Q.- En un mot, A. Juppé n'exclut rien pour 2012. C'est un présidentiel potentiel pour l'UMP ?
R.- C'est la liberté de choix de chacun, je veux dire, personne n'impose, personne ne choisit, chacun réfléchit en conscience.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement le 21 avril 2008