Texte intégral
R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjours V. Pécresse. Hier les lycéens étaient encore une fois dans la rue, ils y seront encore demain et avec eux, hier, il y avait les syndicalistes étudiants. Est-ce que vous ne craignez pas une contagion du mouvement des lycéens dans l'université ?
R.- Ce que je vois surtout, c'est que toutes les réformes que nous sommes en train de mettre en oeuvre dans l'université, les lycéens vont en être les principaux bénéficiaires. Moi j'ai beaucoup entendu les jeunes qui aujourd'hui manifestent, ils disent qu'ils sont inquiets pour leur avenir. Et moi ce que je veux leur répondre, c'est qu'avec X. Darcos nous travaillons à leur avenir et notamment quand nous mettons, dès cette année, en place une transition douce de la Terminale vers l'université, en impliquant tous les universitaires, les professeurs de l'université pour leur donner des avis, des conseils d'orientation qu'ils réclament depuis des années - depuis des années, tous les lycéens et les étudiants disent : on est mal orienté, on est pas conseillé, on est pas accompagné vers l'université - toute cette réforme de l'orientation active qu'on met en place pour la première fois cette année, c'est une réforme au bénéfice des lycéens. C'est une réforme dont les lycéens avaient très peur et aujourd'hui qu'ils apprécient.
Q.- Mais les lycéens disent aussi, il y aura moins de profs l'année prochaine et ça c'est un problème.
R.- Mais je crois que, et X. Darcos l'a très bien dit, je crois qu'aujourd'hui l'important pour le primaire et pour le secondaire, c'est de faire des réformes, de mieux accompagner les élèves, de leur donner des programmes qui soient des programmes mieux adaptés. Et ça c'est la réforme du lycée que X. Darcos va lancer. C'est ça qui est important pour l'avenir des lycéens.
Q.- Je parlais de risque de contagion à l'université, vous, vous n'y croyez pas ?
R.- Vous savez je suis toujours très prudente mais ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui, la communauté universitaire, les enseignants, les chercheurs et les étudiants, ils attendent la réforme de l'université et ils se sont très investis dans deux grands plans que nous avons lancés : celui sur la lutte contre l'échec en premier cycle, parce que quand on rentre à l'université, ce n'est pas terminé. Il y a 50% des jeunes qui la première année vont échouer. Et là, j'ai toute une série d'universités qui m'envoient aujourd'hui des plans, que je vais financer, de lutte contre l'échec, pour que les jeunes soient accompagnés à l'université et de la même façon, la communauté universitaire se mobilise sur le Plan campus de rénovation des universités. Donc je crois qu'aujourd'hui dans l'université, ça bouge et ça bouge dans le bon sens.
Q.- Le Gouvernement, lui, a annoncé des économies. Est-ce que vous êtes concernée, vous, par ces économies ? Est-ce que vous aussi à l'université, à la recherche, il faudra se serrer la ceinture ?
R.- Alors nous, nous allons avoir des moyens supplémentaires parce que la recherche et l'université sont...
Q.- Vous êtes privilégiée ?
R.- C'est des priorités absolues du Gouvernement parce que si on veut de l'emploi demain, il faut travailler sur la connaissance, il faut travailler sur la formation de nos jeunes. Mais ça ne m'exonère pas de faire des économies aussi. Ce n'est pas parce que l'université a des nouveaux moyens sur des grands plans de lutte contre l'échec, des grands plans de rénovation, des grands plans de revalorisation des métiers de la recherche et de l'enseignement, ce n'est pas parce que nous avons cet argent que nous ne devons pas faire très attention à comment il est géré. Et il y a du gaspillage partout, il y a du gaspillage y compris à l'université.
Q.- Est-ce qu'il y aura des suppressions de postes ou pas à l'université et dans la recherche ?
R.- Aujourd'hui nous sommes en négociation pour le budget 2009. Moi je pense qu'aujourd'hui, on n'est ni dans une logique de création d'emploi, ni dans une logique de suppression d'emploi. On est dans une logique de relever le défi démographique qui se présente devant nous. Le défi démographique, c'est quoi ? C'est que 30% des chercheurs vont partir à la retraite d'ici 5 ans et que notre pays doit attirer les meilleurs vers les métiers de la recherche.
Q.- Alors justement les chercheurs disent qu'il n'y a pas assez d'argent, qu'ils ne sont pas assez bien payés, ils partent à l'étranger. Comment est-ce que vous allez rectifier ça ?
R.- J'ai confié une mission, une double mission : il y a une mission sur les carrières de l'université parce qu'être enseignant, c'est un métier. Transmettre des savoirs, c'est un métier. Et l'université est une communauté qui doit évoluer dans le cadre de l'autonomie, donc il y a une mission sur les carrières de toute la communauté universitaire. Et, à côté de ça, il y a une mission qui a été confiée au président de l'Académie des Sciences sur l'attractivité des métiers de la recherche. Donc j'aurai les conclusions de ces deux missions d'ici le mois de juin.
Q.- Je reviens d'un mot aux lycéens. Quand vous parlez de priorité donnée à l'université, beaucoup disent : ça se fait au détriment des lycées justement.
R.- Mais je crois que c'est tout le contraire. Je crois qu'on ne peut pas imaginer donner un avenir aux lycéens si on n'investit pas aujourd'hui, massivement, sur l'université parce que...
Q.- Il ne faut pas faire les deux de front, les deux en même temps ?
R.- Il faut évidemment travailler sur l'éducation et sur l'enseignement supérieur en même temps mais c'est ce que nous faisons avec X. Darcos. Simplement, je crois que sur l'université, c'est simple : nous dépensons 7000 euros pour un étudiant et c'est un ratio, enfin c'est un chiffre qui est très inférieur à ce que dépensent les autres pays d'Europe. Et je crois que nous ne pouvons pas nous permettre, nous la France, la 5ème puissance du monde, de ne pas investir sur les jeunes après le bac. Et j'ajoute que dans la loi autonomie, on donne à l'université, enfin, une mission très importante, qu'elle n'avait pas jusqu'à présent : c'est l'insertion professionnelle. On va demander à l'université de conduire les jeunes du baccalauréat jusqu'à l'emploi et ça, ça demande une mobilisation sans précédent, de toute la communauté universitaire.
Q.- L'autre actualité, c'est les OGM. Le texte revient au Sénat après une belle bagarre la semaine dernière à l'Assemblée nationale. Vous, vous êtes plutôt d'accord avec la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, N. Kosciusko-Morizet, ou avec les députés UMP qui disaient : elle est beaucoup trop anti OGM ?
R.- Ce que je souhaite moi sur ce texte, sur les OGM, c'est que ce soit un texte de réconciliation.
Q.- Ce n'est pas le cas pour l'instant.
R.- Il va être adopté et à partir du moment où il sera adopté, il faudra que ça devienne la règle pour tout le monde et la règle commune, la règle acceptée. La règle acceptée, ça veut dire qu'il faudra que tout le monde la respecte, y compris les associations écologiques. Je souhaite que ce texte nous permette de chercher dans la sérénité. Pourquoi est-ce qu'on a un devoir de recherche sur les OGM ? Un devoir de recherche parce qu'on importe des OGM, on consomme des OGM, parce que dans le monde, il y a des endroits où il y a des émeutes de la faim parce que les gens n'ont pas assez à manger. Et parce que les biotechnologies végétales peuvent porter peut-être des progrès, on n'en sait rien, on ne connaît pas les dangers. On ne connaît pas les bénéfices. Et quand on ne connaît pas les dangers, qu'on ne connaît pas les bénéfices, la seule réponse c'est la recherche, toujours plus de recherche. Donc je souhaite qu'on cherche, je souhaite qu'on cherche y compris en plein champ parce qu'on ne peut pas reproduire en laboratoire les conditions de la nature, ce n'est pas vrai. Donc il va falloir pouvoir avoir des champs de recherche en plein champ, mais je suis prête et le Gouvernement est prêt, à donner aux Français, toutes les garanties de distance, de séparation, de transparence, de contrôle, pour qu'on puisse chercher sans effrayer, sans faire peur. Voilà. Mais il faut absolument que les chercheurs puissent chercher et il faut qu'ils sentent que la société française a compris et va les laisser chercher, va les soutenir. Il faut qu'ils aient de la sérénité.
Q.- Autrement dit, selon vous, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, N. Kosciusko-Morizet, elle a eu tort de soutenir cet amendement qui prévoyait d'interdire les OGM dans les zones d'appellation contrôlée ?
R.- Je crois qu'il faut aujourd'hui qu'on trouve un texte d'équilibre et qu'on donne des garanties à ceux qui ont peur. Donc trouvons les bonnes garanties à donner mais une fois qu'on aura donné ces garanties - ça passe peut-être par une protection d'un certain nombre de zones de culture - une fois qu'on aura trouvé cet équilibre au Parlement parce que c'est les parlementaires, c'est la nation qui doit le trouver cet équilibre, on vote ce texte, on l'applique et on dit aux chercheurs, n'ayez pas peur. Maintenant il y a un texte, il y a une loi, elle va être respectée par tout le monde et vous pourrez chercher parce que la vérité, c'est que si on n'a pas un texte qui est respecté par tout le monde, y compris par ceux qui aujourd'hui fauchent les champs expérimentaux, si on a pas un texte qui est respecté par tout le monde, qui réconcilie tout le monde, nos chercheurs ils partiront à l'étranger et la France perdra son indépendance nationale, sa capacité à savoir si un produit est dangereux ou s'il est bénéfique.
Q.- Il y a eu aussi des propos de R. Yade sur la Chine, il y a eu les propos de R. Bachelot sur le remboursement des lunettes, ça ne fait pas beaucoup de cafouillage au gouvernement ?
R.- Je crois que nous communiquons, nous essayons d'expliquer nos politiques.
Q.- Justement N. Sarkozy a demandé une communication harmonieuse, c'est raté de ce point de vue ?
R.- Je crois que l'UMP d'une manière générale et le Gouvernement en particulier, doit représenter, j'allais dire, la diversité des Français. Donc on doit avoir des opinions qui sont diverses. On dit avoir des gens qui sont plus sensibles aux droits de l'homme, des gens qui sont plus sensibles aux réalités économiques, des gens qui sont plus sensibles au social comme M. Hirsch, comme F. Amara, des gens qui sont plus sensibles aux exigences de la compétitivité économique. Il faut qu'on soit divers et en même temps, il faut qu'on soit solidaire.
Q.- Ce n'est pas du cafouillage, c'est de la diversité ?
R.- Il faut apprendre à gérer la diversité dans la solidarité.
Q.- Merci V. Pécresse.
Source : Premier ministre, Service d'Information du 16 avril 2008