Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la diversité des chambres hautes européennes et l'adaptation du parlementarisme à la construction européenne, Vienne le 18 avril 2008.

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Circonstance : Déplacement en Autriche les 17 et 18 avril 2008-10ème réunion de l'Association des Sénats d'Europe à Vienne le 18 avril

Texte intégral

Monsieur le Président du Bundesrat,
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
J'ai été très touché, et honoré, lorsque vous m'avez proposé de dire quelques mots pour marquer la dixième réunion de notre association.
C'est vrai que j'ai fait partie de ses promoteurs. C'est vrai que j'étais très attaché à cette idée. Et c'est une satisfaction pour moi -comme je crois pour nous tous - de voir que, huit ans après sa création, notre association est bien vivante.
Pendant cette période, nous avons donc tenu dix réunions. Et la famille s'est même agrandie : nous étions au départ quatorze, nous sommes aujourd'hui seize. Nous voyons bien que si notre club n'existait pas, il faudrait l'inventer tout de suite !
Notre association a été lancée dans la foulée de la réunion des Sénats du monde, au printemps 2000, à Paris. Cette réunion nous avait permis de prendre la mesure de l'ampleur et de la diversité du bicamérisme dans le monde. Elle nous avait aussi fait prendre conscience de la proximité particulière qui existait entre les secondes Chambres de notre continent.
Les Chambres hautes de nos pays européens sont assurément très diverses, mais elles se fondent sur un même héritage de civilisation, ce que le traité de Lisbonne appelle les « héritages culturels, religieux et humanistes » de l'Europe.
De plus, nos assemblées sont confrontées à des problèmes souvent similaires.
Et il nous faut nous adapter en permanence pour continuer à remplir nos missions, traditionnelles comme nouvelles.
Nous devons ainsi adapter le parlementarisme à la construction européenne, et plus généralement à la nouvelle organisation de l'Europe, puisque notre association déborde les frontières actuelles de l'Union européenne.
Nous devons aussi adapter le parlementarisme, et singulièrement le bicamérisme, aux évolutions de nos sociétés et de nos systèmes politiques.
Bien sûr, chaque contexte national est spécifique mais qui peut nier l'utilité d'une réflexion commune entre Chambres hautes sur tous ces thèmes !
Nous avons conçu cette association comme un espace d'échanges et de réflexions, où chacun peut présenter son expérience, et certainement pas comme un lieu où l'on jugerait, où l'on condamnerait ou bien encore où certains chercheraient à imposer leur modèle. Je vois dans cette pondération une des raisons essentielles du succès de notre projet.
Le bicamérisme et ses fonctions ont naturellement été au coeur de nos réunions.
* Nous avons d'abord souligné combien il contribue à une démocratie équilibrée, réfléchie, respectueuse des droits de chacun.
À Bruxelles, en 2001, nous avons donc examiné la contribution des Sénats à la qualité de la législation.
À Madrid, en 2003, nous avons étudié leur apport spécifique aux activités de contrôle parlementaire.
À Berne, en 2006, nous avons débattu du rôle de nos assemblées pour une politique plus proche des citoyens. À Bucarest, l'année dernière, nous avons examiné la contribution de nos assemblées à une gouvernance transparente et responsable. Et aujourd'hui, à Vienne, nous débattons des effets sur notre fonctionnement du développement des nouvelles technologies de l'information.
* Nous avons ensuite examiné comment il contribue, que le système soit fédéral ou non, à la représentativité du Parlement dans son ensemble et à la prise en compte de la diversité nationale dans le système institutionnel.
À Paris, en 2000, nous avons ainsi débattu de la représentation des collectivités locales. À Ljubljana, en 2002, nous avons examiné le rôle de la société civile. En 2003, à Prague, nous avons examiné la question de la différence de composition entre les deux Chambres. Puis en 2005, à Berlin, nous avons étudié le lien entre les mutations actuelles du fédéralisme et l'évolution du bicamérisme.
* Je tiens aussi à mentionner la réunion extraordinaire que nous avons tenue à Prague en 2006, à l'occasion du dixième anniversaire du renouveau du Sénat tchèque et centrée sur le thème, général, de « la fonction des Chambres hautes ».
* Enfin, le rôle de nos assemblées dans la construction européenne a été au centre des débats, lors de notre réunion de Varsovie en 2004.
Certains des problèmes rencontrés dans le cadre de la construction européenne peuvent en effet intéresser toutes nos assemblées. Je pense par exemple au thème de la subsidiarité qui n'est pas seulement pertinent pour la construction européenne, même s'il y a pris, désormais, une grande importance. Il peut aussi être un point de repère pour chacun de nos pays, membres de l'Union ou pas, puisqu'il touche à des problèmes comme la décentralisation et les rapports entre les pouvoirs publics et la société civile.
Mais, mes chers collègues, en rappelant les questions que nous avons abordées, j'ai l'impression de passer à côté de quelque chose d'essentiel.
Bien sûr, nos réunions nous permettent d'échanger des expériences et de réfléchir collectivement aux indispensables évolutions qu'il nous faut mener. Mais l'aspect humain de nos réunions est sans doute tout aussi important.
Un écrivain allemand célèbre avait une formule : « Les Français, il faut les aimer pour les comprendre ; les Allemands, il faut les comprendre pour les aimer ».
Cette formule plaisante vaut aussi, je crois, pour nous tous.
Dans nos réunions, nous apprenons à mieux nous connaître, à mieux nous comprendre, et finalement à mieux nous apprécier. Et inversement, plus nous nous apprécions, mieux nous nous comprenons.
C'est pourquoi, si je fais le bilan de nos réunions, je dirai que l'enrichissement humain a été tout aussi important que l'enrichissement intellectuel.
Au fond, mes chers collègues, la grande leçon qu'on peut tirer de la vie de notre association, n'est-ce pas que le bicamérisme est une idée essentiellement moderne ?
Il est une idée moderne, parce qu'après tant de tragédies, les Européens savent désormais que le pouvoir politique doit toujours être équilibré, contrôlé, modéré.
Il est une idée moderne parce qu'il permet une représentation parlementaire diversifiée et que partout s'observe une tendance à une meilleure prise en compte de la diversité.
Et même notre association, aussi, est une idée moderne. Nous sommes à l'âge des réseaux. Nous voyons bien qu'on résout mieux ses problèmes en étant ouvert sur les autres qu'en se refermant sur soi-même. À notre échelle, nous contribuons à rapprocher nos pays.
C'est pourquoi je souhaite une longue vie à notre association, une longue vie en continuant dans le même esprit et dans le même climat d'amitié.
Je vous remercie.Source http://www.senat.fr, le 21 avril 2008