Interview de M. Claude Goasguen, vice-président et porte-parole de Démocratie libérale, à France 2 le 6 avril 2001, sur les grèves à la SNCF et la proposition de service minimum dans les services publics, sur les licenciements chez Danone et Marks Spencer et sur la nécessité de l'union de la droite.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. David La France vit depuis quelques jours au rythme des conflits sociaux: la grève à la SNCF se poursuit, certains syndicats poursuivent leur préavis de grève et durcissent le mouvement. On reparle du service minimum dans les services publics : le Président Chirac a appelé de ses voeux, hier, à Caen, au retour du service minimum. Emboîtez-vous le pas au Chef de l'Etat ?
- "Bien sûr. Le service minimum n'est pas quelque chose d'exorbitant. On a eu l'impression l'autre jour, lors des Questions d'actualité à l'Assemblée nationale, qu'on demandait à monsieur Jospin quelque chose qui était tout à fait contraire aux Droits de l'homme et à la Constitution. C'est complètement faux. D'abord, parce que le principe de continuité du service public est un principe constitutionnel lui aussi, et que le service minimum se fait déjà à l'école, dans les hôpitaux, à la radio, dans la navigation aérienne. Donc, demander le service minimum dans un service public qui coûte au budget de l'Etat 70 milliards par an, c'est-à-dire le budget de l'Intérieur plus celui de la Justice, c'est un minimum."
Si c'est un minimum pourquoi effectivement - ce que L. Jospin vous a rétorqué à l'Assemblée - l'opposition d'aujourd'hui, majoritaire il y a ...
- "Je remercie monsieur Jospin de nous indiquer qu'il faut faire une politique de droite. On verra l'année prochaine, on fera cette politique. Comment faire le service minimum ? C'est le vrai problème. On peut le faire par la négociation, cela s'est fait à la RATP, mais je dois dire, et le Président de la République l'a rappelé hier, que si on peut le faire par la négociation, il faut le faire. S'il faut le faire par la loi il faut le faire ! Je trouve qu'on a un beau thème de réflexion de la droite. Au fond, que reproche-t-on à la droite aujourd'hui ? C'est souvent de ne pas avoir tenu ses engagements électoraux ; or, nous avions promis le service minimum par la voie législative. Si un jour la droite doit revenir au pouvoir, il faudra tenir cette fois nos engagements, et ne pas hésiter à résoudre les problèmes de service public par la loi, c'est-à-dire par la réglementation, sachant que ce n'est pas une honte d'imposer à un service public qui nous coûte si cher, des obligations pour les usagers."
Ce n'est pas un peu paradoxal pour le libéral que vous êtes d'en appeler encore à la loi ?
- "Mais le libéralisme veut dire l'organisation de la société, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas de lois. Cela veut dire que, dans la mesure où la liberté fonctionne toute seule, soit, mais dans la mesure où la liberté ne fonctionne plus, et elle ne fonctionne plus - regardez ce qu'il se passe sur les quais de gares à la veille des vacances : le fret est complètement immobilisé ! -, à ce moment-là, il faut passer par la loi."
Faut-il aussi passer par la loi pour d'autres aspects de certains conflits, Danone et Marks Spencer notamment, à savoir le contrôle des plans sociaux, le contrôle des licenciements, pouvoir peser sur une entreprise pour qu'elle n'annonce pas des plans sociaux au moment où elle fait d'énormes bénéfices ? Là aussi, faudrait-il passer par la loi ?
- "La loi existe en l'occurrence, il faut l'appliquer. On parle beaucoup d'autorisation administrative de licenciement, de revenir en arrière, monsieur Chevènement fait un grand numéro rétrograde ... La loi est très ferme, et la jurisprudence française dans ce domaine est très protectrice des salariés. Donc, on commence par appliquer la loi. Alors évidemment, le Gouvernement mouline, parce que, depuis quelques mois il mouline, monsieur Gayssot mouline - il a été battu aux élections -, monsieur Lang mouline - il a été battu aux élections -, madame Guigou mouline. Ils ont tous été battus aux élections. Je dois dire que cela affaiblit singulièrement la sortie du Gouvernement."
Chez vous, certains ont aussi été battus aux élections, notamment dans deux grosses villes.
- "Oui, mais ils ne sont pas ministres quand même. Quand on est ministre et qu'on a été battu aux élections, évidemment c'est un peu difficile pour discuter des problèmes sociaux. Passons mais Monsieur Jospin est très affaibli. On signe des pétitions à l'Assemblée nationale qui n'ont aucun sens. La pétition sur Danone n'a aucun sens ! Que signifie le boycott de Danone ? Cela veut dire en réalité qu'on va créer des problèmes économiques supplémentaires à une entreprise qui a licencié pour des problèmes économiques. Ce n'est pas sérieux. Quand on ne peut pas faire, on ne fait pas des promesses aux salariés, on ne va les visiter, leur serrer la main, en leur disant : "je vais vous aider !" Ou on aide ou on n'aide pas ! Monsieur Jospin sait très bien que dans ce domaine, il est démuni. Appliquons la loi. Je souhaite qu'il n'y ait pas de licenciements secs chez Danone. Je souhaite que la négociation reprenne et qu'on puisse trouver des reclassements, des pré-retraites, qu'on fasse un véritable plan social. La loi est bonne, appliquons-la. N'essayons pas, dans une loi de modernisation sociale, de faire plutôt du rétrograde social."
Vous pensez visiblement à ce que vous ferez au moment venu de votre éventuel retour au pouvoir. La droite essaye de se mettre un peu en ordre de marche ces derniers temps.
- "Oui."
Vous avez eu une semaine agitée, vous êtes allé voir A. Madelin un soir, vous êtes allé voir France Alternance, l'union en mouvement, le lendemain ou le surlendemain. La droite est un peu en train de se mettre en ordre de bataille cela part dans tous les sens.
- "Non, cela ne part pas dans tous les sens mais c'est difficile quand même. Une fois qu'on a dit l'union, on n'a pas tout dit. L'union pour quoi faire ? C'était sympathique cette réunion d'union en mouvement, mais "ce n'est qu'un début", comme on disait dans les années 1970. On a beaucoup de choses à faire, notamment à proposer aux Français un vrai projet d'alternance, qui pour le moment, n'existe pas. C'est vrai que les débats étaient un peu tièdes et mièvres."
On dit surtout que c'était un comité pro-chirac or vous soutenez A. Madelin qui veut aller à la campagne présidentielle.
- "Je trouve que les deux choses ne sont pas incompatibles, c'est la raison pour laquelle j'ai passé deux soirées. Cela peut paraître paradoxal mais je trouve qu'A. Madelin apporte, dans le débat d'idées qui s'ouvre à droite, la modernité. J'en ai un peu assez des libéraux honteux. Si la France a des institutions qui sont vétustes, si nous ne parvenons pas à la modernisation, c'est bien entendu lié en grande partie à la politique de gauche, mais c'est aussi en grande partie lié du au fait que, lorsque la droite arrive au pouvoir, elle se camoufle dans le libéralisme honteux. Elle n'ose pas faire ce qu'elle a promis, ce qui entame sa crédibilité et ce qui entame, bien entendu, sa force de frappe électorale. Je souhaite donc qu'il y ait une droite unie pour affirmer véritablement ce qu'elle va faire et tenir ses engagements."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 9 avril 2001)