Texte intégral
Monsieur le Président du Bundesrat,
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
J'en suis intimement convaincu : depuis maintenant une dizaine d'années, les nouvelles technologies orientent, structurent et modifient en profondeur notre travail de parlementaires.
De nombreuses transformations affectent en effet notre façon, à nous, législateurs, de faire la loi et de communiquer avec les citoyens qui nous ont confié ce mandat, et qui attendent que nous leur rendions des comptes.
Les évolutions induites par les nouvelles technologies se font dans deux grandes directions :
- elles permettent, d'abord, une transparence encore accrue, et historiquement inégalée, du processus législatif ;
- elles ouvrent, ensuite, la possibilité d'un nouveau dialogue, direct, interactif, « participatif », entre les citoyens et les élus.
* Les nouvelles technologies permettent une transparence inédite du processus législatif
La transparence - nous avons eu l'occasion d'en parler ensemble l'année passée à Bucarest - est une exigence démocratique inscrite dans nos Constitutions et nos Règlements depuis des décennies, voire des siècles !
Nous n'avons pas attendu Internet !
Mais -c'est l'évidence- avec les nouvelles technologies de l'information, la transparence prend une nouvelle dimension :
- D'abord, elle change radicalement d'échelle.
Prenons l'exemple de la transparence des débats du Parlement.
Hier, la transparence des débats, en France, c'était un principe constitutionnel, et c'était, concrètement, la possibilité pour tout citoyen de venir à Paris, au Palais du Luxembourg, assister aux séances. C'était aussi l'impression sur papier, trois semaines après, du compte rendu intégral des débats et des votes au Journal Officiel.
Aujourd'hui, la transparence, c'est la retransmission vidéo de tous nos débats en direct, accessible à tous avec une simple connexion Internet ! Ce sont les amendements mis en ligne en temps réel. Ce sont les comptes rendus des débats et l'analyse des votes en ligne quelques heures après. Le site Internet du Sénat français reçoit ainsi plus de 11 millions de visiteurs chaque année : soit l'équivalent de plusieurs siècles de fréquentation de nos tribunes de séance... Désormais, nous travaillons vraiment sous l'oeil du citoyen. Au-delà du petit cercle d'initiés : cabinets ministériels, lobbies, spécialistes..., la publicité de nos travaux touche désormais le grand public.
Et le citoyen, comme la planète, se mondialise.
J'ai souhaité en tirer les conséquences pour le site Internet du Sénat français : il est ainsi traduit en 8 langues, y compris l'arabe et le chinois. Ce qui a lui a valu, permettez-moi un -bref- accès de fierté, un « cybertrophée » pour sa large accessibilité aux internautes étrangers, face à 600 autres sites également en compétition...
Mais cette large accessibilité aux citoyens impose bien entendu des contraintes et une discipline. Il a fallu faire un réel effort de pédagogie et de traitement des données pour rendre l'information rapidement et facilement accessible aux internautes. La plupart des documents sont ainsi désormais accompagnés d'un résumé ou d'une synthèse.
- Cette nouvelle transparence change aussi de dimension temporelle : elle s'exerce en temps réel. Elle permet une meilleure réactivité des différents acteurs du processus législatif, des journalistes qui suivent nos débats, mais aussi des citoyens désireux de s'informer.
Je ne citerai que quelques exemples de ces évolutions dont nous n'avons pas fini de mesurer les effets.
Ainsi, au Sénat français, depuis 2001, les quelque 5 000 amendements déposés chaque année sont introduits dans le processus législatif par une application Internet, qui les met à disposition des sénateurs, du gouvernement et du public en temps réel, sans délai de traitement.
Cette modernisation touche aussi la fonction de contrôle du Gouvernement : 90 % des questions écrites posées au gouvernement par les sénateurs français sont déposées par une autre application Internet qui leur permet, depuis n'importe où, de poser les questions qu'ils souhaitent aux ministres, et de recevoir les réponses, le tout étant mis en ligne en temps réel.
Pour être parfaitement honnête, je nuancerais un peu mon propos : dans la confection de la loi, au Sénat français, l'hémicycle lui-même n'est pas numérisé. Il est resté -et j'y ai tenu- dans le monde réel. En séance publique, les sénateurs français discutent sur des amendements imprimés sur papier, et les votes ont lieu à main levée ou avec des bulletins glissés dans une urne.
Il me semble, au total, que beaucoup de nos parlements sont bien engagés dans la « révolution » de la transparence. Les choses sont, peut-être, moins avancées en ce qui concerne la seconde grande conséquence des technologies de l'information : je veux parler de la « révolution participative ».
* Car les nouvelles technologies rendent théoriquement possible la participation directe des citoyens à la prise de décision législative.
Les nouvelles aspirations des citoyens et les dernières évolutions technologiques se combinent pour permettre aux Parlements d'entrer dans une nouvelle ère, qui serait celle de la « participation » des internautes à la prise de décision.
Les internautes aspirent désormais à donner leur avis, réagir, contribuer, contrôler, voire noter ! Ils ont pris la parole, ils sont devenus des acteurs à part entière.
La nouvelle génération de sites Internet permet ce dialogue : forums, blogs ou commentaires se multiplient. On le voit clairement pendant les campagnes électorales !
Un parlementaire, aujourd'hui, dispose souvent d'un site Internet personnel, ou d'un blog où il expose son travail législatif et où il reçoit des contributions, des demandes... ou des critiques quant à son travail de législateur, sans parler des nombreux courriels sous lesquels il croule !
Être en prise directe avec les citoyens depuis son bureau, sans l'intermédiaire des médias, « sentir » la société, percevoir en direct ses évolutions, ses exigences, ses tendances... Ces nouveaux modes de dialogue sont un apport important.
Mais changent-ils déjà substantiellement le processus décisionnel ?
Je ne le pense pas, du moins pas encore.
Pourquoi ?
Peut-être parce que nous manquons d'outils pour donner un débouché effectif, tangible, juridique, aux contributions des citoyens. Une « pétition électronique », introduite par les internautes, pourrait par exemple -mais ce n'est pas encore possible en France- être reprise par le Parlement sous la forme d'une résolution ou d'une proposition de loi.
Mais n'oublions pas que le temps de la discussion législative est celui de la réflexion, de l'expertise et de la contradiction. Il n'est pas celui de la contribution spontanée, souvent éphémère, soumise à l'émotion et à la pression de l'actualité que diffuse assez largement le monde de l'Internet.
Ma conviction est que nous ne faisons que commencer à explorer ces nouveaux rivages. C'est encore une terre largement inconnue, bien que prometteuse, sur laquelle nous abordons avec enthousiasme, détermination, mais aussi prudence !
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.senat.fr, le 24 avril 2008
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
J'en suis intimement convaincu : depuis maintenant une dizaine d'années, les nouvelles technologies orientent, structurent et modifient en profondeur notre travail de parlementaires.
De nombreuses transformations affectent en effet notre façon, à nous, législateurs, de faire la loi et de communiquer avec les citoyens qui nous ont confié ce mandat, et qui attendent que nous leur rendions des comptes.
Les évolutions induites par les nouvelles technologies se font dans deux grandes directions :
- elles permettent, d'abord, une transparence encore accrue, et historiquement inégalée, du processus législatif ;
- elles ouvrent, ensuite, la possibilité d'un nouveau dialogue, direct, interactif, « participatif », entre les citoyens et les élus.
* Les nouvelles technologies permettent une transparence inédite du processus législatif
La transparence - nous avons eu l'occasion d'en parler ensemble l'année passée à Bucarest - est une exigence démocratique inscrite dans nos Constitutions et nos Règlements depuis des décennies, voire des siècles !
Nous n'avons pas attendu Internet !
Mais -c'est l'évidence- avec les nouvelles technologies de l'information, la transparence prend une nouvelle dimension :
- D'abord, elle change radicalement d'échelle.
Prenons l'exemple de la transparence des débats du Parlement.
Hier, la transparence des débats, en France, c'était un principe constitutionnel, et c'était, concrètement, la possibilité pour tout citoyen de venir à Paris, au Palais du Luxembourg, assister aux séances. C'était aussi l'impression sur papier, trois semaines après, du compte rendu intégral des débats et des votes au Journal Officiel.
Aujourd'hui, la transparence, c'est la retransmission vidéo de tous nos débats en direct, accessible à tous avec une simple connexion Internet ! Ce sont les amendements mis en ligne en temps réel. Ce sont les comptes rendus des débats et l'analyse des votes en ligne quelques heures après. Le site Internet du Sénat français reçoit ainsi plus de 11 millions de visiteurs chaque année : soit l'équivalent de plusieurs siècles de fréquentation de nos tribunes de séance... Désormais, nous travaillons vraiment sous l'oeil du citoyen. Au-delà du petit cercle d'initiés : cabinets ministériels, lobbies, spécialistes..., la publicité de nos travaux touche désormais le grand public.
Et le citoyen, comme la planète, se mondialise.
J'ai souhaité en tirer les conséquences pour le site Internet du Sénat français : il est ainsi traduit en 8 langues, y compris l'arabe et le chinois. Ce qui a lui a valu, permettez-moi un -bref- accès de fierté, un « cybertrophée » pour sa large accessibilité aux internautes étrangers, face à 600 autres sites également en compétition...
Mais cette large accessibilité aux citoyens impose bien entendu des contraintes et une discipline. Il a fallu faire un réel effort de pédagogie et de traitement des données pour rendre l'information rapidement et facilement accessible aux internautes. La plupart des documents sont ainsi désormais accompagnés d'un résumé ou d'une synthèse.
- Cette nouvelle transparence change aussi de dimension temporelle : elle s'exerce en temps réel. Elle permet une meilleure réactivité des différents acteurs du processus législatif, des journalistes qui suivent nos débats, mais aussi des citoyens désireux de s'informer.
Je ne citerai que quelques exemples de ces évolutions dont nous n'avons pas fini de mesurer les effets.
Ainsi, au Sénat français, depuis 2001, les quelque 5 000 amendements déposés chaque année sont introduits dans le processus législatif par une application Internet, qui les met à disposition des sénateurs, du gouvernement et du public en temps réel, sans délai de traitement.
Cette modernisation touche aussi la fonction de contrôle du Gouvernement : 90 % des questions écrites posées au gouvernement par les sénateurs français sont déposées par une autre application Internet qui leur permet, depuis n'importe où, de poser les questions qu'ils souhaitent aux ministres, et de recevoir les réponses, le tout étant mis en ligne en temps réel.
Pour être parfaitement honnête, je nuancerais un peu mon propos : dans la confection de la loi, au Sénat français, l'hémicycle lui-même n'est pas numérisé. Il est resté -et j'y ai tenu- dans le monde réel. En séance publique, les sénateurs français discutent sur des amendements imprimés sur papier, et les votes ont lieu à main levée ou avec des bulletins glissés dans une urne.
Il me semble, au total, que beaucoup de nos parlements sont bien engagés dans la « révolution » de la transparence. Les choses sont, peut-être, moins avancées en ce qui concerne la seconde grande conséquence des technologies de l'information : je veux parler de la « révolution participative ».
* Car les nouvelles technologies rendent théoriquement possible la participation directe des citoyens à la prise de décision législative.
Les nouvelles aspirations des citoyens et les dernières évolutions technologiques se combinent pour permettre aux Parlements d'entrer dans une nouvelle ère, qui serait celle de la « participation » des internautes à la prise de décision.
Les internautes aspirent désormais à donner leur avis, réagir, contribuer, contrôler, voire noter ! Ils ont pris la parole, ils sont devenus des acteurs à part entière.
La nouvelle génération de sites Internet permet ce dialogue : forums, blogs ou commentaires se multiplient. On le voit clairement pendant les campagnes électorales !
Un parlementaire, aujourd'hui, dispose souvent d'un site Internet personnel, ou d'un blog où il expose son travail législatif et où il reçoit des contributions, des demandes... ou des critiques quant à son travail de législateur, sans parler des nombreux courriels sous lesquels il croule !
Être en prise directe avec les citoyens depuis son bureau, sans l'intermédiaire des médias, « sentir » la société, percevoir en direct ses évolutions, ses exigences, ses tendances... Ces nouveaux modes de dialogue sont un apport important.
Mais changent-ils déjà substantiellement le processus décisionnel ?
Je ne le pense pas, du moins pas encore.
Pourquoi ?
Peut-être parce que nous manquons d'outils pour donner un débouché effectif, tangible, juridique, aux contributions des citoyens. Une « pétition électronique », introduite par les internautes, pourrait par exemple -mais ce n'est pas encore possible en France- être reprise par le Parlement sous la forme d'une résolution ou d'une proposition de loi.
Mais n'oublions pas que le temps de la discussion législative est celui de la réflexion, de l'expertise et de la contradiction. Il n'est pas celui de la contribution spontanée, souvent éphémère, soumise à l'émotion et à la pression de l'actualité que diffuse assez largement le monde de l'Internet.
Ma conviction est que nous ne faisons que commencer à explorer ces nouveaux rivages. C'est encore une terre largement inconnue, bien que prometteuse, sur laquelle nous abordons avec enthousiasme, détermination, mais aussi prudence !
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.senat.fr, le 24 avril 2008