Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin, L. Parisot, présidente du Medef. L. Parisot, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Merci d'être avec nous. Est-ce que l'économie française est en difficulté ?
R.- En difficulté, ce serait tout à fait exagéré de le dire. Nous sommes à un point d'inflexion et il est tout à fait urgent de bien peser, de bien mesurer les choix économiques que nous devons faire, pas pour les mois à venir mais pour les années à venir. Notre pays n'a pas une croissance suffisante, elle a une croissance faible et irrégulière, et seule une croissance soutenue et régulièrement forte peut permettre à notre pays de rester un pays riche.
Q.- Alors, on va voir comment faire, justement, pour améliorer la croissance aux yeux du Medef, mais L. Parisot, les Français n'ont pas le moral, on le constate. Pourquoi selon vous ? J'aimerais avoir... Pourquoi ?
R.- Je le comprends tout à fait. On sait que par exemple, nos parents, nos grands-parents avaient le moral dans les années 60. Quelle est la différence entre aujourd'hui où on est effectivement inquiets, très inquiets pour nos enfants et nos petits-enfants, et les années 60 ? Eh bien, justement, dans les années 60, la croissance de la France était de l'ordre de 3, 3.5, voire 4 % certaines années. Elle était même supérieure à celle des Etats-Unis ou à celle de la Grande-Bretagne. Aujourd'hui, notre croissance est à peine de 2 %, elle est bien inférieure à celle des Etats-Unis...
Q.- ... les Etats-Unis annoncent des taux de croissance autour de 2 % pour cette année 2008, j'ai entendu les dernières informations.
R.- Oui, mais on sait qu'il y a une crise spécifique aux Etats-Unis, mais s'il vous plaît, ne regardons pas les choses immédiatement, dans l'instant. Sur plusieurs années, la croissance américaine est bien plus soutenue que la nôtre, et aujourd'hui, de toute façon, la croissance française est même inférieure à celle de la moyenne de la zone euro. Il y a donc quelque chose qui cloche et c'est ce que les Français ressentent, parce qu'elle est la conséquence immédiate de ça ? Eh bien, dans les années 60, pour une famille française, elle pouvait espérer que le niveau de vie de son foyer allait doubler en une génération, c'est-à-dire que pour ses enfants, on se disait : « ils vont avoir un pouvoir d'achat deux fois supérieur au nôtre au minimum ». Aujourd'hui, dans les moyennes de croissance dans lesquelles nous sommes, il faut deux, trois, parfois même quatre générations pour espérer voir le niveau de vie d'une famille doubler. Eh bien, c'est ça que les Français ressentent, ils ont raison, il faut créer les conditions d'une croissance forte et durable.
Q.- Alors, comment ?
R.- Comment ? Avec une politique économique qui encourage les entreprises, ce sont elles qui créent les richesses.
Mais ça fait des mois que je vous entends dire ça, le Gouvernement ne vous suit pas ?
R.- Si, parce que beaucoup de choses ont été faites, et je trouve tout à fait invraisemblable de ne pas être capable aujourd'hui de voir déjà tout ce qui a été fait. Mais, on a des années de retard, il faut du temps pour non seulement préparer les décisions, les exécuter, les mettre en oeuvre, et qu'elles aient ensuite des effets. Regardez le débat actuel sur les heures supplémentaires. Ça marche. Alors, beaucoup disent, « mais seul un tiers des entreprises ont eu recours », mais c'est déjà beaucoup, un tiers de 1,2 million d'entreprises - c'est le nombre d'entreprises qu'il y a en France - c'est déjà beaucoup, et ce qu'il faut c'est espérer que ceci crée une dynamique.
Q.- Ca marche mais ça ne remonte pas le moral des Français, L. Parisot.
R.- Parce que ce qu'il faut peut-être faire et dire pour que les Français gardent le moral, c'est que les choses ne vont pas se retourner et être perceptibles pour chacun en quelques mois. Moi, je pense qu'il faut au moins deux ans pour que tous les efforts, les orientations nouvelles qui sont prises actuellement puissent donner vraiment des effets.
Q.- Bien. Alors, soyons concrets. Vous dites : « il est tout à fait normal, archi normal que les dirigeants des très grandes entreprises soient très bien payés, 40 % de plus en 2007 qu'en 2006 ».
R.- Mais ce 40 % n'est pas vrai. Ah ! Non, non, les rémunérations et les salaires des dirigeants du CAC 40 ont augmenté de 5 % sur la période que vous évoquez, et les 40 % que vous évoquez, c'est la valeur virtuelle des stock-options dont ils disposent.
Q.- Qui sont souvent réalisées quand même.
R.- Qui sont parfois réalisées, mais c'est la mesure... le chiffre dont vous parlez est un calcul virtuel, car il a été fait en novembre 2007. On sait déjà que compte tenu de l'évolution du cours de bourse depuis novembre 2007, nous ne sommes pas à +40, nous sommes en réalité à +20. Ceci dit, je sais très bien que beaucoup vont dire, « oh la, la, mais +20 c'est déjà énorme ».
Q.- Oui, quand on voit des caissières de supermarché à Marseille qui se battent pour 0,40 euros d'augmentation sur un ticket restaurant, effectivement ça peut choquer.
R.- Alors, je crois qu'il faut... Deux choses, d'abord on parle d'une quarantaine de personnes, très bien. Il y a 1,2 million d'entreprises en France, donc 1,2 million chefs d'entreprise, 1,2 million de patrons qui ne sont pas dans la logique, dans les échelles de ces 40 personnes. Alors, je voudrais bien qu'on parle un peu plus souvent de tous les autres, des 1,999 060, quelque chose comme ça et pas simplement faire un gros plan qui nous empêche de raisonner sur l'essentiel, parce que si je reviens à cette question de ces salaires modestes qui augmentent peu, c'est vrai, c'est tout à fait vrai.
Q.- Mais pourquoi est-ce qu'ils augmentent peu, L. Parisot ?
R.- Les rémunérations brutes ont beaucoup plus augmenté que les rémunérations nettes ces dernières années. Si vous prenez de 2002 à 2006 environ, on sait que l'augmentation des rémunérations brutes a été bien supérieure à celle des salaires nets. Où est la différence ? Ce n'est pas la décision des chefs d'entreprise...
Q.- Alors, le Gouvernement ne fait rien dans ce sens, alors.
R.- Où est la différence ? Ce n'est pas la décision des chefs d'entreprise, c'est les charges sociales ou fiscales qui pèsent sur le travail et qui n'ont pas...
Q.- ... mais alors, là, les charges restent les mêmes, si je comprends pas.
R.- Pire, elles n'ont pas cessé d'augmenter à un niveau qui est aujourd'hui intenable.
Q.- Alors, le gouvernement ne fait rien sur cette question-là ? Pas suffisamment ?
R.- J.-J. Bourdin, le Gouvernement a déjà fait beaucoup de choses, par exemple avec les heures supplémentaires, par exemple quand... on ne peut pas, comment dire, nier qu'il y a beaucoup de choses qui sont faites par exemple pour lutter contre le chômage, ce qui est aussi un moyen d'augmenter la richesse de tous les Français qui est de réduire le chômage.
Q.- Oui, mais, là, parlons des charges.
R.- Sur les charges, il y a des enjeux budgétaires extrêmement complexes, il y a beaucoup de variables, et on ne peut pas, par exemple, dire ou engager une politique de moyen terme de réduction des charges sans en même temps engager la réforme de l'Etat, ce que fait le Gouvernement. Quand le Gouvernement met en place une procédure...
Q.- ... Vous défendez le Gouvernement, très bien, mais...
R.- ... non, même pas, ce n'est même pas, je ne défends pas, ni ne critique le Gouvernement, j'explique la réalité de la conduite des affaires publiques, et je pense que c'est être irrespectueux...
Q.- ... donc, vous comprenez que le Gouvernement ne baisse pas les charges ?
R.- Non, je souhaite qu'il aille au bout de la réforme de l'Etat, de sa revue générale des politiques publiques et des prélèvements...
Q.- ... on va parler de l'intéressement.
R.- Tout à fait ! De la revue générale des politiques publiques et des prélèvements obligatoires pour mettre en place les mécanismes qui progressivement vont casser ce cercle vicieux dans lequel nous sommes aujourd'hui en France, c'est un cercle vicieux extrêmement grave, qui est nuisible pour le salarié, pour l'entreprise, pour tout le monde. Mais, simplement, il faut accepter un peu de temps et un peu de méthode, sinon ça sera brouillon et ça sera inefficace.
Q.- Bien ! On va revenir sur les salaires mais je voudrais parler d'intéressement. Pourquoi ? Parce que je sais que vous avez des propositions à faire. Alors, qu'est-ce que vous voulez annoncer ce matin sur RMC, L. Parisot, à propos de l'intéressement dans les entreprises ?
R.- Nous avons en France des systèmes - participation et intéressement - qui n'existent nulle part ailleurs mais qui sont sous-utilisés. Or, ces systèmes sont intéressants, ce n'est pas pour rien que ça s'appelle l'intéressement, et il faut les booster, il faut les développer le plus vite possible.
Q.- Comment ?
R.- Et notamment pour les entreprises de moins de 50 salariés. Alors, mettons de côté la participation qui est un mécanisme complexe et qui n'est pas le plus adapté au monde d'aujourd'hui. L'intéressement aujourd'hui, seules 6-7 % des petites entreprises le mettent en place. Pourquoi ? Parce que les formules sont compliquées et aussi parce qu'il faut passer par un référendum dans l'entreprise pour mettre en place un accord d'intéressement. Moi, je propose que pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés, ça puisse être mis en place par décision du chef d'entreprise et qu'ainsi, avec une formule simple liée aux résultats de l'entreprise, les salariés puissent bénéficier et profiter - utilisons dans le bon sens du terme du mot profit - des profits dégagés par l'entreprise.
Q.- Alors, vous souhaitez qu'on mette en place l'intéressement dans l'entreprise et même dans les entreprises de moins de 50 salariés.
R.- Et surtout qu'on développe un système qui encourage ça dans les entreprises de moins de 50.
Q.- Alors, comment développer ce système ? Est-ce qu'on pourrait, par exemple, faire bénéficier des entreprises qui développent l'intéressement de réduction d'impôt sur les sociétés ?
R.- C'est ça qu'il faut faire. Il faut dire que pour toutes les entreprises qui mettent en place un système d'intéressement aujourd'hui et qui ne l'ont jamais fait jusqu'alors, elles bénéficient d'un crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire qu'une partie de l'impôt sur les sociétés qui correspond à une partie de l'intéressement soit déduit de l'impôt sur les sociétés. Moi, je propose que ça soit 30 %. 30 %, oui ! 30 % de déductibilité de l'impôt sur les sociétés. Ces 30 % c'est pour les entreprises qui ne l'ont encore jamais mis en place, pour accélérer- je vous ai dit, nous sommes à moins de 10 % d'accords d'intéressement dans les petites entreprises - il faut vite que dans les deux ou trois prochaines années, on passe à plus de 50 %.
Q.- C'est l'idée, ça rejoint l'idée, 1/3 - 1/3 -1/3, dont on a parlé, qui séduit le président de la République, dit-on, qui est : une entreprise fait des bénéfices, un tiers de ses bénéfices vont aux actionnaires, un tiers à l'investissement, et un tiers aux salariés ?
R.- Non, ce n'est pas ça.
Q.- Ce n'est pas ça. Ca, ça ne vous plaît pas, cette idée. Mais non parce qu'on ne peut pas figer les choses, parce que parfois ça peut être bien de faire 1/3 - 1/3 - 1/3, et puis il y a d'autres années où il faut au contraire mettre le paquet sur l'investissement et ça sera une autre proportion. Par contre, dans l'esprit, il y a de ça, c'est-à-dire c'est dire qu'il y ait bien une part du profit qui est reversée aux salariés par un accord d'intéressement.
Q.- Oui, mais dans les toutes petites entreprises, ils ne vont pas récupérer grand-chose les salariés, non, avec un accord d'intéressement ? Est-ce qu'il faudrait le rendre obligatoire ?
R.- Non mais, attendez, qu'est-ce que ça veut dire, « ils ne vont pas récupérer grand-chose » ? Ils peuvent très bien... prenez, je ne sais pas, une entreprise qui fait 4 millions d'euros de chiffre d'affaires, qui a 200 000 euros de résultat net, qui a une vingtaine de salariés. Eh bien, il peut y avoir une distribution d'intéressement égal à 50 000 euros et c'est déjà...
Q.- Pour la vingtaine de salariés, oui.
R.- Et c'est déjà beaucoup. Je ne suis pas sûre que les proportions que je viens de donner soient exactes, mais il y a un double intérêt à ce mécanisme. Premièrement, ça professionnalise le management de l'entreprise parce que ça incite le chef d'entreprise à avoir un management participatif, à dire clairement aux salariés : « voilà les objectifs que nous nous donnons, et si nous atteignons ces objectifs en termes de profits », il faut réhabiliter ce mot, « si nous atteignons ces objectifs en termes de profits, eh bien vous vous avez une quote-part du profit », et il faut que ça soit clair.
Q.- Mais, L. Parisot, il faut que ça soit obligatoire ?
R.- Non, vous savez, les choses qui sont obligatoires en général ça se passe mal. Il faut booster, c'est-à-dire il faut inciter. D'où l'intérêt du crédit d'impôt qui représente 30 % de la valeur de l'intéressement.
Q.- Bien, L. Parisot est notre invitée, ce matin, présidente du Medef. Vous réagissez évidemment. Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 février 2008
R.- Bonjour.
Q.- Merci d'être avec nous. Est-ce que l'économie française est en difficulté ?
R.- En difficulté, ce serait tout à fait exagéré de le dire. Nous sommes à un point d'inflexion et il est tout à fait urgent de bien peser, de bien mesurer les choix économiques que nous devons faire, pas pour les mois à venir mais pour les années à venir. Notre pays n'a pas une croissance suffisante, elle a une croissance faible et irrégulière, et seule une croissance soutenue et régulièrement forte peut permettre à notre pays de rester un pays riche.
Q.- Alors, on va voir comment faire, justement, pour améliorer la croissance aux yeux du Medef, mais L. Parisot, les Français n'ont pas le moral, on le constate. Pourquoi selon vous ? J'aimerais avoir... Pourquoi ?
R.- Je le comprends tout à fait. On sait que par exemple, nos parents, nos grands-parents avaient le moral dans les années 60. Quelle est la différence entre aujourd'hui où on est effectivement inquiets, très inquiets pour nos enfants et nos petits-enfants, et les années 60 ? Eh bien, justement, dans les années 60, la croissance de la France était de l'ordre de 3, 3.5, voire 4 % certaines années. Elle était même supérieure à celle des Etats-Unis ou à celle de la Grande-Bretagne. Aujourd'hui, notre croissance est à peine de 2 %, elle est bien inférieure à celle des Etats-Unis...
Q.- ... les Etats-Unis annoncent des taux de croissance autour de 2 % pour cette année 2008, j'ai entendu les dernières informations.
R.- Oui, mais on sait qu'il y a une crise spécifique aux Etats-Unis, mais s'il vous plaît, ne regardons pas les choses immédiatement, dans l'instant. Sur plusieurs années, la croissance américaine est bien plus soutenue que la nôtre, et aujourd'hui, de toute façon, la croissance française est même inférieure à celle de la moyenne de la zone euro. Il y a donc quelque chose qui cloche et c'est ce que les Français ressentent, parce qu'elle est la conséquence immédiate de ça ? Eh bien, dans les années 60, pour une famille française, elle pouvait espérer que le niveau de vie de son foyer allait doubler en une génération, c'est-à-dire que pour ses enfants, on se disait : « ils vont avoir un pouvoir d'achat deux fois supérieur au nôtre au minimum ». Aujourd'hui, dans les moyennes de croissance dans lesquelles nous sommes, il faut deux, trois, parfois même quatre générations pour espérer voir le niveau de vie d'une famille doubler. Eh bien, c'est ça que les Français ressentent, ils ont raison, il faut créer les conditions d'une croissance forte et durable.
Q.- Alors, comment ?
R.- Comment ? Avec une politique économique qui encourage les entreprises, ce sont elles qui créent les richesses.
Mais ça fait des mois que je vous entends dire ça, le Gouvernement ne vous suit pas ?
R.- Si, parce que beaucoup de choses ont été faites, et je trouve tout à fait invraisemblable de ne pas être capable aujourd'hui de voir déjà tout ce qui a été fait. Mais, on a des années de retard, il faut du temps pour non seulement préparer les décisions, les exécuter, les mettre en oeuvre, et qu'elles aient ensuite des effets. Regardez le débat actuel sur les heures supplémentaires. Ça marche. Alors, beaucoup disent, « mais seul un tiers des entreprises ont eu recours », mais c'est déjà beaucoup, un tiers de 1,2 million d'entreprises - c'est le nombre d'entreprises qu'il y a en France - c'est déjà beaucoup, et ce qu'il faut c'est espérer que ceci crée une dynamique.
Q.- Ca marche mais ça ne remonte pas le moral des Français, L. Parisot.
R.- Parce que ce qu'il faut peut-être faire et dire pour que les Français gardent le moral, c'est que les choses ne vont pas se retourner et être perceptibles pour chacun en quelques mois. Moi, je pense qu'il faut au moins deux ans pour que tous les efforts, les orientations nouvelles qui sont prises actuellement puissent donner vraiment des effets.
Q.- Bien. Alors, soyons concrets. Vous dites : « il est tout à fait normal, archi normal que les dirigeants des très grandes entreprises soient très bien payés, 40 % de plus en 2007 qu'en 2006 ».
R.- Mais ce 40 % n'est pas vrai. Ah ! Non, non, les rémunérations et les salaires des dirigeants du CAC 40 ont augmenté de 5 % sur la période que vous évoquez, et les 40 % que vous évoquez, c'est la valeur virtuelle des stock-options dont ils disposent.
Q.- Qui sont souvent réalisées quand même.
R.- Qui sont parfois réalisées, mais c'est la mesure... le chiffre dont vous parlez est un calcul virtuel, car il a été fait en novembre 2007. On sait déjà que compte tenu de l'évolution du cours de bourse depuis novembre 2007, nous ne sommes pas à +40, nous sommes en réalité à +20. Ceci dit, je sais très bien que beaucoup vont dire, « oh la, la, mais +20 c'est déjà énorme ».
Q.- Oui, quand on voit des caissières de supermarché à Marseille qui se battent pour 0,40 euros d'augmentation sur un ticket restaurant, effectivement ça peut choquer.
R.- Alors, je crois qu'il faut... Deux choses, d'abord on parle d'une quarantaine de personnes, très bien. Il y a 1,2 million d'entreprises en France, donc 1,2 million chefs d'entreprise, 1,2 million de patrons qui ne sont pas dans la logique, dans les échelles de ces 40 personnes. Alors, je voudrais bien qu'on parle un peu plus souvent de tous les autres, des 1,999 060, quelque chose comme ça et pas simplement faire un gros plan qui nous empêche de raisonner sur l'essentiel, parce que si je reviens à cette question de ces salaires modestes qui augmentent peu, c'est vrai, c'est tout à fait vrai.
Q.- Mais pourquoi est-ce qu'ils augmentent peu, L. Parisot ?
R.- Les rémunérations brutes ont beaucoup plus augmenté que les rémunérations nettes ces dernières années. Si vous prenez de 2002 à 2006 environ, on sait que l'augmentation des rémunérations brutes a été bien supérieure à celle des salaires nets. Où est la différence ? Ce n'est pas la décision des chefs d'entreprise...
Q.- Alors, le Gouvernement ne fait rien dans ce sens, alors.
R.- Où est la différence ? Ce n'est pas la décision des chefs d'entreprise, c'est les charges sociales ou fiscales qui pèsent sur le travail et qui n'ont pas...
Q.- ... mais alors, là, les charges restent les mêmes, si je comprends pas.
R.- Pire, elles n'ont pas cessé d'augmenter à un niveau qui est aujourd'hui intenable.
Q.- Alors, le gouvernement ne fait rien sur cette question-là ? Pas suffisamment ?
R.- J.-J. Bourdin, le Gouvernement a déjà fait beaucoup de choses, par exemple avec les heures supplémentaires, par exemple quand... on ne peut pas, comment dire, nier qu'il y a beaucoup de choses qui sont faites par exemple pour lutter contre le chômage, ce qui est aussi un moyen d'augmenter la richesse de tous les Français qui est de réduire le chômage.
Q.- Oui, mais, là, parlons des charges.
R.- Sur les charges, il y a des enjeux budgétaires extrêmement complexes, il y a beaucoup de variables, et on ne peut pas, par exemple, dire ou engager une politique de moyen terme de réduction des charges sans en même temps engager la réforme de l'Etat, ce que fait le Gouvernement. Quand le Gouvernement met en place une procédure...
Q.- ... Vous défendez le Gouvernement, très bien, mais...
R.- ... non, même pas, ce n'est même pas, je ne défends pas, ni ne critique le Gouvernement, j'explique la réalité de la conduite des affaires publiques, et je pense que c'est être irrespectueux...
Q.- ... donc, vous comprenez que le Gouvernement ne baisse pas les charges ?
R.- Non, je souhaite qu'il aille au bout de la réforme de l'Etat, de sa revue générale des politiques publiques et des prélèvements...
Q.- ... on va parler de l'intéressement.
R.- Tout à fait ! De la revue générale des politiques publiques et des prélèvements obligatoires pour mettre en place les mécanismes qui progressivement vont casser ce cercle vicieux dans lequel nous sommes aujourd'hui en France, c'est un cercle vicieux extrêmement grave, qui est nuisible pour le salarié, pour l'entreprise, pour tout le monde. Mais, simplement, il faut accepter un peu de temps et un peu de méthode, sinon ça sera brouillon et ça sera inefficace.
Q.- Bien ! On va revenir sur les salaires mais je voudrais parler d'intéressement. Pourquoi ? Parce que je sais que vous avez des propositions à faire. Alors, qu'est-ce que vous voulez annoncer ce matin sur RMC, L. Parisot, à propos de l'intéressement dans les entreprises ?
R.- Nous avons en France des systèmes - participation et intéressement - qui n'existent nulle part ailleurs mais qui sont sous-utilisés. Or, ces systèmes sont intéressants, ce n'est pas pour rien que ça s'appelle l'intéressement, et il faut les booster, il faut les développer le plus vite possible.
Q.- Comment ?
R.- Et notamment pour les entreprises de moins de 50 salariés. Alors, mettons de côté la participation qui est un mécanisme complexe et qui n'est pas le plus adapté au monde d'aujourd'hui. L'intéressement aujourd'hui, seules 6-7 % des petites entreprises le mettent en place. Pourquoi ? Parce que les formules sont compliquées et aussi parce qu'il faut passer par un référendum dans l'entreprise pour mettre en place un accord d'intéressement. Moi, je propose que pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés, ça puisse être mis en place par décision du chef d'entreprise et qu'ainsi, avec une formule simple liée aux résultats de l'entreprise, les salariés puissent bénéficier et profiter - utilisons dans le bon sens du terme du mot profit - des profits dégagés par l'entreprise.
Q.- Alors, vous souhaitez qu'on mette en place l'intéressement dans l'entreprise et même dans les entreprises de moins de 50 salariés.
R.- Et surtout qu'on développe un système qui encourage ça dans les entreprises de moins de 50.
Q.- Alors, comment développer ce système ? Est-ce qu'on pourrait, par exemple, faire bénéficier des entreprises qui développent l'intéressement de réduction d'impôt sur les sociétés ?
R.- C'est ça qu'il faut faire. Il faut dire que pour toutes les entreprises qui mettent en place un système d'intéressement aujourd'hui et qui ne l'ont jamais fait jusqu'alors, elles bénéficient d'un crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire qu'une partie de l'impôt sur les sociétés qui correspond à une partie de l'intéressement soit déduit de l'impôt sur les sociétés. Moi, je propose que ça soit 30 %. 30 %, oui ! 30 % de déductibilité de l'impôt sur les sociétés. Ces 30 % c'est pour les entreprises qui ne l'ont encore jamais mis en place, pour accélérer- je vous ai dit, nous sommes à moins de 10 % d'accords d'intéressement dans les petites entreprises - il faut vite que dans les deux ou trois prochaines années, on passe à plus de 50 %.
Q.- C'est l'idée, ça rejoint l'idée, 1/3 - 1/3 -1/3, dont on a parlé, qui séduit le président de la République, dit-on, qui est : une entreprise fait des bénéfices, un tiers de ses bénéfices vont aux actionnaires, un tiers à l'investissement, et un tiers aux salariés ?
R.- Non, ce n'est pas ça.
Q.- Ce n'est pas ça. Ca, ça ne vous plaît pas, cette idée. Mais non parce qu'on ne peut pas figer les choses, parce que parfois ça peut être bien de faire 1/3 - 1/3 - 1/3, et puis il y a d'autres années où il faut au contraire mettre le paquet sur l'investissement et ça sera une autre proportion. Par contre, dans l'esprit, il y a de ça, c'est-à-dire c'est dire qu'il y ait bien une part du profit qui est reversée aux salariés par un accord d'intéressement.
Q.- Oui, mais dans les toutes petites entreprises, ils ne vont pas récupérer grand-chose les salariés, non, avec un accord d'intéressement ? Est-ce qu'il faudrait le rendre obligatoire ?
R.- Non mais, attendez, qu'est-ce que ça veut dire, « ils ne vont pas récupérer grand-chose » ? Ils peuvent très bien... prenez, je ne sais pas, une entreprise qui fait 4 millions d'euros de chiffre d'affaires, qui a 200 000 euros de résultat net, qui a une vingtaine de salariés. Eh bien, il peut y avoir une distribution d'intéressement égal à 50 000 euros et c'est déjà...
Q.- Pour la vingtaine de salariés, oui.
R.- Et c'est déjà beaucoup. Je ne suis pas sûre que les proportions que je viens de donner soient exactes, mais il y a un double intérêt à ce mécanisme. Premièrement, ça professionnalise le management de l'entreprise parce que ça incite le chef d'entreprise à avoir un management participatif, à dire clairement aux salariés : « voilà les objectifs que nous nous donnons, et si nous atteignons ces objectifs en termes de profits », il faut réhabiliter ce mot, « si nous atteignons ces objectifs en termes de profits, eh bien vous vous avez une quote-part du profit », et il faut que ça soit clair.
Q.- Mais, L. Parisot, il faut que ça soit obligatoire ?
R.- Non, vous savez, les choses qui sont obligatoires en général ça se passe mal. Il faut booster, c'est-à-dire il faut inciter. D'où l'intérêt du crédit d'impôt qui représente 30 % de la valeur de l'intéressement.
Q.- Bien, L. Parisot est notre invitée, ce matin, présidente du Medef. Vous réagissez évidemment. Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 février 2008