Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- 39 % des salariés gagnent plus parce qu'ils travaillent plus, dit N. Sarkozy au Parisien. Les heures supplémentaires dit-il ça marche du feu de Dieu. Est-ce que c'est vrai ?
R.- Ah ! Oui ! Je crois qu'on a du mal parfois à se rendre compte que des mesures nouvelles mettent du temps pour s'installer et pour prendre corps. Et moi, je suis frappée de voir à quelle rapidité cette mesure qui n'est en vigueur que depuis le 1er octobre 2007, est utilisée notamment dans les très petites et les moyennes entreprises.
Q.- Et selon le MEDEF, vous pensez que le phénomène peut se développer ou c'est un coup de feu comme ça ?
R.- Non, je pense que c'est un phénomène qui est appelé à se développer, pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce qu'on a observé que beaucoup de salariés venaient eux-mêmes demander aux chefs d'entreprise à travailler plus. Donc il y a une demande de la part des salariés. Deuxièmement, parce qu'il est évident que l'économie française a besoin d'une plus grande quantité de travail. Et là...
Q.- Oui, mais est-ce qu'il y a assez de commandes pour les entreprises ?
R.- Et là, je crois que nous sommes en train de créer le début d'un cercle vertueux. Si vous voulez les commandes bien sûr, qu'elles dépendent de la demande, mais elles dépendent aussi d'une augmentation de l'offre. Si on travaille plus, on a plus d'idées. Si on a plus d'idées, on met plus de services et de produits à la disposition de tout le monde.
Q.- C. Lagarde confie aux Echos que la croissance de la France pourrait se situer en 2008, autour de 2 %. Elle s'est trompée pour 2007, est-ce que vous croyez que cette fois, la réalité va lui donner raison ?
R.- La croissance, ce n'est pas un concours de prévisions ; la croissance, c'est quelque chose qui se construit, jour après jour.
Q.- Donc, vous ne faites pas de prévision ?
R.- Je ne fais pas de prévision. Par contre...
Q.- Mais vous dites tout de même...
R.- Je dis qu'il y a une croissance mondiale extraordinaire, que les pays émergents ont des taux de croissance de 7 %. Donc la vraie question que nous devons nous poser, est : comment pouvons-nous tirer profit ? Comment pouvons-nous nous accrocher à cette croissance ? Comment pouvons-nous organiser nos industries de toutes sortes, pour faire en sorte qu'elles puissent satisfaire cette demande mondiale ?
Q.- Mais aujourd'hui, comment vous jugez l'activité économique, le moral et les comportements des chefs d'entreprises qui doivent vous en parler ?
R.- Compte tenu de la crise financière, qui a un impact incontestable sur l'ensemble des acteurs économiques, je trouve que nous ne nous en sortons pas si mal que ça. Et on aurait pu craindre pire. Il n'empêche que la France doit continuer dans les réformes structurelles pour tout simplement la muscler et s'ouvrir aussi au reste du monde.
Q.- Alors, nous avons lu l'un et l'autre, je suppose, ce que le Parisien présente lui-même comme la version amendée et corrigée par l'Elysée, de l'entretien de ses lecteurs avec le président de la République. L'objectif de N. Sarkozy, dit-il, c'est "la société des trois tiers". En cas de bénéfice trois tiers, un tiers pour l'actionnaire, un tiers pour les salariés, un tiers pour l'investissement. Est-ce que ça parle aux chefs d'entreprise ? Est-ce que c'est réaliste ? Et est-ce que c'est réalisable ?
R.- En pratique, ça ne se passe pas comme ça. En pratique chaque entreprise, chaque année évalue ce qui est le plus juste pour elle, de faire, le plus adapté compte tenu de son environnement concurrentiel, compte tenu de l'évolution de sa masse salariale, compte tenu de tout un tas de facteurs, qui varie d'une entreprise à une autre. Donc il y a des années où il est fort possible de satisfaire cette règle des trois tiers, il y a des années où au contraire, il faut mettre la priorité d'une manière massive sur l'investissement, parce que sinon on court le risque d'être dépassé par des concurrents et donc d'être mis en danger. Il ne peut pas y avoir, de définition uniforme et surtout pas vu par le politique. C'est une décision propre à l'entreprise.
Q.- Oui, cela veut dire que l'Etat se mêle de trop de choses en même temps ?
R.- Je crois que, quand N. Sarkozy ...
Q.- Sérieusement ?
R.- Ecoutez, on ne peut pas répondre par oui ou par non, je crois que N. Sarkozy veut sincèrement encourager les entreprises. Il les soutient, il les défend, et il essaie de donner des orientations. Sur le principe, moi, je suis tout à fait d'accord, et j'ai même dis que je m'y engageais, que nous allions nous mobiliser dans ce sens, pour développer l'intéressement dans les très petites et les moyennes entreprises. C'est un mode de management qui est encore méconnu, et nous pensons qu'il faut premièrement une loi qui nous permette de bénéficier de crédits d'impôts sur l'intéressement versé, ça c'est la meilleure façon de booster l'intéressement. Et deuxièmement, nous, nous allons faire un tour de France, nous le MEDEF pour aller expliquer de ville en ville, si je puis dire, aux patrons de TPE et de PME comment mettre en place des plans d'intéressement.
Q.- Ça, vous le ferez après les municipales ?
R.- Oui, je crois que nous commençons avant même les municipales.
Q.- Alors justement, après les municipales, est-ce que vous craignez vous, comme le répète le Parti socialiste a un plan d'austérité et de rigueur ?
R.- Pas du tout !
Q.- Est-ce qu'on est en train de cacher quelque chose aux citoyens ?
R.- Non, je ne crois pas du tout, que ça soit dans l'intention du gouvernement et ce n'est pas souhaitable, et ce n'est pas la question.
Q.- Ce n'est pas l'intention ou pas ; est-ce que le gouvernement va y être obligé après ?
R.- Non, en terme de politique économique, la question ne se pose pas de cette façon-là. Ce qui compte aujourd'hui, c'est de faire grandir nos TPE et nos PME. Quand le président de la République annonce en début d'année - et ça a été confirmé très récemment par C. Lagarde, qu'il va supprimer l'impôt forfaitaire annuel, qui est un impôt qui touche terriblement les petites entreprises ; c'est un impôt sur les bénéfices même quand vous ne faites pas de bénéfices - qu'on va supprimer ce type d'impôt, ce n'est pas une politique de rigueur, et c'est une politique qui va aider les petites et moyennes entreprises à se développer. Je crois que c'est ce genre de démarche qu'il faut développer, démultiplier, intensifier.
Q.- A la lecture de l'entretien, vous, vous avez estimé hier, que l'algarade de Sarkozy, vous a fait penser au coup de boule de Zidane. Apparemment le président lui-même est plus sévère avec lui. Il dit : "au Salon j'aurais mieux fait de ne pas lui répondre".
R.- Oui, ce n'est pas bien, c'est regrettable, le président de la République lui-même, fait amende honorable, mais ce n'est pas un drame. Ce n'est pas un drame, et je crois qu'il faut arrêter...
Q.- Mais ce n'est pas un bon exemple ?
R.- Il faut arrêter de jouer, je vois beaucoup de gens en ce moment, jouer les pères la pudeur » ou les mères la pudeur finalement dans l'histoire de France, il y a quelques personnes célèbres qui ont dit des gros mots. Et c'est comme ça même qu'ils sont restés dans l'histoire de France.
Q.- Vous pensez à qui ?
R.- Cambronne par exemple.
Q.- Ah oui ! C'est un encouragement pour tous les élèves qui pourraient dire à leur prof, les mots de Cambronne ou alors "pauvre con !"
R.- Le président de la République parle comme tous les Français, c'est peut-être pour ça aussi...
Q.- Non mais vous pensez qu'il doit recommencer ? Lui-même dit j'aurais mieux fait de ne pas lui répondre et de me taire.
R.- Lui-même dit qu'effectivement c'était quelque chose qu'il n'aurait pas dû faire. Passons à autre chose. Est-ce que c'est vraiment si important que ça ?
Q.- Dans cet entretien, N. Sarkozy estime, à propos de la Société générale, que quand le président d'une entreprise, connaît un sinistre de cette ampleur et qu'il n'en tire pas les conclusions, ce n'est pas normal. Est-ce que, alors que D. Bouton disait hier, que sa démission de la présidence de la Société générale n'est plus sur la table, c'est au président de la République d'être comme obsédé par D. Bouton et ce qui s'est passé ?
R.- En tout cas, ce n'est pas au pouvoir politique d'être au-dessus du conseil d'administration ou de l'assemblée générale d'une entreprise. Dans une situation extrêmement grave, comme celle qu'a connu la Société générale, seuls les membres du conseil d'administration disposent de tous les paramètres pour évaluer la situation et de la compétence pour prendre la bonne décision.
Q.- Mais est-ce qu'il a tort quand il dit : quand on est payé 7 millions d'euros par an, et on ne répond pas, ce n'est pas moi, ce n'est pas moi ? Est-ce que là vous n'êtes pas du même avis ?
R.- Eh bien, est-ce qu'un général d'armée est responsable de l'exaction commise par un soldat dont il ignore jusqu'au nom ?
Q.- Oui, mais de la défaite oui, le général est responsable. On peut le voir dans l'histoire.
R.- Le général est surtout responsable pour prendre la bonne décision face à l'accident majeur qui a eu lieu dans l'entreprise. Et encore une fois, seuls les membres du conseil d'administration de la Société générale sont en mesure de dire si c'est le meilleur général ou pas.
Q.- Donc ce n'est pas au président de la République de voir si c'est D. Bouton ou X qui doit diriger telle ou telle banque ?
R.- Ce n'est certainement pas au pouvoir politique de le dire, non.
Q.- Le Premier ministre F. Fillon lance en ce moment, probablement l'opération coup de poing qu'il a annoncée hier, pour découvrir les abus à l'origine de la flambée des prix des produits alimentaires. Qui et où sont les responsables des abus, selon L. Parisot ?
R.- Tout d'abord, je ne sais pas s'il y a abus ou pas ? Il est incontestable qu'il y a une hausse des prix notamment dans l'alimentaire, spectaculaire et troublante et inquiétante.
Q.- Oui on peut donner des exemples. Le blé +287, le maïs 149, le soja 129, le café 139 %, le riz 60 %. Mais qui est responsable ?
R.- Chacun sait qu'il y a une hausse des matières premières, spectaculaire, qui ne touche pas que notre pays, je me souviens d'il y a quelques mois, à l'occasion d'une visite aux Etats-Unis, d'avoir rencontré des amis effrayés par l'augmentation des prix d'un cheese-cake qui est le gâteau favori des new-yorkais.
Q.- D'accord, mais aujourd'hui on en souffre.
R.- Donc tout le monde est touché par cette situation. La vraie question aujourd'hui, elle est la suivante : y a-t-il aujourd'hui, en France, suffisamment de concurrence, suffisamment de liberté sur le marché pour faire en sorte que la dynamique qui permet d'aller vers les prix les plus bas puisse s'exercer, puisse se développer ? Je n'en suis pas certaine.
Q.- Mais est-ce qu'avant d'arriver au développement de la concurrence, que vous souhaitez, est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a de l'exagération chez certains ? On voit bien que les agriculteurs n'y sont pour rien. On en parlait hier avec J.- M. Lemétayer et M. Barnier, qui disaient qu'en 30 ans, les prix agricoles ont baissé, alors que les prix alimentaires sont restés stables ou ils ont augmenté et que l'écart se creusait. Donc si ce ne sont pas les agriculteurs, qui est-ce ?
R.- Et si la responsabilité était finalement du fait de la succession de lois, loi Royer, loi Galland, loi Raffarin, qui ont abouti à entraver le mécanisme de la concurrence ? Est-ce que ce n'est pas là la principale responsabilité ?
Q.- Donc vous êtes d'accord avec la Commission Attali ?
R.- Oui, bien sûr.
Q.- Plus de concurrence et balayer ces lois ou les gommer ?
R.- Je vous rappelle que la commission Attali a rassemblé beaucoup d'experts, de nationalités différentes d'ailleurs et de sensibilités politiques différentes, avec un seul objectif, qui était de booster la croissance en France. La commission Attali relève qu'effectivement, il y a des situations de positions dominantes dans la distribution, un manque de vitalité, de concurrence, qui probablement pèse sur les prix.
Q.- Mais est-ce que vous seriez favorable à un contrôle des prix alimentaires, même momentané ?
R.- Vous savez, la logique des contrôles des prix, c'était la logique de planification qu'on a vue dans tous les pays socialistes et qui a abouti à un désastre. Si vous contrôlez quelques prix pendant un temps, il va y avoir des mécanismes d'ajustement...
Q.- Donc réponse non. Mais quand le PS et F. Hollande disent : il faut instaurer et surveiller la transparence des marges ?
R.- Non, il faut vérifier que la concurrence se développe normalement. Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'il n'y a pas d'entente - ça c'est à vérifier -, qu'il n'y a pas d'abus de position dominante - c'est à vérifier. Et je crois que le gouvernement entend créer une autorité de la concurrence. Voilà une démarche qui me semble très saine.
Q.- Et s'il y en a qui abuse ou qui en profite, on les sanctionne ?
R.- Bien sûr. C'est ça, l'économie de marché ; c'est ça, le libéralisme, c'est la sanction contre les abus.
Q.- L. Parisot, l'enquête sur l'Union des Industries des Métiers de la Métallurgie, progresse. Est-ce que vous commencez à comprendre les mystères de la gestion de D. Gautier-Sauvagnac ?
R.- Pas du tout, je n'ai aucun accès au dossier. C'est une enquête qui est dans les mains de la police et de la justice. Je crois qu'elle n'est pas à son terme, loin de là. On en reparlera quand on aura des informations. Je ne dispose d'aucune information.
Q.- Mais les méthodes du prédécesseur de F. Saint-Geours vont-elles vraiment disparaître ?
R.- Je voudrais vous rappeler une chose.
Q.- Où est-ce que vous voulez qu'elles disparaissent ?
R.- Je voudrais vous rappeler une chose, l'UIMM est une fédération adhérente du MEDEF, ce n'est pas une filiale du MEDEF. Donc je n'ai aucun pouvoir de contrôle sur cette fédération. Ça, c'est une chose. La deuxième chose, ce que moi, je fais depuis un peu plus de deux ans, depuis que je suis présidente du MEDEF, c'est d'établir des relations de confiance, de travail, en toute transparence, avec les organisations syndicales. C'est cette démarche qui est une démarche constructive, qui nous a permis notamment d'aboutir à un accord majeur pour notre pays, qui est un accord sur le marché du travail.
Q.- Qui va passer maintenant devant les partenaires sociaux...
R.- Oui, parce que...
Q.- Mais vous le faites sans avoir, comme disait monsieur Gautier- Sauvagnac, à huiler les relations sociales à les rendre fluides.
R.- Oh, si vous saviez comme nous avons travaillé sérieusement ! On a posé un diagnostic, nous avons cheminé ensemble et je voudrais rappeler une chose, parce que tout le monde est en train de l'oublier, l'objectif de cet accord, c'est de faire baisser le chômage dans notre pays. Je ne sais pas pourquoi on a oublié cette ambition qui doit être notre ambition première à tous, Etat, patronat, syndicats, nous sommes à un peu moins de 8 % c'est bien, c'est mieux, mais ce n'est pas encore satisfaisant, il faut vite tendre vers les 5 % au maximum.
Q.- Mais la loi arrivera d'ici au printemps. Dernière question, vous êtes de presque tous les voyages présidentiels à l'étranger. Vous étiez au Maghreb, au Pays du Golfe, la Chine, l'Inde, demain peut-être l'Afrique du Sud oui, non ?
R.- Le MEDEF est représenté par A. Lauvergeon en Afrique du Sud.
Q.- Qu'est-ce que ces voyages rapportent aux chefs d'entreprise qui se déplacent ?
R.- Ce voyage rapporte beaucoup en terme de notoriété, de compréhension, de ce que fait la France, aujourd'hui...
Q.- Mais est-ce que vous vendez ?
R.- En Inde, par exemple, j'ai été très impressionnée par le regard que portaient les industriels indiens, les autorités politiques indiennes sur N. Sarkozy et la bande de chefs d'entreprise qui le suivait. Il y avait tout d'un coup, une admiration...
Q.- Non, mais d'accord, c'est du symbole ...
R.- Ce n'est pas que du symbole...
Q.- C'est de l'admiration, etc. Mais est-ce que ça rapporte ?
R.- Mais ça rapporte en relation, ça rapporte en compréhension réciproque et ça c'est le début des affaires, c'est le début du business. Si on ne se connaît pas, si on ne comprend pas les atouts et les capacités des uns et des autres, il n'y a aucune chance de faire du business. Ces voyages sont un coup de boosteur.
Q.- Bon voyage ! Vous voyez le nombre de mots anglais, l'autre jour c'était le benchmarking, le business...
R.- Benchmarker, c'est se comparer, il faut que nous, nous ayons....
Q.- Nous avons tous ici notre dictionnaire franco-anglais.
R.- Mais il faut que nous, nous ayons l'habitude, nous les Français, de nous comparer aux autres pays. C'est comme cela que nous avancerons.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2008
R.- Ah ! Oui ! Je crois qu'on a du mal parfois à se rendre compte que des mesures nouvelles mettent du temps pour s'installer et pour prendre corps. Et moi, je suis frappée de voir à quelle rapidité cette mesure qui n'est en vigueur que depuis le 1er octobre 2007, est utilisée notamment dans les très petites et les moyennes entreprises.
Q.- Et selon le MEDEF, vous pensez que le phénomène peut se développer ou c'est un coup de feu comme ça ?
R.- Non, je pense que c'est un phénomène qui est appelé à se développer, pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce qu'on a observé que beaucoup de salariés venaient eux-mêmes demander aux chefs d'entreprise à travailler plus. Donc il y a une demande de la part des salariés. Deuxièmement, parce qu'il est évident que l'économie française a besoin d'une plus grande quantité de travail. Et là...
Q.- Oui, mais est-ce qu'il y a assez de commandes pour les entreprises ?
R.- Et là, je crois que nous sommes en train de créer le début d'un cercle vertueux. Si vous voulez les commandes bien sûr, qu'elles dépendent de la demande, mais elles dépendent aussi d'une augmentation de l'offre. Si on travaille plus, on a plus d'idées. Si on a plus d'idées, on met plus de services et de produits à la disposition de tout le monde.
Q.- C. Lagarde confie aux Echos que la croissance de la France pourrait se situer en 2008, autour de 2 %. Elle s'est trompée pour 2007, est-ce que vous croyez que cette fois, la réalité va lui donner raison ?
R.- La croissance, ce n'est pas un concours de prévisions ; la croissance, c'est quelque chose qui se construit, jour après jour.
Q.- Donc, vous ne faites pas de prévision ?
R.- Je ne fais pas de prévision. Par contre...
Q.- Mais vous dites tout de même...
R.- Je dis qu'il y a une croissance mondiale extraordinaire, que les pays émergents ont des taux de croissance de 7 %. Donc la vraie question que nous devons nous poser, est : comment pouvons-nous tirer profit ? Comment pouvons-nous nous accrocher à cette croissance ? Comment pouvons-nous organiser nos industries de toutes sortes, pour faire en sorte qu'elles puissent satisfaire cette demande mondiale ?
Q.- Mais aujourd'hui, comment vous jugez l'activité économique, le moral et les comportements des chefs d'entreprises qui doivent vous en parler ?
R.- Compte tenu de la crise financière, qui a un impact incontestable sur l'ensemble des acteurs économiques, je trouve que nous ne nous en sortons pas si mal que ça. Et on aurait pu craindre pire. Il n'empêche que la France doit continuer dans les réformes structurelles pour tout simplement la muscler et s'ouvrir aussi au reste du monde.
Q.- Alors, nous avons lu l'un et l'autre, je suppose, ce que le Parisien présente lui-même comme la version amendée et corrigée par l'Elysée, de l'entretien de ses lecteurs avec le président de la République. L'objectif de N. Sarkozy, dit-il, c'est "la société des trois tiers". En cas de bénéfice trois tiers, un tiers pour l'actionnaire, un tiers pour les salariés, un tiers pour l'investissement. Est-ce que ça parle aux chefs d'entreprise ? Est-ce que c'est réaliste ? Et est-ce que c'est réalisable ?
R.- En pratique, ça ne se passe pas comme ça. En pratique chaque entreprise, chaque année évalue ce qui est le plus juste pour elle, de faire, le plus adapté compte tenu de son environnement concurrentiel, compte tenu de l'évolution de sa masse salariale, compte tenu de tout un tas de facteurs, qui varie d'une entreprise à une autre. Donc il y a des années où il est fort possible de satisfaire cette règle des trois tiers, il y a des années où au contraire, il faut mettre la priorité d'une manière massive sur l'investissement, parce que sinon on court le risque d'être dépassé par des concurrents et donc d'être mis en danger. Il ne peut pas y avoir, de définition uniforme et surtout pas vu par le politique. C'est une décision propre à l'entreprise.
Q.- Oui, cela veut dire que l'Etat se mêle de trop de choses en même temps ?
R.- Je crois que, quand N. Sarkozy ...
Q.- Sérieusement ?
R.- Ecoutez, on ne peut pas répondre par oui ou par non, je crois que N. Sarkozy veut sincèrement encourager les entreprises. Il les soutient, il les défend, et il essaie de donner des orientations. Sur le principe, moi, je suis tout à fait d'accord, et j'ai même dis que je m'y engageais, que nous allions nous mobiliser dans ce sens, pour développer l'intéressement dans les très petites et les moyennes entreprises. C'est un mode de management qui est encore méconnu, et nous pensons qu'il faut premièrement une loi qui nous permette de bénéficier de crédits d'impôts sur l'intéressement versé, ça c'est la meilleure façon de booster l'intéressement. Et deuxièmement, nous, nous allons faire un tour de France, nous le MEDEF pour aller expliquer de ville en ville, si je puis dire, aux patrons de TPE et de PME comment mettre en place des plans d'intéressement.
Q.- Ça, vous le ferez après les municipales ?
R.- Oui, je crois que nous commençons avant même les municipales.
Q.- Alors justement, après les municipales, est-ce que vous craignez vous, comme le répète le Parti socialiste a un plan d'austérité et de rigueur ?
R.- Pas du tout !
Q.- Est-ce qu'on est en train de cacher quelque chose aux citoyens ?
R.- Non, je ne crois pas du tout, que ça soit dans l'intention du gouvernement et ce n'est pas souhaitable, et ce n'est pas la question.
Q.- Ce n'est pas l'intention ou pas ; est-ce que le gouvernement va y être obligé après ?
R.- Non, en terme de politique économique, la question ne se pose pas de cette façon-là. Ce qui compte aujourd'hui, c'est de faire grandir nos TPE et nos PME. Quand le président de la République annonce en début d'année - et ça a été confirmé très récemment par C. Lagarde, qu'il va supprimer l'impôt forfaitaire annuel, qui est un impôt qui touche terriblement les petites entreprises ; c'est un impôt sur les bénéfices même quand vous ne faites pas de bénéfices - qu'on va supprimer ce type d'impôt, ce n'est pas une politique de rigueur, et c'est une politique qui va aider les petites et moyennes entreprises à se développer. Je crois que c'est ce genre de démarche qu'il faut développer, démultiplier, intensifier.
Q.- A la lecture de l'entretien, vous, vous avez estimé hier, que l'algarade de Sarkozy, vous a fait penser au coup de boule de Zidane. Apparemment le président lui-même est plus sévère avec lui. Il dit : "au Salon j'aurais mieux fait de ne pas lui répondre".
R.- Oui, ce n'est pas bien, c'est regrettable, le président de la République lui-même, fait amende honorable, mais ce n'est pas un drame. Ce n'est pas un drame, et je crois qu'il faut arrêter...
Q.- Mais ce n'est pas un bon exemple ?
R.- Il faut arrêter de jouer, je vois beaucoup de gens en ce moment, jouer les pères la pudeur » ou les mères la pudeur finalement dans l'histoire de France, il y a quelques personnes célèbres qui ont dit des gros mots. Et c'est comme ça même qu'ils sont restés dans l'histoire de France.
Q.- Vous pensez à qui ?
R.- Cambronne par exemple.
Q.- Ah oui ! C'est un encouragement pour tous les élèves qui pourraient dire à leur prof, les mots de Cambronne ou alors "pauvre con !"
R.- Le président de la République parle comme tous les Français, c'est peut-être pour ça aussi...
Q.- Non mais vous pensez qu'il doit recommencer ? Lui-même dit j'aurais mieux fait de ne pas lui répondre et de me taire.
R.- Lui-même dit qu'effectivement c'était quelque chose qu'il n'aurait pas dû faire. Passons à autre chose. Est-ce que c'est vraiment si important que ça ?
Q.- Dans cet entretien, N. Sarkozy estime, à propos de la Société générale, que quand le président d'une entreprise, connaît un sinistre de cette ampleur et qu'il n'en tire pas les conclusions, ce n'est pas normal. Est-ce que, alors que D. Bouton disait hier, que sa démission de la présidence de la Société générale n'est plus sur la table, c'est au président de la République d'être comme obsédé par D. Bouton et ce qui s'est passé ?
R.- En tout cas, ce n'est pas au pouvoir politique d'être au-dessus du conseil d'administration ou de l'assemblée générale d'une entreprise. Dans une situation extrêmement grave, comme celle qu'a connu la Société générale, seuls les membres du conseil d'administration disposent de tous les paramètres pour évaluer la situation et de la compétence pour prendre la bonne décision.
Q.- Mais est-ce qu'il a tort quand il dit : quand on est payé 7 millions d'euros par an, et on ne répond pas, ce n'est pas moi, ce n'est pas moi ? Est-ce que là vous n'êtes pas du même avis ?
R.- Eh bien, est-ce qu'un général d'armée est responsable de l'exaction commise par un soldat dont il ignore jusqu'au nom ?
Q.- Oui, mais de la défaite oui, le général est responsable. On peut le voir dans l'histoire.
R.- Le général est surtout responsable pour prendre la bonne décision face à l'accident majeur qui a eu lieu dans l'entreprise. Et encore une fois, seuls les membres du conseil d'administration de la Société générale sont en mesure de dire si c'est le meilleur général ou pas.
Q.- Donc ce n'est pas au président de la République de voir si c'est D. Bouton ou X qui doit diriger telle ou telle banque ?
R.- Ce n'est certainement pas au pouvoir politique de le dire, non.
Q.- Le Premier ministre F. Fillon lance en ce moment, probablement l'opération coup de poing qu'il a annoncée hier, pour découvrir les abus à l'origine de la flambée des prix des produits alimentaires. Qui et où sont les responsables des abus, selon L. Parisot ?
R.- Tout d'abord, je ne sais pas s'il y a abus ou pas ? Il est incontestable qu'il y a une hausse des prix notamment dans l'alimentaire, spectaculaire et troublante et inquiétante.
Q.- Oui on peut donner des exemples. Le blé +287, le maïs 149, le soja 129, le café 139 %, le riz 60 %. Mais qui est responsable ?
R.- Chacun sait qu'il y a une hausse des matières premières, spectaculaire, qui ne touche pas que notre pays, je me souviens d'il y a quelques mois, à l'occasion d'une visite aux Etats-Unis, d'avoir rencontré des amis effrayés par l'augmentation des prix d'un cheese-cake qui est le gâteau favori des new-yorkais.
Q.- D'accord, mais aujourd'hui on en souffre.
R.- Donc tout le monde est touché par cette situation. La vraie question aujourd'hui, elle est la suivante : y a-t-il aujourd'hui, en France, suffisamment de concurrence, suffisamment de liberté sur le marché pour faire en sorte que la dynamique qui permet d'aller vers les prix les plus bas puisse s'exercer, puisse se développer ? Je n'en suis pas certaine.
Q.- Mais est-ce qu'avant d'arriver au développement de la concurrence, que vous souhaitez, est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a de l'exagération chez certains ? On voit bien que les agriculteurs n'y sont pour rien. On en parlait hier avec J.- M. Lemétayer et M. Barnier, qui disaient qu'en 30 ans, les prix agricoles ont baissé, alors que les prix alimentaires sont restés stables ou ils ont augmenté et que l'écart se creusait. Donc si ce ne sont pas les agriculteurs, qui est-ce ?
R.- Et si la responsabilité était finalement du fait de la succession de lois, loi Royer, loi Galland, loi Raffarin, qui ont abouti à entraver le mécanisme de la concurrence ? Est-ce que ce n'est pas là la principale responsabilité ?
Q.- Donc vous êtes d'accord avec la Commission Attali ?
R.- Oui, bien sûr.
Q.- Plus de concurrence et balayer ces lois ou les gommer ?
R.- Je vous rappelle que la commission Attali a rassemblé beaucoup d'experts, de nationalités différentes d'ailleurs et de sensibilités politiques différentes, avec un seul objectif, qui était de booster la croissance en France. La commission Attali relève qu'effectivement, il y a des situations de positions dominantes dans la distribution, un manque de vitalité, de concurrence, qui probablement pèse sur les prix.
Q.- Mais est-ce que vous seriez favorable à un contrôle des prix alimentaires, même momentané ?
R.- Vous savez, la logique des contrôles des prix, c'était la logique de planification qu'on a vue dans tous les pays socialistes et qui a abouti à un désastre. Si vous contrôlez quelques prix pendant un temps, il va y avoir des mécanismes d'ajustement...
Q.- Donc réponse non. Mais quand le PS et F. Hollande disent : il faut instaurer et surveiller la transparence des marges ?
R.- Non, il faut vérifier que la concurrence se développe normalement. Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'il n'y a pas d'entente - ça c'est à vérifier -, qu'il n'y a pas d'abus de position dominante - c'est à vérifier. Et je crois que le gouvernement entend créer une autorité de la concurrence. Voilà une démarche qui me semble très saine.
Q.- Et s'il y en a qui abuse ou qui en profite, on les sanctionne ?
R.- Bien sûr. C'est ça, l'économie de marché ; c'est ça, le libéralisme, c'est la sanction contre les abus.
Q.- L. Parisot, l'enquête sur l'Union des Industries des Métiers de la Métallurgie, progresse. Est-ce que vous commencez à comprendre les mystères de la gestion de D. Gautier-Sauvagnac ?
R.- Pas du tout, je n'ai aucun accès au dossier. C'est une enquête qui est dans les mains de la police et de la justice. Je crois qu'elle n'est pas à son terme, loin de là. On en reparlera quand on aura des informations. Je ne dispose d'aucune information.
Q.- Mais les méthodes du prédécesseur de F. Saint-Geours vont-elles vraiment disparaître ?
R.- Je voudrais vous rappeler une chose.
Q.- Où est-ce que vous voulez qu'elles disparaissent ?
R.- Je voudrais vous rappeler une chose, l'UIMM est une fédération adhérente du MEDEF, ce n'est pas une filiale du MEDEF. Donc je n'ai aucun pouvoir de contrôle sur cette fédération. Ça, c'est une chose. La deuxième chose, ce que moi, je fais depuis un peu plus de deux ans, depuis que je suis présidente du MEDEF, c'est d'établir des relations de confiance, de travail, en toute transparence, avec les organisations syndicales. C'est cette démarche qui est une démarche constructive, qui nous a permis notamment d'aboutir à un accord majeur pour notre pays, qui est un accord sur le marché du travail.
Q.- Qui va passer maintenant devant les partenaires sociaux...
R.- Oui, parce que...
Q.- Mais vous le faites sans avoir, comme disait monsieur Gautier- Sauvagnac, à huiler les relations sociales à les rendre fluides.
R.- Oh, si vous saviez comme nous avons travaillé sérieusement ! On a posé un diagnostic, nous avons cheminé ensemble et je voudrais rappeler une chose, parce que tout le monde est en train de l'oublier, l'objectif de cet accord, c'est de faire baisser le chômage dans notre pays. Je ne sais pas pourquoi on a oublié cette ambition qui doit être notre ambition première à tous, Etat, patronat, syndicats, nous sommes à un peu moins de 8 % c'est bien, c'est mieux, mais ce n'est pas encore satisfaisant, il faut vite tendre vers les 5 % au maximum.
Q.- Mais la loi arrivera d'ici au printemps. Dernière question, vous êtes de presque tous les voyages présidentiels à l'étranger. Vous étiez au Maghreb, au Pays du Golfe, la Chine, l'Inde, demain peut-être l'Afrique du Sud oui, non ?
R.- Le MEDEF est représenté par A. Lauvergeon en Afrique du Sud.
Q.- Qu'est-ce que ces voyages rapportent aux chefs d'entreprise qui se déplacent ?
R.- Ce voyage rapporte beaucoup en terme de notoriété, de compréhension, de ce que fait la France, aujourd'hui...
Q.- Mais est-ce que vous vendez ?
R.- En Inde, par exemple, j'ai été très impressionnée par le regard que portaient les industriels indiens, les autorités politiques indiennes sur N. Sarkozy et la bande de chefs d'entreprise qui le suivait. Il y avait tout d'un coup, une admiration...
Q.- Non, mais d'accord, c'est du symbole ...
R.- Ce n'est pas que du symbole...
Q.- C'est de l'admiration, etc. Mais est-ce que ça rapporte ?
R.- Mais ça rapporte en relation, ça rapporte en compréhension réciproque et ça c'est le début des affaires, c'est le début du business. Si on ne se connaît pas, si on ne comprend pas les atouts et les capacités des uns et des autres, il n'y a aucune chance de faire du business. Ces voyages sont un coup de boosteur.
Q.- Bon voyage ! Vous voyez le nombre de mots anglais, l'autre jour c'était le benchmarking, le business...
R.- Benchmarker, c'est se comparer, il faut que nous, nous ayons....
Q.- Nous avons tous ici notre dictionnaire franco-anglais.
R.- Mais il faut que nous, nous ayons l'habitude, nous les Français, de nous comparer aux autres pays. C'est comme cela que nous avancerons.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2008