Texte intégral
Cher Michel Barnier,
Mesdames et messieurs,
La question "qu'est-ce qu'on mange ?" s'entend différemment suivant que l'on est riche ou bien pauvre, libre de choisir ou bien contraint de manger ce que l'on peut. L'inflexion est encore tout autre quand on a faim.
"Survivre" ou "mieux vivre", "manger" ou "mieux manger", sont bien, à cet égard, deux préoccupations distinctes.
Ces inquiétudes sont pourtant solidaires et participent d'une même problématique : celle de l'inégalité sociale qui se traduit par des inégalités de santé.
Ainsi, la malnutrition, facteur d'obésité avec tout son cortège possible de complications médicales, touche d'abord, dans les pays riches, les catégories sociales les plus défavorisées. On dénombre dix fois plus d'obèses parmi les enfants d'ouvriers que parmi les enfants de cadres (contre quatre fois plus en 2002).
Notre politique alimentaire et notre politique de santé ont donc bien une finalité conjointe. Elles participent d'une même politique de justice, soucieuse d'assurer à tous la sécurité alimentaire et d'améliorer la qualité nutritionnelle des aliments les plus abordables.
Cependant, il faut le souligner ici, cette politique est solidaire en plusieurs sens : l'amélioration de l'équilibre alimentaire que nous cherchons à favoriser participe d'une prise de conscience globale.
La régulation de nos modes de consommation, de nos habitudes alimentaires traduit cette volonté de transformer notre manière de vivre.
C'est bien une véritable politique de la vie qui se trouve ici engagée. Une politique de la vie qui se définit par sa partie éthique. Cette politique, le Président de la République en a lui-même très explicitement précisé le contenu en ces termes : "c'est une politique qui part du principe que la qualité est plus importante que la quantité".
Comment, donc, rendre accessible une offre alimentaire de qualité ? Comment faire pour que la qualité ne demeure pas le privilège des nantis ?
Tel est bien l'objectif essentiel des mesures que nous mettons en oeuvre.
Le deuxième plan nutrition santé prolonge et amplifie, en ce sens, les actions du premier plan.
En 2001 le plan national nutrition santé (PNNS) avait fixé un certain nombre d'objectifs chiffrés, relatifs à la nutrition et l'alimentation des Français.
L'objectif était de diminuer de 20% la prévalence du surpoids et de l'obésité chez l'adulte, et d'empêcher que le surpoids et l'obésité n'augmentent chez les enfants.
Coordonné par mon ministère, le PNNS engage la participation active des ministères de l'éducation nationale, de l'agriculture, de la consommation et des affaires sociales.
La méthode interministérielle a porté ses fruits. Les résultats sont là :
des progrès sensibles ont été réalisés.
Ainsi, à titre d'exemple, désormais seuls 35% des Français consomment trop peu de fruits et de légumes. C'est encore beaucoup, mais c'est moins qu'avant.
De même, en dix ans, la consommation excessive de sel a reculé : elle ne touche plus que 10,5% des hommes et 1,7% des femmes.
Sur d'autres points, en revanche, les avancées restent insuffisantes.
Ainsi, la consommation de féculents, pourtant recommandée, demeure insuffisante. Celle du pain a même tendance à diminuer.
A l'inverse, la consommation de produits riches en sucres rapides ne diminue pas. Elle est encore excessive chez un trop grand nombre d'enfants. La consommation moyenne de fibres n'est que de 16g/jour pour un objectif de 25g/j. Quant aux lipides, ils restent beaucoup trop présents dans l'alimentation des français.
Les habitudes alimentaires des jeunes, en particulier, sont très perfectibles : ainsi, un jeune sur dix affirme ne pas se nourrir de façon équilibrée, et parmi eux, un étudiant sur trois se plaint d'une alimentation déréglée.
Les chiffres de la prévalence du surpoids et de l'obésité ne sont pas bons.
32,4% des adultes français sont en surpoids et 16,9% sont obèses.
Les enfants paient un lourd tribut à cette épidémie : 14,3% des enfants de 3 à 17 ans sont en surpoids et 3,5% sont obèses.
Devant cette véritable injustice sanitaire, nous devons nous mobiliser, et entrer dans une démarche volontaire, cohérente et concertée.
Une véritable prise de conscience a eu lieu. Aujourd'hui, les pouvoirs publics ne sont plus seuls à agir. Je me réjouis de pouvoir désormais compter sur le soutien des industriels, des distributeurs et des médias, qui s'engagent en faveur de cette action.
Nous proposons aujourd'hui des chartes d'engagements volontaires de progrès nutritionnel aux entreprises du secteur alimentaire. Une première charte vient d'être signée. D'autres entreprises mettent en avant des initiatives neuves. En signant ces chartes, l'Etat et ses partenaires privés s'engagent à faire respecter des critères de qualités rigoureux et objectifs.
C'est dans cet esprit de transparence, et afin d'assurer un suivi permanent de la qualité nutritionnelle des aliments, que je viens de mettre en place, avec les ministres chargés de l'agriculture et de la consommation, un observatoire de la qualité de l'alimentation (OQALI).
Cet observatoire aura pour mission d'évaluer le rapport qualité-prix des aliments en tenant compte de leur valeur nutritionnelle. Ce nouvel outil permettra aux français de mieux gérer leur alimentation.
Aujourd'hui, ce sont les enfants qui retiennent d'abord notre attention.
Ainsi, un texte encadrant la qualité nutritionnelle des repas servis à la cantine sera publié dès cet automne.
Mes services travaillent sur ce sujet en concertation avec le ministère de l'agriculture, l'éducation nationale, le ministère de l'intérieur et les collectivités territoriales concernées. Ces dernières commencent ainsi à s'engager dans des chartes "villes actives PNNS". Plus de 120 villes ont d'ores et déjà signé ces contrats. Depuis le début de l'année, les départements peuvent s'engager dans cette démarche qui vise à développer des actions d'information, à diffuser les bonnes pratiques alimentaires et à favoriser une activité physique régulière.
Le ministre de l'agriculture et de la pêche s'est engagé à rendre plus abordable la consommation des fruits et des légumes. Je me félicite, Cher Michel, de cet engagement.
Ainsi, avec l'appui des collectivités territoriales volontaires, il apportera son soutien financier à la distribution gratuite des fruits dans plus de 1000 écoles, dans des zones urbaines et rurales défavorisées dès la rentrée 2008. A terme, cette distribution sera généralisée grâce à un financement communautaire.
Mon ministère participe naturellement à l'expérimentation menée par le ministère de l'agriculture, consistant à installer des distributeurs de fruits dans les établissements agricoles. Cette expérience, si elle se montre à la hauteur de ses promesses, pourrait à terme être généralisée.
Pour relever le défi de la malnutrition, agriculture et santé, vous le voyez, travaillent main dans la main.
Les politiques que nous menons, en raison de la progressivité de leurs effets, suppose une forte détermination.
Quand il s'agit de modifier des habitudes, d'en donner à chacun les moyens, tout en accompagnant l'évolution des mentalités, il faut agir avec constance et opiniâtreté.
Michel et moi-même, sommes tous les deux bien convaincus de la nécessité de poursuivre, en ce sens, notre fructueuse collaboration.
Je vous remercie.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 25 avril 2008