Texte intégral
P. Corbé Est-ce que vous avez de nouvelles précisions, ce matin, sur les circonstances de la mort de cet humanitaire français au Tchad ?
Hélas, oui ! Ecoutez, c'est un crime abominable qui a été commis, hier matin, jeudi, dans la matinée, dans l'Est du Tchad, à proximité d'un camp qui s'appelle "Farchana". Il y avait trois véhicules, deux véhicules de l'UNICEF, c'est-à-dire l'agence des Nations unies, et puis deux véhicules de "Save The Children" qui est une organisation anglaise et puis un véhicule de l'UNICEF. Ils ont été attaqués, ces véhicules, par ce qu'on appelle là-bas, ce qu'on appelle dans le monde entier - une bande d'assassins en réalité - mais on les appelle "les coupeurs de route". Probablement, ces "coupeurs de route" devaient-ils voler les véhicules, et puis, aussi, s'emparer de l'argent. Il y a eu malheureusement un tir et c'est notre compatriote P. Marlinge qui a été touché à la tête et qui est mort immédiatement. Et les assaillants se sont enfuis avec un des véhicules qui, depuis, a été retrouvé en direction de la frontière soudanaise.
Son épouse estime qu'il s'agit d'un accident, qu'il a été finalement au mauvais endroit, au mauvais moment. Est-ce que selon vous, c'est un accident ou est-ce que c'est un assassinat ?
"Un accident"... C'est un assassinat, bien entendu. Mais c'est malheureusement assez fréquent. Je crois que madame Marlinge, Isabelle Marlinge que j'ai eue au téléphone et puis, j'ai eu aussi sa fille Marie - il avait une autre fille encore - ont réagi de façon extrêmement digne et malgré leurs souffrances, elles analysent bien la situation. C'est devenu très, très risqué, ça l'a toujours été mais ça l'est encore plus, de se dévouer pour les autres. Et là, ce camp regorge de personnes déplacées, de Tchadiens, et puis aussi des gens qui viennent du Darfour, du Soudan à côté. P. Marlinge était un humanitaire très expérimenté, il avait travaillé dans tous les coins du monde. Au Tchad, il était, mais au Soudan, il avait travaillé, en Afghanistan, en Irak. Ils avaient vêcu avec sa femme dix ans au Népal pour s'occuper des enfants. C'est un homme admirable. Le modèle pour la jeunesse que constituait P. Marlinge a disparu et c'est vraiment très triste. Et il faut présenter, bien sûr, à sa famille mais aussi à l'organisation, à ceux qui se dévouent courageusement tous les jours, non seulement notre soutien mais il faut aussi trouver ses assassins. La gendarmerie tchadienne est à la recherche de ceux-là et puis aussi, bien sûr, puisqu'il y a le déploiement des forces Eufor des 17 pays de l'Union européenne qui sont en train d'achever leur déploiement, bien sûr, ils sont mobilisés. Ils ont cherché depuis hier déjà, où étaient passés ses assassins.
Vous le disiez, ces attaques sont fréquentes, des dizaines de véhicules d'ONG ont été volés ces dernières années au Tchad. Mais on se demande pourquoi, cette fois-ci, les brigands ont tiré. Ce matin sur RTL, le ministre de l'Intérieur tchadien assure que P. Marlinge n'a pas été tué à cause de sa nationalité. Est-ce que, vous, vous êtes convaincu que cet humanitaire n'a pas été abattu parce qu'il était français ?
Je ne crois pas du tout mais je n'en sais rien, l'enquête le dira. Mais enfin, il conduisait le véhicule, je vous l'ai dit, d'une association anglaise très connue dans le monde entier "Save the children", une des plus grandes, une des plus efficaces, une des plus sérieuses des associations humanitaires. Il n'a pas eu le temps de parler. Il a été tué parce que, je crois - mais l'enquête le dira, encore une fois -, ils étaient pressés, agités, nerveux et qu'ils avaient peur. C'est tellement fréquent. Vous savez, heureusement, ce matin, nous avons eu l'annonce du retour d'un humanitaire qui travaillait en Haïti, qui avait été enlevé dans les mêmes circonstances par des "coupeurs de route", vendredi dernier. J.- M. Morin, lui, a été retrouvé, hier. Malheureusement, c'est monnaie courante. Malheureusement...
Vous en avez vous-même été victime lorsque vous étiez humanitaire ?
Des coupeurs de route, bien sûr, très souvent. Des gens qui volent, qui rodent, qui parfois tuent.Lorsqu'il y a beaucoup de misère, il y a des humanitaires ; lorsqu'il y a des Humanitaires, il y a un déploiement de matériel et de bonnes volontés qui suscitent des convoitises. C'est un cercle vicieux que nous connaissons bien.
Est-ce que la France, aujourd'hui, est une cible au Tchad avec le déploiement de militaires dans le cadre de l'Eufor, vous en parliez, et après l'affaire "Arche de Zoé", est-ce que la France est une cible ?
Ne mélangeons pas ces affaires-là, s'il vous plaît. S'il vous plaît ! Là, il s'agit d'un homme qui se dévouait depuis des années, qui savait ce que c'était que l'humanitaire et qui est mort dans des circonstances troubles. Alors, est-ce qu'on peut penser qu'il était visé parce que Français ? On peut penser ce qu'on veut, l'enquête le dira, mais je ne le crois pas, je ne le crois pas du tout. C'est nécessaire que le déploiement se fasse. L'Eufor va sécuriser la région le mieux possible. C'est une région gigantesque, il y a plusieurs centaines de kilomètres de frontière. Maintenant, faudra-t-il que les véhicules signalent leur déplacement et qu'ils soient accompagnés par des patrouilles militaires, c'est possible. Je crois que très vite, dans les jours qui viennent, on le saura. Moi, je pense surtout à sa famille, à tous les humanitaires qui trouvent très injuste, qui trouvent scandaleux, qui trouvent inacceptable cet assassinat, et je suis de ceux-là.
Donc, vous demandez des précautions supplémentaires aux humanitaires mais pas à un retrait du Tchad ?
Sûrement pas. Mais c'est parce qu'il y a un besoin extraordinaire. Demandez aux amis de P. Marlinge s'ils veulent se retirer, ils ne veulent pas, ils connaissent les risques, hélas de plus en plus importants, pour des raisons qui tiennent à une misère de plus en plus importante, à une nécessité d'aider, d'être au côté des populations, de plus en plus criante.
Vous êtes rentré hier d'une tournée en Colombie, Equateur, Venezuela. Est-ce que vous revenez avec un peu plus d'espoir pour la libération d'I. Bétancourt ? Ou bien, finalement, vous êtes chaque jour, encore plus pessimiste ?
Non. Je ne suis pas très optimiste mais je crois que ce que nous avons fait en reprenant contact avec les trois pays, avec les trois présidents, avec monsieur Uribe le Colombien, avec monsieur Correa l'Equatorien, avec monsieur Chavez, le président du Vénézuela, c'était notre travail parce que nos contacts avaient été coupés, vous le savez. Six otages - c'est déjà énorme, depuis plusieurs années, c'est ce que nous cherchions -, six otages avaient été libérés. Théoriquement, la libération devait comprendre I. Bétancourt et les quatre derniers otages civils. Et maintenant, il nous faut reprendre le fil de nos contacts, de nos espoirs, et malheureusement - hélas, aussi - de nos désespoirs souvent. Alors, je crois que ça a été très utile, nous verrons bien si je me trompe dans quelques jours ou quelques semaines.
Est-ce que finalement, lorsque vous êtes sur place, vous ne vous dites pas l'implication personnelle, médiatique de N. Sarkozy complique peut-être aussi un peu la situation ?
Moi, ce que je dis, c'est qu'avant N. Sarkozy, presque personne ne s'en occupait. Je sais que M. de Villepin avait essayé de sauver madame Betancourt et ça n'avait pas marché. Et ce qui est très, très, très important, c'est que maintenant toute l'Amérique latine, je l'ai vu auprès de ses trois présidents, mais pas seulement les présidents, l'administration autour, et dans les rues, les gens qui savent ce que nous faisons, qui nous applaudissent. Mais ce n'est pas ça qui compte, c'est que par exemple, à Lima, il y a une réunion de l'Union européenne ...
...Où sera F. Fillon dans quelques jours.
Eh bien tout le monde parlera des otages et maintenant, ça concerne toute l'Amérique latine. D'ailleurs, ça concerne le monde entier : est-ce qu'on va accepter que des civils, que des gens qui passaient par là, puissent être gardés dans des conditions épouvantables, indignes de l'humanité, indignes des gens qui le font, pendant plusieurs années ?
Merci B. Kouchner ! Vous étiez en direct de Londres et vous étiez l'invité de RTL ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 mai 2008
Hélas, oui ! Ecoutez, c'est un crime abominable qui a été commis, hier matin, jeudi, dans la matinée, dans l'Est du Tchad, à proximité d'un camp qui s'appelle "Farchana". Il y avait trois véhicules, deux véhicules de l'UNICEF, c'est-à-dire l'agence des Nations unies, et puis deux véhicules de "Save The Children" qui est une organisation anglaise et puis un véhicule de l'UNICEF. Ils ont été attaqués, ces véhicules, par ce qu'on appelle là-bas, ce qu'on appelle dans le monde entier - une bande d'assassins en réalité - mais on les appelle "les coupeurs de route". Probablement, ces "coupeurs de route" devaient-ils voler les véhicules, et puis, aussi, s'emparer de l'argent. Il y a eu malheureusement un tir et c'est notre compatriote P. Marlinge qui a été touché à la tête et qui est mort immédiatement. Et les assaillants se sont enfuis avec un des véhicules qui, depuis, a été retrouvé en direction de la frontière soudanaise.
Son épouse estime qu'il s'agit d'un accident, qu'il a été finalement au mauvais endroit, au mauvais moment. Est-ce que selon vous, c'est un accident ou est-ce que c'est un assassinat ?
"Un accident"... C'est un assassinat, bien entendu. Mais c'est malheureusement assez fréquent. Je crois que madame Marlinge, Isabelle Marlinge que j'ai eue au téléphone et puis, j'ai eu aussi sa fille Marie - il avait une autre fille encore - ont réagi de façon extrêmement digne et malgré leurs souffrances, elles analysent bien la situation. C'est devenu très, très risqué, ça l'a toujours été mais ça l'est encore plus, de se dévouer pour les autres. Et là, ce camp regorge de personnes déplacées, de Tchadiens, et puis aussi des gens qui viennent du Darfour, du Soudan à côté. P. Marlinge était un humanitaire très expérimenté, il avait travaillé dans tous les coins du monde. Au Tchad, il était, mais au Soudan, il avait travaillé, en Afghanistan, en Irak. Ils avaient vêcu avec sa femme dix ans au Népal pour s'occuper des enfants. C'est un homme admirable. Le modèle pour la jeunesse que constituait P. Marlinge a disparu et c'est vraiment très triste. Et il faut présenter, bien sûr, à sa famille mais aussi à l'organisation, à ceux qui se dévouent courageusement tous les jours, non seulement notre soutien mais il faut aussi trouver ses assassins. La gendarmerie tchadienne est à la recherche de ceux-là et puis aussi, bien sûr, puisqu'il y a le déploiement des forces Eufor des 17 pays de l'Union européenne qui sont en train d'achever leur déploiement, bien sûr, ils sont mobilisés. Ils ont cherché depuis hier déjà, où étaient passés ses assassins.
Vous le disiez, ces attaques sont fréquentes, des dizaines de véhicules d'ONG ont été volés ces dernières années au Tchad. Mais on se demande pourquoi, cette fois-ci, les brigands ont tiré. Ce matin sur RTL, le ministre de l'Intérieur tchadien assure que P. Marlinge n'a pas été tué à cause de sa nationalité. Est-ce que, vous, vous êtes convaincu que cet humanitaire n'a pas été abattu parce qu'il était français ?
Je ne crois pas du tout mais je n'en sais rien, l'enquête le dira. Mais enfin, il conduisait le véhicule, je vous l'ai dit, d'une association anglaise très connue dans le monde entier "Save the children", une des plus grandes, une des plus efficaces, une des plus sérieuses des associations humanitaires. Il n'a pas eu le temps de parler. Il a été tué parce que, je crois - mais l'enquête le dira, encore une fois -, ils étaient pressés, agités, nerveux et qu'ils avaient peur. C'est tellement fréquent. Vous savez, heureusement, ce matin, nous avons eu l'annonce du retour d'un humanitaire qui travaillait en Haïti, qui avait été enlevé dans les mêmes circonstances par des "coupeurs de route", vendredi dernier. J.- M. Morin, lui, a été retrouvé, hier. Malheureusement, c'est monnaie courante. Malheureusement...
Vous en avez vous-même été victime lorsque vous étiez humanitaire ?
Des coupeurs de route, bien sûr, très souvent. Des gens qui volent, qui rodent, qui parfois tuent.Lorsqu'il y a beaucoup de misère, il y a des humanitaires ; lorsqu'il y a des Humanitaires, il y a un déploiement de matériel et de bonnes volontés qui suscitent des convoitises. C'est un cercle vicieux que nous connaissons bien.
Est-ce que la France, aujourd'hui, est une cible au Tchad avec le déploiement de militaires dans le cadre de l'Eufor, vous en parliez, et après l'affaire "Arche de Zoé", est-ce que la France est une cible ?
Ne mélangeons pas ces affaires-là, s'il vous plaît. S'il vous plaît ! Là, il s'agit d'un homme qui se dévouait depuis des années, qui savait ce que c'était que l'humanitaire et qui est mort dans des circonstances troubles. Alors, est-ce qu'on peut penser qu'il était visé parce que Français ? On peut penser ce qu'on veut, l'enquête le dira, mais je ne le crois pas, je ne le crois pas du tout. C'est nécessaire que le déploiement se fasse. L'Eufor va sécuriser la région le mieux possible. C'est une région gigantesque, il y a plusieurs centaines de kilomètres de frontière. Maintenant, faudra-t-il que les véhicules signalent leur déplacement et qu'ils soient accompagnés par des patrouilles militaires, c'est possible. Je crois que très vite, dans les jours qui viennent, on le saura. Moi, je pense surtout à sa famille, à tous les humanitaires qui trouvent très injuste, qui trouvent scandaleux, qui trouvent inacceptable cet assassinat, et je suis de ceux-là.
Donc, vous demandez des précautions supplémentaires aux humanitaires mais pas à un retrait du Tchad ?
Sûrement pas. Mais c'est parce qu'il y a un besoin extraordinaire. Demandez aux amis de P. Marlinge s'ils veulent se retirer, ils ne veulent pas, ils connaissent les risques, hélas de plus en plus importants, pour des raisons qui tiennent à une misère de plus en plus importante, à une nécessité d'aider, d'être au côté des populations, de plus en plus criante.
Vous êtes rentré hier d'une tournée en Colombie, Equateur, Venezuela. Est-ce que vous revenez avec un peu plus d'espoir pour la libération d'I. Bétancourt ? Ou bien, finalement, vous êtes chaque jour, encore plus pessimiste ?
Non. Je ne suis pas très optimiste mais je crois que ce que nous avons fait en reprenant contact avec les trois pays, avec les trois présidents, avec monsieur Uribe le Colombien, avec monsieur Correa l'Equatorien, avec monsieur Chavez, le président du Vénézuela, c'était notre travail parce que nos contacts avaient été coupés, vous le savez. Six otages - c'est déjà énorme, depuis plusieurs années, c'est ce que nous cherchions -, six otages avaient été libérés. Théoriquement, la libération devait comprendre I. Bétancourt et les quatre derniers otages civils. Et maintenant, il nous faut reprendre le fil de nos contacts, de nos espoirs, et malheureusement - hélas, aussi - de nos désespoirs souvent. Alors, je crois que ça a été très utile, nous verrons bien si je me trompe dans quelques jours ou quelques semaines.
Est-ce que finalement, lorsque vous êtes sur place, vous ne vous dites pas l'implication personnelle, médiatique de N. Sarkozy complique peut-être aussi un peu la situation ?
Moi, ce que je dis, c'est qu'avant N. Sarkozy, presque personne ne s'en occupait. Je sais que M. de Villepin avait essayé de sauver madame Betancourt et ça n'avait pas marché. Et ce qui est très, très, très important, c'est que maintenant toute l'Amérique latine, je l'ai vu auprès de ses trois présidents, mais pas seulement les présidents, l'administration autour, et dans les rues, les gens qui savent ce que nous faisons, qui nous applaudissent. Mais ce n'est pas ça qui compte, c'est que par exemple, à Lima, il y a une réunion de l'Union européenne ...
...Où sera F. Fillon dans quelques jours.
Eh bien tout le monde parlera des otages et maintenant, ça concerne toute l'Amérique latine. D'ailleurs, ça concerne le monde entier : est-ce qu'on va accepter que des civils, que des gens qui passaient par là, puissent être gardés dans des conditions épouvantables, indignes de l'humanité, indignes des gens qui le font, pendant plusieurs années ?
Merci B. Kouchner ! Vous étiez en direct de Londres et vous étiez l'invité de RTL ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 mai 2008