Conférence de presse de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, notamment sur les relations de l'Union européenne avec la Serbie, la Russie, le Proche-Orient et l'Irak et sur la Zone euro et le déficit budgétaire français, à Luxembourg le 29 avril 2008.

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Circonstance : Conseil affaires générales et relations extérieures, à Luxembourg le 29 avril 2008

Texte intégral

Le principal résultat de cette journée est que nous avons réussi à signer un accord de stabilisation et d'association avec la Serbie, ce dont nous nous félicitons.
Cet accord, le Conseil en a décidé, doit être soumis à la ratification des parlements nationaux et il est prévu que cette ratification n'interviendra qu'au vu du constat unanime par le Conseil que la Serbie coopère pleinement avec le Tribunal pénal international.
Il est prévu également que cet accord puisse entrer en vigueur avant le 1er juillet, dès lors qu'il aura été constaté dans les contacts entre le TPIY et la Serbie, que cette coopération de la Serbie aura été avérée. Je dois dire que c'est un événement extrêmement important qui s'est déroulé aujourd'hui. C'est un pas important qui a été fait à l'égard de la Serbie, en vue de la reconnaissance de sa vocation européenne, afin que tous ceux qui, en Serbie, expriment des attentes à l'égard de l'Europe, ne soient pas déçus.
Comme vous le savez, il y avait des positions différentes, notamment de la part de nos amis néerlandais et belges. Compte tenu des efforts qui ont été conduits ce week-end, notamment par Bernard Kouchner, je crois que nous ne pouvons que nous en féliciter car la France a pris une grande responsabilité et de multiples initiatives, notamment lors des derniers jours et des dernières heures, par l'intermédiaire de Bernard Kouchner pour que cet accord puisse être signé aujourd'hui.
L'autre sujet abordé de manière également approfondie a été notre partenariat avec la Russie.
Un certain nombre de progrès importants ont été notés. Nous avons pu prendre en compte plusieurs des soucis légitimes exprimés par nos amis lituaniens, notamment dans le domaine énergétique.
Sur certains point, notamment sur les questions régionales et sur les "conflits gelés", le ministre des Affaires étrangères de Lituanie doit revenir vers ses autorités pour voir dans quelle mesure on peut trouver des formulations qui permettent que le mandat soit définitivement approuvé.
Des consultations en vue de l'adoption de ce mandat, et l'on espère qu'il sera adopté d'ici le prochain Conseil, auront lieu à Vilnius avec le déplacement que doit y faire le président du Conseil, M. Rupel pour essayer de trouver les bonnes formulations. Je dois dire qu'en ce qui nous concerne, nous avons, comme la Commission européenne et comme la très grande majorité des délégations, exprimé nos regrets de n'avoir pas pu définitivement conclure aujourd'hui. Mais enfin ceci, nous espérons, que c'est une affaire de quelques jours ou de quelques semaines.
Voilà pour les deux principaux points qui ont été à l'ordre du jour.
A signaler aussi que Javier Solana nous a rendu compte, avec Benita Ferrero-Waldner, de la mission qui a été conduite au Pakistan. C'est particulièrement important, compte tenu des élections qui sont intervenues. Le nouveau gouvernement pakistanais, et nous nous en félicitons, est un gouvernement de grande coalition. On s'est aperçu de l'importance du rôle de l'Union européenne au Pakistan, du rôle de stabilisation qu'elle pouvait jouer, du rôle qui a été joué par l'Union européenne, notamment en ce qui concerne la surveillance du processus électoral. Tous les membres du Conseil ont souligné l'importance de la présence de l'Union européenne dans la région et en Afghanistan, et au Pakistan. Les deux présences sont liées et il doit y avoir une convergence d'approche entre ces présences.
Nous aborderons également le sujet de la piraterie maritime.
De ce point de vue-là, comme vous le savez, avec l'Espagne, nous souhaitons qu'il y ait une action conduite de manière plus efficace en ce qui concerne la piraterie maritime. Nous en avons été victimes avec Le Ponant. Les Espagnols en ont été victimes avec un autre navire, et nous souhaitons qu'il puisse y avoir une extension des poursuites lorsque des faits sont commis dans des eaux territoriales ou lorsque les pirates trouvent refuge dans des eaux territoriales, qu'il puisse y avoir continuité des poursuites entre la haute mer et les eaux territoriales.
Nous souhaitons également qu'il y ait une protection accrue pour les bateaux transportant des vivres pour des fonds alimentaires mondiaux, notamment dans ces zones d'Afrique, et nous souhaitons également qu'il y ait des mécanismes de prévention plus importants qui soient mis en oeuvre.
Ce qui est important pour la France, et nous l'avons souligné, c'est qu'il y ait une convergence entre l'approche européenne et la proposition de résolution que nous avons faite conjointement avec les Etats-Unis aux Nations unies et qui devrait déboucher dans les prochains jours. Nous soulignons donc auprès de nos partenaires l'importance de la cohérence des actions entreprises, et au niveau européen, et dans l'enceinte des Nations unies, car nous avons bon espoir, avec le soutien de nos partenaires européens, mais aussi d'autres, de voir cette résolution contre la piraterie maritime aboutir dans les prochains jours.
Voilà ce que je souhaitais souligner en guise d'introduction. Maintenant je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Q - Vous avez évoqué la date du 1er juillet pour l'entrée en vigueur de l'accord de stabilisation et d'association avec la Serbie : quelle est la valeur de la date du 1er juillet ?
R - La valeur de cette date est indicative, pour le moment, mais nous pensons qu'elle peut avoir une valeur normative, dès lors que nous estimons que les contacts qui vont intervenir entre le président du Tribunal, le Procureur général du Tribunal international, le juge Brammertz et les autorités serbes, permettront de démontrer qu'il y a bien une coopération.
Q - Et le Proche Orient, et l'Irak ?
R - Oui, sur le Proche-Orient il y a eu également un échange de vue où nous avons souligné, d'une part l'importance de la conférence qui doit avoir lieu à Berlin pour que l'Europe soit plus présente pour ce qui est de la sécurité et puisse renforcer les moyens de police de l'autorité palestinienne. Il a été indiqué que nous étions pleinement engagés dans le cadre de la suite du processus d'Annapolis et de la Conférence de Paris, et nous souhaitons aussi qu'Israël donne des signes en ce qui concerne les ouvertures à faire sur Gaza : d'une part le démantèlement des colonies et d'un certain nombre de points de contact et d'autre part que la situation à Gaza - qui, vous le savez, sur le plan humanitaire, est la plus grave de celles que nous ayons constatées depuis 1967 - puisse être améliorée.
Voilà ce qui a été indiqué aujourd'hui.
En ce qui concerne l'Irak, une conférence est prévue à Stockholm le mois prochain. Une conférence s'est tenue au Koweït, à laquelle a participé Bernard Kouchner. Au nom du ministre des Affaires étrangères et européennes, j'ai aujourd'hui mis l'accent sur le fait que nous devions faire en sorte que l'Union européenne soit plus visible sur le plan politique, qu'elle aide davantage au processus de réconciliation nationale entre les différentes parties irakiennes. Nous avons également indiqué qu'il appartenait aux Irakiens de prendre en mains leur destin et que, pour cela, il était absolument nécessaire qu'ils recouvrent leur pleine souveraineté.
Nous mettons beaucoup d'espoir dans le processus qui aura lieu à Stockholm. Au nom des autorités françaises, j'ai indiqué que nous serions prêts, au second semestre de cette année, à prendre également des initiatives au travers d'une conférence qui pourrait être organisée à Paris, pour que le processus de réconciliation nationale en Irak puisse encore être amélioré.
Q - (sur les propositions de M. Almunia concernant la gouvernance de la zone euro et sur les résultats économiques de la France).
R - Les propositions qui sont faites par la Commission européenne et par M. Almunia me semblent tout à fait adaptées. Je trouve que dans un désert d'initiative en ce domaine, le fait que la Commission prenne ses responsabilités, prenne un certain nombre d'orientations qui renforcent la coordination des politiques économiques dans le cadre de la zone euro, qui améliore la gouvernance de la zone euro, la visibilité de la zone euro, vont tout à fait dans le bon sens.
Je soutiens pleinement ces propositions. On n'a pas tellement de propositions à cet égard pour qu'on puisse se dispenser de bonnes initiatives, et je trouve qu'elles sont tout à fait adaptées.
Il est normal que vous ayez d'un côté une surveillance budgétaire et que vous ayez, de l'autre côté, notamment en ce qui concerne le Processus de Lisbonne, la conduite des réformes structurelles, l'inflation, les différences de compétitivité entre les Etats, que vous ayez des propositions qui renforcent également la surveillance économique. Ce qui est proposé par le commissaire Almunia va tout à fait dans le bon sens et j'espère que sous présidence française, nous pourrons pleinement exploiter les potentialités de ces propositions.
Q - Et sur les chiffres (de l'économie française) ?
R - Sur ces chiffres, sur le fait qu'il y ait un ralentissement de l'activité mondiale, qu'il y ait des effets de la crise financière, que nous nous trouvions dans une situation plus difficile, il n'y a rien de surprenant. On peut contester les différentes prévisions, on peut effectivement remarquer que les prévisions de la Commission ne sont pas en ligne avec les principales prévisions qui sont faites par les économistes de marché, notamment en ce qui concerne la France. On constate un certain décalage, ce n'est pas nouveau. Il y a toujours eu des décalages entre les prévisions de la Commission, celle des économistes de marché et celle des autorités françaises. Nous verrons bien à la fin. Nous sommes encore confiants sur le fait qu'un certain nombre de réformes et notamment celles qui sont contenues dans la Loi de modernisation économique (LME), permettront d'améliorer les prévisions de la Commission.
Quant au déficit, il est clair que nous devons y faire attention et que la maîtrise des finances publiques doit être un de nos objectifs majeurs. Sans maîtrise des finances publiques, et si nous devions dépasser ou atteindre les 3 %, nous nous trouverions dans une situation plus difficile que ce que nous escomptons et j'estime pour ma part, et je l'ai toujours dit, que la maîtrise des finances publiques et des déficits est un des éléments importants de notre crédibilité en tant que présidence française de l'Union européenne.
Evidemment, nous devons également, et la Commission européenne aussi, prendre en compte l'évolution de la situation économique. Mais les aspects cycliques ou conjoncturels sont déjà pris en compte dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.
Mais enfin nous devons rester vigilants en ce qui concerne la maîtrise des finances publiques. La Commission européenne est tout à fait dans son rôle lorsqu'elle pointe les risques afférents en ce domaine.
Q - Et sur la Russie, quels sont les progrès enregistrés, et quand aura lieu la visite de M. Rupel à Vilnius ?
R - Il y a eu des contacts entre M. Rupel et d'autres Etats membres d'ailleurs, et les autorités lituaniennes. Mais ce qui est important, c'est que l'on a pris en compte un certain nombre de demandes des autorités lituaniennes, notamment en ce qui concerne la solidarité et la sécurité énergétique. Dans le projet de mandat, on a également une attention particulière portée aux relations entre la Russie et ses voisins. Il y figure explicitement ce qui doit être relatif à la protection des Droits de l'Homme et à la normalité des relations que la Russie doit entretenir avec ses voisins et notamment, bien évidemment, est pris en compte dans le projet de mandat tout ce qui a trait à la solidarité que nous devons avoir avec les membres de l'Union et notamment avec les pays baltes qui sont voisins de la Russie. De ce point de vue-là, des progrès ont été faits.
Il y a d'autres demandes des autorités lituaniennes qui, tout en apparaissant légitimes, ne peuvent pas figurer dans le projet de mandat. La principale divergence est entre ce qui doit être dans le cadre d'un mandat pour mener des négociations et ce qui doit faire l'objet des négociations entre la Russie et l'Union européenne. Ce que nous avons expliqué à nos amis lituaniens, c'est qu'il fallait distinguer le mandat de ce qui devait être fait dans le cadre des négociations avec les autorités russes.
Nous avons tous bon espoir que la prochaine visite de la Présidence slovène en Lituanie permette d'aplanir ces difficultés.
Il y a différentes solutions que vous connaissez tous bien, par le biais de déclarations ou d'un certain nombre de procédures dont nous avons l'habitude dans le cadre de l'Union européenne, qui permettent de surmonter ces difficultés. Il faut aussi que nos amis lituaniens disent ce qui relève, à proprement parler de leurs difficultés domestiques, et ce qu'ils souhaitent dans le cadre de leur relation avec l'Union européenne dans un certain nombre de points, je pense à l'énergie. La France est très attentive à tout ce qui est sécurité énergétique et indépendance énergétique. Nous comprenons parfaitement les soucis des Lituaniens. Et ce qui relève du partenariat entre l'Union européenne et la Russie. Nous leur demandons de ne pas confondre les deux.
Voilà ce que je souhaitais vous indiquer. Je vous remercie de votre patience.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 mai 2008