Texte intégral
B. Duquesne.- Émission spéciale avec quatre personnes autour de la table dans ce studio : L. Parisot pour le Medef, F. Chérèque pour la CFDT, J. Dray pour le Parti socialiste et bien sûr P. Devedjian pour l'UMP. Bonjour à tous, merci d'être tous là dans ce studio. Alors avant de rentrer plus avant dans le fond, sur la forme et sur votre impression générale. Rapidement chacun d'entre vous, comment est-ce que vous l'avez trouvé tout simplement hier, N. Sarkozy ? Madame Parisot ?
L. Parisot : J'ai trouvé que le président de la République affichait une très grande volonté pour la France avec le désir ardent de mettre la France à la même vitesse que le monde d'aujourd'hui. Je l'ai trouvé en accord avec lui-même et j'ai eu le sentiment aussi qu'il était vraiment dans le réel et il me semble que tout ceci sont des signes positifs, encourageants et à mon avis pleins d'espoir pour les Français.
J. Dray ?
J. Dray : Je ne vais pas exactement approuver ce que vient de dire madame Parisot, ce n'est pas surprenant. Je pense qu'il y avait deux N. Sarkozy. Il y a le N. Sarkozy de la première demi-heure et là, il n'est vraiment pas bon. Parce qu'il est en difficulté. Alors, il récite des chiffres. Ça sert un peu de paravent. Il ne répond pas à la question qui est posée, qui était au coeur de sa campagne électorale : comment améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens, comment faire que ça aille mieux pour les fins de mois difficiles des 20 millions de salariés de notre pays ? Il ne répond pas sur la question des retraites. Alors après, il retrouve les allants de sa campagne électorale dans la deuxième partie de l'émission, donc il retrouve d'ailleurs tout l'argumentaire de sa campagne électorale, donc il redevient bon. À ce moment-là, il a des journalistes qui ne vont pas trop le chercher, donc ça lui permet évidemment d'avoir une deuxième partie d'émission plus à l'aise. Mais sur ce qui était les inquiétudes, les attentes, les angoisses qui sont exprimées depuis un an et d'un certain point de vue l'échec - parce que c'est ça qui est en cause - bien il n'y a pas de réponses, on n'est pas rassuré. Alors ceux qui n'avaient pas le moral - et ils sont beaucoup dans notre pays si on en croit les enquêtes d'opinion - n'ont pas forcément d'après moi retrouvé le moral au sortir de cette émission.
Monsieur Devedjian, le moral vous l'avez retrouvé si vous l'aviez perdu après cette émission ?
P. Devedjian : J'avais perdu... Vous savez, en politique il faut avoir un peu de coeur. Non, je l'ai trouvé vrai d'abord, authentique, s'expliquant avec beaucoup de simplicité. C'est vrai qu'il a parlé de chiffres, c'est parce qu'il est compétent et c'est bien ce qu'on attend du chef de l'État.
Il avait beaucoup préparé les questions ?
P. Devedjian : Oui, bien sûr. Visiblement il avait travaillé. D'abord c'est respecter les Français que de préparer une telle émission, bien sûr. Et alors, J. Dray dit : « Il n'a pas convaincu ». Moi je trouve qu'au contraire il a été d'une grande probité. Les Français ne sont pas idiots ; ils savent bien que les questions du pouvoir d'achat viennent de très loin, que ce n'est pas un problème qui vient d'un seul coup d'arriver, la dégradation du pouvoir d'achat. Il a d'ailleurs expliqué, J. Dray, l'origine des difficultés sur le pouvoir d'achat avec les 35 heures. J. Dray : Les 35 heures, c'est la tarte à la crème qu'on nous ressort depuis maintenant des années. P. Devedjian : Mais en même temps... On ne sort pas une tarte à la crème, malheureusement c'est une réalité et ça se constate dans les statistiques. J. Dray : Bien il fallait les abroger. Vous avez été cinq ans au pouvoir. P. Devedjian : Nous avons déjà démantelé mais il reste un engagement, que vous avez pris et qui coûte très cher au profit des entreprises et du patronat, en faveur des 35 heures, J. Dray. J. Dray : Les années passent mais c'est toujours les 35 heures. P. Devedjian : Ben oui, bien sûr, parce que ç'a durablement plombé l'économie française. Donc je l'ai trouvé vrai, je l'ai trouvé compétent et je l'ai trouvé aussi très présidentiel, en même temps avec beaucoup d'humilité parce que ce n'est pas facile. Les Français comprennent que ce n'est pas facile et je crois qu'il a su leur dire. En même temps, ils savent qu'on est dans la mondialisation, que depuis vingt ans on n'a pas fait les réformes qu'il fallait et que maintenant on est obligé de s'y coller.
F. Chérèque ?
F. Chérèque : Moi j'ai trouvé le président de la République dans un exercice de justification et, par moment même, de mea culpa. J'en ai compté neuf, des couacs, des erreurs, neuf fois. Et sur certains sujets, je ne l'ai pas trouvé convaincant. Parce que même s'il est compétent - je n'ai jamais douté sur ce fait-là - il était approximatif sur certains sujets et je pense qu'il faudrait y revenir. Je l'ai trouvé approximatif sur les retraites avec, je crois, une méconnaissance de la loi - je voudrais en parler ensuite. Sur les sans-papiers où il a confondu - et je pense que ce n'est pas une erreur parce qu'il l'a fait deux fois : naturalisation et droit de travailler. Et puis, il y a une phrase, moi, qui m'a inquiété, je vous le dis, personne ne l'a relevée mais une phrase qu'il a dit à la jeunesse. Je la cite : « Si on n'est pas inquiet quand on est jeune, alors on n'est pas jeune ». Et ça, ça m'a inquiété, moi, personnellement.
À la veille de mai 68 ou de mai 2008, ç'a de l'écho !
F. Chérèque : Oui, parce que pour moi la jeunesse, on dit qu'elle est insouciante normalement, la jeunesse elle a de l'espoir et on est train de le dire. J'ai comparé ça - je suis dur en le disant parce que pour moi ce qui se passe avec la jeunesse est un phénomène important. Tous les ans, on a des manifestations d'inquiétude et je me rappelle le président Chirac qui disait aux jeunes : « Je ne vous comprends pas ». Et là, il leur dit : « Mais c'est normal que vous soyez inquiets puisque vous êtes jeunes ». Non, il n'est pas normal que la jeunesse soit inquiète et la jeunesse a besoin d'un président de la République qui les écoute et qui essaye de comprendre leurs inquiétudes pour la dissiper.
P. Devedjian : Ecoutez ! Vous n'étiez pas inquiet quand vous étiez jeune, vous ?
F. Chérèque : Mais non je n'étais pas inquiet quand j'étais jeune ! Je n'étais pas inquiet ! Pourquoi les jeunes sont dans la rue ? Parce qu'ils ont peur de ne pas avoir du travail, ils ont peur de ne pas avoir de qualification. Ce n'est pas normal un pays moderne où la jeunesse a peur de son avenir et ça, ce n'est pas normal. Je pense que c'est un défaut de la société.
P. Devedjian, vous, vous étiez inquiet quand vous étiez jeune ?
P. Devedjian : Je crois... Je me souviens... J. Dray : C'était il y a longtemps, c'est pour ça.
C'est une bonne vanne !
P. Devedjian : Non. Je me souviens d'une jeunesse plutôt angoissée. J'aime bien ce que dit Nizan : « J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie ».
J. Dray : Moi je ne suis pas d'accord parce que quand j'avais 20, ans on avait l'impression - en tout cas, ma génération - on avait l'impression, comme on disait, qu'on avait la vie devant nous et qu'elle était belle. Et je comprends effectivement les difficultés aujourd'hui d'un certain nombre de jeunes et je trouve effectivement que dans ce passage-là, alors si vraiment il y a un moment...
P. Devedjian : Vous manifestiez quand même.
J. Dray : Oui, mais on manifestait parce qu'on pensait qu'il y avait plein de choses qui allaient se passer dans le monde. Je voulais juste dire s'il y a un passage effectivement qui est assez bizarre dans l'émission du président de la République, c'est ce moment où il parle aux jeunes et où il parle justement aux jeunes qui, y compris, manifestent, en méconnaissant d'ailleurs la réalité. C'est d'ailleurs un élément de cette émission : c'est-à-dire qu'il parle souvent à partir... ses sources sont souvent des sources journalistiques. C'est-à-dire qu'il parle à partir des articles qu'il lit dans la presse.
Vous l'avez trouvé un peu déconnecté.
J. Dray : Et donc j'ai eu le sentiment d'un président qui vivait la France à travers tout ce que disait la presse de la France. Peut-être qu'il faut qu'il retourne sur le terrain aussi.
L. Parisot, votre jeunesse, et dans votre jeunesse, l'inquiétude.
L. Parisot : Je n'avais pas d'inquiétude. J'avais une immense confiance et tous mes copains et copines avaient cette même vision de l'avenir et je crois que c'est effectivement une caractéristique et un drame et un phénomène majeur de notre société française d'aujourd'hui : c'est que les nouvelles générations sont extraordinairement inquiètes pour l'avenir et elles ont raison d'être inquiètes. Inquiétude sur les retraites, inquiétude sur est-ce qu'on va être capable de sauver la planète. Mais justement...
Justement quoi ? La réponse c'est la réforme ?
L. Parisot : Justement, le président de la République dit : « Les jeunes sont inquiets ». Moi je dis, et vous dites tous là ce matin qu'ils ont raison de l'être et le Président dit : « C'est pour ça que peut-être comme jamais nous sommes tous en train d'engager des réformes pour pouvoir faire face à ces difficultés ». Et ces réformes, ce n'est pas que le Président qui engage ces réformes ; c'est nous-mêmes les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats avec le patronat quand par exemple nous modernisons le marché du travail ou bien quand nous adoptons une position commune pour instaurer enfin une vraie démocratie sociale. Les lignes bougent dans notre pays.
Le Président a rendu hommage d'ailleurs aux syndicats pour le travail qui se faisait. Il a dit que les syndicats n'avaient jamais autant bougé depuis la Libération dans la façon de revenir au dialogue social aujourd'hui.
L. Parisot : C'est le patronat.
Et le patronat. Il n'a pas dit le patronat mais...
L. Parisot : C'est pour ça que je l'ai dit.
F. Chérèque : Sur ce sujet-là, moi je suis d'accord sur le fait que depuis un an, c'est la première fois dans une histoire qui est assez longue où on arrive à avoir un espace d'autonomie des partenaires sociaux pour pouvoir négocier, pour pouvoir signer des accords. C'est un élément qui est à mener au crédit de l'évolution de la société française.
P. Devedjian : Oui, oui, bien sûr.
F. Chérèque : Je le rappelle, c'est simplement du fait d'une loi de janvier 2007. P. Devedjian : Et avec une vraie responsabilisation.
F. Chérèque : Après le drame du CPE qui avait été le ridicule du ridicule. Donc ça c'est une bonne chose. Et effectivement, on essaye d'amener nos résultats mais juste une précision. Je dis que normalement, les responsables politiques et syndicaux doivent essayer de comprendre l'inquiétude. Elle n'est pas normale, l'inquiétude des jeunes. Voilà. Je pense que c'est ça, et quand on a le sentiment qu'on estime normale l'inquiétude, ça veut dire qu'on n'essaye pas de la comprendre mais c'est angoissant pour les jeunes et ça ne répondra pas à leur attente.
Vous parlez de l'inquiétude. Il y avait beaucoup d'attentes vis-à-vis de cette intervention du président de la République, beaucoup d'attentes sur effectivement une meilleure lisibilité, une clarification des choix, des orientations, qu'on comprenne un peu mieux où on allait et où nous menaient toutes ces réformes. Est-ce que vous avez l'impression que cette attente a été satisfaite ou qu'au contraire, entre guillemets, ça a été un coup pour rien, cette affaire ?
P. Devedjian : Non, ça, je ne crois pas que ce soit un coup pour rien, mais en même temps ce n'est pas non plus une baguette magique. Je pense que la pédagogie qu'il a faite a été utile, heureuse, qu'elle aura des effets mais en même temps il faut continuer ce travail de pédagogie.
Parce qu'il y a assez peu d'annonces, quasiment pas. Le RSA, c'est tout.
P. Devedjian : Oui. Parce qu'on n'était pas dans cette exercice.
Et puis une longue litanie des réformes qui étaient déjà engagées.
J. Dray : Je pense que, si vous me permettez, c'était l'effet voulu. Je crois que délibérément les communicants et le président de la République avaient décidé de faire qu'il n'y ait pas d'effet d'annonce, parce qu'ils ne voulaient pas qu'on parle des effets et des mesures : ils voulaient simplement qu'on parle du style. Parce que l'essentiel de cette émission, on le voit bien, c'était d'essayer de faire endosser à N. Sarkozy les habits de président de la République pour qu'on puisse dire : « Il y est enfin, il a pris enfin la mesure de la fonction présidentielle ».
C'est ça. Vous avez l'impression effectivement qu'on avait un nouveau N. Sarkozy, président de la République, devant nous ?
J. Dray : Voilà. Je pense que tout l'exercice consistait à cela. Je pense d'ailleurs que dans les heures qui viennent, comme d'habitude, nous allons avoir un certain nombre de sondages qui vont nous dire que finalement les choses... Je vous donne à peu près le rendez-vous lundi, Le Figaro, Opinion Way - parce que j'ai l'habitude, ils nous ont fait ça pendant toute la campagne présidentielle - il va y avoir ce sondage Internet que tout le monde conteste mais ça fait rien, il va faire valeur de foi, et on va nous dire : « Il a pris la mesure des choses ». L'exercice voulu par les communicants, c'était celui-là. Alors j'ai entendu une expression qui était assez bonne hier soir d'un commentateur. On disait : « C'est comme au casino, le joueur qui veut se refaire ». Donc je pense peut-être qu'il s'est refait pour un temps dans l'opinion parce qu'il y a eu à nouveau cette énergie, cette volonté.
P. Devedjian : La France, ce n'est pas un jeu.
J. Dray : Voilà, c'est ce que j'allais dire. Vous avez fait ma conclusion : la France n'est pas un jeu.
P. Devedjian : Bien oui. C'est pour ça que je n'aime pas votre image.
J. Dray : Ce n'est pas moi qui l'ai employée.
Des réformes sur le front syndical et sur le fond de l'économie.
F. Chérèque : Attendez, sur le front des réformes, moi je ne suis pas celui qui suit contre le fait de faire des réformes. Je crois que je l'ai démontré plusieurs fois. Il annonce 55 réformes. C'est un peu anxiogène parce que quelles sont les priorités ? Quel est le sens ?
Mais il a dit : « Il ne faut pas hiérarchiser. Elles se tiennent toutes, la cohérence est là ».
F. Chérèque : Non, non. Quand on dit 55 réformes, il faut expliquer les priorités et le sens. Donc il y a une difficulté de compréhension de là où on va, donc cette difficulté demeure. Mais je prends l'exemple du RSA. Le RSA, la CFDT le soutient. On l'a toujours soutenu, c'est une idée qu'on a construit en commun avec M. Hirsch, avec d'autres syndicats dans une commission du dernier Gouvernement, donc ça c'est une bonne chose. Donc il dit : « Je vais mettre en oeuvre ». Très bien, mais je soulève un problème un problème que j'ai soulevé dans les débats qu'on a actuellement. Il nous dit : « On va financer en partie par un redéploiement de la Prime pour l'emploi ». Et ça, honnêtement ça m'inquiète. Pourquoi ? Qu'est-ce que c'est que la Prime pour l'emploi ? La Prime pour l'emploi, c'est un impôt positif, c'est-à-dire qu'on donne de l'argent au lieu d'en prendre à des salariés modestes qui sont au Smic en particulier, qui parfois touchent 100 euro par mois de prime pour l'emploi, ce qui leur fait un treizième mois. Là, on a annoncé une bonne nouvelle, le RSA, mais une mauvaise, selon moi : c'est qu'on va financer pour les plus pauvres leur accès au travail en enlevant de l'argent aux plus modestes qui sont les érémistes.
P. Devedjian, c'est ça ou pas ? Pour financer, on va prendre de l'argent aux pauvres pour en redonner aux pauvres ? C'est ça ?
F. Chérèque : Je vais jusqu'au bout. Attendez ! J'ai prévenu le Gouvernement que alors qu'on avait fait le bouclier fiscal pour les plus riches, donner ce sentiment qui est juste d'aider les plus pauvres en enlevant aux plus modestes, c'est une image qui va être détestable pour ces populations-là.
P. Devedjian : Je vais d'abord... La prime pour l'emploi, c'est la même philosophie que le RSA.
F. Chérèque : Je suis d'accord mais vous enlevez aux uns pour donner aux autres.
P. Devedjian : C'est plus facile d'ailleurs de soutenir le principe du RSA que d'en définir les modalités.
F. Chérèque : Je suis bien d'accord avec vous. Je suis bien d'accord avec vous.
P. Devedjian : C'est très utile. C'est très utile mais très compliqué.
Est-ce qu'on prend aux pauvres pour redonner aux pauvres, P. Devedjian ?
P. Devedjian : Non, ce que je dis... Premièrement, c'est la même philosophie : il s'agit d'encourager le travail. La Prime pour l'emploi, c'est un moyen qui a été inventé de manière assez simpliste. D'une certaine manière, l'État donne de l'argent à ceux qui reprennent l'emploi et qui sont à un petit niveau.
Donc grosso modo, supprimer la prime pour l'emploi quasiment.
P. Devedjian : Le RSA doit... L'objectif du RSA, c'est de poursuivre cet objectif, donc il ne s'agit pas de prendre aux uns pour donner aux autres, ce qui à ce moment-là évidemment est discutable.
J. Dray : C'est ce qu'il a dit. On va siphonner la Prime pour l'emploi pour permettre de financer le RSA. C'est le mécanisme qui a été annoncé hier, monsieur Devedjian.
P. Devedjian : Non ! Vous voulez ajouter un étage de plus aux multiples dispositifs sociaux existants qui sont de plus en plus illisibles, de plus en plus incompréhensibles dans leur complexité et qui coûtent en plus de plus en plus d'argent, alors qu'il s'agit d'être efficace.
J. Dray : Si vous le permettez, moi je suis dans la cohérence d'une politique nouvelle. Monsieur Devedjian, si vous me le permettez, je suis dans la cohérence des propos présidentiels. Il dit, ce auquel j'adhère moi, il dit : « La question du travail est la question essentielle. Il n'y a pas de création de richesse, il n'y a pas de travail ». D'accord. Et donc, il faut essayer de jouer...
P. Devedjian : C'est bien d'en être là maintenant.
J. Dray : Non, ça n'a jamais été... MOI Je n'ai jamais considéré qu'il fallait dire aux gens qu'on pouvait avoir que des bonnes choses en ne travaillant pas. Je ne suis pas de cette culture-là.
Il a dit que la France ne travaillait pas assez, que c'était son grand souci.
J. Dray : Ce n'est pas la France qui ne travaille pas assez. C'est qu'il y a beaucoup de salariés qui voudraient travailler et qui ne trouvent pas les réponses à leur demande, donc il faut faire attention.
P. Devedjian : Je voudrais rappeler à J. Dray qu'on a atteint le plus bas taux de chômage depuis 25 ans. Ça fait aussi partie du bilan.
J. Dray : Oui, mais il y a aussi les effets démographiques qui jouent. Nous savions tous que nous sommes dans ce qu'on appelle une... Mais ce que je voudrais dire, on est dans la philosophie du président de la République : il faut aider au maximum les gens à avoir des activités, à travailler sérieusement et donc il faut leur donner le sentiment que quand ils travaillent, ça sert à quelque chose. C'est ça la philosophie de la Prime pour l'emploi telle qu'elle a été mise en place, d'ailleurs je le signale par la gauche au départ, et voilà, le RSA est un complément par rapport aux gens qui sont au RMI.
Mais vous contestez le fait que l'un se substitut à l'autre.
J. Dray : Ce que je conteste, oui, parce que je conteste parce que ce qui ont la Prime pour l'emploi sont des salariés très modestes, ce sont des tous petits salaires et on leur donne un plus pour aller à la fin du mois. Et la question qui est posée, elle est simple : pourquoi on ne remet pas en cause le bouclier fiscal ? C'est-à-dire pourquoi justement pour financer...
P. Devedjian : Mais c'est 250 millions, ce n'est rien.
J. Dray : Pourquoi ne pas financer le RSA sur les 9 millions... 9 milliards plutôt d'avantages fiscaux qui ont été donnés à ce paquet fiscal, qui n'est pas une erreur de communication parce que le président de la République l'a dit...
P. Devedjian : Mais ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas vrai, J. Dray ! Vous savez bien que ce n'est pas vrai, ce que vous dites.
J. Dray : Il se trompe d'une chose : le problème du paquet fiscal, ce n'est pas un problème de communication. C'est un problème d'injustice et d'inefficacité.
La réponse de P. Devedjian et après madame Parisot.
P. Devedjian : D'abord, le bouclier fiscal, c'est 250 millions d'euros qui ont été distribués.
J. Dray : Non, c'est 9 milliards au total. C'est 9 milliards.
P. Devedjian : Non, le paquet fiscal c'est 9 milliards mais le bouclier fiscal, c'est 250 millions. Et sur les 9 milliards - sur les 9 milliards - il y a 5,5 milliards qui sont pour les heures supplémentaires. Vous voulez retirer 5,5 milliards pour les heures supplémentaires ?
J. Dray : Et sur les exonérations. Ça ne fonctionne pas ! Un rapport parlementaire l'a montré : il n'y a jamais eu... On est dans l'année où il y a le moins d'heures supplémentaires qu'aujourd'hui.
P. Devedjian : Vous plaisantez ! Plus 28 % par rapport à l'année dernière.
Madame Parisot, ces heures supplémentaires ? Ça marche ?
L. Parisot : Très sincèrement, je me demande comment les auditeurs peuvent comprendre parce qu'on est en train de décortiquer les choses par le petit bout de la lorgnette en oubliant la vision globale. La vision globale consiste à dire : « Attention ! La France est en perte de compétitivité » et j'apprécie que le président de la République ait plusieurs fois attiré l'attention des téléspectateurs sur le sujet. Nous sommes en perte de compétitivité parce que depuis des décennies, nous n'avons pas osé entreprendre un certain nombre de réformes de structures. Réforme, ce n'est pas forcément quelque chose de négatif ; réforme ça veut dire se mettre au diapason du monde, au diapason de la modernité. Et il y a effectivement beaucoup de réformes qui ont été engagées dès l'élection du président de la République. Il y en a que je trouve bien, il y en a que je trouve moins bien mais ce que je sais, c'est que nous avançons. D'autre part, il y a une autre chose qui est fondamentale. C'est qu'il est vrai que la France ne produit pas une quantité de travail suffisante.
Notamment sur les seniors comme l'a dit et rappelé encore le président hier.
L. Parisot : Et vous avez raison, B. Duquesne, il y a plusieurs angles d'attaque à partir de là, Sur le taux d'activité des seniors, il y a une complicité État, patronat, syndicats depuis des années sur le sujet. Je suis contente de voir qu'enfin, on a tous décidé de passer à autre chose. Deuxièmement, un manque de travail parce que nous avons connu un taux de chômage très élevé, anormalement élevé depuis des années. Est-ce qu'on ne pourrait pas de temps en temps dire : « Chouette ! Il y a des bonnes nouvelles en France. Le chômage baisse et baisse régulièrement ». Troisièmement, oui, pardon J. Dray, mais les 35 heures c'est une catastrophe ! C'est une catastrophe qu'on paye encore aujourd'hui.
20 milliards, a dit le chef de l'État hier soir. C'est ça ?
L. Parisot : Et heureusement, progressivement, on est en train de se défaire - on est en train de se défaire de ce quelque chose qui nous a miné et qui nous mine encore.
J. Dray, et après, je voudrais bien qu'on parle des retraites.
L. Parisot : Attendez, dernière chose.
J. Dray : Si vous me permettez madame Parisot, dire que - c'est amical - que si l'Élysée a besoin de renforcer son service de communication, je pense que vous pouvez postuler à ce poste avec talent et intelligence.
L. Parisot : Je ne postule à rien !
J. Dray : Parce que je n'ai jamais vu un aussi bon plaidoyer pour l'action du Gouvernement.
Et vous dites ça à monsieur Devedjian !
J. Dray : Voilà, je vous le dis mais finalement, s'il y a des problèmes de communication... P. Devedjian : C'est peut-être parce qu'il y a des données objectives.
L. Parisot : J. Dray, attendez...
J. Dray : Non, c'était amical, je voudrais juste revenir à l'essentiel.
L. Parisot : Je sais que c'est amical. Je voudrais juste vous dire une chose. Je peux aussi vous dire qu'il y a des choses sur lesquelles je ne suis pas d'accord, mais je trouve que la tonalité générale que nous avons tous en ce moment dans les commentateurs politiques et autres de voir les choses excessivement en noir, il y a effectivement de quoi ne pas avoir le moral tous les jours le matin. Il y a aussi une lumière au bout du tunnel.
Si vous le permettez après, sur les retraites. Sur les 41 annuités, je voudrais qu'on y vienne.
J. Dray : Vous savez, moi je fais de la politique depuis un certain temps. Le coup de la "lumière au bout du tunnel", je le connais. Je me rappelle, j'ai commencé la politique avec un Premier ministre qui s'appelait Raymond Barre qui nous disait : « Nous sommes à la sortie du tunnel ». Donc, ça fait 30 ans qu'on annonce à un certain nombre de salariés de ce pays qu'il faut qu'il se serre la ceinture, il y a toujours un mieux. Vous savez, il y a un proverbe maoïste qui dit : « La route est sinueuse mais l'avenir est radieux ». Voilà, vous voyez.
L. Parisot : Ça, c'est des références que je n'ai pas !
J. Dray : Moi non plus, ce n'est pas mes références mais c'est juste pour vous dire la culture chinoise communicative. Je voudrais juste finir. Quand vous dites qu'il y a des mauvaises nouvelles, mais il y a des mauvaises nouvelles, elles ne sont pas inventées. C'est la réalité vécue par des millions de travailleurs dans ce pays.
L. Parisot : Oui, je suis bien d'accord.
J. Dray : Je veux dire que c'est la réalité vécue par ceux qui sont des salariés modestes, parce que ce sont des travailleurs précaires. Donc c'est ça la question, et la question qu'on attendait, parce que c'est ça le fond de l'affaire, c'est qu'il y a eu une campagne présidentielle avec des engagements très importants qui ont suscité l'espoir. Pourquoi la déception est forte dans le pays ? Parce qu'il y a eu un président de la République, le sentiment - il avait réussi cela, moi je le reconnais - il avait donné le sentiment qu'il allait faire bouger les choses.
P. Devedjian : Maintenant. Vous ne l'avez pas dit à ce moment-là.
J. Dray : Non, je ne l'avais pas dit à ce moment-là parce que je n'y croyais pas et finalement, j'avais raison d'être prudent. Regardez ce qui s'est passé cette année.
L. Parisot : Je pense que l'erreur, c'est de ne pas savoir expliquer - et c'est une erreur que j'ai entendue de la part de beaucoup de gouvernements - que les choses, à partir du moment où on les décide, il faut aussi le temps de la mise en oeuvre et ensuite il faut le temps des résultats.
J. Dray : Ça s'appelle la pédagogie de la réforme. J'ai connu aussi ça, c'est une technique classique.
Alors un peu de concret sur les 41 annuités si vous voulez bien, madame Parisot, et puis sur ce détail des circonstances dans lesquelles un chômeur va être amené à retrouver du boulot. Ne pas pouvoir accepter, enfin refuser, plus de deux offres d'emploi, à une certaine distance de son domicile, etc. Le chef de l'État a été assez précis là-dessus. Est-ce que ça vous a plu ça, monsieur Chérèque ?
F. Chérèque : Sur les 41 annuités. Tout d'abord, le président de la République, selon moi, a démontré qu'il ne connaissait pas la loi de 2003. Je tiens à préciser là-dessus : il a même fait une allusion que ceux qui s'étaient engagés oubliaient leur engagement. Je n'oublie pas l'engagement de la CFDT sur cette loi. La loi sur les 41 annuités je l'ai là, elle est très claire. Elle dit qu'effectivement on doit déclencher le passage à 41 ans à partir de l'année prochaine, sauf si un décret diffère ce passage-là et un des paramètres qui peut nous permettre de différer ce passage-là, c'est justement l'emploi des seniors. Donc je voudrais qu'aujourd'hui le Premier ministre et le président de la République respectent au minimum la loi de 2003. Après, il y aura une décision de prise mais au moins qu'on donne la possibilité...
Vous restez sur votre position : tant que les seniors ne seront pas mieux employés en France, ce n'est pas la peine d'allonger la durée du travail.
F. Chérèque : Écoutez, et là je voudrais faire écho à ce qu'a dit madame Parisot. En 2003, un des éléments qui était de réussite de cette loi, c'était l'emploi des seniors. L'emploi des seniors. Pour cette raison, on avait mis fin à la mise à la retraite d'office et on s'était engagé y compris avec le patronat de réduire les préretraites. Je pense qu'il n'y a pas eu respect de cet engagement et à la demande d'une partie du patronat, le Parlement était revenu sur cet engagement-là. Donc on ne peut pas aujourd'hui nous faire le reproche à nous, syndicats, sur ce sujet-là alors qu'il n'y a pas eu respect.
P. Devedjian : Il n'y a pas de reproches à l'égard des syndicats.
F. Chérèque : Écoutez, si. Hier le président de la République a reproché très précisément d'avoir oublié cet engagement.
P. Devedjian : On est tous responsables de cette situation.
F. Chérèque : Non, non. Je rappelle au président de la République que l'engagement, c'était de re-débattre de ça. Donc je souhaite simplement qu'on en re-débatte et qu'on diffère ce passage-là, donc première chose. Pour l'autre...
Ça ne vous a pas plu, l'intervention d'hier là-dessus. Ça vous a un peu énervé.
F. Chérèque : Non ça ne m'a pas plu, écoutez ! Ça m'a un peu énervé. Quand une organisation comme la CFDT s'engage sur une réforme et que le président de la République donne le sentiment qu'on l'a oublié, je peux dire non.
P. Devedjian : Mais non !
F. Chérèque : Je l'ai entendu comme ça, s'il vous plaît.
Vexé ?
F. Chérèque : Non, non, pas vexé. Je remets les choses au point ce matin.
P. Devedjian : Il a un grand respect pour la CFDT et le courage qu'elle a montré à ce moment-là.
F. Chérèque : Deuxième chose : sur l'offre valable d'emploi pour les chômeurs. Il y a maintenant une dizaine d'années avec le Medef, on avait passé un accord sur le problème de l'offre valable d'emploi qui avait été refusé par le gouvernement Jospin. Donc c'est très précis, donc ce n'est pas partisan ce que je vais dire là. La proposition, c'était que le chômeur passe un contrat avec le service public de l'emploi, que de ce contrat on tire quelle est l'offre valable d'emploi pour chaque chômeur qui ne peut pas être identique en fonction du chômeur. On ne donne pas les mêmes orientations pour une personne seule avec des enfants qui travaille à temps partiel, qu'avec un cadre célibataire qui a la possibilité de bouger. On demande simplement que la loi prévoie qu'il y ait un contrat entre le chômeur et le service public, que le service public s'engage à accompagner le chômeur et que le chômeur s'engage à prendre les emplois qu'on lui propose. Voilà. Et ce n'est pas du tout l'orientation que nous donne le Président.
Un mot de madame Parisot, là-dessus, sur ces offres valables d'emploi, et puis sur ce cumul emploi / retraite qui a été aussi évoqué de façon plus systématique par le chef de l'État.
L. Parisot : Sur l'offre valable d'emploi, je ne suis pas très éloignée de la position de F. Chérèque. Nous avions d'ailleurs voulu introduire ce dispositif dans la négociation, en tout cas discuter de ce type de dispositif dans la négociation sur la modernisation du marché du travail au mois de janvier. Je pense qu'entre la CFDT et le Medef, nous aurions pu trouver un accord mais d'autres n'ont pas voulu. Donc malheureusement, ce n'est pas par le contrat qu'on peut avancer sur ce dossier. Il est vrai qu'il y a certains types d'abus et qu'il faut y mettre fin, mais ce n'est pas plus que ça et je pense aussi qu'il faut introduire les nuances que vient de proposer F. Chérèque.
J. Dray : Moi je voudrais juste dire, si vous me permettez - et ça me permettra de montrer que je ne suis pas sectaire - que je suis d'accord avec ce que vient de dire madame Parisot, et je pense qu'il faut que le président de la République fasse attention. Parce qu'évidemment c'est populaire ce qu'il est en train de faire. Personne ne peut dire : « Alors vous comprenez, un chômeur deux fois on lui propose un travail, il refuse. Il préfère rester au chômage ». Evidemment, ceux qui travaillent ils se disent : « Attendez, moi je me lève tôt le matin, je travaille, je fais des efforts et les autres, ils se la coulent douce ». Je pense que c'est très dangereux parce que c'est une opposition qui pour une part est factice. Il y a des abus, il faut les sanctionner, mais il ne faut pas désigner à vindicte populaire les chômeurs parce qu'il y a beaucoup de gens qui voudraient bien travailler. Moi je les ai dans mes permanences et ils me disent : « On est prêt à accepter même n'importe quoi pour s'en sortir ».
L'heure tourne. Je voudrais juste un petit mot de chacun si on y arrive sur cette phrase que dit N. Sarkozy vers la fin de son intervention : « Je sais où je vais ». Est-ce que vous avez l'impression, à l'issue de cette heure et demie d'émission, qu'il sait où il va et surtout que nous, on sait où va la France ?
P. Devedjian : Oui. Elle est expliquée par une autre phrase qu'il a dit au préalable sur le fameux débat de savoir si on fait les réformes les unes derrière les autres ou on se les fait toutes ensemble. Il a dit : « On n'a pas le choix parce que jusqu'à maintenant, tous les gouvernements qui nous ont précédés ont reculé devant la difficulté des réformes et aujourd'hui, face au défi de la mondialisation, on est acculé. Il faut qu'on les fasse toutes ensemble. Et donc je sais où je vais : je veux réformer tout de suite et globalement la France pour la mettre de plain-pied avec le défi de la mondialisation ».
F. Chérèque : Moi je crois qu'il faut encore faire beaucoup de pédagogie. Je prendrai simplement, je ferai allusion simplement à la réforme de l'État où globalement s'il y a une grande inquiétude actuellement, par exemple chez les fonctionnaires, c'est que cette réforme de l'État elle est faite en catimini et pas expliquée, et si on veut que les citoyens et les salariés adhèrent à des réformes, il faut donner un peu plus de sens et on manque encore beaucoup de sens dans notre pays sur ces sujets-là.
Hier soir n'a pas suffi. J. Dray ?
J. Dray : Je crois que cette émission, elle va rester. Elle va rester, elle va faire date parce que c'est finalement la conversion de N. Sarkozy à un certain nombre de dogmes libéraux. Il a assumé cela. Mais ce n'était pas ça le sens de sa campagne électorale au départ. Donc effectivement, ces réformes elles sont inquiétantes pour beaucoup de salariés, pour beaucoup de gens qui sont en difficulté dans le pays.
Madame Parisot ?
L. Parisot : Je pense que nous avons un président de la République qui bosse, qui bosse énormément. Moi je peux vous dire...
J. Dray : Personne ne le conteste, tout le monde travaille. Personne ne conteste le fait de travailler.
Il n'est pas aux 35 heures, vous voulez dire.
L. Parisot : Je pense qu'il me semble que ça fait longtemps qu'on n'a pas eu un tel engagement au sommet de l'État.
J. Dray : Vous êtes méchante avec monsieur Chirac.
L. Parisot : Je voudrais juste terminer sur un autre sujet que l'économique et le social, parce qu'il a parlé aussi de beaucoup d'autres choses : ce qu'il a dit à propos des Talibans et la façon dont il l'a dit. Moi j'ai trouvé ça absolument formidable.
Merci beaucoup, merci à vous tous. Merci à L. Parisot, à F. Chérèque, à J. Dray et à P. Devedjian d'être venus ce matin réagir à cette intervention hier soir du chef de l'État.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 avril 2008
L. Parisot : J'ai trouvé que le président de la République affichait une très grande volonté pour la France avec le désir ardent de mettre la France à la même vitesse que le monde d'aujourd'hui. Je l'ai trouvé en accord avec lui-même et j'ai eu le sentiment aussi qu'il était vraiment dans le réel et il me semble que tout ceci sont des signes positifs, encourageants et à mon avis pleins d'espoir pour les Français.
J. Dray ?
J. Dray : Je ne vais pas exactement approuver ce que vient de dire madame Parisot, ce n'est pas surprenant. Je pense qu'il y avait deux N. Sarkozy. Il y a le N. Sarkozy de la première demi-heure et là, il n'est vraiment pas bon. Parce qu'il est en difficulté. Alors, il récite des chiffres. Ça sert un peu de paravent. Il ne répond pas à la question qui est posée, qui était au coeur de sa campagne électorale : comment améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens, comment faire que ça aille mieux pour les fins de mois difficiles des 20 millions de salariés de notre pays ? Il ne répond pas sur la question des retraites. Alors après, il retrouve les allants de sa campagne électorale dans la deuxième partie de l'émission, donc il retrouve d'ailleurs tout l'argumentaire de sa campagne électorale, donc il redevient bon. À ce moment-là, il a des journalistes qui ne vont pas trop le chercher, donc ça lui permet évidemment d'avoir une deuxième partie d'émission plus à l'aise. Mais sur ce qui était les inquiétudes, les attentes, les angoisses qui sont exprimées depuis un an et d'un certain point de vue l'échec - parce que c'est ça qui est en cause - bien il n'y a pas de réponses, on n'est pas rassuré. Alors ceux qui n'avaient pas le moral - et ils sont beaucoup dans notre pays si on en croit les enquêtes d'opinion - n'ont pas forcément d'après moi retrouvé le moral au sortir de cette émission.
Monsieur Devedjian, le moral vous l'avez retrouvé si vous l'aviez perdu après cette émission ?
P. Devedjian : J'avais perdu... Vous savez, en politique il faut avoir un peu de coeur. Non, je l'ai trouvé vrai d'abord, authentique, s'expliquant avec beaucoup de simplicité. C'est vrai qu'il a parlé de chiffres, c'est parce qu'il est compétent et c'est bien ce qu'on attend du chef de l'État.
Il avait beaucoup préparé les questions ?
P. Devedjian : Oui, bien sûr. Visiblement il avait travaillé. D'abord c'est respecter les Français que de préparer une telle émission, bien sûr. Et alors, J. Dray dit : « Il n'a pas convaincu ». Moi je trouve qu'au contraire il a été d'une grande probité. Les Français ne sont pas idiots ; ils savent bien que les questions du pouvoir d'achat viennent de très loin, que ce n'est pas un problème qui vient d'un seul coup d'arriver, la dégradation du pouvoir d'achat. Il a d'ailleurs expliqué, J. Dray, l'origine des difficultés sur le pouvoir d'achat avec les 35 heures. J. Dray : Les 35 heures, c'est la tarte à la crème qu'on nous ressort depuis maintenant des années. P. Devedjian : Mais en même temps... On ne sort pas une tarte à la crème, malheureusement c'est une réalité et ça se constate dans les statistiques. J. Dray : Bien il fallait les abroger. Vous avez été cinq ans au pouvoir. P. Devedjian : Nous avons déjà démantelé mais il reste un engagement, que vous avez pris et qui coûte très cher au profit des entreprises et du patronat, en faveur des 35 heures, J. Dray. J. Dray : Les années passent mais c'est toujours les 35 heures. P. Devedjian : Ben oui, bien sûr, parce que ç'a durablement plombé l'économie française. Donc je l'ai trouvé vrai, je l'ai trouvé compétent et je l'ai trouvé aussi très présidentiel, en même temps avec beaucoup d'humilité parce que ce n'est pas facile. Les Français comprennent que ce n'est pas facile et je crois qu'il a su leur dire. En même temps, ils savent qu'on est dans la mondialisation, que depuis vingt ans on n'a pas fait les réformes qu'il fallait et que maintenant on est obligé de s'y coller.
F. Chérèque ?
F. Chérèque : Moi j'ai trouvé le président de la République dans un exercice de justification et, par moment même, de mea culpa. J'en ai compté neuf, des couacs, des erreurs, neuf fois. Et sur certains sujets, je ne l'ai pas trouvé convaincant. Parce que même s'il est compétent - je n'ai jamais douté sur ce fait-là - il était approximatif sur certains sujets et je pense qu'il faudrait y revenir. Je l'ai trouvé approximatif sur les retraites avec, je crois, une méconnaissance de la loi - je voudrais en parler ensuite. Sur les sans-papiers où il a confondu - et je pense que ce n'est pas une erreur parce qu'il l'a fait deux fois : naturalisation et droit de travailler. Et puis, il y a une phrase, moi, qui m'a inquiété, je vous le dis, personne ne l'a relevée mais une phrase qu'il a dit à la jeunesse. Je la cite : « Si on n'est pas inquiet quand on est jeune, alors on n'est pas jeune ». Et ça, ça m'a inquiété, moi, personnellement.
À la veille de mai 68 ou de mai 2008, ç'a de l'écho !
F. Chérèque : Oui, parce que pour moi la jeunesse, on dit qu'elle est insouciante normalement, la jeunesse elle a de l'espoir et on est train de le dire. J'ai comparé ça - je suis dur en le disant parce que pour moi ce qui se passe avec la jeunesse est un phénomène important. Tous les ans, on a des manifestations d'inquiétude et je me rappelle le président Chirac qui disait aux jeunes : « Je ne vous comprends pas ». Et là, il leur dit : « Mais c'est normal que vous soyez inquiets puisque vous êtes jeunes ». Non, il n'est pas normal que la jeunesse soit inquiète et la jeunesse a besoin d'un président de la République qui les écoute et qui essaye de comprendre leurs inquiétudes pour la dissiper.
P. Devedjian : Ecoutez ! Vous n'étiez pas inquiet quand vous étiez jeune, vous ?
F. Chérèque : Mais non je n'étais pas inquiet quand j'étais jeune ! Je n'étais pas inquiet ! Pourquoi les jeunes sont dans la rue ? Parce qu'ils ont peur de ne pas avoir du travail, ils ont peur de ne pas avoir de qualification. Ce n'est pas normal un pays moderne où la jeunesse a peur de son avenir et ça, ce n'est pas normal. Je pense que c'est un défaut de la société.
P. Devedjian, vous, vous étiez inquiet quand vous étiez jeune ?
P. Devedjian : Je crois... Je me souviens... J. Dray : C'était il y a longtemps, c'est pour ça.
C'est une bonne vanne !
P. Devedjian : Non. Je me souviens d'une jeunesse plutôt angoissée. J'aime bien ce que dit Nizan : « J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie ».
J. Dray : Moi je ne suis pas d'accord parce que quand j'avais 20, ans on avait l'impression - en tout cas, ma génération - on avait l'impression, comme on disait, qu'on avait la vie devant nous et qu'elle était belle. Et je comprends effectivement les difficultés aujourd'hui d'un certain nombre de jeunes et je trouve effectivement que dans ce passage-là, alors si vraiment il y a un moment...
P. Devedjian : Vous manifestiez quand même.
J. Dray : Oui, mais on manifestait parce qu'on pensait qu'il y avait plein de choses qui allaient se passer dans le monde. Je voulais juste dire s'il y a un passage effectivement qui est assez bizarre dans l'émission du président de la République, c'est ce moment où il parle aux jeunes et où il parle justement aux jeunes qui, y compris, manifestent, en méconnaissant d'ailleurs la réalité. C'est d'ailleurs un élément de cette émission : c'est-à-dire qu'il parle souvent à partir... ses sources sont souvent des sources journalistiques. C'est-à-dire qu'il parle à partir des articles qu'il lit dans la presse.
Vous l'avez trouvé un peu déconnecté.
J. Dray : Et donc j'ai eu le sentiment d'un président qui vivait la France à travers tout ce que disait la presse de la France. Peut-être qu'il faut qu'il retourne sur le terrain aussi.
L. Parisot, votre jeunesse, et dans votre jeunesse, l'inquiétude.
L. Parisot : Je n'avais pas d'inquiétude. J'avais une immense confiance et tous mes copains et copines avaient cette même vision de l'avenir et je crois que c'est effectivement une caractéristique et un drame et un phénomène majeur de notre société française d'aujourd'hui : c'est que les nouvelles générations sont extraordinairement inquiètes pour l'avenir et elles ont raison d'être inquiètes. Inquiétude sur les retraites, inquiétude sur est-ce qu'on va être capable de sauver la planète. Mais justement...
Justement quoi ? La réponse c'est la réforme ?
L. Parisot : Justement, le président de la République dit : « Les jeunes sont inquiets ». Moi je dis, et vous dites tous là ce matin qu'ils ont raison de l'être et le Président dit : « C'est pour ça que peut-être comme jamais nous sommes tous en train d'engager des réformes pour pouvoir faire face à ces difficultés ». Et ces réformes, ce n'est pas que le Président qui engage ces réformes ; c'est nous-mêmes les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats avec le patronat quand par exemple nous modernisons le marché du travail ou bien quand nous adoptons une position commune pour instaurer enfin une vraie démocratie sociale. Les lignes bougent dans notre pays.
Le Président a rendu hommage d'ailleurs aux syndicats pour le travail qui se faisait. Il a dit que les syndicats n'avaient jamais autant bougé depuis la Libération dans la façon de revenir au dialogue social aujourd'hui.
L. Parisot : C'est le patronat.
Et le patronat. Il n'a pas dit le patronat mais...
L. Parisot : C'est pour ça que je l'ai dit.
F. Chérèque : Sur ce sujet-là, moi je suis d'accord sur le fait que depuis un an, c'est la première fois dans une histoire qui est assez longue où on arrive à avoir un espace d'autonomie des partenaires sociaux pour pouvoir négocier, pour pouvoir signer des accords. C'est un élément qui est à mener au crédit de l'évolution de la société française.
P. Devedjian : Oui, oui, bien sûr.
F. Chérèque : Je le rappelle, c'est simplement du fait d'une loi de janvier 2007. P. Devedjian : Et avec une vraie responsabilisation.
F. Chérèque : Après le drame du CPE qui avait été le ridicule du ridicule. Donc ça c'est une bonne chose. Et effectivement, on essaye d'amener nos résultats mais juste une précision. Je dis que normalement, les responsables politiques et syndicaux doivent essayer de comprendre l'inquiétude. Elle n'est pas normale, l'inquiétude des jeunes. Voilà. Je pense que c'est ça, et quand on a le sentiment qu'on estime normale l'inquiétude, ça veut dire qu'on n'essaye pas de la comprendre mais c'est angoissant pour les jeunes et ça ne répondra pas à leur attente.
Vous parlez de l'inquiétude. Il y avait beaucoup d'attentes vis-à-vis de cette intervention du président de la République, beaucoup d'attentes sur effectivement une meilleure lisibilité, une clarification des choix, des orientations, qu'on comprenne un peu mieux où on allait et où nous menaient toutes ces réformes. Est-ce que vous avez l'impression que cette attente a été satisfaite ou qu'au contraire, entre guillemets, ça a été un coup pour rien, cette affaire ?
P. Devedjian : Non, ça, je ne crois pas que ce soit un coup pour rien, mais en même temps ce n'est pas non plus une baguette magique. Je pense que la pédagogie qu'il a faite a été utile, heureuse, qu'elle aura des effets mais en même temps il faut continuer ce travail de pédagogie.
Parce qu'il y a assez peu d'annonces, quasiment pas. Le RSA, c'est tout.
P. Devedjian : Oui. Parce qu'on n'était pas dans cette exercice.
Et puis une longue litanie des réformes qui étaient déjà engagées.
J. Dray : Je pense que, si vous me permettez, c'était l'effet voulu. Je crois que délibérément les communicants et le président de la République avaient décidé de faire qu'il n'y ait pas d'effet d'annonce, parce qu'ils ne voulaient pas qu'on parle des effets et des mesures : ils voulaient simplement qu'on parle du style. Parce que l'essentiel de cette émission, on le voit bien, c'était d'essayer de faire endosser à N. Sarkozy les habits de président de la République pour qu'on puisse dire : « Il y est enfin, il a pris enfin la mesure de la fonction présidentielle ».
C'est ça. Vous avez l'impression effectivement qu'on avait un nouveau N. Sarkozy, président de la République, devant nous ?
J. Dray : Voilà. Je pense que tout l'exercice consistait à cela. Je pense d'ailleurs que dans les heures qui viennent, comme d'habitude, nous allons avoir un certain nombre de sondages qui vont nous dire que finalement les choses... Je vous donne à peu près le rendez-vous lundi, Le Figaro, Opinion Way - parce que j'ai l'habitude, ils nous ont fait ça pendant toute la campagne présidentielle - il va y avoir ce sondage Internet que tout le monde conteste mais ça fait rien, il va faire valeur de foi, et on va nous dire : « Il a pris la mesure des choses ». L'exercice voulu par les communicants, c'était celui-là. Alors j'ai entendu une expression qui était assez bonne hier soir d'un commentateur. On disait : « C'est comme au casino, le joueur qui veut se refaire ». Donc je pense peut-être qu'il s'est refait pour un temps dans l'opinion parce qu'il y a eu à nouveau cette énergie, cette volonté.
P. Devedjian : La France, ce n'est pas un jeu.
J. Dray : Voilà, c'est ce que j'allais dire. Vous avez fait ma conclusion : la France n'est pas un jeu.
P. Devedjian : Bien oui. C'est pour ça que je n'aime pas votre image.
J. Dray : Ce n'est pas moi qui l'ai employée.
Des réformes sur le front syndical et sur le fond de l'économie.
F. Chérèque : Attendez, sur le front des réformes, moi je ne suis pas celui qui suit contre le fait de faire des réformes. Je crois que je l'ai démontré plusieurs fois. Il annonce 55 réformes. C'est un peu anxiogène parce que quelles sont les priorités ? Quel est le sens ?
Mais il a dit : « Il ne faut pas hiérarchiser. Elles se tiennent toutes, la cohérence est là ».
F. Chérèque : Non, non. Quand on dit 55 réformes, il faut expliquer les priorités et le sens. Donc il y a une difficulté de compréhension de là où on va, donc cette difficulté demeure. Mais je prends l'exemple du RSA. Le RSA, la CFDT le soutient. On l'a toujours soutenu, c'est une idée qu'on a construit en commun avec M. Hirsch, avec d'autres syndicats dans une commission du dernier Gouvernement, donc ça c'est une bonne chose. Donc il dit : « Je vais mettre en oeuvre ». Très bien, mais je soulève un problème un problème que j'ai soulevé dans les débats qu'on a actuellement. Il nous dit : « On va financer en partie par un redéploiement de la Prime pour l'emploi ». Et ça, honnêtement ça m'inquiète. Pourquoi ? Qu'est-ce que c'est que la Prime pour l'emploi ? La Prime pour l'emploi, c'est un impôt positif, c'est-à-dire qu'on donne de l'argent au lieu d'en prendre à des salariés modestes qui sont au Smic en particulier, qui parfois touchent 100 euro par mois de prime pour l'emploi, ce qui leur fait un treizième mois. Là, on a annoncé une bonne nouvelle, le RSA, mais une mauvaise, selon moi : c'est qu'on va financer pour les plus pauvres leur accès au travail en enlevant de l'argent aux plus modestes qui sont les érémistes.
P. Devedjian, c'est ça ou pas ? Pour financer, on va prendre de l'argent aux pauvres pour en redonner aux pauvres ? C'est ça ?
F. Chérèque : Je vais jusqu'au bout. Attendez ! J'ai prévenu le Gouvernement que alors qu'on avait fait le bouclier fiscal pour les plus riches, donner ce sentiment qui est juste d'aider les plus pauvres en enlevant aux plus modestes, c'est une image qui va être détestable pour ces populations-là.
P. Devedjian : Je vais d'abord... La prime pour l'emploi, c'est la même philosophie que le RSA.
F. Chérèque : Je suis d'accord mais vous enlevez aux uns pour donner aux autres.
P. Devedjian : C'est plus facile d'ailleurs de soutenir le principe du RSA que d'en définir les modalités.
F. Chérèque : Je suis bien d'accord avec vous. Je suis bien d'accord avec vous.
P. Devedjian : C'est très utile. C'est très utile mais très compliqué.
Est-ce qu'on prend aux pauvres pour redonner aux pauvres, P. Devedjian ?
P. Devedjian : Non, ce que je dis... Premièrement, c'est la même philosophie : il s'agit d'encourager le travail. La Prime pour l'emploi, c'est un moyen qui a été inventé de manière assez simpliste. D'une certaine manière, l'État donne de l'argent à ceux qui reprennent l'emploi et qui sont à un petit niveau.
Donc grosso modo, supprimer la prime pour l'emploi quasiment.
P. Devedjian : Le RSA doit... L'objectif du RSA, c'est de poursuivre cet objectif, donc il ne s'agit pas de prendre aux uns pour donner aux autres, ce qui à ce moment-là évidemment est discutable.
J. Dray : C'est ce qu'il a dit. On va siphonner la Prime pour l'emploi pour permettre de financer le RSA. C'est le mécanisme qui a été annoncé hier, monsieur Devedjian.
P. Devedjian : Non ! Vous voulez ajouter un étage de plus aux multiples dispositifs sociaux existants qui sont de plus en plus illisibles, de plus en plus incompréhensibles dans leur complexité et qui coûtent en plus de plus en plus d'argent, alors qu'il s'agit d'être efficace.
J. Dray : Si vous le permettez, moi je suis dans la cohérence d'une politique nouvelle. Monsieur Devedjian, si vous me le permettez, je suis dans la cohérence des propos présidentiels. Il dit, ce auquel j'adhère moi, il dit : « La question du travail est la question essentielle. Il n'y a pas de création de richesse, il n'y a pas de travail ». D'accord. Et donc, il faut essayer de jouer...
P. Devedjian : C'est bien d'en être là maintenant.
J. Dray : Non, ça n'a jamais été... MOI Je n'ai jamais considéré qu'il fallait dire aux gens qu'on pouvait avoir que des bonnes choses en ne travaillant pas. Je ne suis pas de cette culture-là.
Il a dit que la France ne travaillait pas assez, que c'était son grand souci.
J. Dray : Ce n'est pas la France qui ne travaille pas assez. C'est qu'il y a beaucoup de salariés qui voudraient travailler et qui ne trouvent pas les réponses à leur demande, donc il faut faire attention.
P. Devedjian : Je voudrais rappeler à J. Dray qu'on a atteint le plus bas taux de chômage depuis 25 ans. Ça fait aussi partie du bilan.
J. Dray : Oui, mais il y a aussi les effets démographiques qui jouent. Nous savions tous que nous sommes dans ce qu'on appelle une... Mais ce que je voudrais dire, on est dans la philosophie du président de la République : il faut aider au maximum les gens à avoir des activités, à travailler sérieusement et donc il faut leur donner le sentiment que quand ils travaillent, ça sert à quelque chose. C'est ça la philosophie de la Prime pour l'emploi telle qu'elle a été mise en place, d'ailleurs je le signale par la gauche au départ, et voilà, le RSA est un complément par rapport aux gens qui sont au RMI.
Mais vous contestez le fait que l'un se substitut à l'autre.
J. Dray : Ce que je conteste, oui, parce que je conteste parce que ce qui ont la Prime pour l'emploi sont des salariés très modestes, ce sont des tous petits salaires et on leur donne un plus pour aller à la fin du mois. Et la question qui est posée, elle est simple : pourquoi on ne remet pas en cause le bouclier fiscal ? C'est-à-dire pourquoi justement pour financer...
P. Devedjian : Mais c'est 250 millions, ce n'est rien.
J. Dray : Pourquoi ne pas financer le RSA sur les 9 millions... 9 milliards plutôt d'avantages fiscaux qui ont été donnés à ce paquet fiscal, qui n'est pas une erreur de communication parce que le président de la République l'a dit...
P. Devedjian : Mais ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas vrai, J. Dray ! Vous savez bien que ce n'est pas vrai, ce que vous dites.
J. Dray : Il se trompe d'une chose : le problème du paquet fiscal, ce n'est pas un problème de communication. C'est un problème d'injustice et d'inefficacité.
La réponse de P. Devedjian et après madame Parisot.
P. Devedjian : D'abord, le bouclier fiscal, c'est 250 millions d'euros qui ont été distribués.
J. Dray : Non, c'est 9 milliards au total. C'est 9 milliards.
P. Devedjian : Non, le paquet fiscal c'est 9 milliards mais le bouclier fiscal, c'est 250 millions. Et sur les 9 milliards - sur les 9 milliards - il y a 5,5 milliards qui sont pour les heures supplémentaires. Vous voulez retirer 5,5 milliards pour les heures supplémentaires ?
J. Dray : Et sur les exonérations. Ça ne fonctionne pas ! Un rapport parlementaire l'a montré : il n'y a jamais eu... On est dans l'année où il y a le moins d'heures supplémentaires qu'aujourd'hui.
P. Devedjian : Vous plaisantez ! Plus 28 % par rapport à l'année dernière.
Madame Parisot, ces heures supplémentaires ? Ça marche ?
L. Parisot : Très sincèrement, je me demande comment les auditeurs peuvent comprendre parce qu'on est en train de décortiquer les choses par le petit bout de la lorgnette en oubliant la vision globale. La vision globale consiste à dire : « Attention ! La France est en perte de compétitivité » et j'apprécie que le président de la République ait plusieurs fois attiré l'attention des téléspectateurs sur le sujet. Nous sommes en perte de compétitivité parce que depuis des décennies, nous n'avons pas osé entreprendre un certain nombre de réformes de structures. Réforme, ce n'est pas forcément quelque chose de négatif ; réforme ça veut dire se mettre au diapason du monde, au diapason de la modernité. Et il y a effectivement beaucoup de réformes qui ont été engagées dès l'élection du président de la République. Il y en a que je trouve bien, il y en a que je trouve moins bien mais ce que je sais, c'est que nous avançons. D'autre part, il y a une autre chose qui est fondamentale. C'est qu'il est vrai que la France ne produit pas une quantité de travail suffisante.
Notamment sur les seniors comme l'a dit et rappelé encore le président hier.
L. Parisot : Et vous avez raison, B. Duquesne, il y a plusieurs angles d'attaque à partir de là, Sur le taux d'activité des seniors, il y a une complicité État, patronat, syndicats depuis des années sur le sujet. Je suis contente de voir qu'enfin, on a tous décidé de passer à autre chose. Deuxièmement, un manque de travail parce que nous avons connu un taux de chômage très élevé, anormalement élevé depuis des années. Est-ce qu'on ne pourrait pas de temps en temps dire : « Chouette ! Il y a des bonnes nouvelles en France. Le chômage baisse et baisse régulièrement ». Troisièmement, oui, pardon J. Dray, mais les 35 heures c'est une catastrophe ! C'est une catastrophe qu'on paye encore aujourd'hui.
20 milliards, a dit le chef de l'État hier soir. C'est ça ?
L. Parisot : Et heureusement, progressivement, on est en train de se défaire - on est en train de se défaire de ce quelque chose qui nous a miné et qui nous mine encore.
J. Dray, et après, je voudrais bien qu'on parle des retraites.
L. Parisot : Attendez, dernière chose.
J. Dray : Si vous me permettez madame Parisot, dire que - c'est amical - que si l'Élysée a besoin de renforcer son service de communication, je pense que vous pouvez postuler à ce poste avec talent et intelligence.
L. Parisot : Je ne postule à rien !
J. Dray : Parce que je n'ai jamais vu un aussi bon plaidoyer pour l'action du Gouvernement.
Et vous dites ça à monsieur Devedjian !
J. Dray : Voilà, je vous le dis mais finalement, s'il y a des problèmes de communication... P. Devedjian : C'est peut-être parce qu'il y a des données objectives.
L. Parisot : J. Dray, attendez...
J. Dray : Non, c'était amical, je voudrais juste revenir à l'essentiel.
L. Parisot : Je sais que c'est amical. Je voudrais juste vous dire une chose. Je peux aussi vous dire qu'il y a des choses sur lesquelles je ne suis pas d'accord, mais je trouve que la tonalité générale que nous avons tous en ce moment dans les commentateurs politiques et autres de voir les choses excessivement en noir, il y a effectivement de quoi ne pas avoir le moral tous les jours le matin. Il y a aussi une lumière au bout du tunnel.
Si vous le permettez après, sur les retraites. Sur les 41 annuités, je voudrais qu'on y vienne.
J. Dray : Vous savez, moi je fais de la politique depuis un certain temps. Le coup de la "lumière au bout du tunnel", je le connais. Je me rappelle, j'ai commencé la politique avec un Premier ministre qui s'appelait Raymond Barre qui nous disait : « Nous sommes à la sortie du tunnel ». Donc, ça fait 30 ans qu'on annonce à un certain nombre de salariés de ce pays qu'il faut qu'il se serre la ceinture, il y a toujours un mieux. Vous savez, il y a un proverbe maoïste qui dit : « La route est sinueuse mais l'avenir est radieux ». Voilà, vous voyez.
L. Parisot : Ça, c'est des références que je n'ai pas !
J. Dray : Moi non plus, ce n'est pas mes références mais c'est juste pour vous dire la culture chinoise communicative. Je voudrais juste finir. Quand vous dites qu'il y a des mauvaises nouvelles, mais il y a des mauvaises nouvelles, elles ne sont pas inventées. C'est la réalité vécue par des millions de travailleurs dans ce pays.
L. Parisot : Oui, je suis bien d'accord.
J. Dray : Je veux dire que c'est la réalité vécue par ceux qui sont des salariés modestes, parce que ce sont des travailleurs précaires. Donc c'est ça la question, et la question qu'on attendait, parce que c'est ça le fond de l'affaire, c'est qu'il y a eu une campagne présidentielle avec des engagements très importants qui ont suscité l'espoir. Pourquoi la déception est forte dans le pays ? Parce qu'il y a eu un président de la République, le sentiment - il avait réussi cela, moi je le reconnais - il avait donné le sentiment qu'il allait faire bouger les choses.
P. Devedjian : Maintenant. Vous ne l'avez pas dit à ce moment-là.
J. Dray : Non, je ne l'avais pas dit à ce moment-là parce que je n'y croyais pas et finalement, j'avais raison d'être prudent. Regardez ce qui s'est passé cette année.
L. Parisot : Je pense que l'erreur, c'est de ne pas savoir expliquer - et c'est une erreur que j'ai entendue de la part de beaucoup de gouvernements - que les choses, à partir du moment où on les décide, il faut aussi le temps de la mise en oeuvre et ensuite il faut le temps des résultats.
J. Dray : Ça s'appelle la pédagogie de la réforme. J'ai connu aussi ça, c'est une technique classique.
Alors un peu de concret sur les 41 annuités si vous voulez bien, madame Parisot, et puis sur ce détail des circonstances dans lesquelles un chômeur va être amené à retrouver du boulot. Ne pas pouvoir accepter, enfin refuser, plus de deux offres d'emploi, à une certaine distance de son domicile, etc. Le chef de l'État a été assez précis là-dessus. Est-ce que ça vous a plu ça, monsieur Chérèque ?
F. Chérèque : Sur les 41 annuités. Tout d'abord, le président de la République, selon moi, a démontré qu'il ne connaissait pas la loi de 2003. Je tiens à préciser là-dessus : il a même fait une allusion que ceux qui s'étaient engagés oubliaient leur engagement. Je n'oublie pas l'engagement de la CFDT sur cette loi. La loi sur les 41 annuités je l'ai là, elle est très claire. Elle dit qu'effectivement on doit déclencher le passage à 41 ans à partir de l'année prochaine, sauf si un décret diffère ce passage-là et un des paramètres qui peut nous permettre de différer ce passage-là, c'est justement l'emploi des seniors. Donc je voudrais qu'aujourd'hui le Premier ministre et le président de la République respectent au minimum la loi de 2003. Après, il y aura une décision de prise mais au moins qu'on donne la possibilité...
Vous restez sur votre position : tant que les seniors ne seront pas mieux employés en France, ce n'est pas la peine d'allonger la durée du travail.
F. Chérèque : Écoutez, et là je voudrais faire écho à ce qu'a dit madame Parisot. En 2003, un des éléments qui était de réussite de cette loi, c'était l'emploi des seniors. L'emploi des seniors. Pour cette raison, on avait mis fin à la mise à la retraite d'office et on s'était engagé y compris avec le patronat de réduire les préretraites. Je pense qu'il n'y a pas eu respect de cet engagement et à la demande d'une partie du patronat, le Parlement était revenu sur cet engagement-là. Donc on ne peut pas aujourd'hui nous faire le reproche à nous, syndicats, sur ce sujet-là alors qu'il n'y a pas eu respect.
P. Devedjian : Il n'y a pas de reproches à l'égard des syndicats.
F. Chérèque : Écoutez, si. Hier le président de la République a reproché très précisément d'avoir oublié cet engagement.
P. Devedjian : On est tous responsables de cette situation.
F. Chérèque : Non, non. Je rappelle au président de la République que l'engagement, c'était de re-débattre de ça. Donc je souhaite simplement qu'on en re-débatte et qu'on diffère ce passage-là, donc première chose. Pour l'autre...
Ça ne vous a pas plu, l'intervention d'hier là-dessus. Ça vous a un peu énervé.
F. Chérèque : Non ça ne m'a pas plu, écoutez ! Ça m'a un peu énervé. Quand une organisation comme la CFDT s'engage sur une réforme et que le président de la République donne le sentiment qu'on l'a oublié, je peux dire non.
P. Devedjian : Mais non !
F. Chérèque : Je l'ai entendu comme ça, s'il vous plaît.
Vexé ?
F. Chérèque : Non, non, pas vexé. Je remets les choses au point ce matin.
P. Devedjian : Il a un grand respect pour la CFDT et le courage qu'elle a montré à ce moment-là.
F. Chérèque : Deuxième chose : sur l'offre valable d'emploi pour les chômeurs. Il y a maintenant une dizaine d'années avec le Medef, on avait passé un accord sur le problème de l'offre valable d'emploi qui avait été refusé par le gouvernement Jospin. Donc c'est très précis, donc ce n'est pas partisan ce que je vais dire là. La proposition, c'était que le chômeur passe un contrat avec le service public de l'emploi, que de ce contrat on tire quelle est l'offre valable d'emploi pour chaque chômeur qui ne peut pas être identique en fonction du chômeur. On ne donne pas les mêmes orientations pour une personne seule avec des enfants qui travaille à temps partiel, qu'avec un cadre célibataire qui a la possibilité de bouger. On demande simplement que la loi prévoie qu'il y ait un contrat entre le chômeur et le service public, que le service public s'engage à accompagner le chômeur et que le chômeur s'engage à prendre les emplois qu'on lui propose. Voilà. Et ce n'est pas du tout l'orientation que nous donne le Président.
Un mot de madame Parisot, là-dessus, sur ces offres valables d'emploi, et puis sur ce cumul emploi / retraite qui a été aussi évoqué de façon plus systématique par le chef de l'État.
L. Parisot : Sur l'offre valable d'emploi, je ne suis pas très éloignée de la position de F. Chérèque. Nous avions d'ailleurs voulu introduire ce dispositif dans la négociation, en tout cas discuter de ce type de dispositif dans la négociation sur la modernisation du marché du travail au mois de janvier. Je pense qu'entre la CFDT et le Medef, nous aurions pu trouver un accord mais d'autres n'ont pas voulu. Donc malheureusement, ce n'est pas par le contrat qu'on peut avancer sur ce dossier. Il est vrai qu'il y a certains types d'abus et qu'il faut y mettre fin, mais ce n'est pas plus que ça et je pense aussi qu'il faut introduire les nuances que vient de proposer F. Chérèque.
J. Dray : Moi je voudrais juste dire, si vous me permettez - et ça me permettra de montrer que je ne suis pas sectaire - que je suis d'accord avec ce que vient de dire madame Parisot, et je pense qu'il faut que le président de la République fasse attention. Parce qu'évidemment c'est populaire ce qu'il est en train de faire. Personne ne peut dire : « Alors vous comprenez, un chômeur deux fois on lui propose un travail, il refuse. Il préfère rester au chômage ». Evidemment, ceux qui travaillent ils se disent : « Attendez, moi je me lève tôt le matin, je travaille, je fais des efforts et les autres, ils se la coulent douce ». Je pense que c'est très dangereux parce que c'est une opposition qui pour une part est factice. Il y a des abus, il faut les sanctionner, mais il ne faut pas désigner à vindicte populaire les chômeurs parce qu'il y a beaucoup de gens qui voudraient bien travailler. Moi je les ai dans mes permanences et ils me disent : « On est prêt à accepter même n'importe quoi pour s'en sortir ».
L'heure tourne. Je voudrais juste un petit mot de chacun si on y arrive sur cette phrase que dit N. Sarkozy vers la fin de son intervention : « Je sais où je vais ». Est-ce que vous avez l'impression, à l'issue de cette heure et demie d'émission, qu'il sait où il va et surtout que nous, on sait où va la France ?
P. Devedjian : Oui. Elle est expliquée par une autre phrase qu'il a dit au préalable sur le fameux débat de savoir si on fait les réformes les unes derrière les autres ou on se les fait toutes ensemble. Il a dit : « On n'a pas le choix parce que jusqu'à maintenant, tous les gouvernements qui nous ont précédés ont reculé devant la difficulté des réformes et aujourd'hui, face au défi de la mondialisation, on est acculé. Il faut qu'on les fasse toutes ensemble. Et donc je sais où je vais : je veux réformer tout de suite et globalement la France pour la mettre de plain-pied avec le défi de la mondialisation ».
F. Chérèque : Moi je crois qu'il faut encore faire beaucoup de pédagogie. Je prendrai simplement, je ferai allusion simplement à la réforme de l'État où globalement s'il y a une grande inquiétude actuellement, par exemple chez les fonctionnaires, c'est que cette réforme de l'État elle est faite en catimini et pas expliquée, et si on veut que les citoyens et les salariés adhèrent à des réformes, il faut donner un peu plus de sens et on manque encore beaucoup de sens dans notre pays sur ces sujets-là.
Hier soir n'a pas suffi. J. Dray ?
J. Dray : Je crois que cette émission, elle va rester. Elle va rester, elle va faire date parce que c'est finalement la conversion de N. Sarkozy à un certain nombre de dogmes libéraux. Il a assumé cela. Mais ce n'était pas ça le sens de sa campagne électorale au départ. Donc effectivement, ces réformes elles sont inquiétantes pour beaucoup de salariés, pour beaucoup de gens qui sont en difficulté dans le pays.
Madame Parisot ?
L. Parisot : Je pense que nous avons un président de la République qui bosse, qui bosse énormément. Moi je peux vous dire...
J. Dray : Personne ne le conteste, tout le monde travaille. Personne ne conteste le fait de travailler.
Il n'est pas aux 35 heures, vous voulez dire.
L. Parisot : Je pense qu'il me semble que ça fait longtemps qu'on n'a pas eu un tel engagement au sommet de l'État.
J. Dray : Vous êtes méchante avec monsieur Chirac.
L. Parisot : Je voudrais juste terminer sur un autre sujet que l'économique et le social, parce qu'il a parlé aussi de beaucoup d'autres choses : ce qu'il a dit à propos des Talibans et la façon dont il l'a dit. Moi j'ai trouvé ça absolument formidable.
Merci beaucoup, merci à vous tous. Merci à L. Parisot, à F. Chérèque, à J. Dray et à P. Devedjian d'être venus ce matin réagir à cette intervention hier soir du chef de l'État.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 avril 2008