Texte intégral
Peu avant la réunion, nous avons appris que la Chine était ouverte à l'aide internationale. Louis Michel, le Commissaire qui a initié, avec la Présidence de l'Union, cette réunion, a exprimé sa solidarité avec le peuple chinois qui vit des moments très durs en ce moment, depuis le tremblement de terre.
Concernant l'objet de la réunion du Conseil, la France a redit que ces événements, suite au cyclone Nargis - dont on connaît officiellement le nombre de victimes mais ce ne sont encore que des évaluations - sont dramatiques. La France a fait part à ses partenaires de sa mobilisation, qui est une mobilisation pratique, matérielle, financière, et qui concerne tout d'abord l'obtention de visas pour l'aide humanitaire. Je rappelle qu'il y a six ONG françaises qui sont actuellement en Birmanie, qui travaillent sur place et ont obtenu, pour certaines, le droit de distribuer l'aide directement.
C'est un premier point : l'augmentation du nombre de visa pour l'aide humanitaire. Un second point c'est évidemment l'avion qui a été affrété ces jours-ci pour acheminer l'aide. Troisième élément, le Mistral, bâtiment français qui correspond, par son chargement, à trente ou quarante avions d'aide alimentaire, va partir cette nuit et, dans les jours qui viennent, va essayer d'acheminer cette aide. Vous savez que ce n'est pas facile puisque les autorités birmanes veulent elles-mêmes acheminer l'aide, sans que l'on soit sûr des conditions de transparence ni du destinataire de l'aide. Ce n'est pas évident. Et puis enfin, l'ensemble de ces aides s'élève à un total de deux millions d'euros, c'est une augmentation substantielle. La première aide d'urgence initiée au départ était de 200 000 euros.
Au niveau de la l'Union européenne, la Commission a dit qu'elle était complètement ouverte pour augmenter l'aide autant que nécessaire, 17 millions par exemple d'euros. Louis Michel a fait part de son intention d'aller en Birmanie juste après cette réunion du Conseil. Il partira donc pour Bangkok, où il attendra pour obtenir un visa.
L'originalité ou la spécificité de la position française c'est de plaider, comme je l'ai fait à l'instant, pour la responsabilité de protéger. C'est une notion qui est née en 2005, qui a été adoptée par consensus par les Nations unies en 2005. L'idée c'est que, quand il y a une situation catastrophique, soit les Etats concernés peuvent intervenir, soit la communauté internationale le fait.
Nous avons plaidé pour l'application de la responsabilité de protéger dans le cas de la Birmanie. Evidemment, cela fait débat car normalement cela se passe au niveau du Conseil de Sécurité. Nous plaidons pour le fait que c'est défendable au niveau du Conseil de sécurité parce que, quand on a 1 à 2 millions de victimes, décédées, sans abri ou disparues, et bien c'est une question sécuritaire. Ensuite se pose la question de savoir si c'est applicable pour une catastrophe naturelle, comme ce qui ce passe en Birmanie. C'est applicable pour les crimes de génocide, de guerre, les crimes contre l'humanité. Ce qui ce passe en Birmanie est une catastrophe naturelle, les victimes sont victimes d'une catastrophe naturelle et l'attitude de la junte birmane conduit à aggraver ses crimes et c'est pourquoi ce principe peut être appliqué.
Nous attendons de voir si Louis Michel réussit sa mission ; puisqu'il souhaite aller à Rangoun, et nous l'y encourageons, nous l'aiderons au maximum. Après cela, on verra l'attitude de la junte mais nous sommes tout à fait disposés à ce que cela soit porté au niveau du Conseil de Sécurité parce que c'est une question internationale. L'ASEAN va se réunir la semaine prochaine au niveau des ministres des affaires étrangères, on a pris acte aussi de leurs souhaits de faire pression sur la junte birmane pour que l'aide soit affectée à la population.
Voilà l'enjeu : l'aide est importante, la mobilisation internationale est forte. On peut avoir tous les avions, tous les bateaux du monde mais ce qui est important, ce qui est décisif c'est que cette aide arrive aux populations qui sont victimes et c'est tout l'enjeu de ce que j'ai voulu plaider à l'occasion de cette réunion.
Q - La France est-elle soutenue ?
R - Nous sommes soutenus par l'Allemagne, par la Royaume-Uni. Quant aux autres Etats, tous ne se sont pas encore exprimés. Mais en tout cas, il y a un point qui semble important et que nous partageons d'ailleurs, c'est que Louis Michel soit d'accord. Car l'idée c'est de ne pas gêner Louis Michel, il faut quand même que sa mission réussisse. Mais l'Allemagne et la Royaume-Uni ont déjà donné leur accord sur le fait de porter ce principe au niveau des Nations unies
Q - Certains Etats membres sont-ils opposés ?
R - Pour l'instant, il n'y a pas d'opposition car ils ne se sont pas tous exprimés. L'Allemagne et la Royaume-Uni ont dit qu'ils étaient clairement d'accord. Pour les autres, il y a aussi l'attente d'une position de Louis Michel.
Q - Est-ce que les 27 envoient un message unique à la junte ?
R - Je ne sais pas si je peux dévoiler quelque chose qui n'est pas encore terminé puisque la réunion se poursuit en ce moment. En tout cas, c'est un message de solidarité qui est exprimé, premièrement, aux populations birmanes qui sont victimes du cyclone Nargis. Ensuite, nous supportons toutes les initiatives qui puissent aider à ce que l'aide soit en nombre suffisant et en plus qu'elle puisse être acheminée jusqu'aux populations victimes. Nous avons plaidé, nous Français particulièrement, pour que l'Union européenne se mobilise sur la délivrance des visas, pour pousser à ce que ces visas soient délivrés le plus possible. Nous avons obtenu pour certains de nos humanitaires une augmentation du nombre de visas, le Quai d'Orsay avait convoqué l'ambassadeur de l'Etat birman à Paris pour justement plaider pour cela. Pour le reste, je ne vais pas tout déflorer puisque la réunion se poursuit.
Q - Ne craignez-vous pas que cette attitude braque un peu plus la junte birmane en faisant un appel au droit d'ingérence ?
R - La Communauté internationale se mobilise, c'est aussi une manière de dire : nous ne pouvons pas rester indifférents à ce qui se passe en Birmanie sinon, que voulez-vous que l'on fasse ? Rien ? Il faut faire quelque chose. La difficulté vient du fait que les autorités birmanes considèrent qu'il ne faut pas que les associations humanitaires viennent aider les populations. Si cela n'est pas possible, je ne vois pas ce qui l'est. L'idée c'est de leur faire comprendre que les ONG ne sont pas des agents politiques mais que les ONG sont régies par le principe de neutralité et qu'elles ne sont pas là pour faire de la politique. Nous-mêmes d'ailleurs, dans le cadre de notre réunion, nous n'étions pas là pour faire de la politique mais pour faire de l'humanitaire, pour venir au secours des victimes du cyclone Nargis. Je vous rappelle que le nombre de morts est officiellement de 31.000 mais, pour d'autres, nous sommes bien au-delà, sans parler des disparus, sans parler des enfants qui constituent quand même le tiers des populations sinistrées. Si on ne veut pas qu'il y ait une catastrophe dans la catastrophe et que cela s'amplifie, il faut bien trouver une réponse sinon il s'agirait de non-assistance à personne en danger.
Q - Est-ce qu'une réunion identique pourrait avoir lieu en Chine ?
R - Pour l'instant il n'y a pas d'idée arrêtée là-dessus. La Chine a fait appel à l'aide internationale, nous sommes disposés à l'aider et on vient seulement d'apprendre que la Chine était prête à recevoir l'aide internationale.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2008