Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, sur le deuxième volume du manuel d'histoire franco-allemand, Berlin le 9 avril 2008.

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Circonstance : Publication du deuxième volume du manuel d'hsitoire franco-allemand à Berlin le 9 avril 2008

Texte intégral

Monsieur le Plénipotentiaire, cher Klaus Wowereit,
Monsieur le Directeur général du Musée Historique Allemand,
Monsieur le Professeur Wolf Lepenies,
Madame Marie Hartmann,
Monsieur Schokenhoff,
Monsieur l'Ambassadeur de France,
Mesdames et Messieurs les représentants des éditions Nathan et Klett,
Mesdames et Messieurs, mes chers amis,
En 2003, nos deux gouvernements décidaient de donner suite à une proposition originale du Parlement franco-allemand des jeunes, réuni à Berlin à l'occasion du 40ème anniversaire du Traité de l'Elysée : élaborer un manuel d'histoire commun pour les lycéens de nos deux pays. Beaucoup ont alors pensé que le pari était audacieux, certains croyaient même qu'il était impossible à tenir. Ce pari a pourtant été tenu.
En effet, il y a deux ans, le premier volume du manuel d'histoire franco-allemand, destinés aux élèves français de classe terminale et aux élèves allemands de classe 12 ou 13, fut lancé à Péronne d'abord, puis à Sarrebruck.
Il y a trois mois, ici même à Berlin, nous présentions à la presse la maquette du 2ème volume, destiné aux élèves allemands de classe 11 ou 12 et aux élèves français de 1ère. Aujourd'hui, nous sommes à nouveau réunis pour présenter la version définitive du deuxième volume du manuel franco-allemand.
Pour relever ce défi inédit, il a fallu faire preuve de beaucoup d'imagination et de volonté. Trois points au moins, semblaient devoir poser difficulté :
1. Il a fallu d'abord s'accorder sur un cahier des charges commun qui permette de couvrir les programmes en vigueur en France et dans les Länder allemands. Mené par un comité scientifique binational, ce travail d'orfèvre a été prolongé par les éditeurs et les auteurs eux-mêmes. Travaillant en équipe, ils ont su faire preuve d'un sens aigu du compromis mais également d'une énergie de tous les instants pour développer une approche innovante, fruit du croisement des regards et des perspectives.
2. Il a aussi fallu conjuguer, deux traditions historiographiques, deux manières différentes d'enseigner l'histoire et à cet égard, ce deuxième volume me paraît être une grande réussite. Ainsi, l'iconographie, l'aspect physique du manuel ou encore l'adoption d'une démarche volontiers synthétique relèvent plutôt des habitudes françaises. Inversement, la tradition allemande est mise à l'honneur avec la présence de nombreux textes d'historiens présentés comme des documents historiques et proposés à la discussion, ou encore avec une approche nettement analytique des faits historiques.
3. Enfin, il a fallu s'accorder sur une vision commune de l'histoire et de ce point de vue, la période couverte par ce deuxième volume - 1814-1945- offrait assurément matière à débat. Pourtant, là encore, une vision commune a rapidement pu être dégagée tant les historiens des deux pays ont l'habitude de travailler ensemble.
Du dépassement de ces obstacles, de ce croisement des regards, de ce mariage des historiographies est né un manuel profondément innovant et original.
Deux exemples peuvent être brièvement évoqués, même si beaucoup d'autres auraient pu être retenus.
Le premier exemple, c'est l'étude du nazisme, qui est bien sûr centrale dans ce volume, et qui fait place à l'historiographie anglo-saxonne, dans une démarche d'ouverture intellectuelle qui va donc même au-delà des seules perspectives franco-allemandes pour offrir aux élèves un chapitre d'une exceptionnelle richesse.
Le second exemple, c'est le traitement du fait colonial qui est envisagé au moins autant du point de vue des peuples colonisés que de celui des peuples colonisateurs.
Ces deux exemples montrent que si l'histoire repose sur des faits et des dates incontournables, elle est également une affaire d'interprétation et de représentation. Le manuel permet d'éviter l'ethnocentrisme en soulignant ces différences de représentations, sans jamais oublier les faits. Loin d'être source de relativisme, le croisement des perspectives favorise l'ouverture et la tolérance jusqu'à porter un véritable regard européen sur l'histoire du monde.
Vous le voyez, mesdames et messieurs et chers amis, le manuel d'histoire franco-allemand ne se limite pas au récit d'une histoire franco-allemande. C'est tout simplement un livre d'histoire conforme aux programmes en vigueur dans les deux pays. Par conséquent, il n'est pas réservé aux seuls élèves des sections bilingues ou à ceux qui apprennent la langue du partenaire : il est bel et bien utilisable par tous les élèves, au même titre que les autres manuels disponibles. En conséquence, il faut souhaiter que de nombreux élèves puissent bénéficier de cet instrument de travail et de réflexion exemplaire.
C'est certainement aussi cette double dimension franco-allemande et européenne conjuguées au sein d'un même ouvrage, qui explique, l'écho de ce projet au-delà des frontières de nos deux pays. En effet, jamais un manuel scolaire n'a suscité autant d'intérêt dans d'autres pays et n'a été au centre d'autant de débats ou de colloques, souvent d'ailleurs organisés ou animés par nos postes diplomatiques et nos réseaux culturels. Bosnie-Herzégovine, Croatie, Bulgarie, Corée, Japon, Israël, Palestine, et j'en oublie certainement, tous ces Etats s'étonnent que l'histoire qui nous a si longtemps divisés ait pu devenir un vecteur de réconciliation et ils nous demandent comment il a été possible d'écrire un manuel d'histoire à deux voix.
A ces questions, il faut d'abord répondre que l'ouvrage vient au terme d'un long processus de réconciliation et de travail commun, qui a été accompli par les politiques et par les peuples ainsi que par les historiens. Il faut également rappeler que le terrain de la coopération éducative entre nos deux pays est depuis bien longtemps le théâtre d'échanges et de partenariats fructueux.
Il faut enfin rappeler la volonté commune de la France et de l'Allemagne d'être des moteurs, voire des pionniers en Europe, et qu'il n'est pas pour cette ambition de plus beau champ d'action que celui de l'éducation. Le manuel d'histoire franco-allemand contribue, comme le plurilinguisme, comme la mobilité des élèves ou des enseignants ou comme l'AbiBac, à la construction d'un espace européen commun de l'éducation. A la veille de l'accession de la France à la présidence de l'Union européenne, c'est une grande satisfaction pour moi de pouvoir le souligner aujourd'hui devant vous.
Je voudrais enfin, pour clore cette brève intervention, remercier très chaleureusement tous ceux qui ont contribué, par leur engagement et par leur détermination, à la réalisation de ce projet : les jeunes du parlement franco-allemand qui, en 2003, en ont lancé l'idée, les maisons d'édition Nathan et Klett et les directeurs d'ouvrage et les auteurs qui ont accepté de s'engager sur des chemins éditoriaux inconnus.
Je remercie également les membres du comité scientifique qui ont toujours su faire preuve d'inventivité et qui, de part et d'autre du Rhin, ont su travailler conjointement et en pleine confiance pour faire aboutir ce très beau projet.
Je remercie aussi le directeur général du Musée historique allemand qui a accepté de nous accueillir en ce lieu dont l'histoire si singulière témoigne également des interactions entre les destinées d'une nation européenne et l'histoire de l'Europe tout entière.
Mes remerciements s'adressent enfin à vous, Monsieur le Plénipotentiaire, cher Klaus Wowereit, pour cette invitation, pour l'organisation de cette cérémonie fraternelle et ainsi pour la détermination avec laquelle vous défendez cette cause qui nous est commune : celle de l'amitié et de la coopération éducative entre nos deux pays.
J'aurai grand plaisir à vous retrouver à Paris, le 23 avril prochain pour le lancement de la version française de ce manuel d'histoire et, je l'espère, lors du prochain conseil des ministres franco-allemand qui sera l'occasion de présenter solennellement l'ouvrage qui nous rassemble aujourd'hui au Président de la République et à la Chancelière.
Mesdames et messieurs et chers amis, je ne saurais conclure sans évoquer l'avenir de l'entreprise historiographique inédite engagée voici cinq ans : en 2009, c'est le troisième et dernier volume qui paraîtra. Les élèves de lycée de nos deux pays disposeront ainsi d'un cycle complet et cohérent et je suis convaincu que ce manuel d'histoire hors du commun marquera durablement l'histoire des livres de classe et celle de la coopération franco-allemande.
Je vous remercie.Source http://www.paris.diplo.de, le 16 mai 2008