Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, à RTL le 6 mai 2008, sur la réforme de l'assurance chômage, l'allongement des cotisations pour la retraite, l'emploi des séniors et l'encadrement.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

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VINCENT PARIZOT - Actualité sociale chargée, je vous le disais, avec les réformes de l'ASSURANCE CHÔMAGE, le dossier des retraites et celui des seniors. On va en parler tout de suite. Bonsoir Bernard VAN CRAEYNEST.
BERNARD VAN CRAEYNEST, PRESIDENT DE LA CFE-CGC (CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DE L'ENCADREMENT-CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DES CADRES) - Bonsoir.
VINCENT PARIZOT - Secrétaire général de la CFE-CGC. On a entendu...
BERNARD VAN CRAEYNEST- Président...
VINCENT PARIZOT- J'ai dit secrétaire général et vous êtes président effectivement. On a entendu tout à l'heure le chef de l'État annoncer un certain nombre de mesures concernant l'emploi des seniors. Des mesures ou des pistes, hein, puisque rien n'est encore gravé dans le marbre. Mais il parle de taxer les préretraites, de supprimer les mises à la retraite d'office et d'inciter les entreprises à garder les seniors en sanctionnant éventuellement celles qui les inciteraient à partir plus tard. Est-ce que ce sont, pour vous, de bonnes pistes ?
BERNARD VAN CRAEYNEST - Oui, ce sont évidemment de bonnes pistes. Le problème, c'est que cela fait plusieurs années qu'on travaille sur cet emploi des seniors. Or, celui-ci ne se décrète pas, il se prépare. Je vous rappelle qu'en 2005, nous avions négocié un accord entre partenaires sociaux baptisé « Plan Emploi Seniors » qui a été repris dans une loi en 2006. Nous sommes en 2008, nous nous apercevons que rien n'a bougé, nous sommes toujours avec un taux d'emploi des seniors aussi faible (38,1 %) alors que je vous rappelle également que la France s'était engagée, en mars 2000, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, pour atteindre 50 % de taux d'emploi des seniors en 2010.
VINCENT PARIZOT - Donc vous dites : « C'est bien beau de se fixer des objectifs mais si ça n'aboutit sur rien, c'est nul »...
BERNARD VAN CRAEYNEST - Alors aujourd'hui, le gouvernement nous dit : « Ben on a dix-huit mois pour préparer tout cela. » Je crois que les dix-huit mois ne seront pas de trop pour faire en sorte qu'enfin on modifie les mentalités, que les chefs d'entreprise considèrent que l'expérience, la compétence des seniors, ça se valorise et non pas ça se jette comme un Kleenex. C'est véritablement un défi majeur pour notre pays...
VINCENT PARIZOT - Oui, mais pour les convaincre, les chefs d'entreprise - et finalement c'est ce que sous-entend Nicolas SARKOZY -, il y a une bonne manière, c'est le porte-monnaie, ben c'est la sanction...
BERNARD VAN CRAEYNEST - Ah ! Comme toujours, on menace avec le bâton, à horizon 2010, éventuellement de taxer tout cela. En fait, le chef de l'État a repris ce que Xavier BERTRAND nous a présenté la semaine dernière dans la seconde concertation que nous avons connue sur le sujet. Nous ne sommes pas contre cette perspective. Simplement nous avons posé des questions - et en particulier au nom de la CFE-CGC - sur ces éventuelles cotisations additionnelles. Est-ce qu'elles seront affectées aux salariés de l'entreprise pour leur permettre d'acquérir des droits nouveaux ? Est-ce qu'elles concerneront aussi bien le régime général que les complémentaires ? Tout ça est à construire. Donc vous voyez que nous avons un immense chantier devant nous. Mais en tout état de cause, il est clair qu'il faut aussi faire évoluer la mentalité des salariés. Nous avons connu vingt-cinq ans de départ anticipé à cinquante-deux, cinquante-cinq, cinquante-sept, cinquante-huit ans. Ça ne sera certainement plus le cas demain. Mais ce que nous voulons dire aussi, c'est qu'il ne faut pas faire croire aux Français que le seul allongement à quarante et une annuités sera suffisant pour garantir l'équilibre financier des régimes de retraite à moyen-long terme.
VINCENT PARIZOT - C'est-à-dire qu'il faudra aller plus loin ?
BERNARD VAN CRAEYNEST - Eh ben soit il faudra aller plus loin en termes de durée d'activité, soit surtout ce que nous demandons, c'est qu'il faut explorer toute les pistes de recettes complémentaires puisque vous savez que nous sommes dans une démarche où, année après année, on exonère de plus en plus - ça a été le cas l'an dernier avec les heures supplémentaires - et que bien évidemment ce sont autant de recettes pour les retraites en moins.
VINCENT PARIZOT - Donc il faudra financer tout cela. Vous dites, vous : « Non, nous, on ne veut pas particulièrement passer à quarante-deux - parce que vous savez que le chiffre est déjà avancé - mais chercher ailleurs et éventuellement du côté des entreprises », hein...
BERNARD VAN CRAEYNEST - Je crois qu'il faut explorer toutes les pistes et surtout faire preuve d'imagination.
VINCENT PARIZOT - Alors en tout cas, en ce moment, l'actualité sociale est chargée. Il y a eu encore aujourd'hui toute une séance de négociation à Bercy sur la question de la réforme de l'ASSURANCE CHÔMAGE avec cette fameuse question assez cruciale qu'on évoquait d'ailleurs hier dans le « Journal », cette notion d'offre raisonnable d'emploi que l'on ne pourrait pas refuser en fait plus d'une fois puisqu'à la deuxième, on serait sanctionné. C'est dur de négocier avec le gouvernement sur cette question ? Et qu'est-ce que c'est une offre raisonnable d'emploi ?
BERNARD VAN CRAEYNEST - Ben vous remarquerez que le vocabulaire français est très riche. On parlait jusqu'alors d'offre valable. On est passé à offre raisonnable. Le problème est dans la définition. Vous savez, je crois qu'il y a malheureusement des chômeurs de longue durée. Je ne crois que ça soit un choix de leur part. Et vouloir agiter des sanctions qui seraient appliquées bien évidemment par les agents du service public de l'emploi qui, heureusement, le font avec discernement, c'est quand même une difficulté dans la mesure où on sait bien qu'il y a des métiers qui s'épuisent, qu'il y a des besoins de reconversion. Et ces reconversions, ça se prépare, c'est de la formation qui doit être mise en oeuvre. Ça ne se fait pas en trois mois. Et donc il faut tenir compte des situations particulières. C'est très gentil. Je crois qu'on est dans l'effet d'annonce. Montrer aux Français qu'on agit, qu'on veut sanctionner les éventuels tire-au-flanc. Certes, il faut sanctionner les tire-au-flanc mais ce n'est pas la majorité. Et face aux difficultés que nous avons en termes d'adaptation des salariés aux évolutions techniques et technologiques, en termes aussi de préparation des jeunes - parce qu'il y a aussi le problème de l'emploi des jeunes... Vous savez, un pays qui, chaque année, sort cent soixante mille jeunes du système de formation initiale sans diplôme et sans qualification, c'est aussi un vaste problème.
VINCENT PARIZOT - Oui, mais concrètement là il s'agit aussi de lutter contre les abus quand on veut imposer, enfin quand on veut interdire le refus systématique de propositions qui sont acceptables.
BERNARD VAN CRAEYNEST - Je crois qu'il faut savoir raison garder. Lutter contre les abus, c'est tout à fait naturel et nécessaire. Pour autant, je répète que les abus sont très marginaux et qu'il faut tenir compte de la réalité vécue par les demandeurs d'emploi qui souhaiteraient qu'on leur offre effectivement un emploi le plus rapidement possible. Mais je crois que derrière tout, ce qui est quand même posé dans notre pays, c'est : n'est-on pas en train d'inventer de nouvelles méthodes pour tirer toujours davantage les salaires vers le bas ? Ça c'est une vraie difficulté. C'est la concurrence dans le cadre de la mondialisation et je pense que nous avons énormément à travailler pour faire en sorte que nous agissions sur nos atouts pour justement être plus compétitifs et que chacun s'y retrouve.
VINCENT PARIZOT - Vous à la CGC... Enfin CFE-CGC, vous représentez beaucoup les cadres.
BERNARD VAN CRAEYNEST - L'encadrement...
VINCENT PARIZOT - Oui, vous attendiez autre chose de vos interlocuteurs au gouvernement, éventuellement même à l'Élysée ?
BERNARD VAN CRAEYNEST - Ah ! Nous attendons...
VINCENT PARIZOT - Vous attendiez, vous espériez autre chose il y a un an, par exemple ? ...
BERNARD VAN CRAEYNEST - Très honnêtement, si vous reprenez les éditos que j'ai écrits dans « La lettre confédérale » depuis un an, j'ai même une collègue qui m'avait interpellé au mois de janvier dernier en disant : « Dis donc, tu tapes fort sur le chef de l'État. Les collègues sont en train de se demander si on n'a pas élu un gauchiste à la tête de la CFE-CGC. » Je lui ai expliqué que malheureusement, ce que je voyais se dessiner n'était pas très encourageant. Depuis, je me suis un peu calmé parce que j'ai constaté que les médias ont largement repris ce que j'écrivais depuis plusieurs mois et que visiblement, nous partageons la même analyse.
VINCENT PARIZOT - Merci Bernard VAN CRAEYNEST, secrétaire général de la CFE-CGC. Vous n'êtes pas secrétaire général, vous êtes président de la CFE-CGC. Et je reprends ce que vous disiez au bond, c'est vrai que, eh bien ça tape fort en ce moment, vous l'avez sans doute notez, hein, sur le président SARKOZY. Mais il y en a un qui prend sa défense, il s'appelle Michel RICHARD et il sera avec nous dans un instant. Source http://www.cfecgc.org, le 15 mai 2008