Interview de M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, à la jeunesse et à la vie associative, à France Inter le 23 mai 2008, sur le calendrier des compétitions sportives notamment pour le football et le rugby et les jeux olympiques.

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Média : France Inter

Texte intégral

N. Demorand.- Veille d'un week-end sportif extrêmement chargé en compétition de toute sorte football, rugby, tennis, formule un. L'invité de France Inter est donc ce matin le secrétaire d'Etat chargé des Sports, B. Laporte. Quel est votre pronostic pour la finale demain à Cardiff de la coupe d'Europe de rugby Toulouse-Munster ?
 
Nous sommes tous derrière le stade toulousain et nous espérons qu'ils remporteront cette coupe d'Europe. Ils le méritent, ils jouent très, très bien cette année et puis c'est un club français, nous sommes à fond derrière eux.
 
Puisqu'on parle de rugby, il y a eu beaucoup de blessés, les cadences sont infernales dans ce sport. C'est la même chose d'ailleurs au football. Est-ce que c'est cela aujourd'hui le sport moderne B. Laporte, c'est-à-dire qui pousse le corps dans ses ultimes retranchements jusqu'à que ça casse ?
 
Nous sommes aussi dans une année particulière, post-Coupe du monde où, effectivement, les joueurs ont commencé la préparation avec l'équipe de France au mois de juillet. Effectivement, c'est une saison particulière. Je ne suis pas pour dire que l'on joue trop, parce que les effectifs sont quand même "très costaux", comme on dit. Quand on voit le Stade toulousain, c'est pratiquement une trentaine de professionnels. Mais effectivement, dans cette année post-Coupe du monde, c'est toujours très particulier, il y a beaucoup de matchs, et puis surtout, un entraînement, je le répète, pour les internationaux qui, petit à petit, malheureusement, se blessent effectivement. Cela a commencé il y a de cela pratiquement un an.
 
La finale de la Coupe de France de football a lieu demain soir, Lyon-PSG. R. Domenech, le sélectionneur de l'équipe de France, comme vous vous l'avez été pour de rugby, est très, très en colère, parce que le calendrier n'a pas été aménagé pour que les joueurs lyonnais rejoignent la préparation à l'euro 2008. Pourquoi le calendrier n'a pas été aménagé ?
 
C'est une question qu'on peut se poser, effectivement. Moi qui ai participé à deux coupes du monde avec J. Maso qui était le manager général des équipes de France, nous avions anticipé cela quatre heures à l'avance et nous avions trouvé un accord avec la Ligue professionnelle de rugby, pour faire en sorte de mettre nos joueurs à disposition pour préparer cette compétition. Je pense que cela aurait dû être fait au moins un an avant et de ne pas se retrouver dans la situation d'aujourd'hui où R. Domenech attend encore des joueurs qui vont disputer une finale de Coupe de France. L'Euro 2008, c'est quand même un jeu majeur pour notre équipe nationale. Je pense que nous aurions pu anticiper cette mise à disposition des internationaux pour que R. Domenech soit déjà en stage avec tout son effectif.
 
Il parait que ce sont les responsables des services des sports des télévisions qui ont bloqué ce changement de calendrier. Vous confirmez B. Laporte ?
 
Quand je suis arrivé à mon poste, trois mois après effectivement, début janvier, on m'a dit qu'il y avait un problème concernant la finale de la Coupe de France. Mais c'est toujours pareil, ce n'est pas 4 ou 5 mois avant qu'on peut changer, je ne vais pas vanter les mérites - ou le contraire - de France 2. France 2 a une grille établie, c'est difficile de dire quatre mois avant qu'on va tout changer, qu'on va enlever la finale, qu'on va la déplacer. Je pense que tout cela aurait dû être anticipé. On aurait dire aux chefs de télévision : "A partir de telle date, il n'y aura plus de finale puisque les joueurs sont à disposition de l'équipe nationale.
 
Si je vous suis bien, quand même, et restons un instant sur cette question, France 2, en l'occurrence, la télévision a plus de pouvoir que le secrétaire d'Etat au Sport et que le sélectionneur ?
 
Ce n'est pas une question de pouvoir...
 
Ben, de fait...
 
Non, ce n'est pas une question de pouvoir, c'est une question d'organisation.
 
...C'est leur calendrier qui prime.
 
Non. D'abord, si la Fédération française de football avait dit : "écoutez, ça se passera comme ça", je crois que le problème est entre la Fédération et la Ligue plutôt qu'avec France Télévisions. Encore une fois, c'est un accord commun, ce n'est pas la faute de Pierre, de Paul ou de Jacques. On ne peut pas trier les télévisions qui permettent aussi le sport professionnel. C'est ensemble, mais surtout anticiper. Je crois que si tout avait été bien fait et qu'en début d'année, tout était orchestré, je ne crois pas que nous serions aujourd'hui dans cette difficulté.
 
Vous revenez d'une mission diplomatique en Chine, vous avez visité un certain nombre d'installations pour les Jeux Olympiques. Vos impressions après vos rencontres avec les officiels chinois ?
 
Ils ont envie que ce soit les plus beaux qui n'aient jamais existé, c'est une évidence, ils ont cette fierté. Si on parle des installations, je le disais, oui ce sont de très belles installations, j'ai surtout été impressionné par la vitesse à laquelle elles ont été construites. Elles sont belles, le stade olympique de Pékin est magnifique. Mais bon, quand on a fait du sport de haut niveau, on a vu de très beaux stades dans le monde entier.
 
Donc, c'est un stade quoi...
 
Exactement.
 
Un beau stade, mais c'est un stade.
 
Exactement. Mais je suis convaincu que l'organisation sera au rendez-vous et que ces Jeux seront de grands Jeux en dehors et sur les pelouses, et sur les rings et autres.
 
Vous étiez en repérage pour le Président Sarkozy ou pas ?
 
Non, pas du tout. J'étais en repérage surtout pour la délégation française qui va se rendre là-bas et voir un petit peu comment tout était organisé, où est-ce que vous allez loger, où est-ce que vous pourrez nous retrouver. C'était plus des questions d'intendance.
 
C'est sûr ?
 
Ah oui, c'est certain.
 
Il n'y avait pas aussi un volet diplomatique ?
 
Je ne fais pas partie du ministère des Affaires étrangères et je ne me sens pas capable de faire de la diplomatie.
 
Où en est l'hypothèse du boycott, la proposition des badges, tout ce débat extrêmement fort qu'il y a eu au moment du passage de la flamme à Paris et qui est passé, évidemment, au deuxième plan depuis le séisme tragique qui a fait tant de morts en Chine ? Où en est-on du point de vue des athlètes français ?
 
Concernant le badge, j'ai vu S. Diagana il y a une dizaine de jours. Il me disait que les transactions continuaient avec le CIO mais que pour le moment, il n'y avait aucune décision définitive d'entériner.
 
Mais c'est encore une proposition qui tient ?
 
Oui, apparemment, les athlètes y sont très attachés donc on verra comment cela finira. Mais aujourd'hui, personne ne m'a dit : "ce sera comme ça ou différemment, est-ce qu'il y aura un port de badge, quel sera-t-il ?", je ne sais pas, je ne peux pas répondre.
 
Est-ce qu'on voit encore de jeunes joueurs de football français partir à l'étranger, en Angleterre ? Pourquoi est-ce que nous ne parvenons pas à retenir, ici même, en France, où ils ont été formés, les plus brillants de nos footballeurs ? C'est une question de fiscalité d'après vous ?
 
Non, ce n'est pas du tout une question de fiscalité.
 
Vous êtes sûr ?
 
Certain. Cela y contribue, mais cela y contribue pour 5 ou 10 %. Ce n'est pas ça qui fait la différence.
 
C'est tout, 5 %-10 % ?!
 
Vous savez, entre un salaire de 100 qu'on donne à l'Olympique de Marseille et un salaire de 400 qu'on donne au Bayern de Munich ou à Arsenal, ce n'est pas la fiscalité qui la différence, c'est tout simplement la valeur du salaire. Donc, la question, c'est pourquoi ne sommes-nous pas capables de donner des gros salaires à nos joueurs en France ? Et Quand on voit les budgets, on prend Manchester : 350 millions d'euros, on prend notre plus grand club qui est Lyon, qui est de 140 millions d'euros ; pourquoi y a-t-il une telle différence ? C'est pour ça que nous avons donné une mission à E. Besson pour justement faire un audit sur tout cela. Il a rencontré beaucoup de présidents, beaucoup d'entraîneurs, il continue. Et je veux qu'on me dise réellement le pourquoi du comment on n'arrive pas à avoir des gros budgets, même si on connaît les gros axes. Et le premier, le plus important, c'est qu'un stade ne peut plus être un stade municipal qui sert à 20 ou 25 recettes par an, il faut que ce soit un lieu de vie qui amène des recettes supplémentaires. C'est obligatoire, c'est ce qui existe à Manchester, c'est ce qui existe à Arsenal. C'est la première des choses si on veut évoluer. Les infrastructures font partie, effectivement, de la modernité que doivent avoir nos clubs.
 
Dernière question : il y a un an, quand vous entriez au Gouvernement, vous disiez, B. Laporte : "si ça ne me plait pas, je partirais". Vous y êtes toujours. Conclusion : la politique, c'est bien ?
 
Cela me plait beaucoup de défendre le sport, et surtout de défendre les jeunes. J'étais hier à Bruxelles à mon premier Conseil des ministres de la Jeunesse et je prends beaucoup de plaisir à essayer de trouver des solutions pour faire en sorte de remettre en mouvement notre jeunesse et qui... Je ne dis pas "qui en a besoin", mais qui le mérite.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 mai 2008