Déclaration de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, sur les relations franco-israèliennes et les efforts de la France pour la paix au Proche-Orient, à Paris le 25 mai 2008.

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Circonstance : Concert pour la paix au Trocadero à l'occasion du 60e anniversaire de la création de l'Etat d'Israël, à Paris le 25 mai 2008

Texte intégral

Monsieur le Président de la République,
Madame la Ministre, Chère Tzipi,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Je suis heureuse, fière et émue d'être parmi vous ce soir. Dans ce lieu symbolique de la République française et des libertés, j'ai plaisir, à l'occasion de ce grand concert pour la paix, de célébrer avec vous le 60ème anniversaire de la création de l'Etat d'Israël.
La musique nous réunit ce soir, pour laquelle le peuple israélien a une authentique et populaire passion. Une musique qui peut exprimer tout aussi bien les souffrances du passé que les espoirs d'avenir. L'hymne national israélien, "Hatikva", ce beau mot d'espoir "en hébreu, est ainsi une mélodie grave qui exprime la dignité et la souveraineté retrouvée du peuple juif. Mais, de simples chansons peuvent exprimer autant de sentiments forts, comme "hiné ma tov" qui a bercé la geste difficile mais aussi joyeuse des fondateurs de l'Etat contemporain : "qu'il est bon d'être assis ensemble entre compagnons", se dirent-ils.
C'était il y a 60 ans, quand naissait l'Etat d'Israël, au double sceau de l'espérance et de la vie renaissante après le martyr de la Shoah. Pour le peuple juif enfin rassemblé après des milliers d'années de dispersion et de tragédies, l'Etat d'Israël incarne ce droit à se retrouver, dans la paix et la sécurité. En quelques décennies, porté par tant de voeux ardents, Israël a construit une démocratie exigeante, a développé l'une des économies les plus dynamiques de la planète, relevant des défis technologiques et environnementaux, faisant rayonner dans le monde entier une culture brillante et ouverte, comme le récent Salon du Livre à Paris en a encore donné une illustration.
Le président Shimon Pérès, l'a dit avec force à l'occasion de sa visite d'Etat à Paris, en mars dernier : la France a été l'un des principaux défenseurs de l'entrée d'Israël dans la communauté des nations, quand celle-ci n'était pas encore acquise. Elle a été une des premières à établir des relations diplomatiques avec le jeune Etat et elle n'a jamais ménagé ses efforts pour que son droit à l'existence soit universellement reconnu. La France a un lien indéfectible avec Israël. La France, amie et espoir.
Mais la relation entre la France et Israël n'est pas seulement historique. Elle est exceptionnellement vivante et progresse chaque jour. Elle a su s'enrichir de liens humains qui sont un atout pour les deux pays. Ces liens, on les doit notamment à la communauté juive de France, l'une des principales de la diaspora, dont l'émancipation qui remonte à la Révolution a fait de ses membres des citoyens apportant un dynamisme essentiel à la Nation. La France assume son passé. La période de Vichy, dont les fautes ont été reconnues par la France, doit nous inciter à lutter fermement et avec constance contre toute résurgence de l'antisémitisme. La France reste et restera intransigeante contre tous les motifs ou manifestations de haine raciale ou religieuse. Elle le doit aussi au nom de cet acquis fondamental que représente la contribution active et séculaire des Juifs de France à la constitution du "génie français". La République n'oublie pas ce qu'elle doit à cet héritage de culture, de spiritualité et de traditions. La France ne serait pas la France sans eux.
Nous devons également cette attache forte et spécifique à la communauté française et francophone d'Israël. Je forme avec vous le voeu que ce lien nous permette de réussir l'adhésion d'Israël à l'Organisation internationale de la Francophonie.
Une telle adhésion, bien sûr, ne peut se concevoir que dans un environnement régional connaissant enfin la paix qu'il attend désespérément, comme les Israéliens, depuis soixante ans. Le conflit israélo-palestinien n'a que trop duré. Nous soutenons pleinement le Premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne dans ce processus de paix qu'ils ont relancé avec courage et détermination. Israéliens et Palestiniens doivent parvenir à un compromis historique, nécessairement difficile. La France leur dit : vous n'êtes pas seuls, les efforts que vous allez faire seront douloureux, mais nous vous aiderons, aux côtés de l'ensemble de la communauté internationale. Comme les Israéliens, les Palestiniens ont droit à un Etat, et à un avenir de paix et de sécurité. La France souhaite ardemment la fin des souffrances et des violences dans cette région.
C'est le sous-titre de ce concert au Trocadéro : "la paix au coeur". Je fais un rêve : et si la musique qui exprime si bien la fierté nationale du peuple juif servait aussi à retrouver les chemins de la paix ? Je songe à Daniel Barenboïm, l'un des grands musiciens israéliens, qui est aussi devenu citoyen palestinien au début de cette année. La joie qui nous réunit ce soir dans ce lieu magnifique ne sera pleine et entière que lorsque la paix au Proche-Orient sera enfin acquise. Vous exprimez ce besoin de paix, cette attente et cette espérance par ce "grand concert", cette belle soirée qui nous réunit. Je vous le dis en hébreu : "Erev Tov".Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juin 2008