Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur la lutte contre la toxicomanie, sa répression et la prévention de l'usage des stupéfiants par l'éducation, Paris le 2 juin 2008.

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Texte intégral

Vous vous demandez peut-être pourquoi le Premier ministre vient aujourd'hui vous rendre visite tout à coup pour parler de ces sujets, et, je voudrais tout de suite vous dire qu'il n'est pas dans mon intention de rentrer dans un débat technique sur des sujets qui sont très très importants, que vous maîtrisez parfaitement, sur lesquels vous avez un dialogue permanent, en particulier avec le garde des Sceaux. Moi, je suis venu ici pour, d'abord vous remercier, et pour vous encourager et pour vous dire que le Gouvernement a décidé de faire de la lutte contre la toxicomanie une priorité aussi forte que celle qui a été décrétée pour lutter contre la violence routière, ou pour lutter contre les effets du tabagisme. C'est-à-dire que le Gouvernement veut engager une action globale, qui permette d'associer l'ensemble de nos concitoyens à l'effort que vous, vous conduisez, avec les moyens qui sont les vôtres, la loi, les instruments qui sont les vôtres, mais que vous conduisez parfois de façon isolée, dans une société qui ne comprend pas toujours la gravité de la situation en matière de drogue.
Je crois qu'il est d'abord très important de rappeler que, nous sommes face à une augmentation continue de l'usage des drogues, de toutes les drogues, que nous sommes face à une consommation de plus en plus jeune. Et nous avons une obligation de résultat face à cette situation. Il faut lutter contre tous les trafics, et nous voulons augmenter notre effort dans ce domaine, à la fois, par les missions qui sont données aux policiers, je veux remercier tous ceux qui sont présents ici, qui représentent tous les autres, pour le travail qu'ils font. A travers une coordination beaucoup plus importante, notamment au plan européen, et ce sera un des aspects du plan que la MILDT va présenter pour la période 2008/2011, que nous allons d'ailleurs utiliser dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne pour engager des efforts, beaucoup plus vigoureux de l'Union européenne sur son territoire, et, sur les territoires qui sont les points de passage des trafics les plus importants.
Et après la lutte contre les trafics, la priorité c'est la lutte contre l'usage, c'est donc le renforcement des sanctions. Ce renforcement a été décidé par le législateur ; les outils existent et vous les mettez en oeuvre. Je voudrais d'abord insister sur le fait que vous les mettez en oeuvre dans un souci qui est un souci de sortir les gens qui sont frappés par ces addictions du mal, dont ils souffrent. Et il y a souvent une présentation qui est faite du travail qui est le vôtre qui est une présentation répressive, uniquement répressive. Il suffit de faire la petite visite, même très brève, que je viens de faire tout à l'heure pour voir - c'était frappant en entendant parler les gens - à quel point l'objectif, c'est de sortir de la difficulté ceux qui y ont été plongés par ces addictions. Et donc le développement des structures de soins, l'idée d'intégrer les soins le plus tôt possible est une idée qui sera également au coeur du plan qui sera présenté, y compris sur le plan des moyens.
Mais on voit bien que ces objectifs ne peuvent être atteint que si l'ensemble de la société les porte. Et c'est la raison de ma présence ce matin dans un lycée et à la suite au palais de justice, c'est de dire à tous nos concitoyens : si vous avez un regard banalisé sur l'usage des stupéfiants, si vous pensez qu'il y a des drogues douces et des drogues dures, si vous ne voulez pas vous mêler de ces sujets, si vous pensez que ce n'est pas grave, si vous, vous qui avez par exemple accès à la télévision et donc au grand public et qui plaisantez sur ces sujets en permanence, qui banalisez l'usage de la drogue en permanence, vous avez une responsabilité majeure dans le développement de ce fléau. Il faut que les instruments de répression soient efficaces. Quand on a décidé de lutter contre la violence routière, il n'y avait pas beaucoup de gens dans notre pays qui croyaient qu'on pourrait y arriver - moi le premier d'ailleurs. Force est de reconnaître qu'on a, en quelques années, changé le regard de la société sur ce sujet. De la même façon, peu de gens pensaient que la politique qui était conduite en matière de restriction d'usage du tabac aurait un résultat ou en tout cas qu'elle serait supportable par la société française. Je ne dis pas que c'est encore gagné, c'est difficile, mais c'est en train de se faire. Sur la drogue, il faut faire la même chose. Ce n'est pas possible que des parents ne comprennent pas la gravité de l'usage des stupéfiants. Ce n'est pas possible que des enseignants, des membres de la communauté éducative, ne signalent pas à la police des trafics qui ont lieux sous leurs yeux et dont ils sont les témoins tous les jours. Alors je sais qu'on part de très très loin. J'ai été autrefois maire d'une ville, je me souviens que le mot même de drogue était un mot tabou dans les établissements scolaires. Jamais on ne le prononçait. Dire qu'il y avait de la drogue dans un établissement scolaire, c'était donner une sorte de mauvaise image de cet établissement scolaire. On sent que les choses sont en train de changer. Et ce que nous avons fait ce matin au lycée Paul-Bert le montre, mais enfin ce n'est pas encore suffisant, et il y a encore une grande partie de la communauté éducative qui ne veut pas se mêler de ces sujets. Soit quelle considère qu'il y a cette distinction absurde entre drogue douce et drogue dure, soit quelle considère que ce n'est pas sa mission. Et donc c'est en multipliant les messages à l'égard du grand public, c'est en montrant que seule une chaîne efficace peut réussir à lutter contre ce fléau que l'on pourra faire baisser la consommation de drogue dans notre pays.
Et au fond, c'est cela que je suis venu vous dire, c'est que vous, vous faites un travail difficile avec des moyens insuffisant naturellement, dans des conditions qui sont extrêmement difficiles. Vous devez avoir parfois l'impression que vous luttez contre quelque chose que l'on ne peut pas réduire, que la mission est impossible. Eh bien non, elle n'est pas impossible. Et vous allez avoir un soutien total du Gouvernement. Mais le soutien du Gouvernement est destiné surtout à entraîner l'opinion publique derrière le travail que vous faites. Voilà, c'est ce que je voulais vous dire, en vous disant combien j'étais frappé tout à l'heure dans les débats avec les lycéens de voir que à la fois, ils commencent tous leur discours en disant, on ne veut pas qu'on nous fasse la morale" - on leur dit, "on ne fera pas la morale", mais en même temps, ils sont tous extrêmement conscient du danger qu'ils courent et des risques et ils ont envie au fond qu'on leur donne les instruments pour éviter ce danger. Et donc, le travail qui peut être fait entre l'éducation nationale et la justice Monsieur le recteur, le travail qui peut être fait entre la justice et l'ensemble de la société française est absolument nécessaire pour gagner cette bataille. Il n'y a aucune raison qu'on ne la gagne pas, mais ce sera une bataille longue et là encore, il n'y a pas de plan qui permette comme cela de résoudre cette question, malgré tout les efforts que vous faites. C'est de la continuité, c'est de la volonté. Et si on a cette continuité, et si on a cette volonté, et si on réussit à convaincre l'ensemble de nos concitoyens qu'on ne peut pas plaisanter avec ces sujets, qu'il n'y a pas de drogue douce, qu'il n'y a pas de drogue dure, que tout les phénomènes d'addictions sont dangereux, alors on pourra réduire la consommation de drogue dans notre pays.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 4 juin 2008