Texte intégral
J'ai été très heureux de recevoir Diego aujourd'hui. Notre rencontre a été profitable et très riche. Nous avons eu des échanges très ouverts.
Nous avons abordé quatre sujets principaux, le Traité, le pacte sur l'immigration et l'asile, le Processus de Barcelone et l'Union pour la Méditerranée et, enfin, la manière dont nous allons travailler ensemble, en tant que Présidences française et espagnole. Comme vous le savez, nous prendrons la Présidence de l'Union européenne le 1er juillet 2008 et nos amis espagnols prennent la Présidence au premier semestre 2010.
Nous devons donc assurer une continuité entre les Présidences française et espagnole sur un certain nombre de thèmes.
Sur le Traité, il y a eu une très grande convergence de vues entre nous, pour qu'il y ait une bonne articulation entre la Présidence stable du Conseil et les Présidences tournantes de l'Union européenne.
Il faut qu'il y ait une convergence sur ce que doit être un Service extérieur commun européen, sous l'autorité du Haut Représentant-ministre des Affaires étrangères et pour que ce Service soit opérationnel.
Par ailleurs, il faut qu'il y ait une bonne préparation des Conseils européens et notamment un rôle donné au Conseil Affaires générales.
Sur l'immigration, je voudrais "tordre le cou" à un certain nombre d'idées reçues.
La première remarque est que nous sommes tous d'accord pour "éviter les caricatures" : le pacte pour l'immigration n'est pas une "machine à expulser en commun".
C'est parfaitement clair.
Nous sommes pour une approche des phénomènes migratoires en Europe globale, maîtrisée, équilibrée et conforme à nos valeurs. Nous devons à la fois intégrer, puisque l'Europe a besoin d'immigration sur le plan économique et assurer la diversité de l'Europe.
Nous savons aussi que nous avons besoin de contrôles aux frontières, que nous devons lutter contre l'immigration illégale et aider les pays d'origine d'immigration. Nous avons besoin d'une politique de développement à l'égard de ces pays. Nous sommes en accord sur tous ces objectifs.
Nous avons deux points de discussion : d'abord, l'intégration. On comprend la logique de nos amis espagnols qui souhaitent qu'il y ait un peu plus de subsidiarité dans la manière dont l'intégration des migrants s'opère.
Le second point a trait aux régularisations : ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait une convergence, des échanges d'informations. Dans ce domaine, nos amis espagnols disent qu'il ne faut pas "insulter l'avenir".
C'est une différence entre un pays comme l'Espagne, qui a longtemps été un pays d'émigration, - je suis d'ailleurs un Espagnol de la seconde génération et je comprends très bien.
Je sais parfaitement ce qu'est la tradition espagnole en ce domaine. La France est un pays qui a toujours été un pays d'asile et d'immigration.
Il est donc normal qu'il y ait une divergence d'approche de formulation mais il y a une volonté d'aboutir en commun pour qu'au mois d'octobre, nous puissions trouver un accord entre nous et qu'il y ait, peut-être, des propositions franco-espagnoles. Nous en discuterons à Saragosse, lors du sommet bilatéral, le 27 juin, afin que, si la France et l'Espagne se mettent d'accord sur une approche, nous puissions également la soumettre à nos partenaires avant l'automne.
Nous avons également évoqué le Processus de Barcelone et l'Union pour la Méditerranée. Je crois que nous sommes parfaitement en phase. Nous souhaitons véritablement enrichir ce processus. La France et l'Espagne ont une responsabilité particulière à cet égard et nous voulons travailler main dans la main au renforcement du Processus de Barcelone et à la mise en place de cette Union pour la Méditerranée. Nous étudions toutes les propositions en matière d'organisation, de secrétariat ainsi que les projets qui viendront de nos amis espagnols, là aussi durant le Sommet de Saragosse. Mais il n'y a aucun contentieux entre nous.
Enfin, le dernier point, c'est que nous souhaitons travailler ensemble afin que nous puissions tous les deux, Présidence française et future Présidence espagnole, travailler davantage sur l'agenda social européen, pour l'actualiser, et sur la stratégie de Lisbonne.
Nous proposerons aussi, à nos collègues suédois, tchèques, belges et hongrois qui assureront les autres Présidences, de travailler ensemble sur ces sujets qui sont importants ainsi que sur le futur de l'Europe.
Comme vous le savez, c'est à la Présidence espagnole qu'il reviendra de conclure les travaux qui seront ouverts, sous Présidence française, par le comité présidé par Felipe Gonzalez.
Q - J'ai bien entendu l'explication de M. Jouyet concernant le pacte européen sur l'immigration qui n'est pas "une machine à expulser". J'ai aussi entendu l'expression de la convergence des points de vues. Néanmoins, il reste deux points.
Alors, je voudrais savoir si votre réunion de travail vous a rapproché ou éloigné ?
Peut-on dire, oui ou non, aujourd'hui, après votre réunion, qu'il y a toujours un projet de contrat d'intégration pour les immigrés au niveau européen ?
Et, y a-t-il, dans le projet du pacte européen, quelque chose concernant les objectifs chiffrés de l'expulsion ?
R - Sur ce plan, Diego aura également un entretien avec le ministre responsable, M. Hortefeux. En ce qui nous concerne, il me semble que nous pouvons, sur l'intégration, et compte tenu des explications que m'a données Diego, trouver un accord.
Il faut aller au-delà des formulations. Ce qui est important, ce sont les objectifs.
Quant à ce qui est quantifié, vous savez, en ce domaine, c'est toujours dangereux. Il n'y a pas dans le Pacte d'objectif quantifié en ce qui concerne les expulsions ou les renvois. J'estime que ce serait très dangereux.
Vous savez, cette idée d'une approche commune en matière de politique des migrations, également en matière de droit d'asile (ce qui sera certainement plus difficile et plus long), sera le fruit d'un compromis, comme toujours au niveau européen.
Il y a une sensibilité espagnole, qui doit être prise en compte et qui nous a bien été expliquée. Vous avez également d'autres sensibilités en Europe et, au bout du compte, ce sera un pacte européen décidé par les 27.
Voilà ce que je peux vous dire aujourd'hui. La réunion d'aujourd'hui a été constructive.
Je crois que nous avons bien compris quelles étaient les contraintes politiques des uns et des autres mais nous souhaitons avancer dans le même sens. Nous avons même évoqué, comme je l'ai indiqué, l'idée que France et Espagne arrivent à un projet commun qui pourrait être soumis, en temps voulu, à nos partenaires.
Dans un autre domaine, la lutte contre la piraterie internationale. Nous avons instruit nos ambassadeurs auprès de l'Union européenne pour qu'il y ait une proposition commune franco-espagnole pour inscrire au prochain Conseil des ministres des Affaires étrangères, une action européenne de soutien à la résolution des Nations unies qui vient d'être votée contre la piraterie maritime.
Q - Justement, vous avez parlé du rôle de Barcelone au sujet du Processus méditerranéen, la France est-elle réceptive à cette demande espagnole sur le rôle de Barcelone concernant le siège d'un organisme de secrétariat ou quelque chose de ce type ?
R - La France est pour une Union pour la méditerranée qui fonctionne et pour dépasser les blocages qui existaient dans le processus actuel.
Dans ce cadre-là, pour avoir une Union pour la Méditerranée qui fonctionne, l'Espagne a un rôle clef. Dans ce cadre-là également, Barcelone semble être l'un des centres évidents de la Méditerranée. Nous devons donc trouver des équilibres entre les responsabilités des uns et des autres et le secrétariat. Il est évident que Barcelone aura un rôle important à jouer.
Nous l'avons évoqué avec Diego, nous voyons avec sympathie les propositions qui sont faites dans ce domaine aussi par l'Espagne.
Q - Je voulais seulement savoir si tous les pays de la Méditerranée avaient déjà dit "oui" pour le sommet du 13 juillet ?
R - C'est une bonne question. La très grande partie des pays de la Méditerranée a dit "oui" pour le sommet.
Pour le reste, nous espérons que, compte tenu notamment des contacts que Bernard Kouchner aura à Alger demain et après-demain, nous aurons une réponse positive de nos amis algériens.
Mais, comme vous le savez, ce sont des pays qui ont l'habitude de travailler ensemble, au-delà des difficultés géopolitiques du Moyen-Orient.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 juin 2008