Texte intégral
N. Iannetta et L. Bazin.- N. Iannetta : ... Hier, vous étiez à Rungis avec le président de la République, L. Chatel, et N. Domenach à qui rien n'échappe a remarqué que l'année dernière, pendant la campagne électorale, vous étiez de ce voyage à Rungis, mais vous étiez relégué au troisième rang, alors que là, on vous a vu tout à côté du président de la République et de son épouse, qui donc ont fait la boucherie, la fromagerie, le fleuriste, pas la poissonnerie. Est-ce que franchement, compte tenu de l'état de la filière, ce n'était pas "une maladresse", on va dire ça comme ça ?
Je veux dire, le président de la République vers 6 heures a proposé à ce qu'on aille au rayon poisson. Simplement, le rayon poisson il ferme à 4H30. Donc ce qui s'est passé, c'est que responsable, le président de la Fédération des poissonniers...
N. Iannetta : Non, mais ça, on le sait beaucoup à l'avance que le rayon poisson...
...Est venu nous retrouver au petit déjeuner et là, le Président a pu avoir un échange avec le président de la filière poisson.
L. Bazin : Oui, cela a évité que le poisson ne vole. Vous me direz, il n'y en a pas beaucoup sur les étals en ce moment.
Non, cela a permis d'évoquer les questions de la filière poisson avec lui. Et puis vous savez, l'objet de la visite d'hier, c'était quoi ? C'était d'abord de valoriser cette France, qui est un peu le coeur de notre politique, qui se lève tôt, qui travaille dure...
L. Bazin : Qui ne manifeste pas.
Qui fait des heures supplémentaires.
N. Iannetta : Qui ne cassent pas les abris de bus !
La réponse est oui, c'est-à-dire les gens qui se lèvent à 2 heures du matin, qui aiment leur métier, qui sont engagés, passionnés et qui travaillent pour l'économie de notre pays.
L. Bazin : Cela veut dire que les autres non, par exemple les profs qui défilent ne sont pas passionnés ?
Non, vous caricaturez !
L. Bazin : Non, je vous pose la question.
Mais il y a un moment où c'est vrai c'est bien de rendre hommage à cette France qui ne fait pas beaucoup parler d'elle - mais qui est courageuse et qui travaille du au quotidien.
N. Iannetta : En l'occurrence les pêcheurs, l'hommage ce n'est pas exactement ce qu'ils attendent, ils attendent vraiment que les choses changent. Il y a encore des blocages aujourd'hui de ports, de dépôts de carburant, c'est dans le Sud, c'est dans le Nord. On fait quoi, L. Chatel, pour sortir de cette situation ?
Vous savez, il y a évidemment une situation qui est extrêmement difficile et le Gouvernement a répondu à cela. Je rappelle quand même que nous avons mobilisé 310 millions d'euros, c'est un plan sans précédent pour la filière pêche.
N. Iannetta : Mais les gens ne veulent pas, ils disent que ce n'est pas suffisant, ils disent que M. Barnier, ils ne croient plus à ses propos... Ce n'est pas moi, moi je ne suis pas pêcheur, je répercute ce qu'ils disent. Ils disent qu'ils ne croient plus à ses promesses.
Non, non, tous les pêcheurs ne disent pas ça, d'accord ? Ensuite, on voit bien que c'est un problème européen et on voit que sur ce sujet, l'Allemagne nous a rejoints. On voit bien qu'au niveau européen, la France a entamé des discussions qui commencent à aboutir. Demain, avec M. Barnier, je vais réunir l'ensemble de la filière pêche pour regarder cette affaire de transparence des prix. Comment on passe du prix qui est payé au pêcheur sur le bateau, à la sortie, sur le quai, au prix vendu dans la grande distribution.
L. Bazin : 8 à 9 euros pour un kilo de colin, 50 euros dans un supermarché.
... Mais oui, mais oui, parce qu'il y a trop d'intermédiaires, parce qu'il y a trop d'opacité dans l'ensemble de la chaîne. Donc nous ce que l'on veut, c'est mettre plus de transparence dans le système. Donc, demain, on va tous les réunir et on va regarder comment on peut essayer de gagner à chaque étape de la chaîne pour faire en sorte...
L. Bazin : Pour mieux payer le poisson au pêcheur, autrement dit ?
Bien sûr, aujourd'hui ce n'est pas normal qu'on étrangle toujours le pêcheur et c'est un peu la même chose dans l'agriculture : on étrangle le producteur et le consommateur paie toujours plus cher. Donc c'est aussi l'objet de la loi de modernisation de l'économie que je veux défendre avec C. Lagarde. C'est plus de transparence dans le système, il y a trop d'intermédiaires.
L. Bazin : Cela veut dire que l'on ne peut rien faire... ce que vous dites, c'est intéressant comme piste, c'est la piste que vous suivez depuis plus d'un an maintenant et, visiblement, il y a débat autour de ça, donc c'est stimulant, pour la classe politique en particulier. Mais par ailleurs, cela veut dire que vous avez renoncé à intervenir du côté de l'essence, puisque vous travaillez du côté du produit, des prix ?
Non, absolument pas. Sur l'essence, d'abord je rappelle que les pêcheurs, pourquoi ils sont directement concernés ?
L. Bazin : On parle des pêcheurs, on peut ajouter les transporteurs routiers, on peut ajouter les taxis, les professionnels, on peut ajouter les Français.
N. Iannetta : Les médecins, les infirmiers.
Justement, je crois qu'il faut bien séparer deux catégories de professionnels. Vous avez les professionnels qui sont directement impactés sur leur salaire, sur leur vie au quotidien, par l'augmentation du pétrole. C'est ceux qui ne peuvent pas répercuter dans leurs factures : ce sont les pêcheurs ou bien les ambulanciers, qui ont un prix qui est lié au tarif de remboursement de la Sécurité sociale. Eux, ils sont coincés en haut, puisqu'ils ont un tarif qu'ils ne peuvent pas faire évoluer et il y a leurs charges qui augmentent. Le pêcheur, il faut quand même redire aux français que la facture de gazole, elle est retirée de leur salaire. Donc il y a des jours où, si le pétrole atteint des sommets, eh bien il vaut mieux ne pas sortir en mer, c'est un système d'une autre époque.
L. Bazin : Donc la colère des pêcheurs est une saine colère selon le porte-parole du Gouvernement, c'est ça qu'on entend, c'est justifié ?
C'est normal, dans un système où le pétrole empiète chaque jour sur leur feuille de paye, c'est normal qu'ils manifestent leur inquiétude et c'est légitime que le Gouvernement essaye d'y répondre par le plan qu'il a mobilisé. Et puis il y a une autre catégorie de professionnels qui sont, par exemple les transporteurs routiers, qui eux, évidemment son victimes de cette augmentation, mais qui peuvent répercuter à leur client final l'augmentation du prix du gazole. Donc, ce que nous voulons c'est dissocier ces deux catégories et, de manière générale, apporter une réponse qui a été évoquée hier : c'est un fonds d'intervention. Il ne faut pas que l'Etat se fasse de l'argent sur le dos des Français avec l'augmentation du pétrole. Donc, il n'y a pas de raison que l'on touche plus de TVA, parce que le pétrole est cher, donc, le Président s'est engagé à ce qu'on rende aux Français...
L. Bazin : Comment on va le rendre, aux particuliers ça ?
Par des mécanismes de redistribution. Eh bien, par exemple avec la prime à la cuve. La prime à la cuve cela a touché cette année 700 000 foyers, les foyers les moins favorisés. Elle était de 75 euros l'année dernière, on l'a portée cette année à 150 euros, N. Sarkozy a annoncé hier, qu'on allait la passer à 200 euros, c'est très concret.
N. Iannetta : Non, non, mais il a aussi dit, L. Chatel, pardon, que quand on débloquera ce fonds, quand le pétrole aura atteint un certain seuil, on ne peut pas considérer qu'on a atteint un certain seuil, là ?
No, excusez-moi de vous dire que vous mélangez deux choses. Il y a les recettes supplémentaires de TVA qui seront affectées à un fonds, c'est à chaque fois au-delà de ce que l'Etat... Quand l'Etat commence à se faire de l'argent quand il y a une augmentation de pétrole, c'est le cas depuis le 1er janvier, ce n'était pas le cas l'année dernière. Et il y a un deuxième sujet qui est de fixer effectivement un seuil au-delà duquel il faudrait suspendre la TVA - et ça, c'est une proposition que N. Sarkozy fait à ses partenaires européens.
L. Bazin : Retoquée par Bruxelles, hier.
Oui, il y a une réaction de la Commission immédiate. Mais vous savez, les discussions européennes c'est un combat permanent, donc, il va falloir maintenant que l'on prenne notre bâton de pèlerin, qu'E. Woerth, C. Lagarde, moi-même on aille voir nos partenaires européens et on regarde comment on peut convaincre...
L. Bazin : Donc, vous n'avez pas renoncé, c'est intéressant, malgré le feu rouge ou le feu orange de la Commission ?
Non, parce qu'on pense qu'il n'y a pas de fatalité et que les 27 pays de l'Union - on voit dans les images que vous avez diffusées- ils sont confrontés aux mêmes problèmes, au même moment. Donc c'est normal que l'on se mette autour de la table et qu'on essaye de les résoudre ensemble. Donc, c'est une proposition de N. Sarkozy. Par contre, sur le premier point, le fonds d'intervention, il va être actif dans les prochaines semaines.
N. Iannetta : Très rapidement, l'autre mauvaise nouvelle du jour, c'est J.-F. Cirelli dans le Parisien qui n'exclut pas une nouvelle augmentation des tarifs du gaz.
Oui, mais je ne sais pas où il l'a inventée, ce n'est pas d'actualité, voilà.
L. Bazin : Il ne l'exclut pas, il ne l'a pas demandée, précise-t-il, mais il ne l'exclut pas, donc ce sera non ?
C'est toujours pareil, le journal que vous citez reprend la toute petite phrase : « Qu'il n'exclut pas » alors que tout le reste de l'article n'évoque pas cette question.
L. Bazin : Vous comprenez pourquoi, vous voyez bien pourquoi, pour ceux qui se chauffent au gaz, ou qui font la cuisine au gaz, on voit bien...
Je vous dis, comme J.-L. Borloo l'avait dit à l'Assemblée nationale il y a quinze jours, de mémoire, ce n'est pas d'actualité...
N. Iannetta : Alors la vie est trop chère, c'est ce qu'a dit N. Sarkozy à plusieurs reprises hier dans une interview. Vous-même vous êtes allé faire vos courses à Kehl en Allemagne, où vous avez constaté que les prix étaient beaucoup moins chers que nous. Eh bien pas du tout, vous répond le patron d'Auchan ; il est choqué et énervé et je vais le citer, si vous le permettez : « Nous avons fait la même chose avec notre propre liste de produits de grande marque et dans l'ensemble, ils étaient vendus moins cher chez nous »
Mais moi, si vous voulez, c'est normal dans la dernière ligne droite, avant le vote d'une loi, que chacun défende un peu son bout de gras. Allez expliquer aux Français que les produits sont moins chers en France qu'ailleurs, la ficelle est un peu grosse. Moi j'ai été dans un magasin à Kehl, à dix kilomètres de Strasbourg où 40 % des clients sont des Français. C'est-à-dire que tous les week-end, les Alsaciens ils vont faire leurs courses en Allemagne. Et j'ai pris quelques exemples de produits, de grande consommation et de grandes marques, des marques multinationales, exactement les mêmes produits. Il y avait des écarts, non pas de 14 %, c'était la moyenne du panier ça, parce qu'il y a quelques produits qui sont un peu moins chers qu'en France.
N. Iannetta : Donc Arnaud Mulliez ment quand il dit que ce n'est pas vrai ?
Il défend ses hypermarchés, moi je défends les consommateurs, c'est ça la différence. Et les consommateurs en Alsace, ils vont faire leurs courses en Allemagne, c'est pour ça que nous, nous voulons réformer la loi française qui est absurde, parce qu'elle est structurellement inflationniste. Et ça Monsieur Mulliez le sait très bien, parce que pendant dix ans, avec les autres grands distributeurs, il a eu une conjugaison d'intérêts avec les grands industriels, ils se sont partagés la marge et c'est vous, c'est moi, qui avons payé la facture. Donc les Français en dix ans, ils ont vu les prix de grande consommation augmenter deux fois plus vite que les autres pays européens. On veut mettre fin à cela.
N. Iannetta : Il y a une loi qui porte votre nom, qui s'appelle la loi Chatel, contre ces fameuses marges arrière dont on a beaucoup, beaucoup parlé. Et il y a certains députés de l'UMP qui disent : "mais on n'a même pas encore fait le constat de cette loi-là, elle marche, on l'a votée, on était content de cette loi, pourquoi est-ce qu'on doit se remettre à faire une loi de modernisation de l'économie où notamment il va falloir construire des grandes surfaces, plus de 1.000m², sans autorisation administrative et tuer nos petits commerces".
Il y a deux sujets dans votre question. Effectivement, la loi que j'ai fait voter en décembre, elle marche. Deux exemples, vous avez Carrefour, vous avez Système U qui sont actuellement en train de mener des opérations promotionnelles où ils concentrent des baisses de prix sur quelques produits. Le remboursement de la TVA pour l'un, un panier moyen pour l'autre, et c'est possible grâce à la loi que les parlements ont votée en décembre dernier.
N. Iannetta : La loi Chatel donc.
Par contre, nous avions indiqué en décembre, lorsque je suis allé au Parlement, j'ai expliqué aux députés, aux sénateurs, je leur ai dit, on va réformer en deux temps, on va faire cette loi en décembre - mais cette loi elle ne supprime pas le système des marges arrière. Donc là, ce que nous proposons c'est de sortir définitivement de ce système absurde, voilà. Et puis la deuxième partie de votre question, c'est la question de l'urbanisme commercial.
N. Iannetta : Ils sont inquiets !
Aujourd'hui, il n'y a pas assez de concurrence dans la distribution. C'est-à-dire qu'en France, vous avez 83 % des zones de chalandises qui sont en situation de monopole ou de duopole. C'est-à-dire que vous avez une ou deux centrales d'achat qui rayonnent sur un bassin de vie. Eh bien c'est bien connu, quand il y a deux centrales d'achat, quand il y a deux magasins, il n'y a pas de concurrence.
L. Bazin : La concurrence commence à trois, c'est intéressant, je le garde en tête.
Non, mais en tout cas, il ne peut pas y avoir monopole et duopole et nous ce que l'on veut, c'est permettre à un troisième larron, si je puis dire, d'arriver sur le marché et de jouer le rôle un peu d'aiguillon vis-à-vis des acteurs qui sont installés sur une zone de chalandises.
L. Bazin : Avez-vous le temps de rester pour le "zapping politique" ?
Bien sûr !
L. Bazin : Eh bien restez, on parlera notamment de la réforme de la Constitution, puisque les socialistes ont décidé de dire non. A tout de suite.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 mai 2008
Je veux dire, le président de la République vers 6 heures a proposé à ce qu'on aille au rayon poisson. Simplement, le rayon poisson il ferme à 4H30. Donc ce qui s'est passé, c'est que responsable, le président de la Fédération des poissonniers...
N. Iannetta : Non, mais ça, on le sait beaucoup à l'avance que le rayon poisson...
...Est venu nous retrouver au petit déjeuner et là, le Président a pu avoir un échange avec le président de la filière poisson.
L. Bazin : Oui, cela a évité que le poisson ne vole. Vous me direz, il n'y en a pas beaucoup sur les étals en ce moment.
Non, cela a permis d'évoquer les questions de la filière poisson avec lui. Et puis vous savez, l'objet de la visite d'hier, c'était quoi ? C'était d'abord de valoriser cette France, qui est un peu le coeur de notre politique, qui se lève tôt, qui travaille dure...
L. Bazin : Qui ne manifeste pas.
Qui fait des heures supplémentaires.
N. Iannetta : Qui ne cassent pas les abris de bus !
La réponse est oui, c'est-à-dire les gens qui se lèvent à 2 heures du matin, qui aiment leur métier, qui sont engagés, passionnés et qui travaillent pour l'économie de notre pays.
L. Bazin : Cela veut dire que les autres non, par exemple les profs qui défilent ne sont pas passionnés ?
Non, vous caricaturez !
L. Bazin : Non, je vous pose la question.
Mais il y a un moment où c'est vrai c'est bien de rendre hommage à cette France qui ne fait pas beaucoup parler d'elle - mais qui est courageuse et qui travaille du au quotidien.
N. Iannetta : En l'occurrence les pêcheurs, l'hommage ce n'est pas exactement ce qu'ils attendent, ils attendent vraiment que les choses changent. Il y a encore des blocages aujourd'hui de ports, de dépôts de carburant, c'est dans le Sud, c'est dans le Nord. On fait quoi, L. Chatel, pour sortir de cette situation ?
Vous savez, il y a évidemment une situation qui est extrêmement difficile et le Gouvernement a répondu à cela. Je rappelle quand même que nous avons mobilisé 310 millions d'euros, c'est un plan sans précédent pour la filière pêche.
N. Iannetta : Mais les gens ne veulent pas, ils disent que ce n'est pas suffisant, ils disent que M. Barnier, ils ne croient plus à ses propos... Ce n'est pas moi, moi je ne suis pas pêcheur, je répercute ce qu'ils disent. Ils disent qu'ils ne croient plus à ses promesses.
Non, non, tous les pêcheurs ne disent pas ça, d'accord ? Ensuite, on voit bien que c'est un problème européen et on voit que sur ce sujet, l'Allemagne nous a rejoints. On voit bien qu'au niveau européen, la France a entamé des discussions qui commencent à aboutir. Demain, avec M. Barnier, je vais réunir l'ensemble de la filière pêche pour regarder cette affaire de transparence des prix. Comment on passe du prix qui est payé au pêcheur sur le bateau, à la sortie, sur le quai, au prix vendu dans la grande distribution.
L. Bazin : 8 à 9 euros pour un kilo de colin, 50 euros dans un supermarché.
... Mais oui, mais oui, parce qu'il y a trop d'intermédiaires, parce qu'il y a trop d'opacité dans l'ensemble de la chaîne. Donc nous ce que l'on veut, c'est mettre plus de transparence dans le système. Donc, demain, on va tous les réunir et on va regarder comment on peut essayer de gagner à chaque étape de la chaîne pour faire en sorte...
L. Bazin : Pour mieux payer le poisson au pêcheur, autrement dit ?
Bien sûr, aujourd'hui ce n'est pas normal qu'on étrangle toujours le pêcheur et c'est un peu la même chose dans l'agriculture : on étrangle le producteur et le consommateur paie toujours plus cher. Donc c'est aussi l'objet de la loi de modernisation de l'économie que je veux défendre avec C. Lagarde. C'est plus de transparence dans le système, il y a trop d'intermédiaires.
L. Bazin : Cela veut dire que l'on ne peut rien faire... ce que vous dites, c'est intéressant comme piste, c'est la piste que vous suivez depuis plus d'un an maintenant et, visiblement, il y a débat autour de ça, donc c'est stimulant, pour la classe politique en particulier. Mais par ailleurs, cela veut dire que vous avez renoncé à intervenir du côté de l'essence, puisque vous travaillez du côté du produit, des prix ?
Non, absolument pas. Sur l'essence, d'abord je rappelle que les pêcheurs, pourquoi ils sont directement concernés ?
L. Bazin : On parle des pêcheurs, on peut ajouter les transporteurs routiers, on peut ajouter les taxis, les professionnels, on peut ajouter les Français.
N. Iannetta : Les médecins, les infirmiers.
Justement, je crois qu'il faut bien séparer deux catégories de professionnels. Vous avez les professionnels qui sont directement impactés sur leur salaire, sur leur vie au quotidien, par l'augmentation du pétrole. C'est ceux qui ne peuvent pas répercuter dans leurs factures : ce sont les pêcheurs ou bien les ambulanciers, qui ont un prix qui est lié au tarif de remboursement de la Sécurité sociale. Eux, ils sont coincés en haut, puisqu'ils ont un tarif qu'ils ne peuvent pas faire évoluer et il y a leurs charges qui augmentent. Le pêcheur, il faut quand même redire aux français que la facture de gazole, elle est retirée de leur salaire. Donc il y a des jours où, si le pétrole atteint des sommets, eh bien il vaut mieux ne pas sortir en mer, c'est un système d'une autre époque.
L. Bazin : Donc la colère des pêcheurs est une saine colère selon le porte-parole du Gouvernement, c'est ça qu'on entend, c'est justifié ?
C'est normal, dans un système où le pétrole empiète chaque jour sur leur feuille de paye, c'est normal qu'ils manifestent leur inquiétude et c'est légitime que le Gouvernement essaye d'y répondre par le plan qu'il a mobilisé. Et puis il y a une autre catégorie de professionnels qui sont, par exemple les transporteurs routiers, qui eux, évidemment son victimes de cette augmentation, mais qui peuvent répercuter à leur client final l'augmentation du prix du gazole. Donc, ce que nous voulons c'est dissocier ces deux catégories et, de manière générale, apporter une réponse qui a été évoquée hier : c'est un fonds d'intervention. Il ne faut pas que l'Etat se fasse de l'argent sur le dos des Français avec l'augmentation du pétrole. Donc, il n'y a pas de raison que l'on touche plus de TVA, parce que le pétrole est cher, donc, le Président s'est engagé à ce qu'on rende aux Français...
L. Bazin : Comment on va le rendre, aux particuliers ça ?
Par des mécanismes de redistribution. Eh bien, par exemple avec la prime à la cuve. La prime à la cuve cela a touché cette année 700 000 foyers, les foyers les moins favorisés. Elle était de 75 euros l'année dernière, on l'a portée cette année à 150 euros, N. Sarkozy a annoncé hier, qu'on allait la passer à 200 euros, c'est très concret.
N. Iannetta : Non, non, mais il a aussi dit, L. Chatel, pardon, que quand on débloquera ce fonds, quand le pétrole aura atteint un certain seuil, on ne peut pas considérer qu'on a atteint un certain seuil, là ?
No, excusez-moi de vous dire que vous mélangez deux choses. Il y a les recettes supplémentaires de TVA qui seront affectées à un fonds, c'est à chaque fois au-delà de ce que l'Etat... Quand l'Etat commence à se faire de l'argent quand il y a une augmentation de pétrole, c'est le cas depuis le 1er janvier, ce n'était pas le cas l'année dernière. Et il y a un deuxième sujet qui est de fixer effectivement un seuil au-delà duquel il faudrait suspendre la TVA - et ça, c'est une proposition que N. Sarkozy fait à ses partenaires européens.
L. Bazin : Retoquée par Bruxelles, hier.
Oui, il y a une réaction de la Commission immédiate. Mais vous savez, les discussions européennes c'est un combat permanent, donc, il va falloir maintenant que l'on prenne notre bâton de pèlerin, qu'E. Woerth, C. Lagarde, moi-même on aille voir nos partenaires européens et on regarde comment on peut convaincre...
L. Bazin : Donc, vous n'avez pas renoncé, c'est intéressant, malgré le feu rouge ou le feu orange de la Commission ?
Non, parce qu'on pense qu'il n'y a pas de fatalité et que les 27 pays de l'Union - on voit dans les images que vous avez diffusées- ils sont confrontés aux mêmes problèmes, au même moment. Donc c'est normal que l'on se mette autour de la table et qu'on essaye de les résoudre ensemble. Donc, c'est une proposition de N. Sarkozy. Par contre, sur le premier point, le fonds d'intervention, il va être actif dans les prochaines semaines.
N. Iannetta : Très rapidement, l'autre mauvaise nouvelle du jour, c'est J.-F. Cirelli dans le Parisien qui n'exclut pas une nouvelle augmentation des tarifs du gaz.
Oui, mais je ne sais pas où il l'a inventée, ce n'est pas d'actualité, voilà.
L. Bazin : Il ne l'exclut pas, il ne l'a pas demandée, précise-t-il, mais il ne l'exclut pas, donc ce sera non ?
C'est toujours pareil, le journal que vous citez reprend la toute petite phrase : « Qu'il n'exclut pas » alors que tout le reste de l'article n'évoque pas cette question.
L. Bazin : Vous comprenez pourquoi, vous voyez bien pourquoi, pour ceux qui se chauffent au gaz, ou qui font la cuisine au gaz, on voit bien...
Je vous dis, comme J.-L. Borloo l'avait dit à l'Assemblée nationale il y a quinze jours, de mémoire, ce n'est pas d'actualité...
N. Iannetta : Alors la vie est trop chère, c'est ce qu'a dit N. Sarkozy à plusieurs reprises hier dans une interview. Vous-même vous êtes allé faire vos courses à Kehl en Allemagne, où vous avez constaté que les prix étaient beaucoup moins chers que nous. Eh bien pas du tout, vous répond le patron d'Auchan ; il est choqué et énervé et je vais le citer, si vous le permettez : « Nous avons fait la même chose avec notre propre liste de produits de grande marque et dans l'ensemble, ils étaient vendus moins cher chez nous »
Mais moi, si vous voulez, c'est normal dans la dernière ligne droite, avant le vote d'une loi, que chacun défende un peu son bout de gras. Allez expliquer aux Français que les produits sont moins chers en France qu'ailleurs, la ficelle est un peu grosse. Moi j'ai été dans un magasin à Kehl, à dix kilomètres de Strasbourg où 40 % des clients sont des Français. C'est-à-dire que tous les week-end, les Alsaciens ils vont faire leurs courses en Allemagne. Et j'ai pris quelques exemples de produits, de grande consommation et de grandes marques, des marques multinationales, exactement les mêmes produits. Il y avait des écarts, non pas de 14 %, c'était la moyenne du panier ça, parce qu'il y a quelques produits qui sont un peu moins chers qu'en France.
N. Iannetta : Donc Arnaud Mulliez ment quand il dit que ce n'est pas vrai ?
Il défend ses hypermarchés, moi je défends les consommateurs, c'est ça la différence. Et les consommateurs en Alsace, ils vont faire leurs courses en Allemagne, c'est pour ça que nous, nous voulons réformer la loi française qui est absurde, parce qu'elle est structurellement inflationniste. Et ça Monsieur Mulliez le sait très bien, parce que pendant dix ans, avec les autres grands distributeurs, il a eu une conjugaison d'intérêts avec les grands industriels, ils se sont partagés la marge et c'est vous, c'est moi, qui avons payé la facture. Donc les Français en dix ans, ils ont vu les prix de grande consommation augmenter deux fois plus vite que les autres pays européens. On veut mettre fin à cela.
N. Iannetta : Il y a une loi qui porte votre nom, qui s'appelle la loi Chatel, contre ces fameuses marges arrière dont on a beaucoup, beaucoup parlé. Et il y a certains députés de l'UMP qui disent : "mais on n'a même pas encore fait le constat de cette loi-là, elle marche, on l'a votée, on était content de cette loi, pourquoi est-ce qu'on doit se remettre à faire une loi de modernisation de l'économie où notamment il va falloir construire des grandes surfaces, plus de 1.000m², sans autorisation administrative et tuer nos petits commerces".
Il y a deux sujets dans votre question. Effectivement, la loi que j'ai fait voter en décembre, elle marche. Deux exemples, vous avez Carrefour, vous avez Système U qui sont actuellement en train de mener des opérations promotionnelles où ils concentrent des baisses de prix sur quelques produits. Le remboursement de la TVA pour l'un, un panier moyen pour l'autre, et c'est possible grâce à la loi que les parlements ont votée en décembre dernier.
N. Iannetta : La loi Chatel donc.
Par contre, nous avions indiqué en décembre, lorsque je suis allé au Parlement, j'ai expliqué aux députés, aux sénateurs, je leur ai dit, on va réformer en deux temps, on va faire cette loi en décembre - mais cette loi elle ne supprime pas le système des marges arrière. Donc là, ce que nous proposons c'est de sortir définitivement de ce système absurde, voilà. Et puis la deuxième partie de votre question, c'est la question de l'urbanisme commercial.
N. Iannetta : Ils sont inquiets !
Aujourd'hui, il n'y a pas assez de concurrence dans la distribution. C'est-à-dire qu'en France, vous avez 83 % des zones de chalandises qui sont en situation de monopole ou de duopole. C'est-à-dire que vous avez une ou deux centrales d'achat qui rayonnent sur un bassin de vie. Eh bien c'est bien connu, quand il y a deux centrales d'achat, quand il y a deux magasins, il n'y a pas de concurrence.
L. Bazin : La concurrence commence à trois, c'est intéressant, je le garde en tête.
Non, mais en tout cas, il ne peut pas y avoir monopole et duopole et nous ce que l'on veut, c'est permettre à un troisième larron, si je puis dire, d'arriver sur le marché et de jouer le rôle un peu d'aiguillon vis-à-vis des acteurs qui sont installés sur une zone de chalandises.
L. Bazin : Avez-vous le temps de rester pour le "zapping politique" ?
Bien sûr !
L. Bazin : Eh bien restez, on parlera notamment de la réforme de la Constitution, puisque les socialistes ont décidé de dire non. A tout de suite.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 mai 2008