Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur l'aide à l'autonomie des personnes âgées dépendantes, le maintien à domicile et le "tarif soin global" des soins médicaux aux personnes dépendantes, Paris le 28 mai 2008.

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Circonstance : 1ères orientations du Gouvernement dans le cadre du 5ème risque sur la prise en charge de l'autonomie des personnes à Paris le 28 mai 2008

Texte intégral


Xavier Bertrand vient de présenter notre vision commune du cinquième risque. Ce chantier, et vous avez su nous le rappeler lors de nos rencontres, est fondamental. C'est bien un modèle de société que nous construisons.
Je m'associe évidemment aux propos de Xavier Bertrand sur le rapport du Conseil de la CNSA du 16 octobre dernier. Dans le titre du rapport, comme dans le reste du texte, je sais que chaque mot a été soigneusement pesé.
Le rapport propose de retenir la notion « d'aide à l'autonomie » ou « la compensation pour l'autonomie ». Ce changement de vocabulaire n'est pas seulement symbolique, il traduit vraiment une ambition nouvelle dans le champ des politiques publiques.
Je voudrais insister pour ma part sur trois points qui me sont chers, notre politique en faveur des établissements, la gouvernance du cinquième risque et notre action en direction des professionnels de la perte d'autonomie.
Comme l'a rappelé Xavier Bertrand, le cinquième risque doit permettre d'augmenter le nombre de places en établissements médicalisés et d'alléger le reste à charge pour les familles.
Pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent plus rester à domicile, il faut mener une politique ambitieuse en direction des établissements d'accueil de personnes âgées et de personnes handicapées, qui se fixe à la fois des objectifs quantitatifs, qualitatifs et d'amélioration de la gestion.
Les études démographiques, les remontées territoriales à travers les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC) et l'impact attendu de la politique de maintien à domicile permettent d'évaluer les besoins de créations de places pour les années à venir.
En ce qui concerne les maisons de retraite, il faudra créer entre 5 000 et 7 500 places par an. Mais il ne suffit pas de créer des places sur le papier. Pour que les autorisations se traduisent par des créations effectives de places pour les usagers, plusieurs leviers seront mis à contribution : les enveloppes anticipées, l'aide à l'investissement, l'aide à la formation professionnelle par la CNSA. Il faut aussi, et je sais que ce sujet tient à coeur à certains d'entre vous simplifier les procédures administratives de création de places et inciter les porteurs de projets à proposer des formules innovantes. Le 5ème risque, c'est aussi se pencher sur des questions très concrètes comme celle-ci.
En ce qui concerne les établissements et services pour personnes handicapées, il sera prochainement lancé, comme s'y est engagé le Président de la République, un Plan pluriannuel de création de places. Ce plan aura notamment pour objectifs de mettre fin aux listes d'attente excessivement longues pour les familles, de mieux prendre en charge les handicaps lourds - autisme, polyhandicap, troubles graves du comportement - et de tenir compte de l'avancée en âge de la population accueillie en établissement.
Pour l'accélérer et la rendre plus efficaces, la procédure d'autorisation des établissements et services médico-sociaux, en particulier le rôle des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS), sera revue. L'objectif est de mettre en place une procédure reposant sur des appels à projets qui permettent réellement de faire émerger les solutions innovantes.
Cela suppose également d'autoriser plus rapidement les établissements à créer des places en raisonnant dans un cadre d'autorisation pluriannuel..
De même il faut pérenniser les aides à l'investissement, y compris pour les établissements nouveaux parce que ces aides sont indispensables pour accélérer la modernisation et la création de places nouvelles sans accroître le reste à charge.
Mais notre action en faveur des établissements ne peut pas se résumer aux créations quantitatives de places. Ces créations doivent se doubler d'une politique ambitieuse tant sur la qualité des soins en maisons de retraite que sur le reste à charge.
La médicalisation des EHPAD est un impératif pour le bien-être des résidents, pour faciliter la coordination avec les soins de ville et hospitaliers ainsi que pour lutter contre toutes les situations de maltraitance. L'objectif du Gouvernement est que 100% des établissements aient pu passer en 2008 au moins une première convention avec l'Etat et le conseil général prévoyant cette médicalisation.
Pour les établissements renouvelant leur convention, il s'agit d'accompagner la montée en puissance de la nouvelle tarification du soin - tarification dite « Pathos » -, qui prévoit des taux d'encadrement supérieurs en personnels soignants.
Le Gouvernement souhaite également promouvoir le « tarif soin global » qui doit permettre à l'établissement de mieux coordonner les différents actes de soins effectués sur les résidents. Cela implique notamment de poursuivre la réflexion entamée, avec les acteurs concernés, sur le rôle du médecin-coordonnateur en EHPAD.
Surtout, pour que l'accès aux établissements puisse être possible pour les familles, il nous faut, et c'est à mon sens l'un des objectifs principaux du cinquième risque, alléger les sommes laissées à la charge des familles. D'après les dernières enquêtes statistiques, le tarif dépasse le revenu disponible pour près de 80% des résidents en maison de retraite.
C'est évidemment une des premières demandes des familles et des résidents. Et nous devons nous fixer cet objectif en privilégiant la solidarité publique, sans exclure qu'à partir d'un certain niveau de revenu ou de patrimoine, l'épargne ou les solidarités familiales puissent être mobilisées lors des dernières années de vie.
Cela pose d'autres questions : Il faut que les aides versées aillent en priorité à ceux qui en ont le plus besoin. Or, ce n'est pas le cas actuellement avec l'APA en établissement, dont le barème ne varie quasiment pas en fonction du revenu. Nous souhaitons donc réformer cette prestation en couvrant davantage les plus faibles revenus.
Plus largement, comme nous y invitent de nombreux rapports, nous pourrions davantage articuler l'ensemble des aides à l'hébergement ou à la dépendance dont peut aujourd'hui bénéficier un résident en maison de retraite (APA, aide sociale à l'hébergement, aides au logement, aides fiscales à l'hébergement). La réduction du reste à charge implique aussi d'assurer une meilleure maîtrise des tarifs d'hébergement et donc de réfléchir, avec l'ensemble des acteurs du secteur à de nouveaux outils de régulation.
Ces chantiers sont liés à celui de la gouvernance car, comme dans bien d'autres domaines, la forme de la gouvernance garantit le fond du cinquième risque.
L'organisation que nous envisageons pour le cinquième risque ne doit pas être calquée sur celle des risques existants de sécurité sociale.
En ce qui concerne les conseils généraux, il faut les conforter dans leur rôle de maîtres d'oeuvre des prestations de compensation en faveur de l'autonomie. Ils ont aujourd'hui acquis une légitimité incontestable comme échelon de proximité des politiques de compensation.
Au niveau régional, la mise en place des ARS doit être l'occasion, en lien avec Roselyne Bachelot, d'avoir une vision territoriale décloisonnée des besoins sanitaires et médico-sociaux. Dans le respect des compétences de chacun, il importera que les exercices de planification et de programmation de l'ARS et des conseils généraux soient étroitement coordonnés. Il en va de même dans les domaines de l'autorisation et de la tarification des établissements et services médico-sociaux. Les partenaires sociaux et associatifs devront également occuper une place centrale dans les instances de gouvernance des ARS.
Enfin, la CNSA doit être érigée en véritable agence chargée du cinquième risque, et à ce titre l'interlocuteur des ARS en ce qui concernent la mise en oeuvre territoriale du 5ème risque. Ses moyens d'action doivent être ceux d'un véritable opérateur national, garant de l'égalité de traitement sur tout le territoire, de la transparence de l'information et de l'échange de pratiques.
Ma vision de l'action de l'Etat est celle d'un Etat stratège, c'est pourquoi ce dernier doit se recentrer sur ses fonctions régaliennes. En parallèle, un pouvoir réglementaire délégué et circonscrit pourrait être reconnu à l'agence chargée du cinquième risque. Ces évolutions imposeraient de renforcer encore l'efficacité et la gouvernance du Conseil de la CNSA. Les pistes évoquées à ce titre par le rapport du Conseil nous paraissent intéressantes.
J'en viens maintenant à ma troisième action prioritaire, le plan des métiers en faveur de l'autonomie.
L'amélioration de la prise en charge dont nous parlons tant à domicile qu'en établissement nécessite de nombreux recrutements qui ne seront pas possibles sans la mise en oeuvre d'un plan des métiers en faveur de l'autonomie. Ce plan devra permettre de former de nombreux professionnels pour faire face aux besoins et d'ouvrir davantage de perspectives à ces personnels en leur proposant des carrières plus diversifiées.
Il s'appuiera sur une expérimentation réalisée avec les conseils régionaux, compétents en matière de formation professionnelle depuis la loi du 13 août 2004. Les gestionnaires d'établissements et de services seront également des partenaires privilégiés. En tant qu'employeurs, ils devront veiller à favoriser la professionnalisation des personnels et assurer les recrutements nécessaires. Afin de les appuyer dans cette démarche, les moyens des conseils régionaux, de l'Etat et des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) seront mobilisés.
Renforcer l'attractivité des métiers du médico-social, permettre la construction de vrais parcours professionnels, et former des professionnels en nombre suffisant, il s'agit là d'objectifs majeurs pour rendre effectives sur le terrain l'ensemble des orientations du 5ème risque
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous n'avons évidemment pas épuisé toutes les questions que pose ce chantier dont nous devons être collectivement garants.. Nous nous sommes déjà rencontrés pour évoquer ces questions. Et ce n'est pas fini. Merci d'avance de vos réactions. Soyez assurés de notre volonté d'avancer avec vous dans la construction d'un 5ème risque ambitieux et conforme aux attentes de nos concitoyens, dans le respect d'une certaine conception de la solidarité républicaine.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 29 mai 2008