Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec "Le Journal du Dimanche" le 1er juin 2008 à Bagdad, sur les progrès de la situation en Irak et l'implication de la France dans ce pays.

Prononcé le 1er juin 2008

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Q - Réunie jeudi dernier à Stockholm, la communauté internationale a estimé que l'Irak était sur la voie du redressement. Est-ce aussi votre impression ?
R - J'ai effectivement le sentiment que la situation s'améliore. Rien n'est encore acquis, mais les Irakiens semblent cette fois avancer vers la réconciliation nationale et c'est cela que nous voulons soutenir. J'étais à Nassiryah dans le sud du pays, là-bas toute la région est tenue par des soldats irakiens. Il y a visiblement une prise en charge positive du secteur par l'armée nationale, il n'y a d'ailleurs pas eu d'attentats depuis trois mois. J'espère que cela continuera. Le but de cette visite, au cours de laquelle je verrai chiites, sunnites, kurdes et je saluerai, bien sûr les Américains, c'est justement d'assurer la nécessité de la réconciliation. Puis il faut reconstruire. Il y a beaucoup de travail pour tout le monde mais les Français ne sont pas assez présents. Il faut qu'ils le soient plus.
Q - Sous quelle forme pourraient-ils être présents ?
R - Je pense d'abord à tous les travaux d'intérêts généraux. Tout le monde est là, les Italiens, les Japonais, les Suisses, les Chinois, les Russes... Nous devons donc reprendre petit à petit notre place. Les gens qui nous ont accueillis dans le Sud n'avaient pas vu de Français depuis dix ans. Il y a un vrai appétit de France et une volonté de travailler avec nos entreprises qui est formidable. Il faut parier sur un Irak réconcilié dans les années qui viennent et les soutenir.
Q - Politiquement, avez-vous le sentiment que cela a progressé depuis votre passage il y a un an ?
C'est beaucoup mieux. Le président et le gouvernement ont le sentiment d'avoir pris l'avantage sur les éléments influencés par l'Iran. Le combat contre l'Armée du Mahdi (la milice pro-iranienne de Moqtada Sadr) a ainsi été gagné à 70 %. C'est quasiment un tournant décisif. Ils pensent donc pouvoir s'engager dans une perspective nationale, pour bâtir un gouvernement d'union où les sunnites sont attendus. Cela semble en bonne voie et dans cette phase la France peut jouer un rôle.
Q - Pour se chercher des alliés chiites contre l'Iran ?
R - Nous ne cherchons pas d'alliance avec l'une des communautés irakiennes en particulier. Nous voulons être les amis de toutes les communautés, mais les chiites modérés ont notre total soutien. Mon impression est bonne, les Irakiens sont en train de prendre en charge leur destin national. Peu à peu, ils sortent des tourments les plus importants, avec des difficultés certes, mais ils en sortent.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 juin 2008