Texte intégral
Les Échos - Pourquoi refusez-vous de participer aux manifestations du 17 juin appelées par la CFDT et la CGT ?
Nous considérons que si l'on veut avoir des chances de faire reculer le gouvernement, notamment sur les points clefs du dossier des retraites - la durée de cotisation et le niveau des pensions - une manifestation ne suffira pas, a fortiori à une date si proche de l'été. Sous cette forme, on l'a bien vu lors de la première réforme de 2003, ce n'est pas efficace. La semaine dernière, nous avons proposé aux autres confédérations par deux fois, lundi puis jeudi, un appel commun à une journée de grève interprofessionnelle, qui est à nos yeux le seul mode d'action pour espérer désormais des résultats. Elles n'ont pas retenu cette proposition. Dans ces conditions, sur les 35 heures, le meilleur moyen d'agir est que la CFDT et la CGT retirent leur signature pour priver le gouvernement du véhicule législatif de la représentativité et du feu vert politique qu'elles lui ont symboliquement donné. Pourquoi diable avoir mêlé le temps de travail à un texte sur la représentativité ? François Chérèque et Bernard Thibault ont eux-mêmes entrouvert la porte qui débouche sur l'imbroglio actuel, à eux de la refermer.
Les Échos - Ne craignez-vous pas de faire le jeu du gouvernement ?
Mais qui fait le jeu du gouvernement ? Qui a signé la position commune ? Et pourquoi refuser notre appel à la grève ? Nous, quand on a signé, contrairement à la CGT, l'accord sur la modernisation du marché du travail, nous avons prévenu les parlementaires que si l'esprit du texte était trop profondément modifié, nous retirerions notre signature. Je refuse d'être accusé de diviser le front syndical. Cela fait plus de quatre ans que je suis secrétaire général de FO et, dès ma prise de fonction, j'ai appelé à une banalisation des relations entre confédérations, pour laquelle j'ai toujours oeuvré depuis. C'est d'ailleurs, soyons clairs, cette détente qui a permis de gagner la bataille du CPE. Mais à un moment donné, il faut dire les choses clairement. Nous ne sommes pas d'accord avec les choix de la CFDT et de la CGT, et nous le disons, mais nous ne sommes pas d'accord avec le gouvernement non plus, et nous le disons aussi. Evidement que nous dénonçons la réforme en cours sur la durée du travail.
Les Échos - Considérez-vous qu'elle marquera la fin des 35 heures ?
Très clairement. La seule protection qui restera pour les salariés, c'est les textes européens (11 heures de repos quotidien minimum, 48 heures de travail hebdomadaire maximum). En clair, les salariés pourront travailler jusqu'à 13 heures par jour ! De plus, la directive européenne sur le temps de travail doit être réexaminée durant la présidence française de l'Union européenne (UE) et je suspecte le gouvernement de vouloir lâcher sur ce point et de céder aux pressions de l'Angleterre, qui veut faire sauter ces ultimes garde-fous.
Les Échos - Force Ouvrière va-t-elle dès lors mener ses propres actions contre la réforme des 35 heures ?
Nous allons, sur tous les motifs de mécontentement, réunir rapidement dans les régions nos militants. Nous allons largement informer les salariés de la situation, y compris sur les 35 heures.
Les Échos - Vous appelez à boycotter la prochaine réunion de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC). Faut-il en conclure que vous jugez le dialogue désormais impossible avec le gouvernement ?
Les relations avec le gouvernement continuent à se tendre et cela ne va pas s'arrêter. Ce n'est pas une question de trahison ou non de la position commune, mais de tactique de l'exécutif. Il multiplie volontairement les dossiers pour en faire passer un maximum dans la précipitation. Ce n'est pas une méthode. Le gouvernement ne débat aucunement des questions de fond, il est uniquement dans l'agitation permanente. On sent bien qu'il veut faire passer des choses en urgence avant la présidence française de l'UE. Le dialogue social ne peut pas exister alors dans de bonnes conditions. Les mécontentements s'accumulent et cela ne pourra pas durer éternellement. Il y aura forcément, à un moment ou l'autre, une explosion sociale.
PROPOS RECUEILLIS PAR DEREK PERROTTEsource http://www.force-ouvriere.fr, le 3 juin 2008