Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Kostas Karamanlis, Premier ministre de la République hélennique, sur les relations franco-grecques, la question de la Macédoine, l'Union pour la Méditerranée et sur la France et le Liban, à Athènes le 6 juin 2008.

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Circonstance : Voyage officiel en République hélennique, le 6 juin 2008

Texte intégral

LE PREMIER MINISTRE - Nous accueillons le Président d'un pays avec lequel la Grèce a des liens historiques forts. Mais aussi, il s'agit d'un sincère ami personnel et d'un ami de mon pays. Bienvenue, donc, compatriote de Thessalonique.
La visite du Président SARKOZY confirme notre engagement à renforcer, à approfondir davantage la coopération franco-grecque. Les occasions qui se présentent sont nombreuses tant au niveau bilatéral que, par rapport à des questions qui intéressent les deux pays dans les forums auxquels nous participons. Il est d'ailleurs reconnu que la Grèce et la France, nous partageons une vision commune pour l'Europe.
Vous savez que nous attachons une importance particulière à la politique européenne de sécurité de défense et, à cet égard, je saisis cette occasion pour signer une déclaration commune de coopération des deux pays dans le secteur de la sécurité, de la défense en Europe. La Grèce et la France ont une vision stratégique commune. A cet égard, la déclaration commune que nous avons adoptée renforce le cadre de notre coopération et les rapports stratégiques des deux pays au sein de l'Union européenne.
La Présidence française de l'Union européenne est une occasion de plus pour coopérer avec ce pays. Monsieur SARKOZY nous a parlé des priorités de la Présidence et je l'ai assuré que la Grèce serait prête à aider la France dans sa tâche difficile. D'ailleurs, l'agenda de la Présidence française comporte des questions qui intéressent beaucoup la Grèce. Et, sur la base de cette déclaration commune que nous avons signée, nous sommes prêts à assister la Présidence française dans ses efforts pour améliorer la politique européenne de sécurité et de défense.
Vous savez également l'intérêt particulier que nos deux pays attachent au problème de l'immigration illégale. La question de l'immigration, en général, est une des priorités de la Présidence française. A cet égard, nous avons discuté des initiatives et des propositions de la Grèce, pour créer une garde-côte européenne.
Nous attachons une importance particulière à la Méditerranée qui est notre voisinage. La Grèce se félicite et a soutenu dès le début la proposition du Président français pour l'Union pour la Méditerranée. Sa valeur ajoutée est la mise en oeuvre de programmes qui ont un résultat pratique pour le développement de la région et pour affronter des défis communs pour la Grèce. La participation active est une priorité de notre pays.
Par ailleurs, nous avons parlé du processus de ratification et de la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne. Nous avons échangé des points de vue sur l'évolution des Balkans, sur l'élargissement et en ce qui concerne les évolutions récentes dans l'affaire chypriote.
Par rapport à la coopération bilatérale de nos deux pays, nous avons parlé du renforcement de nos relations économiques. La France est l'un des partenaires commerciaux les plus importants de la Grèce et l'un des plus grands investisseurs dans notre pays, avec une présence de 130 sociétés. Dès lors, il y a de nombreuses occasions de coopérer davantage dans le commerce, le tourisme, la technologie, la recherche, etc.
Nous avons parlé également du programme de coopération stratégique, des équipements et des possibilités de développement de ce programme dans tous les secteurs. Nous avons convenu que les contacts nécessaires seront poursuivis dans le prochain avenir.
Evidemment, nous avons parlé aussi de la question qui préoccupe toute l'Europe, les citoyens grecs, les consommateurs grecs. Il s'agit des coûts élevés. J'ai dit à Monsieur SARKOZY que j'ai demandé au Président BARROSO de discuter de cette question au Sommet de juin pour trouver des politiques communes afin de faire face à ces prix élevés au niveau européen. Il s'agit d'une de nos priorités les plus importantes.
Enfin, notre objectif commun est de renforcer davantage notre coopération dans les secteurs culturels parce que, dans ces secteurs, il y a des liens historiques entre les deux pays. J'aimerais souligner l'importance de cette coopération notamment après l'adhésion de la Grèce à l'organisation mondiale de la francophonie.
Une fois de plus, je voudrais souhaiter chaleureusement la bienvenue au Président SARKOZY en Grèce, en soulignant notre volonté commune de renforcer davantage les liens historiques qui nous unissent.
LE PRESIDENT - Monsieur le Premier Ministre, cher Costas, je ne vais pas revenir sur les thèmes qui ont été évoqués par le Premier Ministre grec, tant il existe des points d'accord entre la Grèce et la France. Pour résumer, il y a une volonté de nos deux pays de travailler main dans la main sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan industriel, sur le plan militaire. Pour l'essentiel, nous avons une vision commune. Et, dans le cadre de la Présidence française, j'ai l'intention de m'appuyer beaucoup sur l'expérience de la diplomatie grecque et du Premier Ministre lui-même.
Sur le plan bilatéral, l'ensemble des sujets est au beau fixe. Il n'y a pas de problème. Nous avons effectivement parlé en détail de l'avenir sur des sujets industriels et de défense, importants pour la Grèce, importants pour la France.
S'agissant de l'immigration, je partage pleinement l'avis du Premier Ministre grec. La meilleure solution, c'est d'arriver, à terme, à un système de garde-frontière européen. On ne peut pas laisser les pays frontaliers de l'Europe garder seuls des frontières qui, par ailleurs, une fois qu'elles sont franchies, concernent tous les pays du coeur de l'Europe. Je suis très intéressé par les propositions grecques, par exemple celle d'un système de navire de garde-côtes communs entre les Français et les Grecs.
Deuxième élément, je voudrais dire combien j'apprécie la prise de position du Premier Ministre grec, s'agissant du prix du pétrole et de l'énergie. On ne peut pas imaginer d'avoir un Conseil des Chefs d'Etat et de gouvernement qui n'en parle pas, qui n'y réfléchisse pas et qui n'élabore pas une proposition commune. L'Europe a été construite pour protéger les Européens, pas pour les laisser se débrouiller avec une hausse inéluctable dont on dirait on ne veut rien, parce qu'on ne peut rien. A moins que cela ne soit : « on ne peut rien, parce qu'on ne veut rien ». Eh bien nous, nous voulons. Nous voulons qu'on en parle et nous voulons qu'on trouve des solutions. La France a proposé une solution. S'agissant de la TVA, je crois pouvoir dire qu'elle intéresse nos amis grecs. Les Autrichiens ont proposé quelque chose pour taxer la spéculation. Cela nous intéresse. L'essentiel, ce que nous voulons, c'est que cela avance.
Je me réjouis que le Premier Ministre grec ait adressé une lettre au Président de la Commission pour dire : « il faut faire quelque chose ». On ne peut pas rester les bras ballants.
C'est vrai que l'énergie, enfin le pétrole, les prix coûteront plus chers. Mais enfin, raison de plus pour réfléchir aux conséquences de la spéculation et aux conséquences de la fiscalité. C'est vraiment quelque chose -je crois pouvoir dire- que nous partageons fortement, ensemble, et nous voulons faire bouger le Conseil européen sur ces questions là. On ne peut pas rester immobile.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je n'en dirai pas plus. J'ai eu l'honneur de prononcer un discours, devant la Vouli et je voudrais dire combien la chaleur de l'accueil, que nous a réservé le gouvernement grec, son Premier Ministre, sa Ministre des Affaires étrangères, son Ministre de la Défense nous a énormément touchés, Hervé MORIN, Jean-Pierre JOUYET et toute la délégation que j'ai l'honneur de conduire.
QUESTION - C'est une question adressée au Président français et à vous aussi Monsieur le Président grec. Les élections récentes de l'ARYM ont montré les problèmes fonctionnels dans le système politique du pays de Skopje. Nous dirons aussi qu'il y a un déficit démocratique. Pensez-vous que sont justifiées les positions grecques en ce qui concerne la réticence pour l'adhésion de l'ARYM dans l'Union européenne ? C'est-à-dire que Skopje n'est pas encore prête à entrer dans la famille européenne et que la France comprend bien le fond du problème du nom.
LE PREMIER MINISTRE - Nous avons dit à plusieurs reprises que nous voulons qu'à notre frontière nord, il y ait un pays qui remplisse les critères européens, qui respecte l'acquis européen, qui impose le comportement démocratique à l'intérieur et à l'égard des voisins et des partenaires futurs, c'est-à-dire des relations de bon voisinage. Malheureusement, l'attitude de l'ARYM à l'égard de la Grèce et la manière dont les élections se sont déroulées confirme qu'elle a beaucoup de chemin à parcourir afin de prouver qu'elle est prête non à adhérer, mais à commencer les négociations dans la perspective de son adhésion à l'Union européenne.
L'ARYM doit, dès lors, au plus vite, résoudre les graves problèmes qu'elle affronte tant à l'intérieur du pays qu'en ce qui concerne ses relations avec les voisins, et notamment en ce qui concerne le nom. Notre position est tout à fait claire : leur marche euro-atlantique est associée directement avec une solution acceptée mutuellement. Et cela était tout à fait clair à Bucarest lorsque nous avons examiné la proposition pour le début des négociations d'adhésion de l'ARYM à l'OTAN. Et s'il n'y a pas de solution, nous le soulignerons à chaque fois qu'il le faudra.
A cet égard, le soutien de la France qui a prouvé qu'elle comprend tout à fait toutes les dimensions du problème, a été estimé particulièrement par le gouvernement et, je crois, par tous les citoyens grecs. A cet égard, j'aimerais, une fois, remercier chaleureusement le Président SARKOZY.
LE PRESIDENT - Sur cette question, qu'il me soit permis de dire qu'il n'y a pas que la Grèce qui a été fortement préoccupée par la façon dont se sont déroulées les élections dans l'ARYM. Les commentateurs internationaux ont fait un certain nombre de remarques qui ont été largement explicitées dans la presse. La Grèce est une démocratie. Nous soutenons les démocraties. Dans une démocratie, les élections doivent se passer de façon démocratique. La Grèce souhaite y arriver par le dialogue. Laissons faire la mission des Nations Unies et Monsieur Matthew NIMETZ conduire sa mission. Mais il me semble que si Skopje - et c'est notre souhait - veut rejoindre l'OTAN, veut rejoindre l'Union européenne, elle doit faire un minimum d'efforts. Effort sur le plan démocratique, effort sur le plan de la modernisation et effort de dialogue sur la question du nom et de la dénomination. Je redis que la diplomatie française sera solidaire de la démocratie grecque sur ce point-là, comme sur bien d'autres d'ailleurs.
QUESTION - Monsieur le Président, pour la première fois un sondage donne le non gagnant en Irlande. Comptez-vous vous impliquez d'ici le 12 juin pour tenter d'inverser cette tendance ? Et si le non devait l'emporter, est-ce qu'il existe une solution pour éviter les blocages ou éventuellement pour simplifier le Traité simplifié ?
LE PRESIDENT - Monsieur GUIRAL, la France n'exercera la Présidence que le 1er juillet. Jusqu'au 1er juillet c'est une présidence slovène qui ne comprendrait pas que la France prenne une initiative trois semaines ou quinze jours avant le début de sa Présidence. Deuxièmement, les Irlandais sont confrontés à une consultation très importante pour eux. Mais, pour l'ensemble de l'Union européenne, je ne voudrais surtout pas donner de sentiment de compliquer les choses. Et, troisièmement, laissons les Irlandais voter. N'anticipons pas leurs décisions. Disons simplement que de tous les pays européens, l'Irlande est un de ceux qui ont su le plus magnifiquement s'adapter à l'Union européenne. Et quand on voit le taux de croissance de l'Irlande, son taux de chômage très bas, chacun voit que l'Irlande a beaucoup apporté à l'Europe et que l'Europe a aussi contribué au développement de l'Irlande. Je souhaite que les Irlandais comprennent l'enjeu extrêmement fort qui les concerne et qui nous concerne. En fonction de ce qui sera décidé par les Irlandais le 12 juin, l'ensemble des pays européens décidera de ce qu'il y a lieu de faire. Vous comprenez, Monsieur GUIRAL, qu'il faut attendre, que rien ne se serait plus contre-productif que de donner le sentiment d'anticiper un résultat dans un sens ou dans un autre.
QUESTION - Ma question au Président français mais j'aimerais aussi un commentaire de la part du Président grec. Monsieur le Président, votre proposition sur l'Union pour la Méditerranée, dans la mesure où elle sera réalisée, signifie-t-elle l'exclusion de la Turquie de l'Union européenne ?
LE PRESIDENT - Non Madame. Excusez-moi, mais, dans mon esprit, en tout cas, cela n'a aucun rapport. La Turquie est une grande puissance méditerranéenne. C'est incontestable. Et il ne viendrait à l'idée de personne de l'exclure de l'Union pour la Méditerranée, en tout cas pas de moi. La Turquie, c'est aujourd'hui 80 millions d'habitants en 2025, 100 millions d'habitants. C'est avec l'Egypte l'un des pays les plus peuplés. Ils ont vocation à être dans l'Union pour la Méditerranée. Mais je n'ai jamais présenté l'Union pour la Méditerranée comme un substitut à l'Union européenne. Cela n'a strictement rien à voir. D'ailleurs, même si l'Union pour la Méditerranée est un succès, cela n'empêche nullement les partisans de la Turquie dans l'Europe de continuer à militer et les partisans, dont je suis, d'une simple association, de proposer l'association. Et, par exemple, ce n'est pas parce que la Turquie est dans l'Union pour la Méditerranée que la France refuserait l'association de la Turquie à l'Europe. La position que j'ai exprimée est bien connue. Elle est celle d'un refus de l'intégration et elle est celle d'une volonté de l'association. Qu'il y ait l'Union pour la Méditerranée ou qu'il n'y ait pas, les deux affaires ne sont pas liées.
LE PREMIER MINISTRE - J'aimerais dire deux mots à cet égard. Selon nous, ces deux questions ne sont pas associées entre elles. Notre position en ce qui concerne la marche européenne de la Turquie est connue. D'autre part, l'Union pour la Méditerranée ne concerne pas la perspective d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Et je dirais qu'il s'agit même d'une initiative importante avec plusieurs avantages pour toute la région et pour tous les pays de la Méditerranée, avec un avantage tout à fait concret pour les pays méditerranéens. La Turquie, comme les autres pays méditerranéens, peut profiter des nouvelles opportunités de coopération qui se présenteront par cette Union pour la Méditerranée.
QUESTION - Une question pour le Président SARKOZY, une double question plus exactement. Que répondez-vous aux pays arabes qui vous demandent une clarification sur les conséquences de la présence d'Israël dans l'Union pour la Méditerranée ? Et deuxième point, pourquoi n'allez-vous pas demain au sud Liban voir les soldats français de la FINUL comme c'était initialement prévu ?
LE PRESIDENT - S'agissant des pays arabes, d'abord, je voudrais dire qu'ayant déjeuné lundi dernier avec le Président MOUBARAK, qui est d'un pays arabe à ma connaissance, il n'a jamais indiqué que la présence d'Israël était un problème. Je rappelle qu'Israël, à ma connaissance aussi, est membre géographique du pourtour de la Méditerranée. Vous avez suivi et commenté mon voyage en Tunisie, pays arabe s'il en est. Le Président BEN ALI ne m'a pas indiqué que c'était un problème. Vous êtes venu avec moi au Maroc. Le Roi du Maroc, Sa Majesté MOHAMMED VI, est, non seulement, chef d'Etat, mais chef des croyants et il ne m'a pas indiqué que la présence d'Israël était un problème. Ce qui pose problème et ce qui fait difficulté, c'est le processus d'Annapolis qui semble être au ralenti. J'aurais l'occasion, d'ailleurs, d'aller à la fin du mois en Israël et dans les territoires palestiniens.
Puisque vous me parlez des pays arabes, je voudrais également vous dire combien je me félicite de la décision qui a été annoncée hier par les Emirats Arabes Unis d'engager des discussions avec nous pour remplacer 63 Mirage par 63 Rafale. C'est une décision extrêmement importante et qui aura des conséquences -je le dis aux Français- sur l'industrie française et donc sur l'emploi.S'agissant de mon voyage demain à Beyrouth, par courtoisie vis-à-vis de nos amis grecs, j'aimerais qu'on se consacre au voyage en Grèce et non pas au voyage de demain ou de la semaine prochaine. Je dirai simplement que le Ministre de la Défense, Hervé MORIN, ira au sud Liban rencontrer les soldats de la FINUL. Je me consacrerai, pour ma part, aux entretiens avec le Président libanais nouvellement élu, avec le Premier Ministre libanais nouvellement nommé et avec l'ensemble des responsables politiques du Liban, puisque je serai moi-même accompagné de l'ensemble des responsables politiques français. Et il me semble que c'est un voyage pour le Liban, tourné vers l'avenir. Je verrai un certain nombre de responsable de la FINUL à Beyrouth et j'aurai l'occasion de revenir au Liban pour rencontrer nos militaires. Mais là, c'est très clair dans mon esprit, c'est une visite du Président de la République française et puis de l'ensemble de la France, représentée par toutes ses sensibilités au Liban, un Liban qui peut espérer après tant de drames. J'ai pensé que la signification était plus forte si je m'en tenais à la visite à Beyrouth aux autorités libanaises. Le Ministre de la Défense lira un message et passera un moment avec les soldats de la FINUL. Voilà ce qui m'a conduit à prendre cette décision.