Texte intégral
1- Vous-êtes attendue aujourd'hui à Alger. Quels sont les objectifs de votre visite ?
J'ai répondu à l'invitation de Monsieur Moussa, ministre de l'habitat et l'urbanisme afin de me rendre à un séminaire international sur la gestion immobilière. Le but est d'échanger nos expériences en la matière, parce que l'urbanisme est un défi qui engage tous les pays. J'ai aussi prévu des visites de terrain sur des programmes de rénovation urbaines afin de prendre pleinement connaissance des dossiers en cours. A quelques semaines du début de la conférence sur l'Union pour la Méditerranée que le président Nicolas Sarkozy présidera, il est important de privilégier et de renforcer le partenariat entre la France et l'Algérie.
2- Y-a-t-il des contrats et des échanges en perspective, dans le domaine de la Ville, avec l'Algérie ?
Lors de ma visite en décembre dernier avec le Président de la République Française Nicolas Sarkozy, j'avais rencontré mes homologues en charge du logement et de l'aménagement du territoire. Je sais qu'il y a de gros défis à relever en Algérie, en matière de logement et d'urbanisme notamment. C'est aussi le cas en France, notamment dans les quartiers populaires, dont je m'occupe particulièrement. Nous avons mis en oeuvre un plan national de rénovation urbaine en 2003, qui doit se prolonger jusqu'en 2013 et qui prévoit plus de 40 milliards d'euros d'investissement. Il donne déjà de très bons résultats et certains quartiers n'ont plus du tout la même physionomie qu'avant, pour le plus grand plaisir de leurs habitants. Le but, c'est de rénover les quartiers populaires en mauvais état, mais aussi de répondre aux mutations économiques et sociales de nos villes, tout cela en prenant en compte de l'avis des habitants, en favorisant la mixité sociale, la mobilité et l'emploi. Cette expérience est très intéressante et l'Agence nationale de rénovation urbaine, que je dirige, peut faire profiter de son expérience les opérateurs algériens s'ils le souhaitent.
3- Nous sommes en plein débat sur le projet de l'Union pour la Méditerranée. En tant que ministre française d'origine algérienne, avez-vous un rôle particulier à jouer ?
Je suis très attachée au projet d'Union pour la Méditerranée. Tout m'y rattache. Mes racines tout d'abord. Mon engagement personnel et militant, pour la cause républicaine et humaniste. Mon devoir, surtout, de citoyenne du Monde, aux convictions fortes.
L'Union pour la Méditerranée va ouvrir une nouvelle étape de la coopération en Méditerranée. Elle apportera une dimension nouvelle à la coopération entre les deux rives, dans le respect de l'identité et des intérêts de chacun des partenaires. Pour la première fois, nous sommes invités, ensemble, à élaborer le contenu de cette union. Nous tenons en commun la gomme et le crayon. Chaque membre du pourtour méditerranéen a son mot à dire et doit participer à l'édifice. De par son histoire, son savoir faire et la place qu'elle occupe sur l'échiquier international, l'Algérie a un rôle déterminant à jouer dans ce projet.
4- Vous êtes issue d'une famille algérienne dont les parents étaient des partisans du Front de libération nationale, pendant la guerre. Quelle est votre regard sur cette épineuse question de la Mémoire et de l'Histoire qui, à chaque fois, "empoisonne" les relations entre l'Algérie et la France ?
Mon père a émigré en France en 1955, en pleine guerre d'Algérie. Ma famille était pour l'indépendance et mon père a fait partie de ceux qui collectaient des fonds pour la Fédération de France du FLN. Ce qui est incroyable, c'est qu'avec ma nomination dans un gouvernement français, l'émigration de mes parents a pris un autre sens. C'est un clin d'oeil à l'Histoire. Pour mon père, ma nomination au gouvernement symbolise la réconciliation entre deux pays dont les histoires sont imbriquées. Le jour où j'ai été nommée, il a prononcé cette simple parole : « Jusqu'où elle a été, la fille du pauvre ! ». J'ai pensé au roman de Mouloud Feraoun, Le fils du pauvre. Comme beaucoup d'immigrés et d'enfants d'immigrés, j'ai besoin de comprendre, de savoir ce qui s'est passé pendant la colonisation de l'Algérie. A la maison, mon père m'en a très peu parlé. Il me disait qu'il ne fallait pas avoir de haine contre la France et les Français.
5- Comment voyez vous le règlement de ce contentieux historique ?
Personnellement, je ne suis ni pour l'oubli, ni pour la repentance. Je souhaite que la France reconnaisse qu'en Algérie, des exactions ont été commises. Et, je souhaite que les historiens des deux cotés fassent leur travail sereinement. Les dernières déclarations du Président de la République Française Nicolas Sarkozy, et celles de l'Ambassadeur de France en Algérie ouvrent la voie vers cet examen historique serein et responsable.
6- Votre présence au sein du gouvernement a-t-elle fait avancer la question des banlieues et celle des immigrés ?
Je le souhaite, sincèrement. Vous savez, je ne suis pas ministre depuis un an et on me demande déjà de faire un bilan d'une action qui s'inscrit dans la durée ! La politique de la ville existe depuis trente ans maintenant. Il y a plus de cinq millions de personnes qui vivent dans les quartiers populaires en France. Presque 10% de la population ! Cela fait beaucoup d'espoirs, de souffrances aussi, que j'ai au fond de moi. L'action que j'ai engagée, auprès de Nicolas SARKOZY, est une action au long cours. C'est une vraie dynamique, qui engage tout le monde et au premier chef le Gouvernement français tout entier.
Nos objectifs, avec le Président de la République et le Premier Ministre, sont à la fois simples et ambitieux. Je veux faire des quartiers populaires le vivier des compétences et des élites de la France de demain. C'est, entre autres, ce moyen qui nous permettra de tourner définitivement la page de la discrimination dont est victime une partie de la population issue de l'immigration. Deuxième objectif, réduire les écarts entre les communes pauvres et celles qui sont plus prospères. Parce que, souvent, le destin d'un jeune est conditionné par la richesse de la ville où il naît et où il grandit. Troisième objectif, faire une politique sur mesure, basée sur l'expertise locale. Parce que ce qui se fait de mieux se fait au plus près du terrain. Dans des domaines clé comme l'éducation, l'emploi, les transports, déjà, les choses changent. Les plus grandes entreprises françaises se sont engagées, à ma demande, à recruter sur les trois prochaines années plus de 100.000 jeunes des quartiers. Cela veut dire qu'elles y croient..
7- Votre nomination au sein du gouvernement de François Fillon a surpris beaucoup d'observateurs. Pensez-vous que ce choix marque une avancée significative et irréversible dans la représentation politique des français d'origine magrébine ?
Je pense sincèrement que la nomination il y a un an de Rama Yade, Rachida Dati et Fadela Amara a été un tournant politique, un acte fort pour installer la diversité au sommet de l'Etat Français. En cela, je rends hommage au président de la République, Nicolas Sarkozy et à son courage politique. Qu'on le veuille ou non, cela marque une étape et désormais, dans de nombreux quartiers populaires, les petits enfants d'origine étrangère peuvent se dire : « moi aussi je pourrai devenir ministre. » C est un symbole, qui permet de casser le ghetto mental de tous ceux qui se disaient que ce n'est pas pour eux.
8- Vous effectuez une visite dans votre pays natal en tant que ministre française, quel est votre sentiment ?
Je suis très fière de venir en Algérie en tant que représentante du gouvernement français. En décembre dernier, ma visite ici avec le Président de la République Nicolas Sarkozy a ét?? un moment fort de ma vie. J'ai été émue à ma descente d'avion, lorsque j'ai serré la main du Président Abdelaziz Bouteflika, un homme pour qui j'ai le plus grand respect, de l'estime et de l'affection. Mon père, en France, a regardé cette image à la télévision les larmes aux yeux. En tant que Ministre, je mesure la responsabilité qui est la mienne de représenter mon pays et la République Française, mais je reste fière de mes origines, algériennes et kabyles. Je suis française d'origine algérienne. C'est très simple. Je dis même souvent je suis mi auvergnate, mi kabyle, sans complexes !
9- Pensez-vous vous rendre dans le village de vos parents ?
Vous savez que je porte ce pays dans mon coeur et que je suis jamais allée dans mon village à ce jour . Mes parents, ma soeur, s'y rendent régulièrement. J'y ai des proches. Si je le peux, je m'accorderai une partie privée au cours de ce voyage.
10- Madame la Secrétaire d'Etat, dimanche, deux bombes ont causé la mort d'une douzaine de personnes dont un ingénieur français, Pierre Nowacki. Quelle est votre réaction ?
Tout d'abord je tiens à vous faire part de mon indignation, je suis très choquée par ce qui s'est passé et je pense avant tout aux familles des victimes.
Le terrorisme est un fléau présent partout qui s'attaque aux fondements mêmes de la démocratie et qu'il faut combattre pied à pied. D'ailleurs, je salue la détermination du gouvernement algérien dans son combat exemplaire qu'il mène contre le terrorisme ainsi que l'ensemble des citoyens algériens qui veulent vivre dans la sérénité et la démocratie.
Source http://www.ambafrance-dz.org, le 10 juin 2008
J'ai répondu à l'invitation de Monsieur Moussa, ministre de l'habitat et l'urbanisme afin de me rendre à un séminaire international sur la gestion immobilière. Le but est d'échanger nos expériences en la matière, parce que l'urbanisme est un défi qui engage tous les pays. J'ai aussi prévu des visites de terrain sur des programmes de rénovation urbaines afin de prendre pleinement connaissance des dossiers en cours. A quelques semaines du début de la conférence sur l'Union pour la Méditerranée que le président Nicolas Sarkozy présidera, il est important de privilégier et de renforcer le partenariat entre la France et l'Algérie.
2- Y-a-t-il des contrats et des échanges en perspective, dans le domaine de la Ville, avec l'Algérie ?
Lors de ma visite en décembre dernier avec le Président de la République Française Nicolas Sarkozy, j'avais rencontré mes homologues en charge du logement et de l'aménagement du territoire. Je sais qu'il y a de gros défis à relever en Algérie, en matière de logement et d'urbanisme notamment. C'est aussi le cas en France, notamment dans les quartiers populaires, dont je m'occupe particulièrement. Nous avons mis en oeuvre un plan national de rénovation urbaine en 2003, qui doit se prolonger jusqu'en 2013 et qui prévoit plus de 40 milliards d'euros d'investissement. Il donne déjà de très bons résultats et certains quartiers n'ont plus du tout la même physionomie qu'avant, pour le plus grand plaisir de leurs habitants. Le but, c'est de rénover les quartiers populaires en mauvais état, mais aussi de répondre aux mutations économiques et sociales de nos villes, tout cela en prenant en compte de l'avis des habitants, en favorisant la mixité sociale, la mobilité et l'emploi. Cette expérience est très intéressante et l'Agence nationale de rénovation urbaine, que je dirige, peut faire profiter de son expérience les opérateurs algériens s'ils le souhaitent.
3- Nous sommes en plein débat sur le projet de l'Union pour la Méditerranée. En tant que ministre française d'origine algérienne, avez-vous un rôle particulier à jouer ?
Je suis très attachée au projet d'Union pour la Méditerranée. Tout m'y rattache. Mes racines tout d'abord. Mon engagement personnel et militant, pour la cause républicaine et humaniste. Mon devoir, surtout, de citoyenne du Monde, aux convictions fortes.
L'Union pour la Méditerranée va ouvrir une nouvelle étape de la coopération en Méditerranée. Elle apportera une dimension nouvelle à la coopération entre les deux rives, dans le respect de l'identité et des intérêts de chacun des partenaires. Pour la première fois, nous sommes invités, ensemble, à élaborer le contenu de cette union. Nous tenons en commun la gomme et le crayon. Chaque membre du pourtour méditerranéen a son mot à dire et doit participer à l'édifice. De par son histoire, son savoir faire et la place qu'elle occupe sur l'échiquier international, l'Algérie a un rôle déterminant à jouer dans ce projet.
4- Vous êtes issue d'une famille algérienne dont les parents étaient des partisans du Front de libération nationale, pendant la guerre. Quelle est votre regard sur cette épineuse question de la Mémoire et de l'Histoire qui, à chaque fois, "empoisonne" les relations entre l'Algérie et la France ?
Mon père a émigré en France en 1955, en pleine guerre d'Algérie. Ma famille était pour l'indépendance et mon père a fait partie de ceux qui collectaient des fonds pour la Fédération de France du FLN. Ce qui est incroyable, c'est qu'avec ma nomination dans un gouvernement français, l'émigration de mes parents a pris un autre sens. C'est un clin d'oeil à l'Histoire. Pour mon père, ma nomination au gouvernement symbolise la réconciliation entre deux pays dont les histoires sont imbriquées. Le jour où j'ai été nommée, il a prononcé cette simple parole : « Jusqu'où elle a été, la fille du pauvre ! ». J'ai pensé au roman de Mouloud Feraoun, Le fils du pauvre. Comme beaucoup d'immigrés et d'enfants d'immigrés, j'ai besoin de comprendre, de savoir ce qui s'est passé pendant la colonisation de l'Algérie. A la maison, mon père m'en a très peu parlé. Il me disait qu'il ne fallait pas avoir de haine contre la France et les Français.
5- Comment voyez vous le règlement de ce contentieux historique ?
Personnellement, je ne suis ni pour l'oubli, ni pour la repentance. Je souhaite que la France reconnaisse qu'en Algérie, des exactions ont été commises. Et, je souhaite que les historiens des deux cotés fassent leur travail sereinement. Les dernières déclarations du Président de la République Française Nicolas Sarkozy, et celles de l'Ambassadeur de France en Algérie ouvrent la voie vers cet examen historique serein et responsable.
6- Votre présence au sein du gouvernement a-t-elle fait avancer la question des banlieues et celle des immigrés ?
Je le souhaite, sincèrement. Vous savez, je ne suis pas ministre depuis un an et on me demande déjà de faire un bilan d'une action qui s'inscrit dans la durée ! La politique de la ville existe depuis trente ans maintenant. Il y a plus de cinq millions de personnes qui vivent dans les quartiers populaires en France. Presque 10% de la population ! Cela fait beaucoup d'espoirs, de souffrances aussi, que j'ai au fond de moi. L'action que j'ai engagée, auprès de Nicolas SARKOZY, est une action au long cours. C'est une vraie dynamique, qui engage tout le monde et au premier chef le Gouvernement français tout entier.
Nos objectifs, avec le Président de la République et le Premier Ministre, sont à la fois simples et ambitieux. Je veux faire des quartiers populaires le vivier des compétences et des élites de la France de demain. C'est, entre autres, ce moyen qui nous permettra de tourner définitivement la page de la discrimination dont est victime une partie de la population issue de l'immigration. Deuxième objectif, réduire les écarts entre les communes pauvres et celles qui sont plus prospères. Parce que, souvent, le destin d'un jeune est conditionné par la richesse de la ville où il naît et où il grandit. Troisième objectif, faire une politique sur mesure, basée sur l'expertise locale. Parce que ce qui se fait de mieux se fait au plus près du terrain. Dans des domaines clé comme l'éducation, l'emploi, les transports, déjà, les choses changent. Les plus grandes entreprises françaises se sont engagées, à ma demande, à recruter sur les trois prochaines années plus de 100.000 jeunes des quartiers. Cela veut dire qu'elles y croient..
7- Votre nomination au sein du gouvernement de François Fillon a surpris beaucoup d'observateurs. Pensez-vous que ce choix marque une avancée significative et irréversible dans la représentation politique des français d'origine magrébine ?
Je pense sincèrement que la nomination il y a un an de Rama Yade, Rachida Dati et Fadela Amara a été un tournant politique, un acte fort pour installer la diversité au sommet de l'Etat Français. En cela, je rends hommage au président de la République, Nicolas Sarkozy et à son courage politique. Qu'on le veuille ou non, cela marque une étape et désormais, dans de nombreux quartiers populaires, les petits enfants d'origine étrangère peuvent se dire : « moi aussi je pourrai devenir ministre. » C est un symbole, qui permet de casser le ghetto mental de tous ceux qui se disaient que ce n'est pas pour eux.
8- Vous effectuez une visite dans votre pays natal en tant que ministre française, quel est votre sentiment ?
Je suis très fière de venir en Algérie en tant que représentante du gouvernement français. En décembre dernier, ma visite ici avec le Président de la République Nicolas Sarkozy a ét?? un moment fort de ma vie. J'ai été émue à ma descente d'avion, lorsque j'ai serré la main du Président Abdelaziz Bouteflika, un homme pour qui j'ai le plus grand respect, de l'estime et de l'affection. Mon père, en France, a regardé cette image à la télévision les larmes aux yeux. En tant que Ministre, je mesure la responsabilité qui est la mienne de représenter mon pays et la République Française, mais je reste fière de mes origines, algériennes et kabyles. Je suis française d'origine algérienne. C'est très simple. Je dis même souvent je suis mi auvergnate, mi kabyle, sans complexes !
9- Pensez-vous vous rendre dans le village de vos parents ?
Vous savez que je porte ce pays dans mon coeur et que je suis jamais allée dans mon village à ce jour . Mes parents, ma soeur, s'y rendent régulièrement. J'y ai des proches. Si je le peux, je m'accorderai une partie privée au cours de ce voyage.
10- Madame la Secrétaire d'Etat, dimanche, deux bombes ont causé la mort d'une douzaine de personnes dont un ingénieur français, Pierre Nowacki. Quelle est votre réaction ?
Tout d'abord je tiens à vous faire part de mon indignation, je suis très choquée par ce qui s'est passé et je pense avant tout aux familles des victimes.
Le terrorisme est un fléau présent partout qui s'attaque aux fondements mêmes de la démocratie et qu'il faut combattre pied à pied. D'ailleurs, je salue la détermination du gouvernement algérien dans son combat exemplaire qu'il mène contre le terrorisme ainsi que l'ensemble des citoyens algériens qui veulent vivre dans la sérénité et la démocratie.
Source http://www.ambafrance-dz.org, le 10 juin 2008