Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE CGC à BFM le 2 juin 2008, sur la représentativité syndicale, le temps de travail et la politique sociale.

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Média : BFM

Texte intégral


HEDWIGE CHEVRILLON - Après l'offensive du gouvernement sur le temps de travail, FO a donc décidé de ne pas participer à la journée d'action du 17 juin lancée par la CFDT et la CGT. Bernard Van CRAEYNEST, bonjour.
BERNARD VAN CRAEYNEST - Bonjour.
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous, vous êtes président de la CFE-CGC. Alors, vous n'avez pas signé cette fameuse position commune. Est-ce que vous allez appeler à manifester aussi le 17 juin et, d'abord, comment est-ce que vous analysez cette offensive du ministre du Travail, Xavier BERTRAND, en quelque sorte, de revenir sur cette position commune ?
BERNARD VAN CRAEYNEST - Je l'analyse comme un moyen de régler un certain nombre de problèmes internes à la majorité. C'est, tant vis-à-vis de la formation politique que des groupes parlementaires, un moyen de mettre tout le monde d'accord en disant « Eh bien, vous voyez, on veut tellement revaloriser le travail, tellement libéraliser tout cela, eh bien au moins, voilà un point de consensus sur lequel on va pouvoir se retrouver ». Maintenant, pour l'autre partie de votre question, sur la position commune, pourquoi la CFE-CGC ne l'a-t-elle pas signée ? Pour une raison majeure qui est que on nous explique qu'on veut chambouler les règles de la représentativité et, en particulier, asseoir la légitimité des acteurs sur l'élection. Je vous rappelle que, dans notre pays, il y a moins d'un salarié sur deux qui a la possibilité de s'exprimer aux élections professionnelles et, le défaut majeur que nous avons relevé dans cette position commune, c'est que à aucun moment on nous explique très clairement comment on va faire en sorte que chaque salarié ait la possibilité de s'exprimer alors que ça fait des mois que j'explique à mes interlocuteurs gouvernementaux, ministre du Travail en tête, que il y a quand même des points sur lesquels on peut trouver des expressions interentreprises et, en particulier, sur les problèmes d'hygiène, sécurité et conditions de travail, sur les problèmes de santé au travail et, je constate que, finalement, ils préfèrent, de manière subreptice, affaiblir un peu plus le syndicalisme puisque nous trouvons, dans cette position commune, la possibilité, pour tout syndicat légalement constitué, c'est-à-dire pas forcément rattaché à une confédération syndicale, de présenter des candidats au premier tour des élections, ce qui veut dire qu'on va voir augmenter la proportion de représentants du personnel qui n'appartiennent pas à des confédérations. Or, cette affiliation a quand même pour intérêt, pour les salariés et les représentants du personnel, d'avoir un support, une aide, un conseil, juridique en particulier, compte tenu de la complexité croissante de la matière sociale auquelle nous sommes confrontés tout les jours.
HEDWIGE CHEVRILLON - Alors, alors, Bernard Van CRAEYNEST, donc on a compris pourquoi vous n'avez pas signé. Alors, là, maintenant, qu'est-ce que vous faites par rapport aux grandes confédérations ? Comment vous vous situez ?
BERNARD VAN CRAEYNEST - Eh bien, je vous rappelle que notre bureau confédéral se réunit cet après-midi. Donc, je ne vais pas trop anticiper sur la position...
HEDWIGE CHEVRILLON - Oui mais vous pouvez quand même anticiper un petit peu, anticiper un petit peu.
BERNARD VAN CRAEYNEST - Définitive que nous allons adopter. Mais, ce que je constate, c'est que les manifestations, malheureusement, c'est un sport national, qui ne fait pas beaucoup changer les positions, qui ne fait pas beaucoup évoluer les choses. On constate des écarts du simple au double dans la quantification du nombre de manifestants, ce qui permet, aux uns, de crier victoire, et, aux autres, de dire que ce n'est pas si terrible que cela. Je crois que ça ne reflète, en tous les cas, pas l'état d'esprit des salariés de ce pays qui, notamment pour ceux qui travaillent dans le privé, dans les très petites, petites et moyennes entreprises, n'ont pas l'intention de se singulariser dans une manifestation...
HEDWIGE CHEVRILLON - D'accord. Alors...
BERNARD VAN CRAEYNEST - Ce que je propose...
HEDWIGE CHEVRILLON - Voilà, ce que vous proposez, c'est quoi ?
BERNARD VAN CRAEYNEST - C'est que, à l'heure où on parle de la réforme des institutions, on tienne davantage compte du droit de pétition et je proposerais à notre bureau confédéral, cet après-midi, d'organiser une grande pétition nationale pour, une fois que nous aurons, bien évidemment, exposé les attendus de cette loi, nous puissions leur dire et leur demander s'ils sont pour ou contre parce que les libertés que prend le ministre du Travail avec la réglementation, qui a déjà beaucoup évolué depuis 2002 concernant le temps de travail, c'est quand même fort de café. Je prendrais un seul exemple, qui intéresse particulièrement les cadres, mais pas uniquement, je veux parler du forfait jour...
HEDWIGE CHEVRILLON - Du forfait jour, oui, oui, absolument.
BERNARD VAN CRAEYNEST - Vous savez, vous savez qu'il y a plus d'un million, aujourd'hui, de salariés qui sont en forfait jour. Que trouve-t-on dans l'avant-projet de loi de monsieur BERTRAND, qu'il nous a transmis la semaine dernière ? Eh bien, qu'on pourra négocier quasiment de gré à gré, même si il fait référence à un cadre collectif mais qui ne sera pas forcément atteint puisque, encore une fois, on n'a pas forcément les moyens de négociation partout, d'aller au-delà des 218 jours annuels et il ne manque pas de rappeler que les salariés en forfait jour ne sont pas soumis aux obligations de durée maximale du travail, tant hebdomadaire que journalière. Vous savez, les 48 heures par semaine ou dix heures par jour. Je vous rappelle que la CFE-CGC a obtenu, à deux reprises, devant la Cour de justice des communautés européennes, une condamnation de l'Etat français pour avoir fait sauter ces plafonds. On s'aperçoit que le gouvernement, décidément, ne tient pas beaucoup compte de son environnement et des décisions de justice qui l'interpellent et que, au contraire, il continue à enfoncer le clou et à vouloir faire sauter tous les verrous...
HEDWIGE CHEVRILLON - Alors...
BERNARD VAN CRAEYNEST - Ce qui, dans le contexte actuel, est quand même préoccupant parce que, vouloir systématiquement faire travailler plus ceux qui sont déjà dans l'emploi, on imagine bien que ça ne va pas forcément améliorer les statistiques du chômage.
HEDWIGE CHEVRILLON - Bernard Van CRAEYNEST, juste en conclusion, donc, vous appelez, vous, à une grande pétition. Vous, vous dites, comment vous réagissez par rapport à Jean-Claude MAILLY, de FO, qui dit « La seule manière de s'en sortir, pour la CFDT et la CGT, c'est que ces organisations retirent leur signature et, en plus, appellent à boycotter la réunion, à l'initiative du gouvernement, de la Commission nationale de la négociation collective du 5 juin ? Vous, alors, boycott ou pas boycott, oui ou non ? Rapidement.
BERNARD VAN CRAEYNEST - J'apprécie cette formulation claire. Maintenant, je pense sincèrement que nos collègues CGT et CFDT, qu'ils retirent leur signature ou pas, ça, à mon avis, ça ne va pas changer la donne d'un avant-projet de loi qui est, maintenant, parti dans les tuyaux...
HEDWIGE CHEVRILLON - Et est-ce qu'il faut boycotter la réunion, justement, sur ce projet de loi ?
BERNARD VAN CRAEYNEST - Pourquoi pas ? Nous en parlerons cet après-midi. En tout état de cause, il faut, d'ores et déjà, faire pression sur les parlementaires pour bien leur expliquer le chemin dans lequel ils s'engagent, ce qui me parait préoccupant pour l'avenir de la cohésion sociale dans notre pays.
HEDWIGE CHEVRILLON - Merci, Bernard Van CRAEYEST, Bernard Van CRAEYNEST, le président de la CFE-CGC. Source http://www.cfecgc.org, le 6 juin 2008