Déclaration de M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, à la jeunesse et à la vie associative, sur la création d'un musée du sport, la place et les valeurs du sport dans la société et la pratique du sport, Paris le 3 juin 2008.

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Circonstance : Inauguration de la vitrine du musée national du sport à Paris le 3 juin 2008

Texte intégral


Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Je suis très heureux de vous accueillir ce soir, en compagnie de Madame Annie Lhéritier, pour célébrer l'ouverture de la vitrine du Musée National du Sport.
Ce 3 juin 2008 fera date dans l'histoire de notre musée.
Les premières traces d'un musée du sport en France sont très anciennes : il m'a été indiqué que certains articles de presse de 1922 en faisaient état.
Mais c'est grâce à l'impulsion de Maurice Herzog, en 1963, que le projet d'un musée du sport, dans sa forme actuelle, a vraiment pris corps.
La collection du Musée national du sport, comme celle de nombreux musées, tient beaucoup à la passion d'un homme, je veux parler de Jean Durry. Nous connaissons et admirons tous sa connaissance unique de l'histoire du sport français. Son activité inlassable lui a aussi permis de rassembler les trésors inestimables qui constituent aujourd'hui la base de la collection du musée. Il a su lui donner sa dimension encyclopédique qui en fait, probablement, la plus riche et la plus complète au monde.
Imaginez. Presque 100.000 pièces.
De toute nature : des oeuvres d'art (sculptures, peintures, affiches, dessins, photos), des livres et revues - près de 16.000 ouvrages -, des dizaines de milliers d'objets illustrant l'évolution des équipements sportifs : vélos, skis, ballons ...
Enfin, des pièces que l'on pourrait qualifier d'historiques parce qu'ayant appartenu à nos plus grands champions : Susan Lenglen, Marcel Cerdan, Alain Mimoun et autres.
Des pièces de toute nature mais aussi de toutes les époques : les premiers livres remontent au 16ème siècle ; les derniers seront - je n'en doute pas - récoltés à l'occasion des prochains Jeux Olympiques.
Cette collection doit aussi à la passion des équipes du musée, qui effectuent un travail discret, parfois ingrat mais indispensable. Et ce dans des conditions difficiles.
Difficiles d'abord parce que les conditions de conservation au Parc des Princes sont - je le sais - précaires et insatisfaisantes. Difficiles aussi parce que la fierté du personnel d'un musée est de pouvoir présenter les oeuvres au public. Je comprends donc ce qu'a dû être votre frustration pendant des décennies et je tiens à vous rendre hommage, aussi bien pour ce travail de fond que pour la magnifique présentation que nous inaugurons aujourd'hui.
Je voudrais enfin saluer tous les donateurs, quelle que soit la valeur de leur don, de la pièce unique au simple gadget. Il faudra continuer à encourager ce mode d'enrichissement de nos collections, en particulier auprès de nos plus grands athlètes.
Nous avons de riches collections ; il n'est pas inutile de nous interroger sur l'utilité d'un musée du sport. N'y a-t-il pas contradiction entre l'idée même de l'activité sportive et celle du cadre, que l'on imagine un peu statique, d'un musée ? Je ne crois pas.
Bien sûr, un musée du sport ne prétend pas remplacer la pratique du sport, qu'elle soit de pure détente ou de compétition. Il ne prétend pas non plus remplacer l'évènement sportif auquel nous aimons assister et qui nous procure des émotions uniques.
Son intérêt est ailleurs.
Il doit permettre de rappeler les valeurs qui sont celles du sport mais aussi ses dérives.
Cette fonction éducative est principalement tournée vers les plus jeunes et je compte beaucoup sur les activités pédagogiques organisées par le musée.
Un musée du sport doit aussi nous permettre de nous interroger sur la place occupée aujourd'hui par le sport dans notre société et sur le chemin parcouru depuis un siècle. Le sport est parfois méprisé, ou, du moins, considéré comme un enjeu secondaire.
La vitrine que nous inaugurons aujourd'hui est là pour nous faire prendre conscience qu'il y a peu d'activités humaines suscitant autant de formes d'expressions, et autant d'émotions.
Il n'est pas non plus inutile de nous rappeler que certains débats, que nous croyons actuels, étaient déjà engagés au début du 20ème siècle.
La question du professionnalisme était posée aux Jeux Olympiques dès 1912. Les faits de dopage ne datent pas du dernier Tour de France même si les méthodes étaient plus artisanales. Les débats sur le boycott des Jeux Olympiques n'ont pas attendu le printemps 2008.
Le sport n'est pas en dehors du temps et des enjeux du monde. Il en est une des plus grandes manifestations.
Mais au-delà de sa place dans la société, notre amour du sport tient aussi à ses exploits légendaires et à ses héros : le duel Poulidor - Anquetil sur les routes du Puy de Dôme, la victoire inattendue de Colette Besson à Mexico, les combats de Cerdan, que nous avons connus ou, pour certains d'entre nous, que nos parents nous ont racontés. Ce sont aussi ses drames : la mort de Simson sur le Mont Ventoux. Parfois de simples défaites.
Un musée du sport nous permet, et n'en ayons pas honte, de nous rappeler nos émotions passées. Comme nous aimons revoir, parfois avec nostalgie, un vieux film que nous connaissons pourtant par coeur.
Si l'utilité d'un musée du sport ne me semble pas contestable, l'absence de présentation des collections au public a toujours constitué un manque.
Il faut le reconnaître, depuis sa création, le musée national du sport n'a jamais pu bénéficier d'espaces dignes de la richesse de ses collections. Il y a bien eu la modeste galerie du stade du Parc des Princes, mais elle a dû être fermée en 1997. Elle ne correspondait pas, de toute façon, à ce que le public est en droit d'attendre d'un musée national.
La réalisation de cette vitrine, initiée en juillet 2005, elle aussi, ne s'est pas faite sans mal. Elle a connu tous les aléas d'un chantier alliés à la complexité du travail de muséographie.
Mais nous avons abouti. Et je tiens à associer à ce succès les différents intervenants dans ce dossier, notamment mes prédécesseurs, les services du ministère et les cabinets d'architectes et les entreprises qui sont intervenus sous la conduite de monsieur Viguier et de la société Album chargée de la muséographie. Mes remerciements vont aussi au ministère de la culture et de la communication qui assure la tutelle scientifique et technique de ce musée national, et dont l'assistance a été très précieuse. Cette vitrine est-elle une fin en soi ? Je crois plutôt qu'elle doit constituer le point de départ d'une nouvelle ambition pour nos collections. La vitrine ne permet d'exposer qu'une infime partie de la collection - 300 objets - mais elle donne une idée juste de sa qualité. Vous avez pu le constater. Le succès d'expositions temporaires récentes consacrées au sport nous ouvre également des perspectives.
Je souhaite que l'on réfléchisse à la construction d'un véritable musée du sport qui permettrait une présentation beaucoup plus complète des collections, des expositions thématiques régulières et la conservation des objets dans des conditions dignes du 21ème siècle. Le départ du Parc des Princes en 2010 doit nous inciter à accélérer nos réflexions. Quelques pistes existent déjà. Des exemples aussi, comme le musée olympique de Lausanne.
Nous devrons bien sûr faire preuve d'imagination :
- d'abord pour trouver les modes de financement parce que nous n'aurons pas les moyens d'y faire face seuls ; le Premier président de la Cour des comptes saura veiller à ce que les administrations restent sages, même s'il s'agit de sport ;
- mais aussi dans la muséographie parce que nous devrons attirer durablement des publics variés ; il est évident qu'un jeune de 15 ans n'attend pas du musée du sport la même chose que ses parents.
C'est sur cette belle perspective que j'achèverai mon propos.
Et je vous invite sans plus attendre à poursuivre notre visite de cette superbe vitrine du Musée National du Sport.Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 6 juin 2008