Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, dans "La Provence" du 22 juin 2008, notamment sur la réforme des armées.

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Média : La Provence

Texte intégral

Q - Un certain nombre d'officiers supérieurs critiquent les nouvelles orientations de la nouvelle politique de défense. Comment réagissez-vous à ces critiques ?
R - La critique de certains officiers concernant l'absence de choix est absolument infondée. Le président de la République a décidé la rédaction d'un livre blanc qui définit les axes stratégiques de notre défense pour assurer la sécurité des Français.
Nous faisons, au contraire, des choix qui tiennent compte des nouvelles menaces et des nouvelles vulnérabilités. Nous faisons le choix de la connaissance et de l'anticipation. Dans un monde instable, le choix de l'observation satellitaire et du renseignement est nécessaire pour faire face aux nouvelles crises. Nous faisons le choix de lutter contre le terrorisme. Nous tirons les conséquences de la chute du mur de Berlin, ce qui nous conduit à considérer que nous avons besoin de moins de blindés et de moins d'artillerie. Nous faisons le choix de disposer désormais de 30 000 soldats de l'armée de terre projetables (c'est-à-dire capables d'intervenir sur les terrains extérieurs). Ce que nous voulons, c'est une armée plus réactive. C'est pourquoi nous procédons à une réforme en profondeur de l'organisation du ministère de la défense qui datait de plusieurs décennies, et parfois même du XIXème siècle.
Q - Le livre blanc sur la nouvelle politique de défense nationale n'obéit-il pas davantage à une logique comptable qu'à une logique militaire et stratégique ?
R - Non, et cela même si nous vivons dans un contexte budgétaire difficile, qui fait que le deuxième budget de la République est aujourd'hui celui du remboursement des intérêts de la dette. Si nous avions laissé les choses en l'état lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, il nous aurait fallu programmer 5 milliards d'euros supplémentaires par an, je dis bien par an! à partir de 2011. Cela représenterait deux fois les recettes supplémentaires liées à la croissance. Or, on ne peut annoncer aux Français que la seule priorité du pays c'est la défense.
Les arbitrages du président de la République font cependant de la défense une priorité nationale. Le chef de l'Etat s'est engagé à ce que les économies réalisées soient intégralement reinvesties au sein de la défense.
Q - 54 000 suppressions de postes et de nombreuses casernes fermées, ne craignez-vous pas une révolte des élus locaux, y compris dans votre camp politique ?
R - En tant qu'élu local, je comprends la crainte de mes collègues. Mais la mission de la défense est d'assurer la sécurité de la France, pas de répondre aux demandes d'aménagement du territoire. Mais une série de mesures a été programmée pour faciliter la reconversion des sites concernés. Nous veillerons ainsi à protéger des territoires qui ont déjà été durement frappés économiquement. Cela nous amènera à maintenir certaines implantations dans une demi douzaine de cas.
J'ajoute que le triplement du fond de restructuration de la défense, le fond d'aménagement du territoire et les mesures de compensation immobilière aideront les territoires et les communes concernées. Rien ne se fera dans la précipitation. Entre l'annonce des décisions de fermeture et leur mise en oeuvre, il se passera entre 18 mois et cinq ans. Nous aurons le temps de procéder aux reconversions nécessaires.
Q - La défense de la France est-elle crédible avec un seul porte-avion ?
R - L'idéal serait d'en avoir un deuxième.
Mais nous devons prendre en compte notre capacité militaire globale. Celle-ci nous impose de renouveler un certain nombre d'autres équipements qui représentent une dépense de 3 milliards d'euros. Si nous lançons immédiatement le deuxième porte-avion, cela représente 500 millions d'euros supplémentaires par an. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de repousser la décision de deux ou trois ans. Le temps d'avoir reconstitué nos marges de manoeuvre.
Q - Comment se porte le Nouveau Centre ?
R - Nous occupons progressivement notre place. Sur les quatre villes gagnées par la droite aux élections municipales, le Nouveau centre en a gagné deux (Agen et Châtellerault).
Nous avons également gagné le conseil général de la Côte d'or avec François Sauvadet. Nous avons fait élire près de 2000 élus locaux.
Dans le contexte difficile pour la majorité des élections locales de mars dernier, ce n'est pas négligeable. Nous avons aujourd'hui 7000 militants et nous sommes en train de reconstituer progressivement l'UDF. Nous sommes en train de reconstruire la maison commune des centristes majoritaires.Source http://www.le-nouveaucentre.org, le 26 juin 2008