Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les Sénateurs,
La France aime passionnément son école. Elle a le plus grand respect pour ceux qui, chaque jour, dans les classes, sont les artisans opiniâtres de la liberté des individus et du progrès social. Elle observe, attentive, la façon dont notre système éducatif parvient à relever les nouveaux défis que lui pose la société et veille à ce qu'il continue de porter l'espoir des Condorcet, des Guizot, des Ferry, de tous ceux qui ont pensé un jour que la première des libertés était celle de savoir.
C'est la raison pour laquelle la France place l'intérêt de l'enfant, la liberté de sa famille et les droits de ses professeurs au-dessus des contingences que peuvent entraîner les discussions, les polémiques, voire les conflits liés aux évolutions de l'institution scolaire. L'école est avant tout un lieu où l'on apprend à respecter les libertés, toutes les libertés, et à concilier l'intérêt des uns avec celui des autres.
Il était donc fort illogique que cet enseignement fondamental transmis par l'école fût démenti à chaque mouvement de grève d'ampleur des personnels enseignants, leur légitime liberté à cesser leur travail dans le cadre d'un préavis de grève entrant alors en conflit avec la liberté des familles de poursuivre leur propre activité professionnelle si elles le désirent. Car c'est bien aux familles que revient le soin de trouver, souvent dans l'urgence, une solution de garde pour leurs enfants lorsque l'école n'est plus en mesure de le faire, une solution qui bien souvent n'est autre que l'interruption forcée de l'activité professionnelle, parfois sans solde, avec des conséquences souvent durables sur les relations qu'elles entretiennent avec leur employeur.
Cette situation est d'autant moins acceptable qu'elle pèse particulièrement sur les familles les plus modestes, et pénalise tout particulièrement les structures monoparentales. Elle révèle une très forte inégalité des Français face aux mouvements de grève, selon le taux de conflictualité habituel dans l'école où leurs enfants sont scolarisés, selon leur capacité à financer un mode de garde ou selon les formes d'aide familiale dont elles disposent.
L'accueil des enfants durant le temps scolaire habituel, condition de la stabilité professionnelle des parents, n'est pas un simple service qui peut être offert aux familles et varier en fonction des circonstances. C'est un droit qui doit pouvoir s'exercer de façon permanente et immédiate dans le temps. Tel est le sens de la volonté exprimée par le Président de la République qui a voulu que la nature et les modalités d'application de ce droit soient définies par le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter devant votre assemblée.
1. Explication du dispositif prévu par le projet de loi
Le projet de loi qu'il vous revient d'examiner pose le principe de ce droit. Il garantit à tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique de pouvoir y être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour recevoir les enseignements prévus par les programmes.
En temps ordinaire, ce droit à l'accueil relève donc de la responsabilité de l'État lui-même, qui doit notamment veiller à ce que les enseignants absents soient rapidement remplacés en dehors des cas où leur absence s'inscrit dans le cadre d'un préavis de grève.
Pour y parvenir, j'ai décidé de moderniser en profondeur l'ensemble de la politique du remplacement conduite par le ministère de l'Éducation nationale et de créer à cet effet une Agence nationale du remplacement. Elle aura, parmi ses objectifs, le souci d'optimiser constamment l'utilisation de tous les moyens de remplacement afin de limiter au maximum les conséquences d'une absence sur le bon déroulement de la scolarité des écoliers.
En cas de mouvement de grève, les enseignements suspendus ne sauraient être remplacés, sauf à prendre des mesures qui seraient contraires au droit de grève des salariés. Les élèves pourront cependant continuer à être accueillis durant le temps scolaire, permettant ainsi à leurs parents de poursuivre normalement leur activité professionnelle. L'État pourra continuer à organiser l'accueil des élèves en les répartissant dans les classes existantes jusqu'à un certain seuil - dont j'ai noté que vous souhaitiez que nous revoyions la définition.
En cas de mouvement de grève plus important, la mise en place d'un véritable dispositif d'accueil s'impose. Le projet de loi en confie la mise en oeuvre aux communes, avec la participation financière de l'État.
Je veux vous préciser d'emblée que, contrairement à ce que j'ai lu ou entendu à ce sujet, ce projet de loi ne porte pas atteinte à la libre administration des communes. En effet, la création d'une nouvelle compétence pour les communes, accompagnée de moyens financiers pour l'assurer est parfaitement conforme aux exigences constitutionnelles qui découlent de l'article 72 et 72-2 de la Constitution.
Cet accueil pourra être organisé par la commune sans contrainte.
En effet, je ne souhaite imposer aux collectivités ni contraintes superflues, ni normes nouvelles. Au contraire, je souhaite que ces dernières puissent disposer de la plus grande souplesse pour organiser ce service : je sais que le groupe Union centriste et, notamment le sénateur Détraignes, sont particulièrement sensibles à cette question.
Cette souplesse doit pouvoir trouver sa pleine expression :
- dans le choix du lieu où la commune organise l'accueil : ce peut être au sein même de l'école, si elle est fermée mais aussi si elle est partiellement ouverte. Dans ce dernier cas, ce sera bien sûr, dans les locaux inutilisés pour faire classe. Tel est d'ailleurs le sens de l'article 7 de ce texte, car ce serait bien le comble que la commune, propriétaire des locaux scolaires ne puisse utiliser ceux-ci pour assurer le service d'accueil. Mais l'accueil peut également être organisé ailleurs, par exemple dans un centre de loisirs ;
- souplesse dans la manière dont plusieurs communes peuvent s'entendre pour organiser le service : le projet de loi permet en effet aux communes de conventionner librement pour confier à l'une d'entre elles l'organisation du service. C'est, je crois, une solution adaptée en milieu rural, dans les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), qui d'ailleurs ne sont pas toujours adossés à un EPCI. Ainsi, trois ou quatre communes membres d'un regroupement pédagogique intercommunal diffus pourront confier à l'une d'entre elles l'organisation du service ;
- souplesse dans le choix des intervenants que la commune décidera de mobiliser pour assurer l'accueil : celui-ci pourra être assuré par les assistantes maternelles (ATSEM) qui travailleraient ce jour-là, par d'autres fonctionnaires municipaux que les communes pourraient mobiliser mais aussi par des associations gestionnaires de centres de loisirs ou des associations familiales, des mères de familles, voire des enseignants retraités ou des étudiants.
Je rappelle à cette occasion que le Code de l'action sociale et sanitaire n'exige pas de qualification spécifique, ni n'impose de normes en termes d'encadrement tant que l'accueil ne dépasse pas 14 jours.
C'était d'ailleurs une des demandes de l'AMF en 2006 lorsque la règlementation sur l'encadrement des mineurs a vu le jour.
Par ailleurs, la bonne organisation de ce nouveau service d'accueil suppose :
- d'une part, que l'État et les représentants des personnels aient pris toutes leurs responsabilités pour prévenir le déclenchement de la grève ;
- d'autre part, que l'État puisse transmettre aux communes, dans un délai raisonnable, le nombre d'enseignants ayant déclaré leur intention de se mettre en grève.
C'est pourquoi le projet de loi propose d'instaurer un dispositif d'alerte sociale, novateur dans la fonction publique, en créant une obligation de négociation pour l'employeur (l'État) et les organisations syndicales représentatives pendant une période ne pouvant excéder huit jours. Par organisation représentative, il faut entendre celles reconnues comme telles au regard des critères classiques du droit commun de la fonction publique.
Il s'agit en fait d'anticiper le dépôt d'un préavis et de permettre l'émergence d'un vrai dialogue social conduit dans la sérénité sur des bases claires : la procédure mise en place, qui sera précisée dans le décret joint garantit à la fois cette transparence et la parfaite information des personnels. Pour que ce dialogue social soit un véritable instrument de prévention des conflits, il faut également que l'échange soit conduit au bon niveau, c'est-à-dire au niveau des autorités déconcentrées lorsque le sujet concerne l'échelon local, et au niveau des autorités nationales lorsque la question est d'ampleur nationale. C'est que prévoit explicitement le projet de loi.
Par ailleurs, le projet de loi fait obligation aux personnes ayant l'intention de participer à une grève d'en informer leur autorité administrative au plus tard 48 heures avant la date de déclenchement prévue par le préavis.
Il ne s'agit bien évidemment pas d'une mesure contre les syndicats ou contre le droit de grève : ce délai est réellement nécessaire à la mise en place de l'accueil par les communes et je rappelle d'ailleurs que d'aucuns pensaient que ce délai était trop bref.
Si le délai est nécessaire, la procédure de déclaration à l'autorité administrative l'est tout autant. On ne peut en effet se contenter d'une information des familles car alors l'accueil deviendrait difficile à organiser.
Le projet de loi précise les garanties propres à assurer la confidentialité des informations recueillies sur les personnes.
Enfin, il prévoit naturellement le dispositif de financement dont bénéficieront les communes pour l'exercice de cette nouvelle compétence.
2. Le travail avec les élus
Protéger la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève : tel est l'objet et l'esprit de ce texte qui marque une étape nouvelle dans les relations entre l'école, la famille, et les personnels enseignants.
Soucieux de donner son entière extension à ce droit nouveau et sa pleine efficacité au dispositif que je vous ai présenté, j'ai engagé depuis plusieurs semaines un travail de fond avec les élus de toutes les sensibilités.
Ainsi, j'ai rencontré à plusieurs reprises des sénateurs, des députés, des maires et de nombreuses associations d'élus comme l'Association des maires de France, l'Association des maires des grandes villes de France, l'Association nationale des élus de montagne ou encore l'Association des maires d'Ile-de-France.
Je veux souligner publiquement la qualité de ces discussions et en particulier des débats qui ont eu lieu dans le cadre de la commission des Affaires culturelles du Sénat. Je tiens donc à remercier l'ensemble des Sénateurs qui y ont contribué, à commencer bien sûr par le sénateur Philippe Richert, rapporteur au fond pour ce texte et Jacques Valade, président de la commission des Affaires culturelles, pour leur travail, leurs propositions et leurs conseils.
Ce travail de concertation mené avec l'ensemble des élus concernés par la mise en place du droit d'accueil a permis de clarifier un certain nombre de points. Il a ainsi permis de dissiper nombre de malentendus et d'apporter des réponses concrètes aux interrogations des collectivités locales. Il a surtout permis d'aller au fond des choses et d'obtenir des avancées concrètes dont je ne peux que me féliciter.
3. Réponses aux sénateurs
Je voudrais surtout vous dire combien j'ai été attentif aux observations et aux propositions qui se sont exprimées, aussi bien lors du travail préliminaire qu'au cours de la discussion avec la commission des Affaires culturelles. Sans entamer le débat proprement dit, je souhaite vous apporter d'ores et déjà un éclairage sur cinq de ces éléments.
1. Le premier sujet concerne le délai de 48 heures que les enseignants doivent respecter pour déclarer leur intention de participer à une grève. Certains sénateurs se sont demandé comment faire si ces 48 heures correspondaient à un week-end.
L'expérience a montré qu'au sein de l'Éducation Nationale les grèves importantes se déroulaient toujours les mardis et les jeudis, et quasiment jamais les lundis et vendredis.
Pour autant, et pour rassurer les maires sur ce point, je soutiendrai l'amendement à l'article 5 présenté par le sénateur Carle qui précise que le délai de 48 heures doit comprendre au moins un jour ouvré.
2. La second sujet concerne les modalités négociées de déclaration des grévistes auprès de l'autorité administrative.
La commission des Affaires culturelles a présenté un amendement à l'article 5 pour permettre à l'État de s'entendre avec une organisation syndicale sur les modalités selon lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l'autorité administrative. Je soutiens très fermement cet amendement qui rencontre d'ailleurs l'assentiment de l'une des grandes centrales syndicales et qui permettra de diffuser la culture de la négociation au sein de la Fonction publique.
En effet, en prévoyant que les modalités par lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l'autorité administrative pourront être définies par voie conventionnelle à l'occasion de la négociation préalable, l'amendement de la commission souligne tout l'intérêt d'avoir fait coexister dans ce texte deux volets : l'organisation du service d'accueil et la mise en place d'un mécanisme de négociation préalable.
3. Le troisième sujet touche à la question de la responsabilité des maires, qui préoccupait beaucoup d'acteurs locaux que j'ai rencontrés.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant votre commission, je soutiendrai, sur cette question, l'amendement qu'elle présente. Il aura pour objectif de substituer la responsabilité administrative de l'État à celle de la commune dans tous les cas de dommages causés aux enfants liés à l'organisation ou au fonctionnement du service d'accueil.
Je soutiens d'autant plus fermement cette proposition que j'en avais très tôt annoncé le principe. Il me semble en effet très important car il apporte une réponse très claire aux inquiétudes des élus et des collectivités locales.
4. Le quatrième sujet concerne le financement du dispositif. Le projet de loi que je vous présente prévoit que ce dernier sera calculé en fonction du nombre d'élèves accueillis, à l'image de ce qui a été fait durant l'expérimentation. Le montant sera précisé dans un texte règlementaire dont la promulgation conditionne l'entrée en vigueur de ce projet de loi.
Lors de l'expérimentation organisée en janvier et mai, les communes ont reçu un financement s'élevant à 90 euros par groupe de 1 à 15 élèves, pour deux fois 3 heures d'accueil. Pourquoi ce montant de 90 euros ? Car il correspond au montant moyen de la rémunération journalière d'un enseignant du premier degré, sachant que la taille moyenne d'une classe est de 25 élèves.
En outre, dans le cadre du travail que nous avons conduit avec l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), nous avons voulu que le dispositif financier prévu soit encore plus juste financièrement pour les communes, et notamment pour les petites communes rurales.
C'est la raison pour laquelle, pour des questions de recevabilité, j'ai repris au nom du Gouvernement l'amendement déposé par le sénateur Carle et qui prévoit que l'État verse à toute commune ayant mis en place le service d'accueil une contribution minimale quel que soit le nombre des enfants accueillis. Cette contribution minimale par commune s'élèvera à 200 euros, même si le nombre d'élèves accueillis est extrêmement faible.
C'est également dans le même esprit de justice et d'équité que j'ai également repris la proposition tendant à indexer le financement apporté par l'État aux collectivités.
5. Le cinquième sujet concerne les interrogations qui se sont exprimées sur la nature et la qualification des personnes chargées d'accueillir les enfants. J'adhère donc sans réserve à la proposition de la commission tendant à ce que la commune établisse, en lien avec l'inspecteur de circonscription, la liste des personnes susceptibles d'intervenir.
L'établissement de ce vivier présente manifestement deux intérêts :
- il permet à l'État de vérifier qu'un intervenant pressenti n'est pas déjà connu par le fichier national des infractions sexuelles ;
- il est également l'occasion de réfléchir par anticipation à l'organisation du service.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les sénateurs, le texte que je viens de vous présenter a fait l'objet d'une véritable concertation avec des élus de toutes les sensibilités politiques. À n'en pas douter, vos propositions et les échanges que nous allons avoir permettront encore d'en renforcer la portée. Je suis convaincu qu'au terme du travail parlementaire, nous parviendrons à nous entendre sur un texte équilibré qui répondra pleinement aux attentes des familles comme aux interrogations légitimes des élus et des collectivités locales.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
À ceux qui voudraient ne voir dans ce texte qu'une provocation à l'égard des syndicats d'enseignants,
À ceux qui voudraient minimiser les difficultés réelles que rencontrent les familles les plus modestes pour faire garder leurs enfants les jours de grève,
À ceux qui voudraient exagérer les contraintes que représentera pour les communes cette mission nouvelle,
Je réponds qu'il y a un temps pour la polémique et un temps pour la politique.
Le temps de la polémique est désormais derrière nous : il ne s'agit plus de savoir si le fait de vouloir aider les familles est une concession faite à la droite, une trahison faite à la gauche ou un hommage rendu au centre, mais de chercher, de bonne foi, par quel moyen nous pouvons permettre à notre dialogue social de se moderniser dans l'intérêt de l'État, de ses salariés et des usagers des services publics.
Cette ambition politique, au sens le plus noble, c'est une ambition moderne, et c'est désormais sur vous qu'elle repose !
Je vous remercie.Source http://www.education.gouv.fr, le 30 juin 2008
Mesdames et messieurs les Sénateurs,
La France aime passionnément son école. Elle a le plus grand respect pour ceux qui, chaque jour, dans les classes, sont les artisans opiniâtres de la liberté des individus et du progrès social. Elle observe, attentive, la façon dont notre système éducatif parvient à relever les nouveaux défis que lui pose la société et veille à ce qu'il continue de porter l'espoir des Condorcet, des Guizot, des Ferry, de tous ceux qui ont pensé un jour que la première des libertés était celle de savoir.
C'est la raison pour laquelle la France place l'intérêt de l'enfant, la liberté de sa famille et les droits de ses professeurs au-dessus des contingences que peuvent entraîner les discussions, les polémiques, voire les conflits liés aux évolutions de l'institution scolaire. L'école est avant tout un lieu où l'on apprend à respecter les libertés, toutes les libertés, et à concilier l'intérêt des uns avec celui des autres.
Il était donc fort illogique que cet enseignement fondamental transmis par l'école fût démenti à chaque mouvement de grève d'ampleur des personnels enseignants, leur légitime liberté à cesser leur travail dans le cadre d'un préavis de grève entrant alors en conflit avec la liberté des familles de poursuivre leur propre activité professionnelle si elles le désirent. Car c'est bien aux familles que revient le soin de trouver, souvent dans l'urgence, une solution de garde pour leurs enfants lorsque l'école n'est plus en mesure de le faire, une solution qui bien souvent n'est autre que l'interruption forcée de l'activité professionnelle, parfois sans solde, avec des conséquences souvent durables sur les relations qu'elles entretiennent avec leur employeur.
Cette situation est d'autant moins acceptable qu'elle pèse particulièrement sur les familles les plus modestes, et pénalise tout particulièrement les structures monoparentales. Elle révèle une très forte inégalité des Français face aux mouvements de grève, selon le taux de conflictualité habituel dans l'école où leurs enfants sont scolarisés, selon leur capacité à financer un mode de garde ou selon les formes d'aide familiale dont elles disposent.
L'accueil des enfants durant le temps scolaire habituel, condition de la stabilité professionnelle des parents, n'est pas un simple service qui peut être offert aux familles et varier en fonction des circonstances. C'est un droit qui doit pouvoir s'exercer de façon permanente et immédiate dans le temps. Tel est le sens de la volonté exprimée par le Président de la République qui a voulu que la nature et les modalités d'application de ce droit soient définies par le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter devant votre assemblée.
1. Explication du dispositif prévu par le projet de loi
Le projet de loi qu'il vous revient d'examiner pose le principe de ce droit. Il garantit à tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique de pouvoir y être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour recevoir les enseignements prévus par les programmes.
En temps ordinaire, ce droit à l'accueil relève donc de la responsabilité de l'État lui-même, qui doit notamment veiller à ce que les enseignants absents soient rapidement remplacés en dehors des cas où leur absence s'inscrit dans le cadre d'un préavis de grève.
Pour y parvenir, j'ai décidé de moderniser en profondeur l'ensemble de la politique du remplacement conduite par le ministère de l'Éducation nationale et de créer à cet effet une Agence nationale du remplacement. Elle aura, parmi ses objectifs, le souci d'optimiser constamment l'utilisation de tous les moyens de remplacement afin de limiter au maximum les conséquences d'une absence sur le bon déroulement de la scolarité des écoliers.
En cas de mouvement de grève, les enseignements suspendus ne sauraient être remplacés, sauf à prendre des mesures qui seraient contraires au droit de grève des salariés. Les élèves pourront cependant continuer à être accueillis durant le temps scolaire, permettant ainsi à leurs parents de poursuivre normalement leur activité professionnelle. L'État pourra continuer à organiser l'accueil des élèves en les répartissant dans les classes existantes jusqu'à un certain seuil - dont j'ai noté que vous souhaitiez que nous revoyions la définition.
En cas de mouvement de grève plus important, la mise en place d'un véritable dispositif d'accueil s'impose. Le projet de loi en confie la mise en oeuvre aux communes, avec la participation financière de l'État.
Je veux vous préciser d'emblée que, contrairement à ce que j'ai lu ou entendu à ce sujet, ce projet de loi ne porte pas atteinte à la libre administration des communes. En effet, la création d'une nouvelle compétence pour les communes, accompagnée de moyens financiers pour l'assurer est parfaitement conforme aux exigences constitutionnelles qui découlent de l'article 72 et 72-2 de la Constitution.
Cet accueil pourra être organisé par la commune sans contrainte.
En effet, je ne souhaite imposer aux collectivités ni contraintes superflues, ni normes nouvelles. Au contraire, je souhaite que ces dernières puissent disposer de la plus grande souplesse pour organiser ce service : je sais que le groupe Union centriste et, notamment le sénateur Détraignes, sont particulièrement sensibles à cette question.
Cette souplesse doit pouvoir trouver sa pleine expression :
- dans le choix du lieu où la commune organise l'accueil : ce peut être au sein même de l'école, si elle est fermée mais aussi si elle est partiellement ouverte. Dans ce dernier cas, ce sera bien sûr, dans les locaux inutilisés pour faire classe. Tel est d'ailleurs le sens de l'article 7 de ce texte, car ce serait bien le comble que la commune, propriétaire des locaux scolaires ne puisse utiliser ceux-ci pour assurer le service d'accueil. Mais l'accueil peut également être organisé ailleurs, par exemple dans un centre de loisirs ;
- souplesse dans la manière dont plusieurs communes peuvent s'entendre pour organiser le service : le projet de loi permet en effet aux communes de conventionner librement pour confier à l'une d'entre elles l'organisation du service. C'est, je crois, une solution adaptée en milieu rural, dans les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), qui d'ailleurs ne sont pas toujours adossés à un EPCI. Ainsi, trois ou quatre communes membres d'un regroupement pédagogique intercommunal diffus pourront confier à l'une d'entre elles l'organisation du service ;
- souplesse dans le choix des intervenants que la commune décidera de mobiliser pour assurer l'accueil : celui-ci pourra être assuré par les assistantes maternelles (ATSEM) qui travailleraient ce jour-là, par d'autres fonctionnaires municipaux que les communes pourraient mobiliser mais aussi par des associations gestionnaires de centres de loisirs ou des associations familiales, des mères de familles, voire des enseignants retraités ou des étudiants.
Je rappelle à cette occasion que le Code de l'action sociale et sanitaire n'exige pas de qualification spécifique, ni n'impose de normes en termes d'encadrement tant que l'accueil ne dépasse pas 14 jours.
C'était d'ailleurs une des demandes de l'AMF en 2006 lorsque la règlementation sur l'encadrement des mineurs a vu le jour.
Par ailleurs, la bonne organisation de ce nouveau service d'accueil suppose :
- d'une part, que l'État et les représentants des personnels aient pris toutes leurs responsabilités pour prévenir le déclenchement de la grève ;
- d'autre part, que l'État puisse transmettre aux communes, dans un délai raisonnable, le nombre d'enseignants ayant déclaré leur intention de se mettre en grève.
C'est pourquoi le projet de loi propose d'instaurer un dispositif d'alerte sociale, novateur dans la fonction publique, en créant une obligation de négociation pour l'employeur (l'État) et les organisations syndicales représentatives pendant une période ne pouvant excéder huit jours. Par organisation représentative, il faut entendre celles reconnues comme telles au regard des critères classiques du droit commun de la fonction publique.
Il s'agit en fait d'anticiper le dépôt d'un préavis et de permettre l'émergence d'un vrai dialogue social conduit dans la sérénité sur des bases claires : la procédure mise en place, qui sera précisée dans le décret joint garantit à la fois cette transparence et la parfaite information des personnels. Pour que ce dialogue social soit un véritable instrument de prévention des conflits, il faut également que l'échange soit conduit au bon niveau, c'est-à-dire au niveau des autorités déconcentrées lorsque le sujet concerne l'échelon local, et au niveau des autorités nationales lorsque la question est d'ampleur nationale. C'est que prévoit explicitement le projet de loi.
Par ailleurs, le projet de loi fait obligation aux personnes ayant l'intention de participer à une grève d'en informer leur autorité administrative au plus tard 48 heures avant la date de déclenchement prévue par le préavis.
Il ne s'agit bien évidemment pas d'une mesure contre les syndicats ou contre le droit de grève : ce délai est réellement nécessaire à la mise en place de l'accueil par les communes et je rappelle d'ailleurs que d'aucuns pensaient que ce délai était trop bref.
Si le délai est nécessaire, la procédure de déclaration à l'autorité administrative l'est tout autant. On ne peut en effet se contenter d'une information des familles car alors l'accueil deviendrait difficile à organiser.
Le projet de loi précise les garanties propres à assurer la confidentialité des informations recueillies sur les personnes.
Enfin, il prévoit naturellement le dispositif de financement dont bénéficieront les communes pour l'exercice de cette nouvelle compétence.
2. Le travail avec les élus
Protéger la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève : tel est l'objet et l'esprit de ce texte qui marque une étape nouvelle dans les relations entre l'école, la famille, et les personnels enseignants.
Soucieux de donner son entière extension à ce droit nouveau et sa pleine efficacité au dispositif que je vous ai présenté, j'ai engagé depuis plusieurs semaines un travail de fond avec les élus de toutes les sensibilités.
Ainsi, j'ai rencontré à plusieurs reprises des sénateurs, des députés, des maires et de nombreuses associations d'élus comme l'Association des maires de France, l'Association des maires des grandes villes de France, l'Association nationale des élus de montagne ou encore l'Association des maires d'Ile-de-France.
Je veux souligner publiquement la qualité de ces discussions et en particulier des débats qui ont eu lieu dans le cadre de la commission des Affaires culturelles du Sénat. Je tiens donc à remercier l'ensemble des Sénateurs qui y ont contribué, à commencer bien sûr par le sénateur Philippe Richert, rapporteur au fond pour ce texte et Jacques Valade, président de la commission des Affaires culturelles, pour leur travail, leurs propositions et leurs conseils.
Ce travail de concertation mené avec l'ensemble des élus concernés par la mise en place du droit d'accueil a permis de clarifier un certain nombre de points. Il a ainsi permis de dissiper nombre de malentendus et d'apporter des réponses concrètes aux interrogations des collectivités locales. Il a surtout permis d'aller au fond des choses et d'obtenir des avancées concrètes dont je ne peux que me féliciter.
3. Réponses aux sénateurs
Je voudrais surtout vous dire combien j'ai été attentif aux observations et aux propositions qui se sont exprimées, aussi bien lors du travail préliminaire qu'au cours de la discussion avec la commission des Affaires culturelles. Sans entamer le débat proprement dit, je souhaite vous apporter d'ores et déjà un éclairage sur cinq de ces éléments.
1. Le premier sujet concerne le délai de 48 heures que les enseignants doivent respecter pour déclarer leur intention de participer à une grève. Certains sénateurs se sont demandé comment faire si ces 48 heures correspondaient à un week-end.
L'expérience a montré qu'au sein de l'Éducation Nationale les grèves importantes se déroulaient toujours les mardis et les jeudis, et quasiment jamais les lundis et vendredis.
Pour autant, et pour rassurer les maires sur ce point, je soutiendrai l'amendement à l'article 5 présenté par le sénateur Carle qui précise que le délai de 48 heures doit comprendre au moins un jour ouvré.
2. La second sujet concerne les modalités négociées de déclaration des grévistes auprès de l'autorité administrative.
La commission des Affaires culturelles a présenté un amendement à l'article 5 pour permettre à l'État de s'entendre avec une organisation syndicale sur les modalités selon lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l'autorité administrative. Je soutiens très fermement cet amendement qui rencontre d'ailleurs l'assentiment de l'une des grandes centrales syndicales et qui permettra de diffuser la culture de la négociation au sein de la Fonction publique.
En effet, en prévoyant que les modalités par lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l'autorité administrative pourront être définies par voie conventionnelle à l'occasion de la négociation préalable, l'amendement de la commission souligne tout l'intérêt d'avoir fait coexister dans ce texte deux volets : l'organisation du service d'accueil et la mise en place d'un mécanisme de négociation préalable.
3. Le troisième sujet touche à la question de la responsabilité des maires, qui préoccupait beaucoup d'acteurs locaux que j'ai rencontrés.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant votre commission, je soutiendrai, sur cette question, l'amendement qu'elle présente. Il aura pour objectif de substituer la responsabilité administrative de l'État à celle de la commune dans tous les cas de dommages causés aux enfants liés à l'organisation ou au fonctionnement du service d'accueil.
Je soutiens d'autant plus fermement cette proposition que j'en avais très tôt annoncé le principe. Il me semble en effet très important car il apporte une réponse très claire aux inquiétudes des élus et des collectivités locales.
4. Le quatrième sujet concerne le financement du dispositif. Le projet de loi que je vous présente prévoit que ce dernier sera calculé en fonction du nombre d'élèves accueillis, à l'image de ce qui a été fait durant l'expérimentation. Le montant sera précisé dans un texte règlementaire dont la promulgation conditionne l'entrée en vigueur de ce projet de loi.
Lors de l'expérimentation organisée en janvier et mai, les communes ont reçu un financement s'élevant à 90 euros par groupe de 1 à 15 élèves, pour deux fois 3 heures d'accueil. Pourquoi ce montant de 90 euros ? Car il correspond au montant moyen de la rémunération journalière d'un enseignant du premier degré, sachant que la taille moyenne d'une classe est de 25 élèves.
En outre, dans le cadre du travail que nous avons conduit avec l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), nous avons voulu que le dispositif financier prévu soit encore plus juste financièrement pour les communes, et notamment pour les petites communes rurales.
C'est la raison pour laquelle, pour des questions de recevabilité, j'ai repris au nom du Gouvernement l'amendement déposé par le sénateur Carle et qui prévoit que l'État verse à toute commune ayant mis en place le service d'accueil une contribution minimale quel que soit le nombre des enfants accueillis. Cette contribution minimale par commune s'élèvera à 200 euros, même si le nombre d'élèves accueillis est extrêmement faible.
C'est également dans le même esprit de justice et d'équité que j'ai également repris la proposition tendant à indexer le financement apporté par l'État aux collectivités.
5. Le cinquième sujet concerne les interrogations qui se sont exprimées sur la nature et la qualification des personnes chargées d'accueillir les enfants. J'adhère donc sans réserve à la proposition de la commission tendant à ce que la commune établisse, en lien avec l'inspecteur de circonscription, la liste des personnes susceptibles d'intervenir.
L'établissement de ce vivier présente manifestement deux intérêts :
- il permet à l'État de vérifier qu'un intervenant pressenti n'est pas déjà connu par le fichier national des infractions sexuelles ;
- il est également l'occasion de réfléchir par anticipation à l'organisation du service.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les sénateurs, le texte que je viens de vous présenter a fait l'objet d'une véritable concertation avec des élus de toutes les sensibilités politiques. À n'en pas douter, vos propositions et les échanges que nous allons avoir permettront encore d'en renforcer la portée. Je suis convaincu qu'au terme du travail parlementaire, nous parviendrons à nous entendre sur un texte équilibré qui répondra pleinement aux attentes des familles comme aux interrogations légitimes des élus et des collectivités locales.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
À ceux qui voudraient ne voir dans ce texte qu'une provocation à l'égard des syndicats d'enseignants,
À ceux qui voudraient minimiser les difficultés réelles que rencontrent les familles les plus modestes pour faire garder leurs enfants les jours de grève,
À ceux qui voudraient exagérer les contraintes que représentera pour les communes cette mission nouvelle,
Je réponds qu'il y a un temps pour la polémique et un temps pour la politique.
Le temps de la polémique est désormais derrière nous : il ne s'agit plus de savoir si le fait de vouloir aider les familles est une concession faite à la droite, une trahison faite à la gauche ou un hommage rendu au centre, mais de chercher, de bonne foi, par quel moyen nous pouvons permettre à notre dialogue social de se moderniser dans l'intérêt de l'État, de ses salariés et des usagers des services publics.
Cette ambition politique, au sens le plus noble, c'est une ambition moderne, et c'est désormais sur vous qu'elle repose !
Je vous remercie.Source http://www.education.gouv.fr, le 30 juin 2008