Texte intégral
Monsieur le Président,
C'est un grand honneur de vous recevoir ce soir au Palais des Affaires étrangères, pour votre première visite officielle en France.
Je suis très heureux de saluer en vous le représentant du peuple lituanien, héritier d'une histoire prestigieuse et tourmentée. Les grand-ducs de Lituanie construisirent à partir du XIIIème siècle, entre Allemagne et Moscovie, un Etat puissant et prospère qui défendit pendant des siècles l'Occident des invasions venues de l'Est. Sa capitale, Vilnius, dont l'Université fut fondée en 1579, participa pleinement à l'élan de la Renaissance européenne.
Ce qui inspire plus encore le respect à nos yeux aujourd'hui, c'est que votre peuple ne se plia jamais au verdict de l'histoire quand il lui était défavorable. Alors que des forces hostiles tendaient à le rayer de la carte des nations, il sut préserver, contre vents et marées, sa langue, sa culture, sa volonté d'exister.
Après tant de vicissitudes, le peuple lituanien a entrepris, dans les années 1980, sa marche vers la libération nationale et la démocratie. Cette résurrection - le mot n'est pas trop fort -, digne de notre admiration, vous a conduit à retrouver, en 1991, votre place au sein de la communauté internationale. La Lituanie, enfin, faisait retour en Europe.
La France a été présente à vos côtés à chacune des étapes de ce réveil national. Elle n'a cessé de proclamer le droit de la Lituanie à une complète indépendance. Elle s'est toujours refusé à reconnaître le fait accompli de l'annexion. La restitution, dès votre indépendance recouvrée, de l'or détenu par la Banque de France, a marqué notre attachement au principe intangible du respect des droits liés à la souveraineté des Etats.
La visite d'Etat en Lituanie, en mai 1992, du Président François Mitterrand, la première effectuée par un chef d'Etat d'un grand pays occidental, a confirmé de manière éclatante cette solidarité, et les propos tenus alors par le président de la République française, en faveur d'un retrait des forces militaires étrangères de votre pays, sont toujours présents dans les esprits.
C'est ensuite lors de la présidence française de l'Union européenne, en juin 1995, au Sommet de Cannes, que votre retour au sein de la famille européenne, en qualité de partenaire associé à l'Union, a été décidé. Permettez-moi de vous dire à cet égard que les autorités françaises ne ménageront pas leurs efforts pour que l'accord d'association puisse être ratifié dans les meilleurs délais.
La France connaît votre aspiration légitime à devenir membre à part entière de l'Union européenne. Nous la comprenons et nous la partageons pleinement.
L'élargissement constitue à nos yeux une chance historique, celle de voir enfin la paix et la prospérité s'installer partout sur notre vieux continent. Pour être le vrai succès que l'on est en droit d'escompter, cet élargissement doit s'accompagner d'une réforme des institutions de l'Union pour qu'elle demeure forte et efficace dans l'intérêt de tous ses membres, deux d'aujourd'hui et ceux de demain. Tous les problèmes n'ont pas été réglés au sommet d'Amsterdam, loin s'en faut, mais cela ne signifie pas pour autant que le calendrier soit remis en cause. Le Conseil européen prendra les décisions sur le lancement du processus d'élargissement en décembre prochain.
Sur le rythme des négociations, la position française est qu'elles devront être menées en fonction des mérites propres de chacun des Etats candidats sur la base des critères objectifs arrêtés par le Conseil européen de Copenhague. Les progrès réalisés, au cours des dernières années, par votre pays, au prix d'efforts importants, nous sont connus, et nous mesurons la détermination avec laquelle la Lituanie poursuit sa transition et sa modernisation économiques.
Votre pays aspire également à rejoindre l'OTAN. La France a marqué, et elle le fera de nouveau, dès demain, à Madrid, son attachement au caractère évolutif et ouvert de l'élargissement de l'Alliance atlantique. Nous souhaitons que les Alliés y affirment clairement que la porte de l'OTAN reste ouverte, après cette première étape, à tous les pays européens qui ont fait acte de candidature et ont vocation à rejoindre ceux de l'Alliance. Dans cette perspective, il est important que l'OTAN apporte des réponses aux attentes de tous les candidats. La France, pour sa part, estime qu'il faut apporter une attention particulière à vos problèmes de sécurité et est disposée à développer sa coopération avec vous dans tous les cadres appropriés de façon à ce que la Lituanie trouve toute sa place dans la nouvelle architecture de sécurité européenne.
Votre visite témoigne aussi de la volonté de nos deux pays d'approfondir encore nos relations bilatérales.
Les entretiens que vous avez eus aujourd'hui avec le président de la République, suivis d'un déjeuner, ont confirmé, s'il en était besoin, la qualité de nos relations politiques. En signant à Vilnius, en mai 1992, le premier traité négocié par la France avec un nouvel Etat indépendant issu de l'ancienne URSS, le Président Mitterrand avait scellé la première pierre. Que vous vous trouviez à Paris à la veille même du sommet de Madrid illustre bien l'importance et l'opportunité de ce dialogue.
Vous avez souhaité à l'occasion de cette visite, Monsieur le Président, mettre à profit la confiance qui s'est établie entre nos deux pays pour donner davantage de substance à nos relations économiques. Comment ne pas vous suivre sur ce terrain ? Nos échanges sont encore modestes, malgré des progrès récents. Il faut naturellement faire beaucoup mieux. La présence, en nombre, des représentants des milieux économiques ici ce soir, me paraît de bonne augure, et je suis certain que l'importante délégation d'entrepreneurs qui vous accompagne, nouera durant son séjour des contacts fructueux, contribuant ainsi au développement de nos liens économiques et commerciaux.
Dans ce bref panorama de nos relations, je n'aurai garde d'oublier la culture. Non seulement votre pays a vu naître une pléiade d'écrivains, de poètes, de musiciens, mais il a donné à la France quelques grandes figures de son intelligence. Rien ne saurait mieux évoquer l'âme lituanienne que l'oeuvre du poète Oskar Milosz, premier représentant de la Lituanie indépendante à Paris en 1920. Mais je pense aussi à un linguiste comme A. Greimas ou à un philosophe comme Emmanuel Levinas. Il nous appartient aujourd'hui d'entretenir ce compagnonnage culturel, de le poursuivre et de le tourner vers l'avenir. Je constate avec plaisir que nos peuples conservent cette même curiosité, ce même désir de mieux se connaître, cette réelle sympathie. Après les "Saisons baltes" de 1992, temps fort de ces retrouvailles, la France est heureuse de pouvoir accueillir de nouveau de nombreux artistes lituaniens : ainsi le cinéma et le théâtre lituaniens ont-ils été et seront-ils cette année à l'honneur dans chacun de nos grands festivals, que ce soit à Cannes, à Nancy, ou à Avignon.
Autre signe de cette remarquable complicité, la vitalité que la Francophonie conserve dans votre pays et qui mérite d'être saluée : héritée d'une tradition qui remonte à l'entre-deux guerres, elle justifie pleinement l'effort que nous poursuivons pour conforter notre présence linguistique et culturelle, comme en témoignera l'ouverture, au début de l'an prochain, de notre nouveau centre culturel, dans des locaux prestigieux aux abords de notre ambassade.
Mes derniers mots seront pour redire au peuple lituanien la vive sympathie du peuple français, et vous assurer une fois encore du soutien de notre pays à vos côtés, aujourd'hui comme hier. Vous l'avez constaté, Monsieur le Président, au cours de cette journée à Paris en rencontrant le président de la République, puis le Premier ministre et enfin, vous le constatez ce soir.
Permettez-moi de lever mon verre à la Lituanie, à sa prospérité, et à vous-même Monsieur le Président.
Vive la Lituanie, vive la France./
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 novembre 2001)
C'est un grand honneur de vous recevoir ce soir au Palais des Affaires étrangères, pour votre première visite officielle en France.
Je suis très heureux de saluer en vous le représentant du peuple lituanien, héritier d'une histoire prestigieuse et tourmentée. Les grand-ducs de Lituanie construisirent à partir du XIIIème siècle, entre Allemagne et Moscovie, un Etat puissant et prospère qui défendit pendant des siècles l'Occident des invasions venues de l'Est. Sa capitale, Vilnius, dont l'Université fut fondée en 1579, participa pleinement à l'élan de la Renaissance européenne.
Ce qui inspire plus encore le respect à nos yeux aujourd'hui, c'est que votre peuple ne se plia jamais au verdict de l'histoire quand il lui était défavorable. Alors que des forces hostiles tendaient à le rayer de la carte des nations, il sut préserver, contre vents et marées, sa langue, sa culture, sa volonté d'exister.
Après tant de vicissitudes, le peuple lituanien a entrepris, dans les années 1980, sa marche vers la libération nationale et la démocratie. Cette résurrection - le mot n'est pas trop fort -, digne de notre admiration, vous a conduit à retrouver, en 1991, votre place au sein de la communauté internationale. La Lituanie, enfin, faisait retour en Europe.
La France a été présente à vos côtés à chacune des étapes de ce réveil national. Elle n'a cessé de proclamer le droit de la Lituanie à une complète indépendance. Elle s'est toujours refusé à reconnaître le fait accompli de l'annexion. La restitution, dès votre indépendance recouvrée, de l'or détenu par la Banque de France, a marqué notre attachement au principe intangible du respect des droits liés à la souveraineté des Etats.
La visite d'Etat en Lituanie, en mai 1992, du Président François Mitterrand, la première effectuée par un chef d'Etat d'un grand pays occidental, a confirmé de manière éclatante cette solidarité, et les propos tenus alors par le président de la République française, en faveur d'un retrait des forces militaires étrangères de votre pays, sont toujours présents dans les esprits.
C'est ensuite lors de la présidence française de l'Union européenne, en juin 1995, au Sommet de Cannes, que votre retour au sein de la famille européenne, en qualité de partenaire associé à l'Union, a été décidé. Permettez-moi de vous dire à cet égard que les autorités françaises ne ménageront pas leurs efforts pour que l'accord d'association puisse être ratifié dans les meilleurs délais.
La France connaît votre aspiration légitime à devenir membre à part entière de l'Union européenne. Nous la comprenons et nous la partageons pleinement.
L'élargissement constitue à nos yeux une chance historique, celle de voir enfin la paix et la prospérité s'installer partout sur notre vieux continent. Pour être le vrai succès que l'on est en droit d'escompter, cet élargissement doit s'accompagner d'une réforme des institutions de l'Union pour qu'elle demeure forte et efficace dans l'intérêt de tous ses membres, deux d'aujourd'hui et ceux de demain. Tous les problèmes n'ont pas été réglés au sommet d'Amsterdam, loin s'en faut, mais cela ne signifie pas pour autant que le calendrier soit remis en cause. Le Conseil européen prendra les décisions sur le lancement du processus d'élargissement en décembre prochain.
Sur le rythme des négociations, la position française est qu'elles devront être menées en fonction des mérites propres de chacun des Etats candidats sur la base des critères objectifs arrêtés par le Conseil européen de Copenhague. Les progrès réalisés, au cours des dernières années, par votre pays, au prix d'efforts importants, nous sont connus, et nous mesurons la détermination avec laquelle la Lituanie poursuit sa transition et sa modernisation économiques.
Votre pays aspire également à rejoindre l'OTAN. La France a marqué, et elle le fera de nouveau, dès demain, à Madrid, son attachement au caractère évolutif et ouvert de l'élargissement de l'Alliance atlantique. Nous souhaitons que les Alliés y affirment clairement que la porte de l'OTAN reste ouverte, après cette première étape, à tous les pays européens qui ont fait acte de candidature et ont vocation à rejoindre ceux de l'Alliance. Dans cette perspective, il est important que l'OTAN apporte des réponses aux attentes de tous les candidats. La France, pour sa part, estime qu'il faut apporter une attention particulière à vos problèmes de sécurité et est disposée à développer sa coopération avec vous dans tous les cadres appropriés de façon à ce que la Lituanie trouve toute sa place dans la nouvelle architecture de sécurité européenne.
Votre visite témoigne aussi de la volonté de nos deux pays d'approfondir encore nos relations bilatérales.
Les entretiens que vous avez eus aujourd'hui avec le président de la République, suivis d'un déjeuner, ont confirmé, s'il en était besoin, la qualité de nos relations politiques. En signant à Vilnius, en mai 1992, le premier traité négocié par la France avec un nouvel Etat indépendant issu de l'ancienne URSS, le Président Mitterrand avait scellé la première pierre. Que vous vous trouviez à Paris à la veille même du sommet de Madrid illustre bien l'importance et l'opportunité de ce dialogue.
Vous avez souhaité à l'occasion de cette visite, Monsieur le Président, mettre à profit la confiance qui s'est établie entre nos deux pays pour donner davantage de substance à nos relations économiques. Comment ne pas vous suivre sur ce terrain ? Nos échanges sont encore modestes, malgré des progrès récents. Il faut naturellement faire beaucoup mieux. La présence, en nombre, des représentants des milieux économiques ici ce soir, me paraît de bonne augure, et je suis certain que l'importante délégation d'entrepreneurs qui vous accompagne, nouera durant son séjour des contacts fructueux, contribuant ainsi au développement de nos liens économiques et commerciaux.
Dans ce bref panorama de nos relations, je n'aurai garde d'oublier la culture. Non seulement votre pays a vu naître une pléiade d'écrivains, de poètes, de musiciens, mais il a donné à la France quelques grandes figures de son intelligence. Rien ne saurait mieux évoquer l'âme lituanienne que l'oeuvre du poète Oskar Milosz, premier représentant de la Lituanie indépendante à Paris en 1920. Mais je pense aussi à un linguiste comme A. Greimas ou à un philosophe comme Emmanuel Levinas. Il nous appartient aujourd'hui d'entretenir ce compagnonnage culturel, de le poursuivre et de le tourner vers l'avenir. Je constate avec plaisir que nos peuples conservent cette même curiosité, ce même désir de mieux se connaître, cette réelle sympathie. Après les "Saisons baltes" de 1992, temps fort de ces retrouvailles, la France est heureuse de pouvoir accueillir de nouveau de nombreux artistes lituaniens : ainsi le cinéma et le théâtre lituaniens ont-ils été et seront-ils cette année à l'honneur dans chacun de nos grands festivals, que ce soit à Cannes, à Nancy, ou à Avignon.
Autre signe de cette remarquable complicité, la vitalité que la Francophonie conserve dans votre pays et qui mérite d'être saluée : héritée d'une tradition qui remonte à l'entre-deux guerres, elle justifie pleinement l'effort que nous poursuivons pour conforter notre présence linguistique et culturelle, comme en témoignera l'ouverture, au début de l'an prochain, de notre nouveau centre culturel, dans des locaux prestigieux aux abords de notre ambassade.
Mes derniers mots seront pour redire au peuple lituanien la vive sympathie du peuple français, et vous assurer une fois encore du soutien de notre pays à vos côtés, aujourd'hui comme hier. Vous l'avez constaté, Monsieur le Président, au cours de cette journée à Paris en rencontrant le président de la République, puis le Premier ministre et enfin, vous le constatez ce soir.
Permettez-moi de lever mon verre à la Lituanie, à sa prospérité, et à vous-même Monsieur le Président.
Vive la Lituanie, vive la France./
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 novembre 2001)