Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, sur la réforme de la médecine du travail, la médecine préventive et la santé au travail, Paris le 27 juin 2008.

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Circonstance : Réforme de la médecine du travail à Paris le 27 juin 2008

Texte intégral


Comme vous le savez, en 2004, les services de la « médecine du travail » ont changé de nom et sont devenus les services de « santé au travail » (les SST) : mais derrière le nom, c'est maintenant le fond que nous devons, et voulons, revoir.
Car la santé au travail est devenue un véritable enjeu de société. Il suffit d'évoquer les problématiques liées à l'emploi des séniors, au vieillissement de la population ou la question de la traçabilité des expositions pour s'en convaincre. C'est pourquoi, comme nous en avions convenu ensemble lors de la conférence d'octobre dernier, il est nécessaire de poursuivre la réforme de la médecine du travail. En application de la loi du 31 janvier 2007, je compte donc vous adresser très rapidement un document d'orientation vous demandant si vous souhaitez négocier sur cette réforme.
Auparavant, je souhaiterais aujourd'hui vous présenter les grandes orientations que j'envisage et recueillir vos propositions.
1) Nous voulons d'abord changer notre façon d'aborder la santé au travail, pour développer une véritable culture de la prévention.
Cela implique d'inverser les priorités qui étaient celles de la médecine du travail : la santé des travailleurs doit désormais être prise en compte beaucoup plus en amont, par des actions collectives plus efficaces et un suivi adapté aux besoins.
Le premier rôle des services de santé au travail est d'agir auprès de groupes de salariés ayant les mêmes conditions de travail. Je pense donc qu'il raisonner autour des « communautés de travail » pour prévenir les risques qui leur sont spécifiques.
Il faut donc cibler les groupes auprès desquels on doit agir et faire du « sur mesure ». Cette action doit intégrer le risque dans toutes ses dimensions. Pour cela, nous proposons de renforcer les équipes pluridisciplinaires, réunissant des compétences aussi bien techniques que paramédicales - comme c'est le cas en milieu hospitalier : ergonomes, ingénieurs sécurité, psychologues, toxicologues, infirmiers du travail, assistantes sociales.... ;
Enfin, le suivi sera adapté aux situations individuelles. Cette prise en charge commencera dès l'entrée du salarié dans l'entreprise :
.?Au lieu de conclure à l'aptitude du salarié, la visite d'embauche devra l'informer sur les actions de prévention et de suivi adaptées à sa situation. Le cas échéant, cette visite pourra constater des « contre-indications » pour certains postes si l'état de santé du salarié le justifie. Le médecin du travail établira ainsi une sorte d'« ordonnance de prévention » qui déterminera la périodicité du suivi du salarié à partir de référentiels adaptés en fonction des risques, ainsi que les actions collectives et individuelles de prévention qui le concerneront.
.?Bien entendu, les salariés ou les employeurs qui le souhaitent conserveront le droit de demander une visite à tout moment.
.?Par ailleurs, nous devons réfléchir ensemble à la mise en place d'un suivi et d'actions de prévention appropriés pour les salariés « atypiques » comme les intérimaires, les salariés de la sous-traitance ou les salariés employés par des particuliers à domicile.
2) Pour concrétiser ce changement d'approche, nous voulons adapter les services de santé au travail en renforçant leur efficacité.
Cela implique de :
.?développer et professionnaliser davantage la pluridisciplinarité, en revoyant notamment la procédure d'habilitation ;
.?cela implique aussi que les infirmiers du travail puissent se voir déléguer certaines tâches, sous la responsabilité du médecin. Dans cette perspective, nous souhaitons développer pour les infirmiers une formation spécialisée de santé au travail, qui leur sera accessible tout au long de leur carrière. Plus largement, cette réforme doit permettre de revaloriser la profession de médecin du travail. Les effectifs connaissent une baisse sensible qui devrait s'accentuer dans les années à venir. La spécialité -il faut le reconnaître- n'attire plus assez de médecins ; vous savez, d'ailleurs, que l'année dernière, toutes les places proposées au concours n'ont pas été pourvues.
C'est la raison pour laquelle je propose
d'une part de conforter le nombre de places actuellement ouvertes à l'internat
et, d'autre part, de rétablir une voie d'accès pérenne à la médecine du travail ouverte aux médecins d'autres spécialités.
Enfin, pour améliorer l'efficacité des SST, je souhaite un meilleur pilotage du dispositif :
.?Au niveau national, la transformation du Conseil supérieur de prévention des risques professionnels (CSPRP) en COCT, - que j'ai évoquée tout à l'heure - , permettra de nourrir le dialogue social autour des priorités nationales de santé et de sécurité au travail.
.?Au niveau régional, je propose que la concertation prenne place au sein des comités régionaux de prévention des risques professionnels, qui regroupent tous les acteurs locaux concernés : partenaires sociaux, organismes de prévention (CRAM, ARACT, OPPBTP), personnes qualifiées et administrations. Cette concertation devra permettre de définir un schéma régional des SST ainsi que leurs orientations, à partir des priorités locales.
.?Dans cette perspective, les services autonomes des entreprises donneuses d'ordre pourraient participer au suivi des salariés intérimaires ou sous-traitant qu'elles emploient, notamment quand ces services autonomes ont une compétence et une expertise particulière sur un bassin d'emploi ou un site donné, comme c'est le cas dans le nucléaire. Ceci permettrait de créer de véritables réseaux de la santé au travail, mutualisant et coordonnant leurs actions de prévention.
.?Les services de santé pourraient signer avec l'Etat et les CRAM des conventions pluriannuelles fixant des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Ces conventions, qui se substitueraient à l'agrément, prévoiraient un certain nombre d'obligations minimum, y compris en matière de transparence financière. Des financements complémentaires pourraient être alloués aux services développant des actions de prévention innovantes. Par ailleurs, cette contractualisation permettrait aux STT de mieux articuler leurs actions avec celles des CRAM et des autres acteurs locaux de la prévention.
.?En ce qui concerne la gouvernance des SST, nous proposons de mettre en place une gestion paritaire des conseils d'administration. Leur présidence resterait assurée par les employeurs avec voix prépondérante en cas d'égalité des voix. Sur ce sujet, je souhaiterais connaître votre position.
3) Pour conforter cette logique de prévention, je propose de réfléchir à de nouvelles modalités de financement des services de santé au travail. Ce financement doit satisfaire à 4 objectifs :
.?Déconnecter le mode de financement du nombre de visites médicales réalisées ;
.?Renforcer la légitimité de l'action des SST et lui donner plus de visibilité ;
.?Assurer la transparence de la gestion financière des SST ;
.?et enfin leur garantir un niveau de ressources suffisant. Pour atteindre ces objectifs, je vous propose de réfléchir aux possibilités suivantes :
.?D'abord, est-il souhaitable de revoir l'assiette de cotisation, en préférant une cotisation basée sur la masse salariale ? Elle serait ainsi déconnectée du nombre de visites médicales, à l'instar du système en cours à la Mutualité sociale agricole. Il nous faudrait alors examiner l'opportunité d'instaurer un taux unique ou un taux plancher, voire des taux différents par secteurs d'activité ou par région.
.?Ensuite, pour simplifier et moderniser la collecte, pourrait-on envisager de la confiant à un organisme externe tel que l'URSSAF ? Cette solution pourrait permettre d'assurer une plus grande indépendance des SST, d'améliorer le taux de recouvrement et de décharger les services de cette tâche.
Sur tous ces sujets, j'attends vos réactions et vos propositions.
Source http://www.travail.gouv.fr, le 30 juin 20081