Texte intégral
Je vous remercie de m'avoir invité à cette convention sociale. « Innovons » est le mot d'ordre de journée. Oui, il faut résolument innover pour renverser les tendances.
Nous vous proposons de porter des changements qui se caractérisent par un objectif, des principes, une méthode, des partenariats.
Un objectif : réduire d'un tiers la pauvreté pendant les cinq ans du mandat de Nicolas Sarkozy.
Des principes : faire en sorte que le travail soit toujours plus rémunérateur que l'inactivité, que toute augmentation de la quantité de travail paye.
Une méthode : celle qui provient des expérimentations de terrain avec des partenariats qui associent les différentes parties prenantes, en respectant la place des collectivités territoriales, des partenaires sociaux, des usagers, des entreprises.
L'objectif de réduction de la pauvreté, nous l'avons. C'est la première fois qu'un gouvernement a le courage de se fixer des objectifs dans ce domaine.
Quoi, il serait légitime d'avoir des objectifs économiques et pas d'objectifs sociaux ?
Ils nous forcent à avoir une obligation de résultat. Il est indécent de voir les dépenses sociales augmenter si la pauvreté ne se réduit pas. Or, il n'y a pas trente six solutions pour faire reculer la pauvreté : il faut refaire du travail le socle des revenus du plus grand nombre. Sans que les prestations sociales fassent obstacle au retour à l'emploi. Mais aussi sans que la solidarité abandonne celui qui travaille mais dont les revenus sont trop modestes.
C'est le sens du revenu de solidarité active. Un revenu de solidarité active qui ne sera pas une prestation de plus. Mais un revenu de solidarité active qui se substituera au moins au RMI, à l'API, à la prime forfaitaire de retour à l'emploi et intégrera ou s'articulera avec la prime pour l'emploi.
En pratique cela veut dire quoi ?
. Une personne qui aujourd'hui a un minimum social tel que le RMI ou l'API qui n'a aucune activité aura le revenu de solidarité active, au même montant que son revenu actuel. Mais dès qu'elle retravaillera elle aura la garantie que son revenu augmente. Le revenu de solidarité active diminuera au fur et à mesure que ses revenus du travail augmentent.
. Une personne, travailleur pauvre ou salarié modeste, qui n'est pas passée par le RMI, aura également un complément de ressources grâce au revenu de solidarité active et dont le montant dépendra de sa situation familiale. Et au SMIC, c'est un complément de revenu d'environ 70 à 80 euros par mois.
Voilà donc ce revenu de solidarité active qui fait si peur.
J'entends les craintes. J'ai les oreilles bien ouvertes, l'oreille droite comme l'oreille gauche. Et si vous entendez comme moi ce qui se dit, vous vous demandez probablement pourquoi on a lancé un tel chantier, d'où sort une idée si saugrenue. Mais si vous avez entendez comme moi ce qui se dit dans notre pays, vous devez entendre aussi les paroles de ceux qui se sont sentis « gruger » en reprenant du travail, qui ont vu leurs dépenses augmenter et leurs revenus diminuer.
Vous devez entendre ceux qui travaillent et qui ne comprennent pas pourquoi ils n'ont pas plus d'argent que leur voisin au RMI. Vous devez entendre ceux qui travaillent mais qui se rendent compte qu'ils n'ont pas franchi le seuil de pauvreté. Vous devez entendre ceux qui se sont réjouis d'une augmentation de salaire, d'un plus grand nombre d'heures effectués et qui ont déchanté quand ils ont vu que la prestation que leur versait la caisse d'allocations familiales, ou les Assedic avait diminué d'autant ou d'un peu plus.
Alors plutôt que de penser que le revenu de solidarité active est un problème, je suis venu vous suggérer que c'est une solution.
Une double solution, même. Une solution à cet enfermement dans les minima sociaux qui s'est traduit par plus d'allocataires et donc plus de dépenses sociales et moins d'activité, plus de déclassements et plus de souffrances. Une solution à cette augmentation du nombre de travailleurs pauvres. Pendant longtemps on n'avait même pas traduit le mot « working poors », pensant être à l'abri de ce phénomène. Et pourtant, nous avons eu et le chômage et les travailleurs pauvres. Il nous faut le plein emploi, le vrai, pas celui où on écarte les allocataires du RMI des statistiques et le plein emploi rémunérateur, pas celui où on verrait encore croître le phénomène des travailleurs pauvres.
C'est le revenu de solidarité active et le sens de cette révolution tranquille que nous avons menée sans tambour ni trompette dans le grenelle de l'Insertion.
Il n'y a pas de honte à croire que le revenu de solidarité active constitue un combat qui mérite d'être gagné et que les politiques d'insertion peuvent permettre à la fois de répondre à des besoins de main d'oeuvre non satisfaits et à cet immense appétit de travailler de nos concitoyens.
Cette année comme les années précédentes d'ailleurs, j'ai passé pas mal de temps, dans les 4 coins de France, à discuter avec des personnes en difficulté. Besoin de travail, besoin d'argent, besoin, besoin de considération, besoin de dignité. C'est tout simplement que nous essayons de répondre par le RSA et le Grenelle de l'insertion. Pouvoir d'acheter, pouvoir de travailler.
Alors je vous le dis : vous pouvez ressentir de la fierté d'avoir un objectif de réduction de la pauvreté et de mettre un point d'honneur à l'atteindre.
Vous pouvez ressentir de la fierté de vouloir appliquer le « travailler plus pour gagner plus » à ceux qui ne peuvent ni travailler, ou qui gagnent moins en travaillant
Vous pouvez ressentir de la fierté d'abolir le travail gratuit dans ce pays.
Vous pouvez ressentir de la fierté de renverser la tendance d'augmentation du nombre de travailleurs pauvres, dès l'année prochaine, sans alourdir le coût du travail pour les entreprises.
Vous pouvez ressentir de la fierté que 40 ans jour pour jour après les accords de Grenelle, tous les acteurs - syndicats, organisations patronales, associations, collectivités territoriales, Etat - aient partagé une feuille de route pour redonner du sens aux politiques d'insertion et faire une place aux plus vulnérables à la grande table des négociations sociales : Vous pouvez ressentir de la fierté d'aider les plus défavorisés sans consacrer un centime supplémentaire à l'inactivité, mais sans non plus détériorer la situation de ceux qui ne peuvent pas travailler.
Vous pouvez ressentir de la fierté d'investir 1,5 milliards d'euros pour le retour au travail et pour les travailleurs pauvres et modestes, un effort certainement considérable, mais avec un retour sur investissement, car personne ne me fera croire qu'on ne peut pas redonner une place dans le travail à 200 000 allocataires du RMI, ce qui remboursera cet investissement initial.
Vous pouvez ressentir de la fierté de commencer à remettre de l'ordre dans le maquis des prestations. Et si vous êtes convaincus que le RSA permet de supprimer certains effets de seuils, vous aurez à coeur de continuer pour supprimer les effets de seuils de la couverture maladie universelle, des aides au logement, des aides connexes, en mettant fin aux aides en fonction des statuts, qui enferment et relèguent dans des statuts faussement protecteurs.
Vous pouvez ressentir de la fierté d'avoir une vision universelle du service public de l'emploi, indispensable pour une approche équilibrée des droits et devoirs, au lieu d'un système hypocrite où l'on parle de retour au travail, mais où l'on maintient deux tiers des allocataires de minima sociaux en dehors des circuits de l'intégration professionnelle.
Vous pourrez être fiers de faire passer à la trappe les trappes à pauvreté et les trappes à inactivité.
Vous pouvez ressentir de la fierté d'une réforme qui se construit avec ses bénéficiaires, comme cela se passe dans les conseils généraux qui expérimentent.
Vous pourrez ressentir de la fierté de construire l'inclusion active avec l'ensemble des pays européens, pendant la présidence française et de participer à donner du sens et du contenu à l'idée d'un modèle social européen.
Alors bien sûr il y a des difficultés et la voie est étroite. Je ne suis pas naïf ni aveugle ni inconscient - je vous avais déjà assuré tout à l'heure que je n'étais pas sourd non plus !
. Il faut en même temps lutter contre le temps partiel subi.
. Il faut subtilement assurer l'articulation ou la transition avec la prime pour l'emploi.
. Il faut investir à un moment où il y a tant de besoins et une situation budgétaire délicate.
. Il faut changer certaines habitudes.
. Il faut sortir des schémas traditionnels.
Tout cela est vrai. Le chemin est ardu. Mais vous savez ce que me disait l'un des 10 000 premiers bénéficiaires du RSA, qui retravaillait avec des revenus complétés par le RSA ? Une chose toute simple : « Je suis redevenu le chef de ma vie ».
Ce n'est pas une parole d'assisté. C'est une parole de dignité.
Entendre cela, cela m'a donné du coeur à l'ouvrage. J'espère que vous aussi.Source http://www.u-m-p.org, le 13 juin 2008