Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur l'industrie pharmaceutique, la politique du médicament et l'innovation industrielle dans le secteur, Paris le 14 mai 2008.

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Circonstance : Clôture des travaux de la journée d'études "Recherche et développement pharmaceutique", à Paris le 14 mai 2008

Texte intégral


Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Monsieur le président de séance, cher François Loos,
Mesdames et messieurs,
Permettez-moi de saluer ici tout particulièrement monsieur Dominique Amory, le tout nouveau président du LIR que je tiens à féliciter pour sa toute nouvelle nomination.
La politique intégrée du médicament que je veux conduire est animée par un objectif ultime : agir dans l'intérêt du patient.
Ma stratégie, à la tête du ministère de la santé, est unifiée par cette seule finalité.
Or, tout se tient : l'amélioration des soins, le bon usage du médicament, l'obtention d'un meilleur rapport coût-efficacité, les progrès dans l'innovation, l'amélioration de la compétitivité de nos entreprises. Toutes ces questions sont liées.
Je ne considère donc pas la question de l'attractivité de notre industrie pharmaceutique comme une question à part, pouvant être traitée séparément.
Le point dont vous avez aujourd'hui débattu est même pour moi un point crucial.
Ainsi, l'augmentation de notre attractivité doit faire l'objet d'une politique résolument volontariste, d'une politique ambitieuse qui permette au pays de Pasteur, comme l'a rappelé Françoise Grossetête, de rester un pays leader dans ce domaine.
Le seul nom de Pasteur évoque encore, pour le monde entier, les progrès conjugués de la médecine, de la recherche et de l'industrie.
Dans un contexte plus que jamais ouvert et concurrentiel, notre histoire et notre expérience, notre savoir-faire, nos tropismes, souvent décriés, injustement parfois, ne sont pas nos seuls atouts.
Ainsi, le soutien apporté à l'innovation dans notre pays, est un déterminant essentiel de notre compétitivité et de notre attractivité.
L'innovation, facteur d'espoir pour les patients, est donc tout à la fois un gage du progrès médical et un levier essentiel de notre dynamisme industriel.
Dès lors, sans conteste, le soutien à l'innovation constitue à mes yeux une priorité de la politique globale du médicament que je mène.
Sans doute convient-il de rappeler ici que le dynamisme de l'innovation dépend de la mobilisation conjointe des acteurs publics et privés.
En effet, l'interaction des secteurs public et privé est essentielle, aussi bien pour la recherche d'amont, fondamentale, que pour son transfert vers les applications cliniques, que l'on qualifie aujourd'hui de « translationnelle ».
De nombreuses initiatives ont été prises récemment dans ce domaine, par mon prédécesseur et par moi-même. La plus avancée est certainement la mise en oeuvre du CENGEPS (Centre National de Gestion des Essais de Produits de Santé) qui a déjà programmé deux appels à projets successifs :
- le premier, lancé auprès de 7 Délégations interrégionales de recherche clinique (DIRC) pour épauler les investigateurs hospitaliers, a permis de financer 200 postes de médecins, de techniciens d'essais cliniques ou d'infirmières de recherche ainsi que la mise en place de points de contacts interrégionaux « industrie/hôpitaux ». Leur mission essentielle, dont l'aboutissement conditionnera la poursuite ou l'arrêt de l'expérience, est de développer les recrutements dans les essais cliniques promus par l'industrie pharmaceutique.
- le second appel à projets de « soutien à l'émergence et la structuration de réseaux nationaux d'investigation clinique » va financer 7 réseaux dans les domaines de recherche prioritaires que sont la maladie d'Alzheimer, la pédiatrie, ou encore la vaccinologie.
Bien d'autres initiatives, attestant de notre créativité, ont été lancées :
- les structures de recherche thématisées (Centres thématisés de recherche et de soin), concernant, par exemple, les maladies génétiques (IMAGINE), les greffes (CENTAURE), les maladies psychiatriques ou encore les instituts de recherche -telle la fondation Alzheimer- dont l'organisation en fondation permet aussi bien l'apport de financements privés qu'un pilotage partagé.
- le très ambitieux projet Toulousain « Campus Cancer », que vous a présenté le professeur Roland Burgat, et qui va rassembler sur un site unique un hôpital et des unités de recherche, aussi bien publiques que privées, consacré à la lutte contre le cancer.
Il y a tant d'exemples pour illustrer l'extraordinaire dynamisme de notre pays dont le potentiel en matière de recherche reste encore à explorer, et ne demande qu'à être mieux exploité !
Ainsi, je tiens à redire ici l'attention toute particulière que je porte aux travaux fort utiles engagés par le CSIS (Conseil stratégique des industries de santé).
Je veillerai à ce qu'ils se poursuivent dans le cadre d'un partenariat exigeant entre les industriels et les pouvoirs publics. Je sais que les services des différents ministères concernés, ainsi que vous-mêmes, industriels et chercheurs, ici présents, oeuvrez à la construction d'un programme qui, je l'espère, sera à la hauteur des enjeux.
Je l'espère d'autant plus que mon action s'inscrit dans la perspective de la Présidence française. Nous ne pouvons pas manquer l'occasion d'y porter des projets innovants !
La France a souvent montré l'exemple en la matière, l'exemple de sa créativité, de son audace, de son sens de l'innovation !
Les bonnes pratiques partenariales entre public et privés doivent ainsi constituer peu à peu une forme d'habitus national, devenir pour nous une seconde nature.
La politique du médicament que je conduis s'inscrit résolument dans cette logique.
C'est un fait : nous ne pouvons pas nous permettre de dépenser sans discernement.
Cependant, l'obligation à laquelle nous sommes tenus de maîtriser les coûts de la santé devrait constituer pour nous une contrainte vertueuse.
La promotion de la recherche et de l'innovation, parce qu'elle stimule la croissance, augmente nos recettes. Nul n'ignore l'existence de ce cercle qui permet de générer de nouvelles cotisations par l'effet d'investissements porteurs d'emplois.
Cependant, chacun sait aussi que l'augmentation des dépenses de santé ne se justifie qu'au regard des bénéfices attendus pour la collectivité solidaire.
Je poserai donc sans tabou une de ces questions qui peuvent déranger, c'est-à-dire, en vérité, une de celles qui valent d'être soulevées.
Ainsi : le niveau de consommation très élevé de médicaments en France se traduit-il réellement par une amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens ?
En d'autres termes, les dépenses sont-elles véritablement adaptées aux besoins ?
Cette question n'est pas d'inspiration strictement comptable. Elle constitue plutôt, pour moi, une des questions structurantes de la politique « qualitative » que je conduis.
C'est dans cette seule perspective que je veux penser et promouvoir l'innovation.
Le problème doit être distinctement posé si nous voulons nous donner les moyens d'optimiser nos dépenses : à quelle aune doit-on mesurer l'opportunité d'une innovation ?
Il faut y réfléchir pour être en mesure de répondre sans tarder aux besoins qui se font jour.
Sans doute, la flambée des prix des nouveaux médicaments nous oblige au pragmatisme et nous contraint d'en rationaliser scientifiquement l'usage. Mais c'est d'abord l'intérêt du patient et le souci d'améliorer la qualité des soins dans notre pays qui devront guider nos choix.
A cet égard, si nous voulons continuer à offrir à tous les patients un accès rapide aux innovations, il nous faudra disposer de référentiels scientifiques plus performants et plus nombreux. Ainsi, nous devrions pouvoir mieux définir, en amont, éclairés par des données objectives et actualisées, les populations-cibles qui peuvent tirer d'une innovation un réel bénéfice. Dans le même esprit, nous devons être en mesure d'identifier également les patients pour lesquels les anciens médicaments sont au moins aussi efficaces.
Mes objectifs sont ambitieux, je vous le concède.
Les enjeux, indissolublement liés, sont ici industriels, économiques aussi bien que médicaux. Mais mon action reste normée par les seuls impératifs de santé publique et l'intérêt du patient. C'est en ce sens qu'il convient de préserver pour l'innovation le rapport bénéfices-risques optimal.
C'est à cette seule condition que nous pourrons permettre à la collectivité de tirer profit des innovations réelles qu'il revient de financer.
Vos différentes interventions témoignent de l'existence d'une dynamique puissante qui ne saurait être contrariée par des règles inutiles et des dispositifs trop complexes.
Dans cet esprit, par exemple, la constitution d'un guichet unique à l'AFSSAPS pour toutes les recherches cliniques va dans le bon sens.
Dans la même perspective, l'harmonisation et la simplification de la réglementation constitue une de mes principales préoccupations.
Soyez assurés que j'agirai avec la plus grande détermination pour favoriser cet essor constaté, pour valoriser le potentiel existant !
Ma politique de santé intègre explicitement cet impératif d'attractivité.
L'objectif est désormais clairement défini, comme les débats de cette journée l'ont bien mis en exergue : une politique intégrée du médicament tout à fait conséquente implique d'attirer les investissements, de maintenir et de faciliter l'implantation de nos entreprises sur le territoire, mais aussi de permettre le retour d'investisseur, conscient des atouts de notre pays.
Il faut le faire. Nous y parviendrons ensemble.
Avec moi, le ministère de la santé déploiera, pour atteindre ce but, l'énergie nécessaire.
Je vous remercie.
Source http://www.lir.asso.fr, le 3 juillet 20081