Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
J'ai eu l'occasion, le 19 juin dernier, de présenter à la presse les orientations que je souhaite impulser à notre politique d'aide publique au développement.
Cette politique est inspirée en grande partie, vous vous en doutez, par la feuille de route que m'a donnée le président de la République il y a un peu plus de 3 mois. Elle tient compte également de l'intervention faite par le président lors de sa visite en Afrique du Sud, avec une ambition très forte sur le plan économique, en direction notamment des entreprises africaines ; avec également une volonté claire d'adapter notre relation bilatérale avec le continent africain, tant sur le plan militaire (adapter les accords de défense) que sur le plan politique (faire évoluer les sommets Afrique-France).
Le président m'a fixé une priorité géographique : l'Afrique. Il m'a également demandé de lui faire des propositions concrètes pour relancer notre présence sur ce continent, au moment même où la plupart des observateurs s'accordent à reconnaître qu'il s'y passe quelque chose.
J'ai moi-même passé le plus clair de mon temps, depuis bientôt quatre mois, sur le terrain. J'ai voulu apprécier la situation avec le moins d'a priori possible. Je me suis efforcé d'être à l'écoute de tous : acteurs de terrains, dirigeants, hommes d'affaires, professeurs, jeunes ou moins jeunes. Mon diagnostic est simple : l'Afrique nous réclame ; elle souhaite "plus de France". Les Africains nous invitent à rester dans la partie qui se joue en ce moment même, à quelques kilomètres de l'Europe, chez eux.
Pour y répondre, j'ai proposé, avec l'accord du président, d'ouvrir huit chantiers. Ces chantiers sont autant d'actions concrètes pour repositionner la France sur l'échiquier africain et encadrer sa coopération. Ces huit chantiers reposent sur deux piliers : le développement économique et le rayonnement culturel.
Dans la couverture faite par les médias de ces nouveaux chantiers, on a souligné le volontarisme de la démarche, notre impatience également à vouloir voir la France, ses entreprises notamment, être de nouveau de vrais acteurs du changement.
Je crois qu'il est important de dissiper certains malentendus. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'en expliquer récemment lors d'une audition devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. La coopération française n'est pas mue par des considérations mercantiles, notre politique d'aide publique au développement n'est pas d'abord et prioritairement au service de notre commerce extérieur.
La France ne voit pas dans l'Afrique qu'une opportunité pour les entreprises françaises. Elle entend bien demeurer fidèle à ses engagements de solidarité. Elle n'entend pas non plus renoncer à ses interventions dans les secteurs ayant fait l'objet d'un consensus international (les Objectifs du Millénaire pour le développement) et sur lesquels nous sommes fortement engagés : la santé, l'éducation, l'environnement resteront bien au coeur de nos préoccupations.
La France souhaite également contribuer à travers le dialogue et la coopération à l'amélioration de la gouvernance, pour favoriser l'environnement des affaires.
La France, enfin, demeurera attentive à ce que, de manière générale, nos partenaires honorent bien les engagements internationaux qu'ils ont eux-mêmes souscrits en matière de démocratie et de Droits de l'Homme.
Tout ceci, vous le savez, est conforme à l'esprit même de la diplomatie française, qui est de concilier nos intérêts et les valeurs universelles auxquelles nous sommes attachés. Je me réjouis de constater que cette approche est également conforme aux analyses et recommandations faites dans le cadre de la RGPP, et recoupe très largement celles des auteurs du "Livre blanc".
On a beaucoup dit que la France n'était pas à la hauteur de ses engagements en matière d'aide au développement. J'ai encore été tout récemment, lors d'une audition parlementaire à Bruxelles, apostrophé sur ce point.
Les ressources budgétaires nouvelles étant limitées, j'ai souhaité que l'on envisage d'autres moyens pour parvenir aux mêmes objectifs (0.7 % de notre RNB en 2015). Dès 2009, nous augmenter de 25 % nos engagements - à travers l'AFD - en direction des pays du Sud. L'Afrique sera la principale bénéficiaire de cette somme qui représente 1 milliard d'euros. A notre demande, l'Agence française de développement va donc ajouter 1 milliard d'euros aux 3 milliards d'euros qu'elle engage chaque année chez nos partenaires du Sud. Avec cette somme proposée sous forme de prêts bonifiés, la France compte modifier la structure de son aide. N'oublions pas non plus que la France est toujours en volume le troisième bailleur de fonds de la planète, derrière les Etats-Unis et l'Allemagne !
L'Afrique est devenue un continent peuplé de jeunes avides d'action. Or la croissance, pourtant soutenue depuis une dizaine d'années sur le continent, ne parvient pas à satisfaire l'immense masse d'individus qui réclament des emplois. Avec le premier chantier que je propose, la France veut modifier cette donne : en incitant les entreprises françaises à investir en Afrique et à former les nouvelles générations, elle prendra sa part au formidable élan de croissance du continent. Notre priorité est donc de soutenir le secteur privé : c'est là que se trouvent les emplois, l'innovation, le berceau d'une croissance durable et donc, celui du développement.
La triste actualité internationale a jeté un coup de projecteur sur notre second chantier : la relance des agricultures africaines. Nous en faisons l'une des priorités de notre Présidence de l'Union européenne. Tout en répondant rapidement aux besoins pressants des populations, nous allons favoriser l'émergence de politiques agricoles souveraines et durables sur le continent. Chaque pays africain devrait ainsi tendre vers son autonomie alimentaire. A cette fin, nous avons proposé de mettre à disposition des pays une "facilité économique".
Notre troisième chantier - qui sonne comme un défi en Afrique - concerne le rôle des femmes. Dire, comme certains, qu'elles sont l'avenir de l'homme ne suffit pas : elles sont la clef du développement. Les femmes éduquées envoient leurs enfants à l'école, tiennent les cordons de la bourse et se révèlent - dans le microcrédit par exemple - dignes de confiance. Dans nos projets de développement, nous allons leur donner un rôle particulier. Je m'y engage.
Le quatrième chantier me tient particulièrement à coeur. D'ailleurs, il est le plus abouti de tous. C'est celui qui concerne les volontaires internationaux. Aujourd'hui quatre organismes différents envoient des volontaires français dans le monde. Résultat : sur dix jeunes qui postulent pour une mission à l'étranger, trois, seulement, finissent par partir. Nous allons réorganiser ce volontariat pour qu'il soit plus efficace. Notre objectif est de tripler en 4 ans la présence des volontaires sur le continent et d'ajouter aux jeunes enthousiastes de jeunes retraités qualifiés par exemple, pour apprendre leur métier aux africains. Avec 15.000 volontaires sur le continent en 2012, nous espérons que la présence française en Afrique changera aussi de nature : elle se tiendra sur le terrain, à proximité des préoccupations quotidiennes des africains.
Avec notre cinquième chantier, nous espérons répondre aux mêmes attentes, via les ONG. Car la coopération française souhaite fonctionner en bonne intelligence avec ces partenaires indépendants, qui développent une autre expertise, complémentaire de la nôtre. Nous voulons accompagner les ONG françaises dans leur dynamique de croissance. Car le panel des ONG françaises reste à notre sens trop modeste si on le compare aux puissantes organisations anglo-saxonnes ou allemandes. Nous proposons donc de faire transiter par les ONG une part plus importante de notre aide publique au développement.
Enfin, parce que la présence française est aussi et surtout culturelle, nous dédions un chantier à la Francophonie et à la formation des élites. Cette langue que nous avons en partage demeure l'une des grandes priorités de la diplomatie française. Avec 84 millions d'apprenants et plus de 400.000 enseignants, le français est la deuxième langue la plus enseignée dans le monde. C'est un capital d'influence considérable. Il n'est pas question de le perdre !
A propos de rayonnement, j'ai pour principale charge de m'occuper de l'audiovisuel extérieur de la France. TV5 monde, France 24 et RFI, pour ne citer qu'eux, sont de formidables outils de rayonnement sur le continent. Je suis convaincu que la présence des voix françaises, sur les ondes et sur Internet, est la meilleure garantie, à long terme, de notre influence dans le monde. C'est bien là que se jouera la bataille de demain : celle des images et de l'information. De cette compétition des images nous ne pouvons être absents. Les équipes d'Alain de Pouzilhac sont à pied d'oeuvre pour conforter et valoriser nos différents médias à l'étranger.
Et puis notre huitième et dernier chantier a été annoncé par Nicolas Sarkozy au Cap en février dernier : il concerne notre présence militaire sur le continent. Notre ambition est d'accompagner les pays d'Afrique dans leur transition vers plus d'autonomie et d'intégration régionale. A terme, nous souhaitons rester leur partenaire tout en les aidant à prendre en charge leur propre défense.
Sur la réalisation de ces chantiers, le Parlement sera bien évidemment associé. Je vous rendrai compte régulièrement de l'état d'avancement des actions qui en découleront. Je compte sur votre soutien. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2008
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
J'ai eu l'occasion, le 19 juin dernier, de présenter à la presse les orientations que je souhaite impulser à notre politique d'aide publique au développement.
Cette politique est inspirée en grande partie, vous vous en doutez, par la feuille de route que m'a donnée le président de la République il y a un peu plus de 3 mois. Elle tient compte également de l'intervention faite par le président lors de sa visite en Afrique du Sud, avec une ambition très forte sur le plan économique, en direction notamment des entreprises africaines ; avec également une volonté claire d'adapter notre relation bilatérale avec le continent africain, tant sur le plan militaire (adapter les accords de défense) que sur le plan politique (faire évoluer les sommets Afrique-France).
Le président m'a fixé une priorité géographique : l'Afrique. Il m'a également demandé de lui faire des propositions concrètes pour relancer notre présence sur ce continent, au moment même où la plupart des observateurs s'accordent à reconnaître qu'il s'y passe quelque chose.
J'ai moi-même passé le plus clair de mon temps, depuis bientôt quatre mois, sur le terrain. J'ai voulu apprécier la situation avec le moins d'a priori possible. Je me suis efforcé d'être à l'écoute de tous : acteurs de terrains, dirigeants, hommes d'affaires, professeurs, jeunes ou moins jeunes. Mon diagnostic est simple : l'Afrique nous réclame ; elle souhaite "plus de France". Les Africains nous invitent à rester dans la partie qui se joue en ce moment même, à quelques kilomètres de l'Europe, chez eux.
Pour y répondre, j'ai proposé, avec l'accord du président, d'ouvrir huit chantiers. Ces chantiers sont autant d'actions concrètes pour repositionner la France sur l'échiquier africain et encadrer sa coopération. Ces huit chantiers reposent sur deux piliers : le développement économique et le rayonnement culturel.
Dans la couverture faite par les médias de ces nouveaux chantiers, on a souligné le volontarisme de la démarche, notre impatience également à vouloir voir la France, ses entreprises notamment, être de nouveau de vrais acteurs du changement.
Je crois qu'il est important de dissiper certains malentendus. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'en expliquer récemment lors d'une audition devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. La coopération française n'est pas mue par des considérations mercantiles, notre politique d'aide publique au développement n'est pas d'abord et prioritairement au service de notre commerce extérieur.
La France ne voit pas dans l'Afrique qu'une opportunité pour les entreprises françaises. Elle entend bien demeurer fidèle à ses engagements de solidarité. Elle n'entend pas non plus renoncer à ses interventions dans les secteurs ayant fait l'objet d'un consensus international (les Objectifs du Millénaire pour le développement) et sur lesquels nous sommes fortement engagés : la santé, l'éducation, l'environnement resteront bien au coeur de nos préoccupations.
La France souhaite également contribuer à travers le dialogue et la coopération à l'amélioration de la gouvernance, pour favoriser l'environnement des affaires.
La France, enfin, demeurera attentive à ce que, de manière générale, nos partenaires honorent bien les engagements internationaux qu'ils ont eux-mêmes souscrits en matière de démocratie et de Droits de l'Homme.
Tout ceci, vous le savez, est conforme à l'esprit même de la diplomatie française, qui est de concilier nos intérêts et les valeurs universelles auxquelles nous sommes attachés. Je me réjouis de constater que cette approche est également conforme aux analyses et recommandations faites dans le cadre de la RGPP, et recoupe très largement celles des auteurs du "Livre blanc".
On a beaucoup dit que la France n'était pas à la hauteur de ses engagements en matière d'aide au développement. J'ai encore été tout récemment, lors d'une audition parlementaire à Bruxelles, apostrophé sur ce point.
Les ressources budgétaires nouvelles étant limitées, j'ai souhaité que l'on envisage d'autres moyens pour parvenir aux mêmes objectifs (0.7 % de notre RNB en 2015). Dès 2009, nous augmenter de 25 % nos engagements - à travers l'AFD - en direction des pays du Sud. L'Afrique sera la principale bénéficiaire de cette somme qui représente 1 milliard d'euros. A notre demande, l'Agence française de développement va donc ajouter 1 milliard d'euros aux 3 milliards d'euros qu'elle engage chaque année chez nos partenaires du Sud. Avec cette somme proposée sous forme de prêts bonifiés, la France compte modifier la structure de son aide. N'oublions pas non plus que la France est toujours en volume le troisième bailleur de fonds de la planète, derrière les Etats-Unis et l'Allemagne !
L'Afrique est devenue un continent peuplé de jeunes avides d'action. Or la croissance, pourtant soutenue depuis une dizaine d'années sur le continent, ne parvient pas à satisfaire l'immense masse d'individus qui réclament des emplois. Avec le premier chantier que je propose, la France veut modifier cette donne : en incitant les entreprises françaises à investir en Afrique et à former les nouvelles générations, elle prendra sa part au formidable élan de croissance du continent. Notre priorité est donc de soutenir le secteur privé : c'est là que se trouvent les emplois, l'innovation, le berceau d'une croissance durable et donc, celui du développement.
La triste actualité internationale a jeté un coup de projecteur sur notre second chantier : la relance des agricultures africaines. Nous en faisons l'une des priorités de notre Présidence de l'Union européenne. Tout en répondant rapidement aux besoins pressants des populations, nous allons favoriser l'émergence de politiques agricoles souveraines et durables sur le continent. Chaque pays africain devrait ainsi tendre vers son autonomie alimentaire. A cette fin, nous avons proposé de mettre à disposition des pays une "facilité économique".
Notre troisième chantier - qui sonne comme un défi en Afrique - concerne le rôle des femmes. Dire, comme certains, qu'elles sont l'avenir de l'homme ne suffit pas : elles sont la clef du développement. Les femmes éduquées envoient leurs enfants à l'école, tiennent les cordons de la bourse et se révèlent - dans le microcrédit par exemple - dignes de confiance. Dans nos projets de développement, nous allons leur donner un rôle particulier. Je m'y engage.
Le quatrième chantier me tient particulièrement à coeur. D'ailleurs, il est le plus abouti de tous. C'est celui qui concerne les volontaires internationaux. Aujourd'hui quatre organismes différents envoient des volontaires français dans le monde. Résultat : sur dix jeunes qui postulent pour une mission à l'étranger, trois, seulement, finissent par partir. Nous allons réorganiser ce volontariat pour qu'il soit plus efficace. Notre objectif est de tripler en 4 ans la présence des volontaires sur le continent et d'ajouter aux jeunes enthousiastes de jeunes retraités qualifiés par exemple, pour apprendre leur métier aux africains. Avec 15.000 volontaires sur le continent en 2012, nous espérons que la présence française en Afrique changera aussi de nature : elle se tiendra sur le terrain, à proximité des préoccupations quotidiennes des africains.
Avec notre cinquième chantier, nous espérons répondre aux mêmes attentes, via les ONG. Car la coopération française souhaite fonctionner en bonne intelligence avec ces partenaires indépendants, qui développent une autre expertise, complémentaire de la nôtre. Nous voulons accompagner les ONG françaises dans leur dynamique de croissance. Car le panel des ONG françaises reste à notre sens trop modeste si on le compare aux puissantes organisations anglo-saxonnes ou allemandes. Nous proposons donc de faire transiter par les ONG une part plus importante de notre aide publique au développement.
Enfin, parce que la présence française est aussi et surtout culturelle, nous dédions un chantier à la Francophonie et à la formation des élites. Cette langue que nous avons en partage demeure l'une des grandes priorités de la diplomatie française. Avec 84 millions d'apprenants et plus de 400.000 enseignants, le français est la deuxième langue la plus enseignée dans le monde. C'est un capital d'influence considérable. Il n'est pas question de le perdre !
A propos de rayonnement, j'ai pour principale charge de m'occuper de l'audiovisuel extérieur de la France. TV5 monde, France 24 et RFI, pour ne citer qu'eux, sont de formidables outils de rayonnement sur le continent. Je suis convaincu que la présence des voix françaises, sur les ondes et sur Internet, est la meilleure garantie, à long terme, de notre influence dans le monde. C'est bien là que se jouera la bataille de demain : celle des images et de l'information. De cette compétition des images nous ne pouvons être absents. Les équipes d'Alain de Pouzilhac sont à pied d'oeuvre pour conforter et valoriser nos différents médias à l'étranger.
Et puis notre huitième et dernier chantier a été annoncé par Nicolas Sarkozy au Cap en février dernier : il concerne notre présence militaire sur le continent. Notre ambition est d'accompagner les pays d'Afrique dans leur transition vers plus d'autonomie et d'intégration régionale. A terme, nous souhaitons rester leur partenaire tout en les aidant à prendre en charge leur propre défense.
Sur la réalisation de ces chantiers, le Parlement sera bien évidemment associé. Je vous rendrai compte régulièrement de l'état d'avancement des actions qui en découleront. Je compte sur votre soutien. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2008