Interview de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, à France 2 le 11 juillet 2008, sur l'Union pour la Méditerranée et sur la présidence française de l'Union européenne.

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Média : France 2

Texte intégral

J.-P. Chapel.- Bonjour à tous, J.-P. Jouyet, bonjour ! Alors on va parler de la Présidence française de l'Union européenne pour six mois, la réunion historique des chefs d'Etat, ce week-end à Paris, les chefs d'états de la Méditerranée. Mais d'abord une question d'actualité : le dernier sondage sur l'action de N. Sarkozy à la Une du Parisien, 57 % le jugent assez ou très négatif ce bilan au bout d'un an. C'est un problème de communication ?
 
Ce sont des problèmes de fond, c'est lié d'une part à ce qu'il y a un environnement économique et social qui, chacun le sait, n'est pas favorable. Donc, dans ces périodes là, il est plus difficile de donner son adhésion et deuxièmement c'est lié au fait que le pays se réforme. Moi, ce qui m'importe dans ce sondage, c'est de voir que la majorité des Français estime que le président de la République a une vision, sait où il va et sait où il veut aller, ce qui est vrai, au bout de son mandat, cela me paraît l'essentiel.
 
Vous êtes un des ministres de l'ouverture, vous êtes un des amis de F. Hollande qui dit, dans ce même journal, Le Parisien : "le Président est dans la boulimie".
 
Ecoutez, vous pouvez avoir des rapports amicaux, ce qui est mon cas avec F. Hollande, et ne pas partager tous les jugements de fond ou personnels de François.
 
Il n'est pas dans la boulimie le président de la République ?
 
Eh bien quand vous êtes dans l'action, vous êtes toujours dans la boulimie. Il vaut mieux être dans la boulimie que dans l'insuffisance, voilà.
 
Alors, ce week-end à Paris, un évènement historique : 44 chefs d'Etat de la Méditerranée réunis, cela va faire une super photo !
 
Ce n'est pas seulement que cela va faire une super photo, c'est quelque chose qui est un succès considérable pour la diplomatie française, de mettre à côté tous les leaders arabes, le Premier ministre d'Israël, tous les dirigeants européens. De faire qu'il y ait un vrai dialogue entre l'Europe et la Méditerranée est à mettre au crédit de la diplomatie française. Et je tiens à cet égard à rendre hommage, au vu des critiques qui ont été formulées à l'action de B. Kouchner, qui est, vraiment, parfois injustement attaqué et dont c'est l'oeuvre aujourd'hui et qui a réussi véritablement ce sommet.
 
Oui, mais sur le plan européen, parce que le projet à l'origine, c'était les pays du Sud de l'Europe avec les pays de la Méditerranée, là, maintenant c'est un projet vraiment européen.
 
C'est un projet qui est européen et méditerranéen...
 
Cela va servir à quoi concrètement ?
 
Ça va servir à faire en sorte que vous développiez un certain nombre de projets autour de la Méditerranée, sur la dépollution de la Méditerranée, sur le renforcement de nouvelles énergies autour de la Méditerranée, sur le fait qu'on bâtisse des autoroutes maritimes, qu'il y ait un espace méditerranéen qui soit plus sûr. Et puis cela contribue, c'est un peu appliqué à la Méditerranée, la méthode qui a été appliquée à l'Europe, c'est à dire de faire en sorte qu'à partir de projets concrets, vous fassiez travailler ensemble, les responsables arabes, israéliens, du Maghreb et tout ça dans une région qui est la plus divisée du monde, qui comporte le plus de risques pour l'Europe et pour, j'allais dire l'ensemble de nos partenaires. Donc, cela sert à ça, cela sert à développer des projets concrets et à faire en sorte que par des projets, vous ayez une union pour le développement et pour la paix, espérons-le, notamment au Moyen-Orient.
 
Alors parmi les présents, il y a le Syrien B. Al-Assad, sa présence a du mal à passer, parce que ce n'est vraiment un grand démocrate et puis son implication dans les attentats au Liban n'est pas claire.
 
Eh bien, vous ne pouvez pas travailler, dès lors que vous construisez un espace méditerranéen, vous ne pouvez pas travailler qu'avec des démocrates, je le regrette mais enfin c'est une réalité. Le deuxième point, c'est que B. Al-Assad a donné des signes de dialogue, des signes de paix, qu'il y a un nouveau président de la République du Liban qui s'est instauré. Qu'on observe que les attentats au Liban, notamment se sont ralentis, c'est un pays que je connais bien, et je crois qu'il faut faire avec tous ceux qui veulent contribuer à la paix. C'est notre objectif, on ne peut pas dire, voilà... Ce qui est important aussi de noter, c'est que le 14 juillet, l'invité d'honneur c'est quand même le secrétaire général des Nations Unies.
 
Alors l'Europe, la France préside l'Union européenne pour six mois avec quatre grands dossiers : l'énergie, l'immigration, l'agriculture, la défense, il y a du boulot, cela se veut une Europe du concret. S'il y avait une mesure, une action concrète que vous souhaitez voir aboutir en six mois, ce serait laquelle ?
 
Incontestablement c'est tout ce qui a trait à l'énergie, à l'efficacité énergétique, à la maîtrise de l'énergie et à faire en sorte que nous puissions dire, qu'à la fin de la Présidence française, nous ayons une Europe, qui sur le plan énergétique, soit, d'une part plus consciente de ses responsabilités à l'avenir ; développement durable. C'est-à-dire qu'on ait favorisé au niveau européen toutes les actions en ce qui concerne l'isolation thermique, en ce qui concerne le développement de voitures plus économes en essence, en ce qui concerne également...
 
Donc il y aura des incitations décidées avant la fin de l'année ?
 
On veut faire en sorte qu'elles soient décidées, on veut trouver ce qu'on appelle un accord politique au sein des conseils des chefs d'état et de gouvernement, avec le Parlement européen. Et je crois que sur ce sujet qui est essentiel pour l'avenir de nos enfants et nos petits enfants, qui est le développement durable, c'est là qu'on doit avoir, qu'on doit décider le plus d'actions concrètes. On en aura également en ce qui concerne les mesures de sécurité. Je prends un autre domaine : j'espère bien qu'au niveau européen, à la fin de la Présidence française, on pourra dire qu'on a, par exemple des commissariats de police qui soient européens, qui aident l'ensemble de ceux qui voyagent en Europe à voyager dans des conditions plus sûres. Qu'on arrive à des systèmes d'alerte, en ce qui concerne les enlèvements d'enfants, des choses comme ça, enfin très concrètes.
 
Trois ans après le non français à la Constitution européenne, le non irlandais remet à nouveau l'Europe dans l'impasse. Il y a un problème entre l'Europe et les peuples ?
 
Il y a un problème entre l'Europe et les peuples, c'est-à-dire que les peuples souhaitent que l'Europe soit davantage réactive. Ils comprennent bien la stratégie européenne qui est de peser davantage sur la mondialisation ; ça je crois que c'est compris. En revanche, il y a un problème en Europe entre ce qu'est la stratégie qui est développée à moyen terme et qui est bonne. On sait bien que l'Europe pour un certain nombre... - sur le défi climatique, sur l'énergie, sur la régulation des flux migratoires, sur le défi alimentaire - est un échelon qui est absolument nécessaire. Ce que nous pouvons faire ensemble, on ne peut pas le faire tout seul, ça, les gens le comprennent bien. En revanche, ils sont impatients, comme vous et comme vos questions le démontrent ce matin, d'avoir des résultats concrets à court terme. Et parfois l'Europe n'est pas assez réactive, voilà.
 
Parce qu'on ne voit pas beaucoup de résultats concrets pour l'instant !
 
Mais, il y a des résultats concrets, mais ce n'est pas assez valorisé. Aujourd'hui, par exemple, vous avez, grâce à l'Europe, des vols qui sont moins chers quand vous vous déplacez en vacances, les tarifs aériens ont baissé grâce à l'Europe. Les tarifs des mobiles ou du téléphone que vous utilisez ont baissé grâce à l'Europe, ça, on ne le dit pas suffisamment. Et objectivement, on peut être d'accord ou pas avec telle mesure budgétaire, monétaire, mais aujourd'hui, s'il n'y avait pas l'euro, eh bien tout simplement il n'y aurait plus d'Europe et vous seriez dans une situation économique et financière encore beaucoup plus difficile. Donc il y a des résultats positifs, il faut aussi les vendre, il ne faut pas dire que tout va mal non plus.
 
Bon, eh bien en tout cas, merci d'être venu aujourd'hui nous présenter l'Europe qui fonctionne.
 
J'espère, il va falloir la remettre en ordre après le non Irlandais.
 
Oui, alors d'un mot, on fait comment ?
 
Eh bien on va essayer avec nos amis irlandais, avec nos autres partenaires de trouver un cadre de solution institutionnelle d'ici la fin de la Présidence française.
 
Ok, merci beaucoup et très bonne journée à tous !
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er août 2008