Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à France Info le 11 juillet 2008, notamment sur la présence du président syrien au défilé du 14 juillet et sur la nouvelle carte militaire.

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Média : France Info

Texte intégral

 R. Duchemin.- C'est donc le ministre de la Défense qui est l'invité ce matin de La "Question du jour". Bonjour H. Morin. Bonjour. On va parler évidemment dans quelques instants du 14 juillet, du défilé. Mais d'abord la mise en examen hier soir d'un militaire de carrière, un homme du régiment de Taverny. Vous nous confirmez ?
 
Il s'agit en effet, selon les informations que nous possédons, d'un militaire du rang, de la base aérienne de Taverny, qui est un militaire du rang sous contrat, qui selon nos informations était en congé maladie et qui a, bien entendu, effectué cet acte en dehors du service, pour que les choses soient bien claires. Bien entendu, cet acte est totalement inacceptable et on en tirera les conséquences qui s'imposent.
 
Ça intervient après l'affaire de Carcassonne. Alors on ne va pas faire d'amalgame, mais justement...
 
Non, écoutez, arrêtez. Non, non, je vous en prie. Je vous en prie. Ne faites pas d'amalgame de ce genre !
 
Justement.
 
Il s'agit d'un militaire sous contrat. C'est un homme qui, dans sa vie civile, a commis un acte totalement inacceptable et qui doit être traité comme un homme, un citoyen, et non pas le considérer d'abord et avant tout comme un militaire et procéder à des amalgames qui me sembleraient absolument choquants entre cet acte insupportable et l'affaire de Carcassonne.
 
C'était effectivement le sens de ma question. H. Morin, hier soir des Casques Bleus ont voulu manifester - anciens Casques Bleus notamment - sur les Champs. Ça leur a visiblement été interdit, on l'a entendu dans le journal de 8 heures. Ils voulaient protester contre la venue le 14 juillet de B. Al-Assad à Paris. Vous comprenez leur mouvement d'humeur ?
 
Je peux d'une part comprendre l'émotion des familles qui ont connu un drame qui est celui du Drakkar, que personne n'a oublié, que les Français n'ont pas oublié, que la communauté militaire n'a pas oublié. Cela fait partie des meurtrissures importantes mais il faut aussi comprendre que la Syrie fait partie de la Méditerranée, que le président de la République a lancé une initiative diplomatique majeure qui est l'Union Pour la Méditerranée. La Syrie est un acteur du bassin méditerranéen et à ce titre, il n'aurait pas été concevable un seul instant que nous puissions lancer une initiative diplomatique aussi importante, concrète, majeure, d'essayer de trouver des politiques communes au sein du bassin méditerranéen et d'écarter un des pays de la Méditerranée. Et on ne peut pas imaginer non plus que B. Al-Assad vienne le 13 et qu'on lui dise le 14 au matin : « On a décidé de travailler avec vous sur un certain nombre de sujets » et le 14 au matin : « Vous rentrez à la maison », tout ça n'a pas de sens ! Je me permets de rappeler pour ceux qui l'auraient oublié, que le président en exercice, B. Al-Assad, est président en exercice depuis 2000 et non pas depuis les années, que c'était son père à l'époque. Je signale aussi pour ceux qui l'auraient oublié, c'est que H. Al-Assad a été reçu en visite d'État en 1998.
 
Ce que disent certains soldats qui étaient à Beyrouth à l'époque, c'est : lui rendre les honneurs, c'est quand même un peu difficile. Certains évoquent même la possibilité lors du défilé de tourner la tête.
 
L'invité d'honneur du défilé, ça n'est pas le Président syrien, c'est Ban Ki-Moon, le secrétaire général des Nations Unies puisque le thème, c'est la mise à l'honneur des forces de l'ONU, des forces qui assurent le maintien de la paix. Il est une des personnes à la tribune comme tous les chefs d'État et de gouvernement qui y seront.
 
Pour le défilé justement, la répétition générale a eu lieu, hier notamment.
 
J'y suis allé pour ma part mercredi matin.
 
Tout le monde est prêt ?
 
Oui. Vous savez, quand vous rencontrez l'ensemble des militaires qui y participent, c'est pour eux un honneur extraordinaire, c'est une grande fierté. Le commandant de la base aérienne d'Orléans me disait que, puisqu'il a 150 hommes qui défilent, qu'il avait été obligé de faire un casting implacable parce qu'il y avait toute la base qui voulait participer à ce défilé. Pour les militaires, pour les soldats de l'armée française, participer au défilé du 14-Juillet est un moment extrêmement important et un moment de communion avec la nation.
 
Alors il y a effectivement beaucoup de militaires mobilisés pour ce défilé. Vous vous apprêtez dans le même temps à dévoiler dans quelques temps la réforme de la carte militaire dans son détail. Certaines villes ne savent pas vraiment à quelle sauce elles vont être mangées. C'est le cas du côté de la Moselle notamment. Il y a certains élus qui disent : « Dès le 16 juillet, nous on met notre démission dans la balance ». Vous leur dites quoi ce matin ?
 
J'ai eu l'occasion de discuter à de nombreuses reprises avec les élus de la Moselle.
 
Dieuze notamment.
 
Oui. Le député de Dieuze, le député de la Moselle qui s'appelle A. Marty connaît parfaitement la question. Je lui ai indiqué que nous étions en train de chercher et de trouver des solutions de remplacement qui permettraient à Dieuze de conserver une activité qui soit identique.
 
Ça signifie qu'il va y avoir des contreparties de taille parce qu'il y a aussi toute la période de mutation à prévoir et les familles à préparer.
 
Voilà. Nous il nous faut préparer et présenter ce plan avant la fin du mois de juillet pour diverses raisons. D'une part, il faut engager la réforme dont les Armées ont absolument besoin ; c'est absolument majeur si nous voulons à la fois tirer les conséquences de la professionnalisation, adapter notre outil de défense et en même temps dégager les marges de manoeuvre dont nous avons besoin pour l'équipement des forces. Ça, c'est le premier point. Le second point, c'est que nous avons des plans de mutation à mettre en oeuvre et que ces plans de mutation, on les fait pendant l'été. Et troisième élément, c'est que cette réforme, on la doit aux militaires. Les militaires l'attendent, les militaires veulent savoir quel est leur sort, veulent savoir quelles seront éventuellement leurs obligations en terme de déménagement, de scolarisation des enfants, d'emploi du conjoint et moi je souhaite que cette réforme soit adoptée et présentée - quoi, adoptée... -, mais surtout présentée avant la fin du mois de juillet pour qu'à la fois on engage le processus de réforme et d'évolution de notre outil de défense, et qu'en même temps on donne enfin les informations que la communauté militaire est en droit d'avoir.
 
H. Morin, sur l'affaire du Surcouf, une enquête parallèle a bien été demandée par l'Élysée ou pas ? Vous nous confirmez ?
 
Je n'ai aucune information de ce genre.
 
Pour savoir qui se cachait visiblement derrière ce collectif. Est-ce qu'on a les noms, puisque visiblement la presse s'en fait l'écho aujourd'hui ?
 
Écoutez, j'ai lu comme vous l'article du Figaro qui indiquerait qu'il y a eu une enquête parallèle. Je ne connais pas cette enquête et s'il y en avait eu une, je ne connais pas non plus les conclusions.
 
Et à partir du moment où vous auriez les noms, il y aurait des sanctions ?
 
Tout dépend. Il y a en la matière un principe simple : depuis la réforme du statut militaire, les militaires ont le droit d'expression, c'est affirmé dans la loi. Mais en même temps, il y a un cadre et ce cadre, c'est d'une part l'obligation de loyauté et par ailleurs, le devoir de réserve. C'est dans ce cadre que la capacité et le droit d'expression des militaires existent. Si nous connaissons un jour ces militaires, on verra les choses en fonction de la loi et des règles.
 
Merci d'avoir été en direct avec nous sur France Info.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 1er août 2008