Interview de M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, à RMC le 24 juillet 2008, sur l'accueil des élèves lors des grèves d'enseignants et la réforme du lycée.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

 
 
 
 
 
G. Cahou.- Vous êtes sur RMC et notre invité ce matin, en effet, jusqu'à 9 heures est X. Darcos. Bonjour.
 
Bonjour.
 
Ministre de l'Education nationale, avec plusieurs réformes que vous allez défendre encore l'année prochaine, notamment la réforme des lycées, on va en reparler. On évoquera évidemment les suppressions de postes. Mais le service minimum, c'est une réforme qui a été adoptée définitivement il y a quelques heures. Il prévoit un accueil des élèves, on va en parler, mais aussi l'obligation pour les grévistes de se déclarer 48 heures avant. C'est un peu le modèle de ce qui se passe dans les transports depuis quelques mois. Dans ces 48 heures, il peut se passer un certain nombre de choses, des négociations, des déclarations d'Untel ou Untel. C'est des heures qui peuvent être importantes pour prendre sa décision de faire grève ou non. 48 heures, ce n'est pas un peu long ?
 
Non, ce qui est certain c'est qu'il fallait à tout prix trouver un dispositif qui nous permette de savoir combien il y aurait de grévistes, sinon ce n'est pas la peine de mettre en place ce dispositif puisqu'il est nécessaire que lorsqu'il y a un taux de grévistes de 25 % qui rend l'organisation...
 
... dans l'établissement.
 
... dans l'établissement, qui rend la garde, l'organisation de l'accueil indispensable. Donc, nous avons un peu imité le dispositif d'alerte sociale qui a déjà été utilisé dans le domaine des transports, alerte sociale, dialogue, discussions, efforts de part et d'autre pour éviter que le conflit ait lieu, et si le conflit doit avoir lieu, si on ne peut pas se mettre d'accord, il faut se déclarer 48 heures avant.
 
Les syndicalistes disent 48 heures c'est un temps qui est nécessaire pour avoir cette réflexion sur « est-ce que je fais grève ou est-ce que je fais pas grève ? ». Donc c'est une remise en cause du droit de grève.
 
Oui, non, ce n'est pas vrai, évidemment, puisque les syndicats ont toujours annoncé bien avant 48 heures leur intention de faire grève, ils annoncent les dates des grèves et des mouvements lorsqu'ils ont un caractère national important.
 
Mais dans ces cas-là, est-ce qu'il y avait vraiment besoin de ce dispositif de 48 heures avant, si déjà les profs se déclarent avant, disent avant aux parents : « moi je ne serai pas là tel jour » ?
 
Oui, non mais ce n'est pas comme ça que les choses se présentaient dans le premier degré, nous ne savions pas toujours à l'avance si les écoles seraient là où pas. Il y a eu des réactions aussi de maires socialistes qui voulant empêcher les dispositifs d'accueil volontaire ont fermé les écoles, c'était le cas à Paris. Donc, nous nous trouvions dans des situations qui parfois compliquaient beaucoup la vie des gens. Je le rappelle, quel est l'esprit de ce texte ? Ce n'est pas une volonté de nuire à la grève. Les gens font grève, c'est leurs affaires. Il s'agit de concilier la liberté qui est reconnue, celle du droit de grève, avec une autre liberté, également reconnue, qui est la liberté de travailler. Or, lorsque des familles, et généralement des familles...
 
... elle n'était pas assez respectée ?
 
Ecoutez, lorsque des familles, notamment les familles modestes ou les familles monoparentales, enfin des parents qui n'ont pas les moyens de faire garder leurs enfants, se trouvaient devant une école fermée et le savaient souvent au dernier moment, évidemment se mettaient dans une situation qui était compliquée pour elles.
 
Et alors, là, comment ça va se passer ? Il y aura un système d'accueil qui sera à la charge des mairies, donc ça c'est pour les écoles maternelles et pour le primaire, c'est bien ça ?
 
Oui, exactement !
 
Comment ces élèves seront accueillis ?
 
Alors, le dispositif est simple : lorsqu'il y a plus de 25 % de professeurs qui sont en grève, le dispositif s'enclenche. La mairie qui dispose d'un vivier, d'une liste de personnes qui sont capables d'assurer cet accueil met le dispositif en place : ce sont des éducateurs, ce sont des fonctionnaires territoriaux, ce sont des personnes qui sont reconnues comme capables de surveiller des enfants pendant...
 
... des bénévoles de permanence.
 
Oui, enfin ils seront payés cependant.
 
Ah, ils seront payés, oui !
 
La mairie met le dispositif en place, assure cet accueil pour la journée, soit dans la mairie même, soit dans les locaux mêmes de l'école, soit dans des locaux attenants, et l'Etat ensuite compense les engagements financiers qui auront été exposés par les communes à cette occasion par un dispositif de compensation financière.
 
De combien ?
 
Alors, nous avons fait un dispositif de compensation financière, qui a été modifié d'ailleurs par l'Assemblée nationale et le Sénat, qui ont voulu que ce soit plus élevé. Le remboursement s'honorera de 110 euros par groupe de 1 à 15 élèves pour 6 h d'accueil, ce qui représente 18 euros/h, mais nous avons aussi fixé un forfait minimal de sorte que si des communes mettaient en place ce système un peu lourd et qu'il y ait moins d'élèves, que tout le monde parmi les encadrants ne soit pas utilisé, pour autant la commune ne soit pas pénalisée, et ce forfait minimal est de 200 euros.
 
Ce que vous nous décrivez c'est un service finalement de garderie, il n'y aura pas de cours.
 
Mais bien entendu ! J'ai toujours dit qu'il y a deux aspects dans la loi : il y a l'aspect, « nous, Education nationale, nous prenons l'engagement de la continuité des enseignements », lorsqu'un professeur n'est pas là nous assurons la continuité des enseignements, sauf vraiment exception, s'il est absolument impossible de les remplacer dans les heures qui viennent, là, nous assurons nous-mêmes le service d'accueil. Ça c'est pour la règle générale. Et lorsqu'il y a grève, et seulement lorsqu'il y a grève, dans les conditions que je viens d'indiquer, lorsqu'il y a une grève suffisamment significative pour empêcher que...
 
... là, c'est garderie et c'est pas cours.
 
Là, c'est l'accueil qu'organise...
 
... ça ne vous plaît pas "garderie" ?
 
Je ne suis pas vraiment...
 
... c'est péjoratif ? Ca dépend comment les choses se passent. Moi, je l'ai vu lorsque les deux expérimentations ont été faites en janvier et au mois de mai, on ne peut pas appeler ça une garderie parce que ce que j'ai vu, il y avait là des animateurs qui faisaient faire des activités d'éveil, qui faisaient jouer les enfants. Ils ne faisaient pas simplement que les garder, ils les animaient.
 
Mais ça c'est valable dans les villes de taille moyenne ou les grandes villes. Dans une petite commune, qui va garder les enfants ? C'est le maire qui va venir garder les enfants ?
 
Non, dans une petite commune, d'abord, généralement, les politiques éducatives se font dans l'intercommunalité, les petites communes elles sont souvent dans des regroupements pédagogiques intercommunaux ou elles ont délégué une partie de leurs compétences en matière d'école à une intercommunalité quelconque, donc généralement...
 
... non, mais je veux dire il n'y a pas d'animateurs sociaux ou de gens comme ça dans les petites communes.
 
Lorsque que vous avez des structures intercommunales, vous trouvez quand même des personnes sur un territoire plus large pour pouvoir garder, surveiller, animer une journée d'accueil. Les toutes petites communes où il y a une classe unique, ce qui est un cas assez majeur, ce sont des écoles dans lesquelles d'une part les grèves sont relativement rares, il faut bien le dire, mais à supposer qu'elles aient lieu, où de toute façon nous sommes dans des structures rurales et généralement la famille est capable de garder son propre enfant.
 
Ah bon ? Dans les structures rurales, la famille peut garder les enfants plus que dans les grandes villes. Là, ça veut dire qu'on abandonne un peu les petites communes, là, quand même.
 
Non, pas du tout ! Les petites communes sont tout à fait entendues dans cette affaire, on les aidera de la même façon si elles organisent la surveillance, mais nous savons d'expérience que dans la petite commune rurale, classe unique, le problème de garder les enfants ne se pose pas du tout de le même façon que dans une grande banlieue d'une cité importante, vous le savez bien. D'ailleurs, ce n'est pas du tout dans les mêmes conditions, ce n'est pas la même structure familiale, ce n'est pas la même proximité, ce n'est pas les mêmes relations avec les anciens, etc.
 
Ce dispositif, finalement, il va contribuer à aller dans le sens de ce que disait N. Sarkozy, à savoir qu'aujourd'hui, en France, plus personne ne ressent les grèves. On va plus les sentir les grèves dans l'Education nationale, ça sera des coups d'épée dans l'eau. C'est votre objectif ?
 
J'espère que vous parlez vrai ! Non, l'objectif...
 
... non mais, l'objectif c'est d'anéantir toute sensibilité de la grève ?
 
Pas du tout ! L'objectif c'est de concilier la liberté de travailler avec la liberté de faire grève. Il n'est pas souhaitable, il n'est normal que des familles qui ont un travail, qui sont souvent dans des situations qui ne sont pas faciles, qui sont dans des situations précaires, dans les familles modestes, soient dans la difficulté le jour où une grève se produit et que des petits enfants sont dans la rue.
 
Ca, on l'a bien compris, je vais vous poser ma question différemment : est-ce qu'aujourd'hui dans l'Education nationale, les grèves n'auront plus d'effets ?
 
Non, je ne le crois pas. Les grèves seront toujours perçues, d'autant que ce dont je vous parle ici ne concerne que l'école élémentaire, le premier degré, et les grèves portent aussi sur les collèges et les lycées, et on sentira encore les grèves. Mais je crois de toute façon que ce dispositif de la grève comme mode de dialogue social est aujourd'hui profondément démodé. Il n'est pas adapté aux besoins de l'école d'aujourd'hui. Et je constate d'ailleurs que l'année dernière, il y a eu évidemment des mouvements de grève, il y a eu des moments plus ou moins forts, mais que tout de même à côté de cela, un nouveau dialogue s'est mis en place. Nous avons signé énormément d'accords cette année avec les syndicats, beaucoup plus que les gens ne le croient, et que petit à petit quand même les choses évoluent. L'idée de cette grève brutale qui est un moyen de faire pression sur le Gouvernement, surtout ça n'a fait aucune pression sur le Gouvernement en l'occurrence, est un petit peu de l'ordre du passé.
 
Nous sommes avec X. Darcos jusqu'à 9 heures, ministre de l'Education nationale. On a parlé de cette organisation, ce droit de grève. Est-ce que vous vous l'attendiez ? Vous êtes parent d'élève, 3216, rmc.fr ; vous êtes prof, dites-nous aussi comment vous ressentez cela. D'ailleurs, faire passer une réforme comme celle-là dans la torpeur estivale, est-ce que ce n'est pas un peu malhonnête intellectuellement ? Pourquoi le faire, là, en urgence, vous pouvez pas le faire à la rentrée, quand les profs sont là ?
 
Ecoutez, quelle serait la différence ?
 
La différence c'est qu'ils auraient pu manifester.
 
Oh, ben écoutez, rassurez-vous, d'abord nous avons annoncé ça très tôt et puis je vais me permettre de vous rappeler que le président de la République s'est exprimé dès le mois de mai sur cette question. Nous avons dit que nous le ferions rapidement parce que nous voulons qu'à la rentrée, au 1er septembre, le dispositif existe. Il n'y avait aucune volonté de cacher quoi que ce soit. D'ailleurs, je ne crois pas qu'on puisse me reprocher de cacher...
 
...hier, D. Migaud nous disait, « les réformes importantes on les fait en été ».
 
Je ne sais pas. En tous les cas, la session parlementaire prolongée a permis d'aller jusqu'au bout des réformes que nous avions engagées. La question n'est pas de savoir si on se cache ou pas parce que on ne se cache pas dans cette affaire. La question est de savoir si les réformes avancent. Finalement, le sarkozysme c'est quoi ? C'est mettre en adéquation sa parole et son action. Et je trouve que les Français, au fond, sont certainement satisfaits de voir que nous ne faisons pas simplement des rodomontades, des affirmations, des principes, des discours, mais quand on a dit une chose, on la fait. Et je peux vous dire qu'à l'Education nationale, c'est un peu ce qui s'est perçu cette année et qu'au fond, l'opinion n'est pas dupe de tout cela et qu'elle approuve cette énergie.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 5 août 2008