Déclaration de M. Bernard Laporte, secrétaire d'Etat aux sports, à la jeunesse et à la vie associative, sur les priorités de la France en matière de jeunesse et de sport dans le cadre de la politique européenne, Paris le 15 juillet 2008.

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Circonstance : Audition par la Commisssion culture-éducation du Parlement européen à Bruxelles le 15 juillet 2008

Texte intégral


Madame la Présidente,
Madame et Messieurs les vice-Présidents,
Mesdames et Messieurs les Députés européens,
La douzième Présidence française du Conseil de l'Union européenne me donne aujourd'hui l'occasion de vous présenter les priorités du gouvernement français, pour les six mois à venir en matière de jeunesse et de sports et je m'en réjouis vivement.
La politique européenne dans ces deux secteurs se trouve - comme vous le savez - à des stades d'avancement très différents. La "jeunesse" est une compétence européenne et des chantiers d'ampleur ont déjà été lancés au cours des dernières années. Le "sport", quant à lui, n'est pas encore une compétence européenne mais nous avons tous pour ambition d'y parvenir à brève échéance.
C'est donc tout naturellement que je commencerai mon propos par les questions touchant à la politique européenne en faveur de la jeunesse, sur lesquelles la France s'est beaucoup investie depuis plusieurs années.
Je rappellerai que la Présidence française de 2000 a lancé les "Etats généraux de la jeunesse européenne" qui ont débouché sur la rédaction du livre blanc de la Commission intitulé "Un nouvel élan pour la jeunesse". C'est à la suite de ces initiatives, par sa résolution du 27 juin 2002, que le Conseil Education-Jeunesse a doté l'Union européenne d'un nouveau cadre européen de coopération politique dans le domaine de la jeunesse et adopté une politique fondée sur quatre priorités : participation, information, volontariat et recherche.
En 2005, avec l'Allemagne, l'Espagne et la Suède, la France a également été à l'origine du "Pacte européen pour la jeunesse". Elle a ainsi voulu placer les jeunes au coeur des politiques économiques et sociales de l'Union en privilégiant l'insertion sociale et professionnelle, l'éducation, la formation, la mobilité et la conciliation entre la vie familiale, personnelle et professionnelle.
La Présidence française s'inscrit dans la continuité de ces actions ; elle s'est donnée trois priorités.
Première priorité : permettre aux jeunes d'être acteurs et vecteurs du dialogue interculturel.
Dans ce cadre, nous avons invité 150 jeunes venus de 50 pays à débattre lors de l'événement "jeunesse" qui s'est tenu, à Marseille, la semaine dernière. Pour la première fois, étaient réunis des jeunes issus des Etats membres de l'Union, de l'AELE, des pays des Balkans et du pourtour méditerranéen.
Sachez que, durant ces cinq jours, les débats ont été d'une très grande richesse et se sont traduits par des propositions concrètes que j'ai recueillies, en présence de M. Jan Figel et de Mme Schwartzmayr, présidente du "Forum européen pour la jeunesse".
Deuxième priorité de la Présidence française qui s'ouvre : élargir la coopération en matière de jeunesse au domaine de la santé et du bien-être.
La santé et le bien-être des jeunes sont un élément essentiel de leur intégration sociale et de leur participation. Mon objectif est qu'un projet de résolution relatif à la santé et au bien-être des jeunes soit présenté au Conseil afin d'encourager l'adoption de stratégies nationales et de développer l'échange de bonnes pratiques entre Etats membres.
Enfin, la dernière priorité dans le secteur de la jeunesse sera de soutenir la création d'un espace européen des jeunes volontaires en développant leur mobilité
Les expériences de volontariat sont réellement une chance pour les jeunes qui quittent trop tôt le cursus scolaire. Elles leur permettent d'acquérir les compétences qu'ils n'ont pu gagner dans le système d'éducation formelle. Elles sont aussi une chance pour le développement de la solidarité au sein de l'Union européenne.
C'est pourquoi la Présidence française soutient pleinement l'initiative de la Commission européenne et s'attachera à faire adopter par le Conseil une recommandation portant sur la mobilité des jeunes volontaires.
Evoquons à présent la question du sport. Comme je le rappelais au début de mon intervention, le secteur du sport est, du point de vue européen, un terrain encore en friches sur lequel nous devons commencer à construire les fondations d'un édifice durable. Le défi est grand mais à la hauteur de la place occupée aujourd'hui par le sport dans notre société.
Je suis optimiste. Si nous regardions un instant en arrière, nous verrions à quel point le travail accompli depuis deux ans a été important.
Et je tiens d'abord à saluer les parlementaires européens qui ont su prendre leurs responsabilités en exprimant clairement leur position, en mars 2007, sur l'avenir du football professionnel et, plus récemment, sur les principaux enjeux d'une politique européenne du sport, à la suite du rapport de Manolis Mavromatis. Je rends aussi hommage à la Commission européenne dont le "Livre blanc" a permis d'éclairer notre chemin.
Ce chemin, il nous appartient maintenant de le tracer plus précisément. C'est tout le sens du message délivré jeudi dernier par le président Sarkozy devant le Parlement européen. Sa conviction, sur un sujet comme le sport qui transcende les clivages politiques, c'est qu'il doit y avoir en Europe une "exception sportive" comme il y a une "exception culturelle". Je la partage.
Des aménagements spécifiques pour le sport sont déjà reconnus par la Commission européenne, que l'on pense aux règles de composition des équipes nationales ou à celles liées à la lutte contre le dopage, par exemple. Il faut aller beaucoup plus loin. C'est d'ailleurs ce à quoi nous invite le Livre blanc européen sur le sport comme le traité de Lisbonne. Ils se référent à une spécificité sportive, à la nécessaire recherche de l'équité dans les compétitions sportives européennes et à la place centrale du sport dans la formation et l'éducation.
Entendons-nous bien. Le sport ne peut, ni ne doit se résumer à une activité économique. Mais il ne s'agit pas non plus de promouvoir une exception générale au droit communautaire et de faire bénéficier le sport d'une sorte d'extraterritorialité. Le droit communautaire s'applique au sport, bien entendu. Il s'agit simplement, lorsque toutes les conditions sont réunies, de poser des aménagements pour préserver la spécificité du sport.
Pour la Présidence française qui s'ouvre, dans la continuité des travaux engagés depuis un an et suivant les perspectives offertes par le Traité de Lisbonne, nous avons retenu trois objectifs : mettre en valeur le rôle sociétal du sport, souligner sa place dans le développement économique et contribuer à sa bonne gouvernance.
Mais au-delà, ce qui me paraît essentiel pour la reconnaissance d'une exception sportive, c'est que nous ne nous contentions pas du confort des schémas établis et que nous fassions réellement preuve d'audace.
C'est pourquoi je fais de la présence dans les clubs d'une proportion minimale de joueurs sélectionnables dans l'équipe nationale du pays, ce que l'on appelle parfois dans le football la règle du "6 + 5", ma priorité pour la présidence française. Je souhaite, de manière complémentaire, que l'on trouve les moyens d'interdire le recrutement et le transfert des plus jeunes joueurs.
Pourquoi ce choix ? Le constat, Mesdames, Messieurs les Députés, me paraît clair ; nous pouvons le dresser ensemble :
- de nombreux clubs sont systématiquement pillés sans avoir pu retirer les fruits des années consacrées, avec générosité, à former les jeunes sportifs ; comment pourra-t-on leur demander de poursuivre durablement cet effort ?
- de très jeunes sportifs, européens ou non-européens, sont déracinées et se retrouvent, pour la plupart, en situation d'échec, sans solutions de repli ; est-ce bien l'avenir que nous souhaitons pour nos enfants ?
- de plus en plus de clubs, tout aussi déracinés, ne comptent plus aucun joueur de la ville ou de la région, parfois même du pays auquel ils appartiennent ; comment peut-on se reconnaître dans des joueurs qui ne sont que de passage ou des clubs qui ont perdu leur identité ?
- certaines compétitions européennes se jouent chaque année entre cinq ou six clubs et perdent ainsi une partie de l'incertitude qui fait l'intérêt de toute compétition sportive ; doit-on ainsi se résigner à l'absence définitive des phases finales des compétitions de clubs de football belges, tchèques, hollandais, hongrois, autrichiens, ...ou français qui remportaient encore des succès au cours des dernières décennies ?
- des équipes nationales sont en déclin parce que la plupart des joueurs nationaux sont sur le banc de touche ou dans des divisions inférieures ; nous avons été alertés par la non-qualification de l'Angleterre pour l'Euro 2008 de football alors que ses clubs remporte régulièrement les compétitions européennes ; l'ancien sélectionneur d'une équipe nationale que je suis pourrait dresser le même constat s'agissant des faiblesses du rugby français.
On me rétorque parfois que ces évolutions sont inéluctables. Je suis issu du sport professionnel et donc bien conscient que nous ne pouvons pas revenir à une conception du sport qui prévalait au milieu du siècle dernier. Mais je n'oublie pas ce que je dois au sport, à mes clubs et à mes éducateurs dans ma formation d'homme. Le sport doit continuer à porter ces valeurs et nous devons continuer à les défendre parce qu'elles sont utiles à la société comme l'ont rappelé le "Livre blanc" de la Commission ou les résolutions du Parlement européen.
Nous devons, dès lors, nous poser les questions suivantes :
- voulons-nous vraiment défendre nos clubs formateurs ?
- voulons nous réellement protéger les très jeunes sportifs ?
- souhaitons nous traiter le problème dramatique des jeunes sportifs africains très souvent livrés à eux-mêmes à leur arrivée en Europe ?
- voulons nous renforcer l'intérêt des grands championnats nationaux et des compétitions européennes ?
Si nous partageons ces objectifs, ce n'est pas dans dix ans que nous devrons agir, c'est maintenant et ensemble.
Comment pouvons nous y parvenir et faire reconnaître l'exception sportive, par exemple dans le cas de la règle du "6 + 5" ou de tout autre dispositif similaire applicable à d'autres sports ?
Je suis bien conscient des difficultés en l'état actuel des textes et de la jurisprudence. Nous aurons sur cette question, comme sur beaucoup d'autres, à arbitrer entre des principes fondateurs de l'Union européenne comme la libre circulation des personnes, auxquels nous sommes bien sûr attachés, et des objectifs tels que la formation et la protection de nos jeunes sportifs ou la préservation de l'intérêt des compétitions sportives, que nos concitoyens jugent tout aussi essentiels et légitimes. Je considère qu'il appartient aux responsables politiques que nous sommes de dire clairement l'importance que nous accordons à ces objectifs, d'affirmer qu'ils sont légitimes et qu'ils contribuent au rayonnement et à la diversité du sport de chaque pays européen. Un dispositif prévoyant, dans chaque club, une proportion minimale de joueurs sélectionnables dans l'équipe nationale ne me paraît donc, a priori, ni déraisonnable ni disproportionné au regard des objectifs spécifiques recherchés.
Il nous appartient aussi de veiller à ce que les solutions qui seront retenues ou encouragées soient réellement efficaces. Nous devons donc nous méfier de demi-mesures qui n'atteindront pas les objectifs poursuivis. C'est pourquoi, par exemple, tout en reconnaissant qu'il s'agit d'une avancée notable, j'ai exprimé mon scepticisme sur la règle dite des "home grown players", juridiquement satisfaisante mais à mon avis trop prudente et dont je vois déjà toutes les failles.
Nous avons, dans le domaine du sport, une chance historique de montrer à nos citoyens que nous pouvons réellement et concrètement agir pour eux et répondre à leurs demandes. Ne la manquons pas. C'est tout cas le sens de mon engagement personnel dans les mois à venir et de celui de la Présidence française dans les domaines qui nous sont chers, ceux de la jeunesse et du sport.
Je compte sur la force de votre appui et me tiens à votre entière disposition, durant les prochains mois, pour dialoguer avec vous sur ces sujets essentiels pour l'avenir de notre Union.
Pour conclure, je voudrais rappeler que les 26 et 27 novembre, nous accueillerons avec le Commissaire européen Jan FIGEL le premier Forum européen du sport à Biarritz. Cette manifestation co-organisée par la Commission européenne et la présidence française sera suivie les 27 et 28 novembre de la traditionnelle réunion des ministres des sports. Votre Commission parlementaire sera représentée lors de ces deux manifestations, Madame la Présidente, par les députés européens que vous nous désignerez.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2008